Je ne reviendrai pas sur la qualité et les performances de notre système de santé, que plusieurs de mes collègues ont évoquées. Il demeure, en effet, l'un des meilleurs du monde à bien des égards. Ce n'est pas une raison pour le laisser dériver vers une caricature de lui-même. Le patient doit être remis au centre de notre modèle social, les soins doivent rester à la portée de tous, le droit à la santé doit demeurer universel.
Le texte de loi contre la désertification médicale et pour la prévention, du groupe Socialistes et apparentés, dont mon ami Guillaume Garot est le rapporteur, propose quelques solutions. Bien sûr, un seul texte ne suffira pas pour régler tous les problèmes, mais celui-ci ouvre des pistes qui devraient intéresser le Gouvernement et la majorité, notamment pour ce qui concerne les droits des usagers et la lutte contre la désertification médicale.
L'existence, en France, de déserts médicaux, est une réalité que personne ne nie. Selon la DREES – direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques – , 8 % de la population réside dans une commune sous-dotée en médecins généralistes, au sens d'une accessibilité inférieure à 2,5 consultations par an et par habitant. Faut-il les laisser se débrouiller ? Nous ne nous résoudrons pas à accepter ce que l'on présente comme une fatalité. Le phénomène est réel, visible, prouvé : nous pouvons passer à l'étape suivante et nous demander comment agir.
Le premier levier est l'attractivité des territoires. Les mesures incitatives ont été tentées et ont même été renforcées, cette année, par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. C'est méritoire mais insuffisant. La Cour des comptes l'a constaté dans un rapport de 2017, la direction générale du Trésor – institution dont Guillaume Garot reconnaît le sérieux – en a fait de même dans une note il y a un peu plus d'un mois, les élus locaux le déplorent également. Nous gagnerions à tous le reconnaître. Il subsiste un problème de répartition territoriale que les incitations financières et matérielles n'ont pas suffi à juguler.
Nous comprenons les arguments en faveur de la liberté d'installation des médecins. Loin de nous l'idée de leur faire porter la responsabilité de la désertification médicale. Au contraire, nous devons les intégrer à l'élaboration de nos politiques de soins. Je reconnais d'ailleurs que la dernière loi relative à la santé allait dans le bon sens – vous voyez, je suis aussi capable de faire des compliments. Nous ne proposons pas de mesures punitives, mais tout le monde a droit, dans notre pays, à une offre de soins satisfaisante. Nous devons nous donner les moyens de faire respecter ce droit, ce qui impose de prendre des mesures nouvelles et audacieuses.
Nous avons parlé de déserts médicaux, de zones sous-denses. Or il existe également des zones sur-denses, où l'offre de soins est largement pourvue : certaines grandes villes, certaines communes côtières, certains territoires très touristiques. L'article 1er de cette proposition de loi, qui en était l'un des piliers avant d'être malheureusement supprimé en commission, prévoyait d'encadrer le conventionnement de nouveaux médecins dans ces territoires sur-denses, afin de les inciter à s'installer dans les territoires sous-dotés. Les zones sur-denses auraient été définies à partir d'un indicateur territorial de l'offre de soins.
Lors de l'examen du texte en commission, cette mesure de conventionnement territorial a été largement critiquée, qualifiée tour à tour de coercitive et de marginale – nous ne sommes pas à une contradiction près. Il a été en particulier prétendu que les zones sur-denses n'existaient pas, comme si la France entière était un désert médical. Nous affirmons au contraire qu'elles existent et nous vous proposons justement un indicateur qui permettra de trancher le débat en toute objectivité puisqu'il évaluera très précisément les besoins de soins dans les bassins de vie. Il n'y a pas de raison de repousser cette mesure : si les territoires sur-dotées n'existent pas, comme beaucoup le prétendent, le conventionnement territorial deviendra sans objet, c'est aussi simple que cela.
J'en viens à l'article 2, également supprimé en commission, qui prévoyait de mieux intégrer les usagers dans l'élaboration des politiques de santé, en leur réservant une place au sein des CPTS. Nous soutiendrons le rétablissement de cette mesure juste et surtout simple à instaurer.
Nous saluons l'acceptation sans modification des articles 3 et 4, en espérant qu'ils ressortent indemnes, voire améliorés, des débats en séance. Les lourdes modifications apportées à l'article 5, qui le vident de sa substance, sont regrettables parce que, dans sa rédaction initiale, il était cohérent avec les deux précédents. Le projet s'en trouve déstructuré.
Nous raisonnons trop souvent en silos lorsque nous menons notre politique de soins. Or le manque de communication entre les différents professionnels de santé chargés d'un même patient peut s'avérer dommageable. L'obligation de mettre à jour le dossier médical partagé va de pair avec le développement de la prévention, en particulier à travers la télémédecine, à laquelle nous portons tous un intérêt grandissant. Les articles 3, 4 et 5 prévoient d'ouvrir le chemin à un parcours de soins décloisonné, plus cohérent et plus fluide, dans l'intérêt de tous les Français.
Enfin, l'article 6, avant – hélas – d'être supprimé en commission, tendait à reprendre une mesure que nous avions déjà évoquée lors des débats autour de la loi relative à la santé : les dépassements d'honoraires.
Cette proposition de loi a été vidée de son sens en commission, et nous le regrettons. Le manque d'accès aux soins est un sujet qui mérite d'être débattu à l'Assemblée nationale, et je suis convaincu que le Gouvernement ne cherche aucunement à l'esquiver. M. le secrétaire d'État a été suffisamment clair. Le groupe Socialistes et apparentés soutiendra sans réserve la proposition de notre collègue Guillaume Garot et votera les amendements de rétablissement qu'il défendra en tant que rapporteur.