Intervention de Isabelle Valentin

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Lutte contre la désertification médicale et prévention — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Valentin :

Dans les années à venir, un médecin sur deux aura plus de 60 ans. La médecine générale est peu valorisée et attire peu de jeunes – 8 %. Si nous ne prenons pas de mesures efficaces, les problèmes vont s'accentuer.

Si les dispositions relatives à la prévention et à la télémédecine contenues dans l'article 4 de la proposition de loi présentent un réel intérêt, en revanche, le conventionnement sélectif, l'obligation de remplir le dossier médical partagé sous peine de déconventionnement ou encore la limitation du dépassement d'honoraires à 50 % du tarif de la sécurité sociale sont des mesures relevant de la pure administration de la médecine libérale. C'est pourquoi cette proposition de loi n'est pas acceptable en l'état, car elle met l'accent sur le volet répressif plutôt que sur les volets incitatif et préventif ou sur l'innovation.

L'article 1er encadre l'installation des médecins dans les zones sur-denses et prépare l'instauration d'une nouvelle réglementation d'exercice et d'installation pour l'ensemble des médecins généralistes et spécialistes : il semble donc porter atteinte au caractère libéral de la profession, en contraignant les médecins à s'installer dans les zones sous-denses.

Le conventionnement sélectif des médecins risque d'avoir des effets secondaires involontaires allant à l'encontre de l'objectif visé : les jeunes médecins risquent d'abandonner la médecine générale, qui est déjà le parent pauvre de la médecine, et de s'installer, malgré le déconventionnement, dans les zones sur-denses, où ils choisiront le secteur 3 et pratiqueront les honoraires qu'ils souhaiteront, ce qui fait courir le risque d'une médecine à deux vitesses.

La suppression du numerus clausus produira ses effets dans quinze ans. Les jeunes médecins sont attachés à leur projet de vie ; la féminisation de la profession et le souhait de travailler en équipe sont des éléments à prendre en considération. En effet, si un médecin ne peut pas choisir son lieu d'installation, il y a un grand risque que son implantation ne soit pas durable.

Dans mon département de la Haute-Loire, les effets de la pénurie de médecins se font de plus en plus sentir. Les petits villages sont les plus touchés : les médecins qui en partent sont rarement remplacés. Des médecins et des dentistes diplômés hors de l'Union européenne ne peuvent pas s'installer dans notre pays, bien que nous manquions cruellement de professionnels de santé. Un assouplissement des règles d'exercice et des procédures d'autorisation des praticiens diplômés hors de l'Union européenne mériterait d'être étudié. La validation des compétences après un an d'exercice dans une structure médicale en France pourrait être une solution intéressante pour favoriser l'installation de professionnels de santé.

Pour remédier à ce problème, la région Auvergne-Rhône-Alpes propose une aide de 200 000 euros par maison de santé créée en vue de lutter contre la désertification médicale. Avec quatre-vingts nouveaux établissements, le nombre des maisons de santé dans la région a été presque doublé en trois ans. Si ces nouvelles structures ne constituent pas la solution miracle, ce sont des outils prometteurs pour lutter contre la désertification médicale avec l'ensemble des professionnels de santé.

Nous avons également mis en place des cabinets médicaux mobiles, qui vont sillonner la région. À titre d'expérimentation, quatre bus médicaux, rattachés à des centres de santé, parcourront les villages privés de médecins généralistes. Ce dispositif a été imaginé par un chef d'entreprise en liaison avec des professionnels de santé.

Voilà deux mesures qui sont des exemples concrets de lutte contre la désertification médicale.

Si la loi de 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a désengorgé les hôpitaux, elle a aussi surchargé les professionnels de santé de ville et les services d'aide à la personne, sans aucune revalorisation financière de leur travail. Nous devons impérativement nous pencher sur la révision de la nomenclature des infirmiers libéraux et sur le remboursement des frais kilométriques pour les professionnels de santé et les services d'aide à domicile, dont le statut doit être revalorisé.

En l'état, la proposition de loi ne traite pas du coeur du problème et n'est pas à la hauteur de l'enjeu majeur qu'est la pénurie de médecins dans certains territoires. Celle-ci n'ira qu'en s'accentuant dans les années à venir si nous ne prenons pas des mesures concrètes, en accord avec les professionnels de santé. C'est pourquoi le groupe Les Républicains s'abstiendra lors du vote de la proposition de loi.

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