COMMISSION ÉLARGIE
(Application de l'article 120 du Règlement)
Mardi 31 octobre 2017
Présidence de M. Laurent Saint-Martin, vice-président de la commission des finances, et de Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales
La réunion de la commission élargie commence à neuf heures cinq.
projet de loi de finances pour 2018
Travail et emploi
Madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux de vous accueillir avec Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires sociales.
Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits du projet de loi de finances pour 2018, consacrés à la mission « Travail et emploi ».
Je vous rappelle les règles de nos commissions élargies telles qu'arrêtées par la conférence des présidents.
Nous donnerons d'abord la parole à la ministre pour dix minutes, puis aux rapporteurs des commissions, qui interviendront chacun pour cinq minutes. Après la réponse du ministre aux rapporteurs, nous continuerons avec les questions, en commençant par celles des orateurs des groupes. Je précise que la question, comme la réponse, ne doivent pas dépasser deux minutes. Comme il y a beaucoup de questions, je vous prie par avance de bien vouloir respecter le temps imparti, de sorte que ce débat soit vraiment interactif et que tout le monde puisse prendre la parole.
Je me contenterai de saluer madame la ministre. Et je vous invite à mon tour, chers collègues, à être concis.
Monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame, monsieur les rapporteurs spéciaux, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les députés c'est un honneur pour moi de venir échanger avec vous tous sur le budget de l'emploi et de la formation professionnelle.
Je tiens d'abord à souligner que ce budget est indissociable des transformations structurelles que le Gouvernement souhaite engager. Le 6 juin 2017, nous avions annoncé, avec le Premier ministre, la réforme du droit du travail et le lancement d'un grand plan d'investissement pour les compétences et la formation professionnelle, dont l'articulation se fera en cohérence avec les grandes réformes à venir sur l'apprentissage, la formation professionnelle et l'assurance chômage.
Comme vous le savez, deux maîtres mots, que vous retrouverez à travers leur traduction budgétaire, guident notre action : protéger et libérer.
Une étape importante a été récemment franchie avec la publication des cinq ordonnances « travail », à l'issue d'une phase intense de concertation et de discussion parlementaire. La semaine prochaine, en commission des affaires sociales, nous examinerons le projet de loi de ratification. Une nouvelle étape vient de s'ouvrir avec l'engagement des discussions relatives à la formation professionnelle, l'apprentissage et l'assurance chômage.
À travers tout cela, nous voulons redonner à notre modèle social sa valeur protectrice contre le chômage, en particulier le chômage des jeunes, et contre la précarité des salariés, mais aussi libérer la formation dans les entreprises, libérer l'apprentissage d'un certain nombre de freins qui l'empêchent de se développer, libérer les salariés et les demandeurs d'emploi de la complexité du système de formation professionnelle, qui les empêche d'accéder à ce qui est essentiel pour leur parcours professionnel, pour leur protection contre le chômage et pour leur liberté de choix dans la vie professionnelle.
À l'appui de ces mouvements, le budget 2018 de la mission « Travail et emploi » porte une transformation profonde des modalités d'intervention sur le marché du travail, avec des choix assumés de réallocation de nos moyens, notamment des contrats aidés vers l'effort de formation pour les peu qualifiés, jeunes ou demandeurs d'emploi.
Ce budget marque aussi, et je tiens à ce choix, une bascule du traitement statistique du chômage vers une politique de résultats fondée sur l'accompagnement et la formation des demandeurs d'emploi, et sur une mise en oeuvre effective du principe de solidarité en faveur des publics et territoires qui le nécessitent le plus.
C'est en cohérence avec les mesures générales prises par le Gouvernement en matière de coût du travail et de pouvoir d'achat présentées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment sur les cotisations sociales et sur la suppression des cotisations d'assurance chômage pour les salariés. Elles s'ajoutent à l'effort déjà très important réalisé sur le budget de l'emploi, avec la compensation de plus de quatre milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales déployées au bénéfice de publics et de secteurs d'activité identifiés comme nécessitant un effort particulier de l'État.
Je n'aurai pas le temps de revenir sur chacune des lignes de ce budget dans mon propos liminaire, mais vos questions m'en donneront sans doute l'occasion par la suite. Pour l'heure, je veux insister sur certains points majeurs. Le premier est le plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui est sans précédent.
Ce plan représente un effort budgétaire majeur de 14,6 milliards d'euros sur la durée du quinquennat, incluant la garantie jeunes. Il trouve sa traduction dès le projet de loi de finances pour 2018 à hauteur de 1,25 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 0,93 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).
Ce plan est sans précédent, en termes d'accès à des formations certifiantes et qualifiantes pour les jeunes et pour les demandeurs d'emploi. L'objectif est de franchir un seuil de 100 000 bénéficiaires de Garantie jeunes en 2018. Ce sont ainsi un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et un million de jeunes supplémentaires, notamment des décrocheurs, qui seront formés et accompagnés à l'horizon 2022.
Parallèlement, les dispositifs d'insertion sont recentrés, dans un objectif d'efficacité, sur les personnes les plus éloignées de l'emploi. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Jean-Marc Borello, qui me rendra ses conclusions d'ici à la fin de l'année. Il est en effet essentiel que l'innovation sociale puisse être mise au service de la lutte contre l'exclusion du marché du travail. C'est pourquoi nous avons fait des choix.
C'est ainsi que les contrats aidés, dont l'enveloppe est resserrée pour 2018 à hauteur de 200 000 contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) dans le secteur non marchand pour un budget de 1,45 milliard d'euros s'inscrivent dans ce contexte. Ils seront recentrés sur les personnes entièrement en difficulté, mais surtout sur des employeurs qui vont mener une véritable politique d'accompagnement, d'insertion et de formation, permettant d'obtenir de véritables résultats pour les personnes éloignées de la qualification, et non pas leur donner de faux espoirs.
Il s'agit de revenir à ce qui était leur première ambition, à savoir l'insertion professionnelle durable, lorsqu'il s'agit de personnes rencontrant des difficultés d'accès persistantes au marché du travail.
L'effort exceptionnel en faveur du financement de 71 000 aides au poste pour le secteur de l'insertion par l'activité économique sera ainsi consolidé en 2018 pour 822 millions d'euros. Par ailleurs, nous assurerons le financement de 1 000 aides au poste supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2017.
