Le groupe La France insoumise remercie vivement le groupe Socialistes et apparentés, et en particulier M. Guillaume Garot, pour son combat contre les déserts médicaux.
Les inégalités d'accès à la santé sont criantes ; elles s'aggravent et vont encore s'aggraver dans les années à venir si nous ne faisons rien. Entre 2012 et 2016, 38 % des Français ont vu se restreindre leur accès aux ophtalmologistes, 40 % aux pédiatres, 59 % aux gynécologues. Ces chiffres concernent les spécialistes ; mais 15 millions d'usagers vivent dans un territoire où le nombre de généralistes est notoirement insuffisant.
Les communes rurales et les périphéries des villes sont les plus touchées, de façon structurelle. Dans les zones rurales de notre pays, la population vieillit ; ses besoins augmentent ; elle subit pourtant de plein fouet le départ de nos médecins de campagne.
Cette désertification médicale, combinée aux contractions dramatiques des moyens attribués à l'hôpital public, conduit l'ensemble des services d'urgence à des situations de rupture, comme on le sait maintenant si bien. Depuis le début du mois d'octobre, 22 enfants touchés par l'épidémie de bronchiolite ont dû être transférés de Paris vers des établissements d'autres régions ! Par ailleurs, la santé coûte de plus en plus cher ; les cas de non-recours aux soins se multiplient.
C'est dans ce contexte d'extrême tension que nous discutons aujourd'hui de la désertification médicale. Face aux pénuries de médecins, aux délais de rendez-vous scandaleusement longs, certains appellent à des mesures incitatives. Mais les faits sont têtus : les nombreuses mesures incitatives de ces dernières décennies – majorations de revenus, exonérations d'impôts… – n'ont pas fonctionné. Toutes furent des échecs.
Un exemple est particulièrement parlant : entre 2007 et 2010, la majoration de 20 % des honoraires des généralistes libéraux exerçant en groupe dans des zones sous-dotées a coûté 63 millions d'euros et valu à ces zones un apport net de 50 médecins !
Au contraire, les mesures de régulation des installations sont très efficaces. Elles existent pour les pharmaciens, les sages-femmes, les infirmiers et les masseurs-kinésithérapeutes. Le conventionnement pour les sages-femmes a par exemple permis, entre 2010 et 2016, de ramener de 28 % à seulement 10 % la part des installations en zones sur-dotées. Notre groupe s'est donc réjoui de l'article 1er de cette proposition de loi, où nous voyons l'unique solution pour permettre une régulation.
Venons-en à la télémédecine, qui fera également l'objet de nos débats cet après-midi. Premièrement, nous nous préoccupons des dérives déshumanisantes qu'elle induit. Le modèle de société auquel nous sommes attachés ne passera jamais par un recul des contacts humains. Deuxièmement, le recours à la téléprévention est défini par le texte d'une façon très large, qui ne nous semble pas garantir que des soins ne seront pas apportés par cette voie. Or nous nous opposons à ce que les patients soient victimes d'une contraction financière généralisée et bénéficient de soins à géométrie variable, en fonction de leur lieu d'habitation ou de leurs revenus.
En revanche, nous tenons particulièrement à exprimer notre soutien à l'article 6, qui limite les dépassements d'honoraires. L'an dernier, selon un sondage réalisé par BVA, sept Français sur dix ont renoncé au moins une fois à se soigner. C'est une honte ! Notre groupe a d'ailleurs déposé, à l'initiative de Caroline Fiat, une proposition de loi visant à mettre fin à ces dépassements.
La santé est un droit fondamental : l'accès aux soins devrait être garanti à tous, sur l'ensemble du territoire. Or, à nos yeux, l'exercice libéral n'assure pas un service public de santé digne de ce nom. Liberté d'installation, liberté tarifaire, possibilité d'exercer en solitaire et remboursements diminués pour les usagers vont à l'encontre de l'égalité d'accès à des services de qualité.
C'est pourquoi notre groupe préconise la mise en place progressive d'un corps de généralistes fonctionnaires, rémunérés durant leurs études. La santé est un bien commun : l'exercice de la médecine de ville doit revenir dans le giron de l'État. Une telle mesure répondrait d'ailleurs au désir des nouveaux médecins d'une vie dont les parts personnelle et professionnelle soient mieux équilibrées.
Enfin, nous regrettons que cette proposition de loi soit examinée dans un contexte d'austérité budgétaire qui, en supposant qu'elle soit adoptée, réduira sa portée comme peau de chagrin.
En résumé, nous tenons à saluer l'effort du groupe Socialistes et apparentés pour imposer une régulation des installations et lutter contre les dépassements d'honoraires. Mais parce que nous sommes opposés à la téléprévention telle que la définit ce texte, et surtout parce qu'en commission, en supprimant l'article 1er, la majorité a vidé cette proposition de loi de son contenu, donc de son sens, nous nous abstiendrons – du moins si les votes de suppression restent conformes aux votes en commission.