Intervention de Ludovic Pajot

Séance en hémicycle du jeudi 12 décembre 2019 à 15h00
Lutte contre la désertification médicale et prévention — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Pajot :

C'est un fait incontestable : dans de nombreux territoires, la démographie médicale chute dangereusement, entraînant avec elle la quasi-disparition de l'offre de soins. Cette désertification médicale touche aussi bien la médecine générale que la médecine de spécialité. Il est désormais courant, pour les patients en zone rurale, de devoir attendre près d'une année pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste – un ophtalmologue, par exemple – , quand ce praticien n'a pas tout simplement disparu du territoire, souvent à l'occasion d'un départ en retraite non remplacé. Dans mon département du Pas-de-Calais, plus d'un médecin généraliste sur deux refuse de nouveaux patients en qualité de médecin traitant, la plupart du temps en raison d'une patientèle déjà trop importante ou pour cause de départ à la retraite.

La pratique libérale n'est pas la seule concernée par ce phénomène : au sein de l'hôpital public, le taux de vacance des postes atteint 30 %, ce qui entraîne des dysfonctionnements graves au sein des services – quand ceux-ci ne ferment pas, comme ce fut le cas du service de cardiologie de l'hôpital de Béthune-Beuvry.

Nous sommes confrontés à une véritable crise qui entraîne de profondes disparités : d'un côté, des territoires essentiellement urbains sur-dotés, où les médecins pratiquent bien souvent des dépassements d'honoraires ; de l'autre, des zones plutôt rurales, dites sous-denses, qui deviennent en réalité de véritables déserts médicaux. Cela fait des années que nous assistons à ce phénomène, qui risque encore de s'aggraver, puisque le pic de la crise de la démographie médicale est attendu entre 2021 et 2025.

Dresser ce constat est important pour comprendre les enjeux du problème, mais les hommes publics que nous sommes ne peuvent se limiter à cela. Nous devons apporter des solutions concrètes à nos compatriotes qui souffrent de cette situation. La lutte contre la multiplication des déserts médicaux doit devenir une priorité nationale afin de maintenir une cohésion territoriale déjà fragilisée. Ce combat, soyons réalistes, sera long ; encore faut-il tâcher de s'y atteler rapidement.

Un certain nombre de dispositifs ont d'ores et déjà été tentés : le contrat d'engagement de service public, le pacte territoire santé, le contrat de praticien territorial médical de remplacement, le contrat type national d'aide à l'installation des médecins, le contrat de stabilisation et de coordination pour les médecins, le contrat de solidarité territoriale médecin, l'exonération d'impôt au titre de la permanence des soins ambulatoires… Je pourrais continuer la liste, qui n'est pas exhaustive. Tout cela démontre la bonne volonté des pouvoirs publics, mais aussi leur inefficacité, étant donné la situation actuelle de nos territoires.

La bataille contre les déserts médicaux ne sera gagnée qu'au prix d'une politique globale. Certes, il faut davantage miser sur les jeunes, internes et médecins, et les inciter à venir dans les territoires ruraux qui souffrent de la désertification ; c'est d'ailleurs une mesure que nous proposerons prochainement. Pourtant, même si certains dispositifs coercitifs peuvent s'entendre, ceux-ci ne sauraient constituer l'unique réponse au problème. La jeune génération de médecins ne sera attirée par ces territoires que s'ils y trouvent un panel complet de services publics, une desserte ferroviaire, des commerces de proximité, un dynamisme économique… Bref, tout ce qui tend à disparaître, et ce malgré le fait que nous tirons depuis longtemps la sonnette d'alarme. Faire salarier des médecins par les collectivités locales peut être une solution de substitution, mais ne peut représenter une réponse à long terme.

La désertification médicale n'est pas une fatalité. Comme pour d'autres phénomènes mortifères, la solution réside dans la revitalisation de nos territoires. Impulsons enfin les dynamiques nécessaires et nos compatriotes auront de nouveau accès à une offre de soins de proximité et de qualité.

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