L'État contribuera pour 1,457 milliard d'euros au fonctionnement de Pôle emploi – ce qui représente 10 % du budget des programmes 102 et 103, sachant que Pôle emploi bénéficie par ailleurs de ressources dynamiques assises sur la masse salariale, à travers l'UNEDIC, dont nous reparlerons.
L'allocation de solidarité spécifique, qui compte pour 2,4 milliards d'euros dans le budget de la mission emploi verra son financement réformé à partir de 2018 : la contribution exceptionnelle de solidarité (CES) sera supprimée et compensée par des crédits budgétaires. Il n'y aura donc aucune perte pour les bénéficiaires de ce minimum social.
Enfin, le modèle d'intervention doit permettre d'anticiper un certain nombre d'actions spécifiques, et notamment d'activité partielle, avec 112 millions d'euros provisionnés cette année. Le financement sera globalisé sur le champ de l'intervention des services déconcentrés de l'État en matière d'appui aux filières, branches et entreprises, pour leur permettre d'adapter au mieux les réponses de l'État aux enjeux de nos territoires. Nous allons vers une fongibilité déconcentrée des dispositifs, qui vont être beaucoup plus proches des réalités du terrain. Cette fongibilité sera évidemment encadrée. Je pense qu'elle permettra d'être plus efficace.
Concernant le programme 111, le projet de budget traduit aussi une cohérence avec nos réformes. En matière de politique du travail, les nouvelles dispositions seront accompagnées par des modifications. Un renouvellement de la convention triennale portant sur la subvention de l'État 2018-2020 pour le fonds de financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs portera sur 97,8 millions d'euros en AE.
Les crédits dédiés à la santé et à la sécurité au travail s'élèvent à 24,1 millions d'euros. Le financement de la formation des conseillers prud'homaux est doublé afin d'appuyer le renouvellement des 14 512 conseillers prud'homaux nommés en décembre 2017. Par ailleurs, le programme 111 est chargé de la mise en place du nouveau dispositif du défenseur syndical pour 7,8 millions d'euros.
Enfin, les projets de mesure des audiences syndicales et patronale connaissent une année basse en 2018 avec 2,4 millions d'euros liée à la fin du cycle 2013-2016. Je pense que le dispositif est aujourd'hui stabilisé.
Je n'oublie pas enfin que le projet de budget que je défends devant la représentation nationale porte aussi les supports budgétaires des femmes et des hommes qui travaillent dans le département ministériel dont j'ai la responsabilité, avec le programme budgétaire 155 de soutien aux politiques du travail et de l'emploi. Ce programme porte en effet les 9 250 emplois de l'administration centrale et des services déconcentrés du ministère. Les travaux que nous mènerons dans les prochaines semaines dans le cadre du chantier gouvernemental Action publique 2022 nous aideront à identifier les évolutions de missions nécessaires dans ce contexte.
En conclusion, j'espère, mesdames, messieurs les députés, vous avoir convaincus de la cohérence de ce projet de budget de la mission « Travail et emploi » avec les choix profonds qui sont faits. Ils permettront de concentrer l'action des services sur des dispositifs reconnus comme ayant fait leurs preuves, et de progresser dans la lutte contre le chômage à travers un investissement massif dans les qualifications, ce qui est le but partagé du Gouvernement et de la représentation nationale.
Au moment où la croissance repart et où il y a partout des métiers en tension, nous avons l'opportunité, en faisant un investissement sans précédent, de mettre le pied à l'étrier à de très nombreux jeunes et demandeurs d'emploi, tout en répondant aux besoins de recherche de compétences, et donc de réussite et de croissance des entreprises françaises.
Les rapporteurs vont maintenant intervenir chacun pour cinq minutes, et d'abord M. Gilles Le Gendre qui est avec Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteur spécial de la commission des finances.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter le rapport de cette mission en mon nom et en celui de ma co-rapporteur, Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui elle-même le défendra en séance, la semaine prochaine.
L'enjeu de la politique de l'emploi engagée par notre gouvernement et notre majorité se résume en quelques chiffres simples :
La France doit créer, en termes réels, un million d'emplois sur la durée du quinquennat pour ramener, comme nous nous y sommes engagés, le taux de chômage de 10 % à 7,5 % de la population active, et si possible moins.
Aujourd'hui, notre pays compte 5 millions d'actifs de faible qualification, exposés en première ligne au chômage et à la précarité : cette population subissait un taux de chômage de 17,9 % en 2016, contre 5,7 % pour les personnes ayant un diplôme Bac + 2 et plus.
Sept ans après la fin de ses études, un jeune sur trois n'a connu qu'une succession d'inactivité, de chômage et d'emploi précaire.
Enfin, nous avons pris un engagement solennel devant la nation : rendre l'accès à l'emploi à deux millions de personnes – un million de chômeurs faiblement qualifiés et un million de jeunes ni en études, ni en emploi, ni en formation.
Le budget qui vous est présenté est fondé sur trois convictions, que notre majorité partage avec le Gouvernement. Première conviction : la lutte contre le chômage ne dépend pas seulement des crédits budgétaires qui lui sont directement alloués, mais elle met en jeu une politique économique globale, dont je souhaite rappeler les quatre grands axes : les ordonnances renforçant le dialogue social ; la baisse des charges en faveur des salariés et des entreprises ; la réduction de l'imposition du capital ; la politique d'investissement en faveur de l'innovation, dont la formation et l'apprentissage constituent l'un des piliers.
Pour la première fois, notre pays refuse de céder au mythe de la pensée magique qui voudrait que la réduction du chômage repose sur une mesure providentielle. C'est la conjonction – inédite – de ces politiques, engagées depuis le début du quinquennat et qui seront conduites avec constance et fermeté jusqu'à son terme, qui nous permet d'être confiants quant à l'atteinte de nos objectifs.
Deuxième conviction : autant que son montant, c'est l'efficacité de la dépense budgétaire qui sera déterminante pour le succès de notre politique. Sans quoi les centaines de milliards engloutis dans les politiques de l'emploi auraient dû produire des résultats autrement plus convaincants que ceux que nous avons observés depuis des années.
