Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 9h05
Commission élargie : finances - affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les députés c'est un honneur pour moi de venir échanger avec vous tous sur le budget de l'emploi et de la formation professionnelle.

Je tiens d'abord à souligner que ce budget est indissociable des transformations structurelles que le Gouvernement souhaite engager. Le 6 juin 2017, nous avions annoncé, avec le Premier ministre, la réforme du droit du travail et le lancement d'un grand plan d'investissement pour les compétences et la formation professionnelle, dont l'articulation se fera en cohérence avec les grandes réformes à venir sur l'apprentissage, la formation professionnelle et l'assurance chômage.

Comme vous le savez, deux maîtres mots, que vous retrouverez à travers leur traduction budgétaire, guident notre action : protéger et libérer.

Une étape importante a été récemment franchie avec la publication des cinq ordonnances « travail », à l'issue d'une phase intense de concertation et de discussion parlementaire. La semaine prochaine, en commission des affaires sociales, nous examinerons le projet de loi de ratification. Une nouvelle étape vient de s'ouvrir avec l'engagement des discussions relatives à la formation professionnelle, l'apprentissage et l'assurance chômage.

À travers tout cela, nous voulons redonner à notre modèle social sa valeur protectrice contre le chômage, en particulier le chômage des jeunes, et contre la précarité des salariés, mais aussi libérer la formation dans les entreprises, libérer l'apprentissage d'un certain nombre de freins qui l'empêchent de se développer, libérer les salariés et les demandeurs d'emploi de la complexité du système de formation professionnelle, qui les empêche d'accéder à ce qui est essentiel pour leur parcours professionnel, pour leur protection contre le chômage et pour leur liberté de choix dans la vie professionnelle.

À l'appui de ces mouvements, le budget 2018 de la mission « Travail et emploi » porte une transformation profonde des modalités d'intervention sur le marché du travail, avec des choix assumés de réallocation de nos moyens, notamment des contrats aidés vers l'effort de formation pour les peu qualifiés, jeunes ou demandeurs d'emploi.

Ce budget marque aussi, et je tiens à ce choix, une bascule du traitement statistique du chômage vers une politique de résultats fondée sur l'accompagnement et la formation des demandeurs d'emploi, et sur une mise en oeuvre effective du principe de solidarité en faveur des publics et territoires qui le nécessitent le plus.

C'est en cohérence avec les mesures générales prises par le Gouvernement en matière de coût du travail et de pouvoir d'achat présentées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment sur les cotisations sociales et sur la suppression des cotisations d'assurance chômage pour les salariés. Elles s'ajoutent à l'effort déjà très important réalisé sur le budget de l'emploi, avec la compensation de plus de quatre milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales déployées au bénéfice de publics et de secteurs d'activité identifiés comme nécessitant un effort particulier de l'État.

Je n'aurai pas le temps de revenir sur chacune des lignes de ce budget dans mon propos liminaire, mais vos questions m'en donneront sans doute l'occasion par la suite. Pour l'heure, je veux insister sur certains points majeurs. Le premier est le plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui est sans précédent.

Ce plan représente un effort budgétaire majeur de 14,6 milliards d'euros sur la durée du quinquennat, incluant la garantie jeunes. Il trouve sa traduction dès le projet de loi de finances pour 2018 à hauteur de 1,25 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 0,93 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).

Ce plan est sans précédent, en termes d'accès à des formations certifiantes et qualifiantes pour les jeunes et pour les demandeurs d'emploi. L'objectif est de franchir un seuil de 100 000 bénéficiaires de Garantie jeunes en 2018. Ce sont ainsi un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et un million de jeunes supplémentaires, notamment des décrocheurs, qui seront formés et accompagnés à l'horizon 2022.

Parallèlement, les dispositifs d'insertion sont recentrés, dans un objectif d'efficacité, sur les personnes les plus éloignées de l'emploi. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Jean-Marc Borello, qui me rendra ses conclusions d'ici à la fin de l'année. Il est en effet essentiel que l'innovation sociale puisse être mise au service de la lutte contre l'exclusion du marché du travail. C'est pourquoi nous avons fait des choix.

