Nous examinons cet après-midi une proposition de loi défendue par notre collègue Guillaume Garot, profondément remaniée en commission des affaires sociales pour en exclure sa principale disposition. Dans sa version initiale, l'article 1er prévoyait en effet d'instaurer un conventionnement sélectif afin de mieux répartir les médecins libéraux sur notre territoire. Nous aurons l'occasion d'en débattre à nouveau lors de l'examen des amendements visant à le rétablir, mais je voudrais dès à présent donner notre opinion.
L'idée d'un conventionnement sélectif fait débat au sein de notre groupe – comme, d'ailleurs, dans la quasi-totalité des groupes politiques. Pour certains de mes collègues, il s'agit d'appliquer aux médecins libéraux désirant s'installer la même politique de régulation de l'offre que celle qui est imposée à d'autres professionnels de santé comme les pharmaciens. Cette mesure permet aujourd'hui à une immense majorité de nos concitoyens d'accéder à cet acteur de premier recours, installé à souvent quelques minutes seulement de leur domicile.
Cette mesure est également plébiscitée par les Français. Toutefois, pour ma part, je reste convaincue qu'elle se révélerait une mauvaise solution, étant donné que l'actuelle pénurie de médecins généralistes n'épargne aucun territoire. Rien n'indique non plus que les jeunes médecins privés de la possibilité de s'installer dans les zones sur-dotées se rabattront sur les zones déficitaires. Ils préféreront ne pas s'installer plutôt que de le faire contraints et forcés.
La réalité, vous la connaissez aussi bien que moi : c'est la désaffection que subit la médecine générale dès le troisième cycle des études médicales. En 2018, cette spécialité constituait le quarante et unième choix des étudiants, juste avant la médecine du travail. En soutenant de telles mesures coercitives, nous risquons de renforcer encore cette désaffection.
Au-delà de cette réflexion qui l'anime, le groupe UDI, Agir et indépendants se retrouve sur la conviction que l'amélioration de l'accès aux soins passe par une politique volontariste d'aménagement de nos territoires. Certaines zones, et singulièrement les villes moyennes, ont eu le sentiment d'être reléguées au second plan. La crise des gilets jaunes et le grand débat national ont été les révélateurs de leurs attentes.
La pénurie de médecins que nous connaissons est évidemment la conséquence d'un numerus clausus trop restreint. Nous avons tous approuvé, sur ces bancs, sa suppression par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé. Mais on ne peut réduire la question des déserts médicaux au sujet du numerus clausus.
À l'image de la société, les médecins ont changé. La profession s'est féminisée. Hommes et femmes, ceux qui l'exercent aspirent à une meilleure répartition de leur temps entre vie professionnelle et vie personnelle, et souhaitent un cadre de vie qui donne accès aux loisirs, à des commerces de proximité. En un mot, comme l'ensemble des Français, la profession est attachée à une certaine qualité de vie au quotidien.
Redonner envie à nos jeunes médecins de s'installer dans les zones sous-dotées reviendrait au fond à réduire les fractures géographiques et sociales auxquelles notre pays est confronté. C'est tout l'objet de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires, qui avait été constamment demandée par notre groupe depuis le début de la législature. Rappelons que cet organisme a vocation à soutenir les collectivités locales dans leurs actions en faveur de l'accès aux services publics, dans la revitalisation des centres-villes, mais aussi en matière d'accès aux soins.
Il s'agit, j'en conviens, d'une entreprise de longue haleine. Mais pour remédier aux fractures françaises, ce rééquilibrage en vue d'adapter et surtout de territorialiser davantage nos politiques publiques est essentiel. Vous pourriez objecter que nous ne verrons les résultats de la réforme des études médicales que dans une décennie ; le projet de loi santé avait essuyé la même critique.
Au-delà du conventionnement sélectif que soutenait une partie de mes collègues lors de l'examen du projet de loi santé, nous avons proposé une meilleure répartition des tâches entre professionnels de santé, afin de soulager les médecins et de leur redonner du temps médical utile. Nous avons soutenu le principe d'un stage obligatoire en zone sous-dense pour les étudiants en médecine de troisième cycle, ainsi que le dispositif de régularisation des médecins étrangers, étendu à notre initiative aux étrangers déjà résidents. À ce sujet, monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous indiquer où en est la procédure de régularisation des PADHUE – praticiens à diplôme hors Union européenne ?
Nous accueillons favorablement les dispositions de la proposition de loi en faveur d'une plus grande démocratie sanitaire ou du déploiement du dossier médical partagé.