Troisième conviction : au-delà des réallocations budgétaires, la recherche d'une plus grande efficacité de l'action publique, dans le domaine de l'emploi comme dans tous les autres, pose la question – cruciale – des organisations, des effectifs et de la motivation des personnels en charge de mettre en oeuvre ces transformations.
Ces trois convictions trouvent leur application dans le budget qui nous est présenté. Ce propos est trop bref pour les commenter en détail. La ministre l'a fait à l'instant. Je voudrais juste insister sur trois aspects, les plus structurants, des applications des changements que je viens de décrire.
Première application : le Plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui représente un effort considérable de 13,8 milliards sur cinq ans au titre de la mission « Travail et Emploi ». Le PIC figure pour la première fois en 2018 dans deux programmes, pour 500 millions de crédits de paiement chaque fois.
Au titre du programme 102, l'action n°3 augmente de 87 000 à 100 000 le nombre d'entrées au titre de la garantie jeunes, qui bénéficie aux jeunes les plus en difficultés. Au titre du programme 103, 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 500 millions d'euros en crédits de paiement (CP) seront consacrés dès 2018 à la formation des demandeurs d'emplois, pour un total de 11 milliards d'euros dévolus à cette politique sur cinq ans.
Deuxième application : les décisions assumées en matière de contrats aidés. Cela a été détaillé par la ministre, donc je n'y reviens pas.
Troisième application : les moyens alloués aux diverses administrations en charge des politiques de l'emploi. Au premier rang d'entre elles : Pôle emploi, qui subit une légère diminution de la subvention pour charges de service public, qui sera toutefois compensée par les ressources dynamiques dont bénéficient l'opérateur à travers le 10 % des cotisations d'assurance chômage.
Madame la ministre, conformément à la tradition, avant de conclure cette présentation, je voudrais vous poser un certain nombre de questions qui permettront de lancer la discussion.
Première question : pouvez-vous nous en dire plus sur la montée en puissance du Plan d'investissement dans les compétences, qui pourra paraître exagérément prudent à ceux qui se contenteraient d'une division arithmétique des sommes allouées pour les cinq années de son application ?
Deuxième question : votre budget prévoit une augmentation de 1 000 aides au poste pour les travailleurs en situation de handicap, mais pouvez-vous nous expliquer le pourquoi du mouvement dégressif annoncé après et la poursuite de la réduction les années suivantes ?
Troisième question : quels sont les dispositifs que vous prévoyez de mettre en oeuvre pour faire en sorte que les emplois aidés qui demeurent puissent obtenir de meilleurs résultats d'insertion durable ?
Quatrième question : dans sa version actuelle, le budget ne prévoit rien sur les emplois francs, dispositif pourtant très innovant et riche en promesses. Pourquoi cette absence ?
Cinquième question : pour accompagner sa transformation, votre administration est-elle prête à investir les moyens nécessaires, notamment dans les outils de gestion mais également dans les outils d'innovation sociale, dans la mesure où ceux-ci permettraient de dégager, à moyen terme, des économies substantielles.
Chers collègues, vous ne serez pas surpris si je vous dis que les deux corapporteurs de cette mission approuvent sans réserve le budget qui lui est alloué et qui applique à un enjeu stratégique, la fin du chômage structurel de masse dans notre pays, la volonté du Gouvernement et de la majorité de procéder à une réorientation ambitieuse de l'action publique.
Madame la présidente, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le nombre de chômeurs demeure à un niveau élevé, concernant près de six millions de personnes, et que l'emploi reste l'une des priorités essentielles pour nos concitoyens, le premier budget de la législature se caractérise par une baisse de 2,7 milliards d'euros des crédits de la mission « Travail et emploi », pour atteindre 13,7 milliards dans le présent projet de loi de finances pour 2018, soit une contraction de 16,6 %.
Cet effort est cependant obtenu moins par des réformes de fond que par le brusque coup d'arrêt à la multiplication des emplois aidés et des programmes d'exonération de cotisations mis en place par le précédent gouvernement, motivée par la recherche de résultats statistiques dans la lutte contre le chômage.
Malgré l'échec de cette politique, cet héritage se ressent dans les crédits de paiement : le règlement du solde de cette politique s'élèvera à 15,37 milliards en 2018, soit une baisse de seulement 0,6 %.
En définitive, les choix du Gouvernement lors de l'élaboration de la présente mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage ne permettent pas d'opérer une rupture dans la politique de l'emploi menée depuis 2012. S'agissant de dépenses de solidarité, celles-ci sont largement contraintes et la réalité vient souvent rattraper les gouvernements optimistes. Les LFI 2016 et 2017 ont été marquées par des sous-budgétisations conséquentes, relevées par la Cour des comptes en juin dernier. Au total, cette revue des comptes publics a montré que les dépassements de crédits de la mission pourraient se situer dans une fourchette comprise entre 0,9 et 1,2 milliard en 2017.
Cela sera ma première question : alors que des chiffres optimistes nous sont présentés pour les années 2018 à 2022, comment pouvez-vous nous assurer que ce budget est sincère ? Notamment, comment allez-vous faire pour financer une hausse prévue de 18 % du nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes avec une baisse de 9 % des crédits ?
Ce budget montre également la volte-face d'un gouvernement, qui a abondé les crédits en plein été pour augmenter de 280 000 à 320 000 le nombre des contrats aidés en 2017, avant de donner un coup d'arrêt brutal à cette politique en septembre. Aucune disposition ne vient préciser la méthode et les exigences permettant de déterminer quels employeurs seront à même de mettre en place ces contrats. Par ailleurs, l'exigence d'accompagnement et de formation ne s'accompagne d'aucun crédit fléché vers les bénéficiaires des contrats aidés.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous détailler les intentions du Gouvernement sur ces deux points ?
Cependant, le thème que j'ai choisi de développer dans mon rapport pour avis concerne les structures d'insertion par l'activité économique (IAE). Elles ont pour mission d'aider les personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières à se réinsérer progressivement sur le marché du travail.