C'est ainsi que les contrats aidés, dont l'enveloppe est resserrée pour 2018 à hauteur de 200 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) dans le secteur non marchand pour un budget de 1,45 milliard d'euros s'inscrivent dans ce contexte. Ils seront recentrés sur les personnes entièrement en difficulté, mais surtout sur des employeurs qui vont mener une véritable politique d'accompagnement, d'insertion et de formation, permettant d'obtenir de véritables résultats pour les personnes éloignées de la qualification, et non pas leur donner de faux espoirs.

Il s'agit de revenir à ce qui était leur première ambition, à savoir l'insertion professionnelle durable, lorsqu'il s'agit de personnes rencontrant des difficultés d'accès persistantes au marché du travail.

L'effort exceptionnel en faveur du financement de 71 000 aides au poste pour le secteur de l'insertion par l'activité économique sera ainsi consolidé en 2018 pour 822 millions d'euros. Par ailleurs, nous assurerons le financement de 1 000 aides au poste supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2017.

L'État contribuera pour 1,457 milliard d'euros au fonctionnement de Pôle emploi – ce qui représente 10 % du budget des programmes 102 et 103, sachant que Pôle emploi bénéficie par ailleurs de ressources dynamiques assises sur la masse salariale, à travers l'UNEDIC, dont nous reparlerons.

L'allocation de solidarité spécifique, qui compte pour 2,4 milliards d'euros dans le budget de la mission emploi verra son financement réformé à partir de 2018 : la contribution exceptionnelle de solidarité (CES) sera supprimée et compensée par des crédits budgétaires. Il n'y aura donc aucune perte pour les bénéficiaires de ce minimum social.

Enfin, le modèle d'intervention doit permettre d'anticiper un certain nombre d'actions spécifiques, et notamment d'activité partielle, avec 112 millions d'euros provisionnés cette année. Le financement sera globalisé sur le champ de l'intervention des services déconcentrés de l'État en matière d'appui aux filières, branches et entreprises, pour leur permettre d'adapter au mieux les réponses de l'État aux enjeux de nos territoires. Nous allons vers une fongibilité déconcentrée des dispositifs, qui vont être beaucoup plus proches des réalités du terrain. Cette fongibilité sera évidemment encadrée. Je pense qu'elle permettra d'être plus efficace.

Concernant le programme 111, le projet de budget traduit aussi une cohérence avec nos réformes. En matière de politique du travail, les nouvelles dispositions seront accompagnées par des modifications. Un renouvellement de la convention triennale portant sur la subvention de l'État 2018-2020 pour le fonds de financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs portera sur 97,8 millions d'euros en AE.

Les crédits dédiés à la santé et à la sécurité au travail s'élèvent à 24,1 millions d'euros. Le financement de la formation des conseillers prud'homaux est doublé afin d'appuyer le renouvellement des 14 512 conseillers prud'homaux nommés en décembre 2017. Par ailleurs, le programme 111 est chargé de la mise en place du nouveau dispositif du défenseur syndical pour 7,8 millions d'euros.

Enfin, les projets de mesure des audiences syndicales et patronale connaissent une année basse en 2018 avec 2,4 millions d'euros liée à la fin du cycle 2013-2016. Je pense que le dispositif est aujourd'hui stabilisé.

Je n'oublie pas enfin que le projet de budget que je défends devant la représentation nationale porte aussi les supports budgétaires des femmes et des hommes qui travaillent dans le département ministériel dont j'ai la responsabilité, avec le programme budgétaire 155 de soutien aux politiques du travail et de l'emploi. Ce programme porte en effet les 9 250 emplois de l'administration centrale et des services déconcentrés du ministère. Les travaux que nous mènerons dans les prochaines semaines dans le cadre du chantier gouvernemental Action publique 2022 nous aideront à identifier les évolutions de missions nécessaires dans ce contexte.

En conclusion, j'espère, mesdames, messieurs les députés, vous avoir convaincus de la cohérence de ce projet de budget de la mission « Travail et emploi » avec les choix profonds qui sont faits. Ils permettront de concentrer l'action des services sur des dispositifs reconnus comme ayant fait leurs preuves, et de progresser dans la lutte contre le chômage à travers un investissement massif dans les qualifications, ce qui est le but partagé du Gouvernement et de la représentation nationale.

Au moment où la croissance repart et où il y a partout des métiers en tension, nous avons l'opportunité, en faisant un investissement sans précédent, de mettre le pied à l'étrier à de très nombreux jeunes et demandeurs d'emploi, tout en répondant aux besoins de recherche de compétences, et donc de réussite et de croissance des entreprises françaises.

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