Aujourd'hui, les 3 722 structures conventionnées relevant de l'IAE emploient près de 132 000 salariés en voie d'insertion pour une durée de 24 mois généralement. Pour les personnes les plus exclues de l'emploi, titulaires d'un minimum social ou chômeurs de longue durée, elles représentent un tremplin vers l'insertion et l'occasion de retrouver le sens de l'activité. Pour les collectivités et les personnes qui les soutiennent, elles sont une espérance que, face au chômage, il est possible de passer d'une approche passive à une approche active.
Depuis 2014, leur financement repose sur des aides au poste variant suivant le type de structure, accompagnées d'une modulation, en théorie de 0 à 10 %, en fonction de critères de résultats en matière d'accueil et d'insertion. Si les acteurs sont globalement satisfaits de cette réforme, la modulation apparaît comme excessivement bureaucratique sans apporter une réelle différenciation en fonction des résultats, la quasi-totalité des structures recevant aux alentours de 5 %.
Madame la ministre, que comptez-vous faire pour rendre cette modulation plus effective, alors que les réflexions sur son évolution sont en cours au sein du ministère depuis plusieurs années ?
Les représentants de l'IAE sont aujourd'hui prêts pour penser et mettre en oeuvre une nouvelle dynamique de l'IAE, dont le sigle pourrait signifier « l'innovation et l'action pour l'emploi ». Cela ne pourra s'organiser qu'en la redéfinissant comme un élément d'un parcours d'insertion, qui doit nécessairement comprendre un volet formation. Or cet aspect fonctionne mal aujourd'hui, les OPCA n'étant pas intéressés par le financement de salariés en insertion qui n'ont pas vocation à rester dans leur secteur.
Madame la ministre, seriez-vous d'accord pour faire de la formation une des missions explicites de l'IAE et permettre un meilleur accès à la formation des salariés en insertion, notamment en les faisant bénéficier des dispositifs prévus pour les demandeurs d'emploi qu'ils sont de facto ?
L'histoire des initiatives en matière d'IAE fait apparaître le plus souvent une dynamique de territoires et de personnes, qui a fait naître un écosystème autour de l'activité économique mise en oeuvre.
La réussite de l'IAE repose essentiellement sur une insertion de ces structures dans le paysage institutionnel et dans le tissu économique local. Comment l'État pourrait-il favoriser cet investissement des collectivités et acteurs économiques locaux dans l'IAE ?
Enfin, les instances représentatives de l'IAE ont eu leur utilité, mais nécessitent d'être revues pour être à la fois une instance de pilotage et une force de proposition.
Ainsi, avant d'en renouveler ses membres en janvier 2018, il me semble urgent de procéder à la rénovation et à l'ouverture du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), qui ne publie actuellement aucun rapport permettant de connaître ses travaux.
Au niveau local, les trois instances existantes apparaissent à la fois redondantes et trop peu réunies et mobilisées pour être de réelles instances de pilotage de l'IAE.
Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à engager la réflexion sur la rénovation de ces instances, sur la base du constat fait par mon rapport ?
Enfin, si le PLF 2018 prévoit de subventionner près de 71 000 postes en équivalent temps plein, soit 5 000 postes supplémentaires, de nombreuses structures que j'ai rencontrées voient des pistes de croissance potentielle leur échapper, du fait de l'absence de postes supplémentaires.
Seriez-vous favorable, Madame la ministre, à un doublement de cet effort, en prévoyant non 5 000, mais 10 000 aides au poste de plus, en sachant que pour les finances publiques, cet effort sera négligeable face aux dépenses d'aide sociale ainsi évitées ?
Je vous remercie pour vos réponses, qui conditionneront mon avis concernant l'adoption des crédits de la mission.
S'agissant du PIC, effectivement, si l'on a une approche purement arithmétique et que l'on divise 13,8 milliards d'euros – en mettant de côté la garantie jeunes – par cinq, cela ne fait pas 1,5 milliard… Mais, en vrai, le fond du sujet est pour nous de sortir d'une politique de financement de la formation qui, parce qu'elle n'est pas assez pensée, calibrée et mise en perspective dans le temps, s'apparente surtout à un appel d'air sur le marché. Elle se révèle parfois plus une opportunité de marché qu'un dispositif parfaitement calibré par rapport à son but, qui est l'insertion professionnelle durable des demandeurs d'emploi et des jeunes.
Nous le savons, le taux de chômage des personnes qualifiées est de 5,2 %, tandis que celui des personnes non qualifiées est de 18,6 %. Si nos politiques d'insertion ne permettent d'avoir que des emplois précaires ou à court terme, nous n'irons pas très loin. Notre but, c'est de l'emploi durable, qui passe par la qualification.
Cela veut dire plusieurs choses. Tout d'abord, il faut travailler avec les branches professionnelles, les partenaires sociaux et les régions sur le calibrage des besoins – en gros, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sectorielle et territoriale. Nous devons aussi repenser les dispositifs de formation de façon innovante. Sur les territoires ruraux, je pense notamment à la mobilité physique. On peut aujourd'hui faire des formations moitié présentielles, moitié à distance, en utilisant le numérique comme un outil, et non simplement comme un objet de compétences.
Toutes ces pistes supposent de travailler en profondeur avec l'ensemble des acteurs pour que ce que nous allons faire dans le cadre du PIC soit innovant sur le fond, sur la forme et calibré pour mettre vraiment le pied à l'étrier aux jeunes et aux demandeurs d'emploi.
Pour cela, il importe donc de commencer par des mesures innovantes. Avec 1,5 milliard d'euros, nous faisons comme une sorte d'immense pilote sur l'ensemble du territoire. Avant de tout mettre en oeuvre à grande échelle dans les cinq ans qui viennent, il convient en effet de tester les dispositifs et le cible pour bien les calibrer.
En plus, il est très rare – je crois que c'est la première fois – d'avoir un plan d'investissement dans les compétences annoncé pour cinq ans. Plutôt que des montées en puissance année par année, nous pourrons ainsi concevoir des dispositifs plus longs pour des jeunes et des demandeurs d'emploi. Voilà tout ce que permet cette montée en charge progressive.
Monsieur le rapporteur, ne vous inquiétez donc pas : l'avion va décoller, mais nous calibrons d'abord, avec l'ensemble des acteurs, toute la capacité d'innovation et d'efficacité que nous souhaitons. Le but n'est pas de dépenser de l'argent dans la formation, mais de permettre à un million de jeunes et de demandeurs d'emploi d'accéder à un emploi durable. La croissance repart, nous avons des métiers en tension partout, dans tous les domaines : il faut saisir cette opportunité pour bien articuler les dispositifs.
Pour les aides au poste, nous en prévoyons bien un millier supplémentaire pour les travailleurs en situation de handicap. Vous avez souligné qu'il y avait une dégressivité à partir de la mi-2018. Je veux m'en expliquer. D'abord, des engagements avaient été pris précédemment sur l'augmentation des aides au poste : nous les tenons, car nous considérons que c'est une bonne chose. Mais des rapports, des évaluations et des analyses ont montré que, du fait de son niveau l'aide au poste constitue une trappe : il n'est pas facile au bénéficiaire de passer ensuite vers un autre emploi. Il y a donc peu de flux, alors que ce dispositif avait été conçu comme un tremplin. Or, c'est plus simple, y compris pour les employeurs de garder la même personne pendant cinq, dix ou vingt ans. La dégressivité va aussi permettre une stratégie visant l'inclusion dans l'emploi ordinaire. Car c'est le but et le souhait des travailleurs handicapés, en termes de dignité et de lien social.
Nous avons pour cela besoin d'une stratégie menée avec l'ensemble des acteurs, pour encourager ce travail d'accompagnement vers l'emploi ordinaire et de reconnaissance de la productivité. Cette dernière augmente avec les années : le bénéficiaire d'une aide au poste n'a en effet pas la même productivité la première année et la cinquième année. Il n'y a pas de raison que sa productivité ne soit pas reconnue.
Nous n'interviendrons néanmoins qu'à partir de juillet, car nous voulons avoir le temps, avec les employeurs, de discuter des modalités et, surtout, de s'assurer qu'ils vont bien avoir une politique active d'accompagnement au retour vers l'emploi normal.
En ce qui concerne les emplois aidés, notre conviction est la suivante : oui, il restera des personnes pour lesquelles l'accès à la formation qualifiante est trop difficile dans un premier temps. Elles ont d'abord besoin d'une immersion, y compris à temps partiel, dans une situation de travail, pour reprendre confiance en elles, voire retourner vers l'emploi. Donc nous gardons un volant de contrats aidés.
Nous voulons cependant en changer les modalités sur plusieurs plans. Premièrement, nous aurons des priorités sur les territoires ruraux, sur l'outre-mer ou sur certains secteurs d'activité, comme le secteur social ou le secteur sanitaire. Surtout, au lieu que les emplois aidés soient une sorte de guichet ouvert où toute association qui en demande puisse en bénéficier, il faudra un véritable projet d'insertion, d'accompagnement et de formation.
Depuis une trentaine d'années, nous avons en France une grande expérience de l'insertion, grâce en particulier au secteur associatif et à des gens très engagés dans ce domaine, ainsi qu'aux collectivités, qui soutiennent de nombreux projets. On sait que ce qui fonctionne pour le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées de la qualification, c'est le triptyque accompagnement-formation-expérience de travail, sachant que, pour certains, l'expérience de travail, est un préalable, comme pour l'insertion par l'économique (IAE). Dans un second temps seulement, il est possible d'envisager une formation qualifiante permettant d'accéder à un emploi plus durable.
Quoi qu'il en soit, l'accompagnement est toujours indispensable, et les contrats aidés qui seront financés en 2018, dans les associations ou certaines communes, seront tous accompagnés, de manière qu'ils puissent être utiles avant tout à ceux qui les occupent.
Le financement des associations est un autre sujet qui n'a pas vocation à être abordé ici, et nous dissocions clairement les besoins de financement des associations du fait qu'elles embauchent, de façon précaire, des gens qui sont déjà dans la précarité. Les 200 000 contrats aidés que nous conservons seront, je le répète, calibrés pour servir de tremplin vers l'emploi. On ne peut jamais garantir qu'il y aura 100 % de réussite, mais on peut faire beaucoup mieux que les 26 % de débouchés actuellement constatés dans le secteur non-marchand. Lorsqu'un dispositif d'insertion est réellement efficace, près de la moitié des bénéficiaires parviennent à accéder à l'emploi, et c'est l'ambition que nous nous donnons pour les contrats aidés.
Pour ce qui concerne les emplois francs, il est exact que les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville connaissent un taux de chômage deux fois et demi supérieur à la moyenne nationale. En effet, si le premier marqueur du chômage est le niveau de qualification, le second est le lieu de résidence, et lorsqu'on cumule deux marqueurs négatifs, le taux de chômage est extrêmement élevé.
Plus de deux adultes sur cinq résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et en âge de travailler sont à l'écart du marché de l'emploi, et le taux de jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation y est de 35,8 %, contre 17,9 % dans les zones urbaines environnantes, ce qui est déjà énorme.
Ces 35,8 % représentent un gâchis humain, une perte de compétitivité économique et un risque fort pour la cohésion sociale. D'où l'annonce, dans le programme présidentiel, d'une relance des emplois francs. Pourquoi dès lors attendre pour les mettre en oeuvre ? L'expérience de 2013 n'a pas été concluante, parce que le dispositif était notamment trop contraignant et mal accompagné. Nous nous donnons donc le temps de tirer les enseignements de cet échec, pour exploiter cette idée, très bonne en soi, avec le succès qu'elle mérite. Nous envisageons d'ailleurs de commencer par des expérimentations, sachant en outre que la relance des contrats francs doit être intégrée dans la réflexion plus globale sur les aides à l'emploi, pour l'articuler notamment avec la transformation du CICE en baisse de charges, dans la mesure où l'aide à l'embauche proposée avec les emplois francs correspond déjà à une exonération des charges.
En matière d'innovation sociale, l'insertion par l'économique fait partie de la palette d'outils dont nous avons besoin pour faciliter le retour à l'emploi. Cela étant, le dispositif peut encore être amélioré, notamment sur le volet formation, quasi inexistant pour l'heure. Dans un premier temps, la formation n'est pas un enjeu, puisque le principe même de l'insertion par l'économique est de reconstruire la confiance en soi sur le seul fait de travailler. Dans un second temps néanmoins, pour se projeter vers un emploi et une insertion durables sur le marché du travail, une formation s'impose.
C'est la raison pour laquelle, dans le cadre du Plan d'investissement compétences, nous allons faire en sorte de faire porter les efforts sur le volet formation des dispositifs d'insertion par l'économique mais également sur tous les dispositifs qui le nécessitent. Nous n'hésiterons pas à nous appuyer pour cela sur les initiatives locales.
Pour tous ces qui concerne, de façon plus générale, les dispositifs d'insertion dans l'emploi, j'ai confié à Jean-Marc Borello, le fondateur et président du groupe SOS, une mission, dont les conclusions, qu'il me rendra à la fin du mois de décembre, nous éclairerons sur la problématique de l'innovation sociale, car le champ de l'insertion ne doit pas être envisagé uniquement sous l'angle des difficultés qu'il sert à pallier mais également au travers des innovations qu'il recèle.
Pour conclure enfin, oui, notre budget est sincère ! Je pense que vous aurez compris que c'est un point sur lequel le Gouvernement veut être exemplaire. Concernant la Garantie jeunes, le précédent gouvernement s'était fixé un objectif de 150 000 entrées dans le dispositif pour 2017. Or, à la fin de l'année, seules 85 000 entrées seront comptabilisées, car le dispositif ne s'est pas développé aussi vite qu'il était prévu en loi de finances initiale. La sincérité m'oblige à donner des chiffres crédibles et, lorsque nous prévoyons 100 000 entrées, cela signifie que nous allons passer de 85 000 à 100 000, ce qui est déjà assez volontariste, dans la mesure où, quand bien même les fonds sont là, la Garantie jeunes est un dispositif qui, par nature, se déploie sur le long terme puisqu'il prévoit des mesures d'accompagnement individualisées. 420 millions d'euros avaient été engagés en crédits de paiement pour 2017 ; il y en aura 467 millions en 2018, et nous estimons que cela nous permettra de passer de 85 000 à 100 000 entrées.
Nous bénéficions actuellement d'une conjoncture économique favorable : 1,7 % de croissance en 2017 et 2018 ; 300 000 créations d'emplois marchands et des investissements en hausse. Jusqu'ici les conjonctures favorables était l'occasion de reporter les décisions budgétaires difficiles, ce n'est plus le cas aujourd'hui. L'objectif du Gouvernement est de mener à bien son projet de transformation du pays, de réformer et d'agir selon des priorités fortes, cohérentes les unes par rapport aux autres, et cohérentes également avec les directions dessinées par le Président de la République lors de sa campagne électorales, ces mêmes directions que nous avons défendues en nous présentant aux élections législatives.
La hausse des dépenses publiques n'a pas contribué efficacement à la diminution du chômage de masse qui touche notre pays. Il s'agit donc de changer de stratégie, et le budget 2018 de la mission « Travail et emploi » s'inscrit en effet dans une nouvelle stratégie et constitue pour cette année un budget de transition qui se veut le reflet de la transformation de l'action publique en matière de lutte contre le chômage de masse, notamment pour ce qui est de son traitement social
Cela explique la diminution – mais non la disparition – des emplois aidés, désormais ciblés vers certains territoires et certains domaines, alors que le soutien à l'emploi des jeunes en grande difficulté se voit pérenniser avec la garantie jeunes, l'insertion par l'activité économique dont les crédits sont en hausse, le soutien aux établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE), aux missions locales et aux écoles de la deuxième chance.
Ces orientations budgétaires annoncent des réformes ambitieuses qui concerneront directement notre commission des affaires sociales, je veux parler de la formation professionnelle, de l'apprentissage et de l'assurance chômage. À ce propos, j'ai connu, comme d'autres, l'examen de deux réformes de la formation professionnelle, l'une conduite par un gouvernement de droite, l'autre par un gouvernement de gauche : en quoi la troisième, que nous allons bientôt découvrir, se démarquera-t-elle des deux premières – je pense entre autres à la place qui sera accordée aux entreprises, à côté des acteurs institutionnels ?
Enfin, pouvez-vous nous fournir quelques éléments de calendrier concernant les réformes à venir ?
Si les crédits de la mission « Travail et Emploi » semblent a priori stables, puisqu'ils tournent autour de 15,3 milliards d'euros, contre 15,4 milliards l'an passé, il ne s'agit en réalité que d'une stabilité faciale, qui cache une baisse globale, du fait des transferts qui sont opérés.
La hausse brutale de la CSG – 22 % – a des conséquences directes sur l'UNEDIC, puisque les contributions à l'assurance chômage sont assises sur les cotisations salariales qui, en baissant, vont arithmétiquement entraîner une baisse des recettes pour l'UNEDIC. Or, l'UNEDIC finance Pôle l'emploi à hauteur de 10 % de ses recettes, soit 3,3 milliards environ, ce qui signifie que l'État va devoir prendre en charge la différence. Comment expliquez-vous, madame la ministre, que ce financement soit inscrit au budget avant même la réforme de la gouvernance de l'UNEDIC, qui doit intervenir au printemps prochain ?
Par ailleurs, 110 millions d'euros sont inscrits dans le programme 103 pour compenser le déficit de l'Agence nationale de formation pour adultes (AFPA), transformée en EPIC sous le précédent quinquennat avec le succès que l'on sait. Or, à la fin août, l'AFPA affichait déjà un déficit d'environ 80 millions d'euros, et le déficit total sera donc supérieur aux 110 millions budgétés pour l'année 2018. J'ajoute que le déficit cumulé de l'AFPA sera supérieur à 300 millions d'euros, voire proche des 400 millions. Comment, dans ces conditions, entendez-vous sauver l'AFPA, dont la démission du président ne règle pas le problème ?
Enfin, quel rôle pensez-vous pouvoir confier aux régions en matière d'apprentissage, alors que l'on entend surtout parler du rôle des branches professionnelles dans la gestion de celui-ci ?
Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés salue l'effort exceptionnel initié par le Gouvernement dans ce PLF 2018 pour investir dans les talents et les compétences de notre pays et moderniser notre système d'accompagnement vers l'emploi. C'est pourquoi nous voterons les crédits de cette mission.
Dans un contexte de reprise de l'activité économique et de réformes structurelles, mais également de maîtrise des dépenses, l'objectif du Gouvernement est de concentrer les moyens sur les publics et les territoires qui le nécessitent le plus.
Un effort historique est réalisé en faveur de la formation des demandeurs d'emploi ou des jeunes faiblement qualifiés, grâce notamment à la mise en place de contrats de professionnalisation plus souples et mieux adaptés aux besoins de l'entreprise et au développement de la formation à distance pour les personnes peu qualifiées.
Nous nous interrogeons cependant sur la mise en oeuvre de ce dernier point, tant l'accès au numérique reste compliqué pour un grand nombre de personnes éloignées de l'emploi. Quelles mesures spécifiques le Gouvernement compte-t-il proposer pour assurer la réussite de ces formations ?
La réduction annoncée du nombre de contrats aidés sera en partie compensée par une majoration des crédits affectés à l'IAE, avec 5 000 aides au poste supplémentaires. Elle sera également compensée par les efforts faits en direction des entreprises adaptées et par la création de contrats de professionnalisation adaptés.
Néanmoins, en volume d'emplois d'insertion disponibles, le compte n'y est pas pour compenser la réduction des contrats aidés. Aussi les mesures d'accompagnement d'autres dispositifs à destination des jeunes – EPIDE, écoles de la deuxième chance, garantie jeunes – vont-ils être développés, et le pari est fait que les différents leviers de formation qui seront ainsi mobilisés, auxquels s'ajouteront les réductions de charges, permettront d'enclencher un meilleur accès à l'emploi.
Par ailleurs, le budget alloué aux maisons de l'emploi est divisé par deux. Il nous semble que le désengagement de l'État auprès de ces structures ne peut être aussi brutal, et nous proposons donc de repenser le budget accordé à ces maisons de l'emploi, qui, dans certains territoires, remplissent des missions irremplaçables.
Si les crédits de cette mission restent effectivement relativement stables, l'enveloppe globale consacrée aux contrats aidés est en baisse de 1 milliard d'euros pour 2018, puisque le Gouvernement annonce préférer mettre l'accent sur la formation.
Nous pouvons comprendre votre raisonnement sur le faible taux de retour à l'emploi des bénéficiaires de contrats aidés, mais nous ne pouvons toutefois le partager complètement. En effet, votre décision nie le rôle social de ces contrats, qui permettent aux personnes bénéficiaires de sortir de la précarité. C'est, pour beaucoup, le moyen de rompre avec l'isolement qui va souvent de pair avec les minimas sociaux, d'éviter le repli sur soi, le refuge dans les espaces virtuels et les addictions.
Vous avez fait le pari de la formation mais, en l'état, je crains que cette mesure n'apporte aucune économie et accroisse, au contraire, certaines dépenses sociales comme le RSA, au détriment des finances des départements. Nous souhaitons donc avoir des précisions sur le traitement de ces questions sociales.
Vous avez, par ailleurs, lancé un Plan d'investissement compétences avec 14,6 milliards d'euros dédiés à la formation, dont 13,6 milliards affectés à la mission « Travail et emploi ». Mais ce sont majoritairement des crédits budgétaires déjà existants.
Votre objectif annoncé est de former et d'accompagner 1 million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et 1 million de jeunes décrocheurs, soit 2 millions de personnes. Vous déclarez vouloir ramener vers l'emploi d'ici à la fin du quinquennat 300 000 personnes qui en étaient éloignées, soit un objectif de 15 % de réussite. Cela semble peu ambitieux au regard des moyens dédiés…
Parallèlement, vous réduisez de moitié les crédits affectés aux maisons de l'emploi, quisont pourtant des acteurs majeurs de la formation. On comprend ainsi que l'État souhaite se désengager et passer financièrement le relais aux collectivités. Or ce transfert ne peut s'opérer qu'à des conditions clairement définies entre les acteurs et sans mettre en danger la pérennité des maisons de l'emploi. Ce qui ne semble pas le cas actuellement et nécessite des précisions de votre part.
Enfin, s'agissant de l'accompagnement des personnes en situation de handicap vers l'emploi, le budget de la mission est en régression. Vous avez certes programmé mille nouvelles aides au poste dans le secteur des entreprises adaptées, mais vous avez parallèlement décidé de réduire la subvention d'accompagnement et de développement à ces entreprises adaptées. Le Président de la République avait promis de faire du handicap l'un des grands chantiers du quinquennat. Le budget proposé semble manquer d'ambition sur cette question.
L'INSEE vient de confirmer que la croissance était de retour. Le chômage baisse depuis près de quatorze mois, les entreprises ont restauré leurs marges et investissent de nouveau, chacun peut s'en réjouir. Cette reprise doit être accompagnée et elle doit surtout bénéficier à tous, en particulier à ceux de nos concitoyens qui sont les plus éloignés de l'emploi, mais ma crainte est que les derniers de cordée soient aussi les derniers à retrouver le chemin de l'emploi.
Si nous soutenons sans réserve vos efforts en faveur de la formation, parce que notre pays souffre d'abord du chômage des non qualifiés, nous condamnons sans réserve le choix brutal et idéologique de réduire de façon drastique le nombre des emplois aidés. Votre budget masque mal en réalité un désengagement de l'État sur ce terrain comme, plus globalement, sur le terrain de la politique de l'emploi.
Nous condamnons ce choix parce qu'il se fonde, selon nous, sur une méconnaissance des dispositifs, sur une fausse appréciation de ce que sont les taux d'insertion dans l'emploi des contrats aidés, qu'il faut toujours rapporter aux difficultés que connaissent les publics concernés.
Vous faites le choix d'opposer contrats aidés et formation, alors que l'un et l'autre sont nécessaires, et que les contrats aidés sont particulièrement adaptés à ceux de nos concitoyens le moins qualifiés et qu'ils sont souvent accompagnés d'une formation. Avez-vous, à ce propos, évalué le » plan 500 000 » ?
Nous condamnons enfin ce choix parce qu'il dit votre façon de considérer les associations et les collectivités qui ont recours aux emplois aidés. Votre décision met en grande difficulté des territoires entiers, des associations sportives et culturelles, des épiceries sociales, des EHPAD contraints aujourd'hui d'espacer les séances de toilette de leurs résidents. Dans mon département des Landes, la suppression des emplois aidés constitue le plus gros plan social depuis bien des années.
Vous dites surtout, par votre façon de faire, à ceux qui occupent ces emplois qu'ils occupent de faux emplois, des emplois inutiles et qu'eux-mêmes le sont un peu. Et parce que vous considérez les emplois aidés comme de faux emplois, vous avez décidé, pour l'année prochaine, de faire de leurs bénéficiaires de vrais chômeurs – ce n'est pas moi qui le dit, c'est l'INSEE dans ses prévisions d'emploi pour l'année prochaine.
Nous avons reçu les principales associations ayant recours aux emplois aidés : Emmaüs, ATD Quart Monde, la Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS), les commissions régionales d'action sociale (CORAS), l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), les régies de quartier, toutes nous ont demandé de vous dire leur incompréhension, leur désarroi et leur colère.
Nous examinons le budget de la mission jugée naturellement prioritaire par les Français, c'est-à-dire le travail et l'emploi. C'est un budget catastrophique, puisqu'il baisse de 1,5 milliard d'euros à périmètre constant sur la seule année 2018, et de 4 milliards d'euros si l'on se projette jusqu'en 2020. Comme le disait Boris Vallaud, ces baisses touchent trois secteurs : les contrats aidés dont 279 000 sont supprimés, soit un des plus gros plan social de l'histoire de l'économie française ; Pôle emploi à qui vous supprimez 50 millions d'euros, ce qui ressemble fort à une étape supplémentaire vers l'étatisation de l'assurance chômage ; enfin, la baisse des crédits destinés à l'accompagnement des salariés, désormais regroupés dans un seul fonds.
Vous parlez du soutien à la formation et à l'investissement mais, là encore, je regarde vos chiffres : vous annoncez un plan d'investissement de 15 milliards d'euros sur cinq ans mais, alors qu'il faudrait 3 milliards l'an prochain, un seul milliard est inscrit au budget.
Par ailleurs, vous incluez dans les crédits dédiés au Plan d'investissement compétences des crédits déjà engagés. Ainsi, pour la Garantie jeunes, dont les crédits s'élèvent 475 millions d'euros, votre effort n'est en réalité que de 40 millions d'euros. Comment entendez-vous développer une politique de l'emploi avec un budget rogné de 25 % en trois ans – 4 milliards sur un budget initial de 16 milliards d'euros ? Ces chiffres donnent toute la hauteur de votre ambition en matière d'accompagnement de l'emploi.
Le budget de la mission « Travail et emploi » est l'un des budgets fortement touchés de ce projet de loi finances 2018, puisque vous prévoyez une baisse des crédits de 1,5 milliard d'euros, soit une diminution de 9 %. Cette trajectoire devrait se confirmer en 2019 et 2020. Ce budget s'inscrit en outre dans le cadre de réformes plus globales visant à flexibiliser le marché du travail, sans parler de la réforme de l'assurance chômage.
Ma première question portera sur les contrats aidés et sur ce plan social considérable qui a été annoncé. La division par deux du nombre de contrats aidés a suscité une vive émotion, notamment chez les premiers concernés, actuellement engagés dans des démarches d'insertion. Au-delà, elle va priver notre pays d'un travail social utile, comme dans les centres sociaux des Bouches-du-Rhône, où plusieurs centaines de contrats sont supprimés. Vous auriez pu faire oeuvre utile en transformant ces contrats, en cherchant à les pérenniser. Vous préférez les arrêter net, sans prévoir aucun accompagnement pour les personnes concernées. Comment comptez-vous de gérer les conséquences de cet arrêt brutal ?
Vous prévoyez, toujours aussi brutalement, de diviser par deux les crédits affectés aux maisons de l'emploi. Cela signe le désengagement de l'État de ces structures territoriales utiles en matière d'insertion professionnelle, dont il laisse la charge aux collectivités locales pourtant déjà pénalisées financièrement par la baisse des dotations. Comment justifiez-vous cette mesure et quelles solutions préconisez-vous ?
Enfin, je voudrais m'attarder sur la situation des personnels du ministère du travail. Il est encore prévu de supprimer 239 postes en 2018, après quatre ans de restructurations. Avec la déréglementation liée aux ordonnances, combien manquera-t-il d'inspecteurs à l'inspection du travail pour qu'elle remplisse correctement ses missions ? Que répondez-vous à l'interpellation de l'intersyndicale des agents fonctionnaires du ministère du travail qui, dans un courrier du 17 octobre, demande le gel des suppressions de poste et l'arrêt des restructurations ?
Notre ambition en matière de réforme de la formation professionnelle est de bénéficier de la reprise de la croissance pour pouvoir calibrer la formation dans une double perspective : qu'elle soit un droit réellement accessible à chacun, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; que les dispositifs soient plus lisibles afin de pouvoir être pleinement mobilisés en direction des grands objectifs de transformation du monde du travail. Les experts estiment en effet que la moitié des emplois vont être profondément transformés dans les dix ans qui viennent, compte tenu des évolutions technologiques et de la transition écologique.
Cela demande donc un effort sans précédent, que vont traduire la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage et le plan d'investissement compétences, car nous devons faire en sorte que ces mutations soient une chance non seulement pour les entreprises mais aussi pour les jeunes, les demandeurs d'emploi et les salariés. C'est donc un enjeu essentiel, dont la conjoncture, plus favorable que par le passé, doit nous permettre de nous saisir pleinement.
C'est la raison pour laquelle nous ne nous intéresserons pas simplement à la gouvernance et au financement de la formation professionnelle mais au contenu même du droit à la formation. Il est évidemment trop tôt pour entrer plus avant dans les détails puisque nous commençons tout juste les concertations, mais j'aurai l'occasion de vous en reparler au printemps, puisque je proposerai au Parlement un projet de loi sur l'apprentissage, la formation et l'assurance chômage, qui doivent permettre la sécurisation des parcours professionnels.
Monsieur Cherpion, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) va compenser en 2018 les pertes de l'UNEDIC à l'euro près, ainsi que cela est explicitement mentionné dans le PLFSS. Les transferts seront donc sans effet sur l'assurance chômage.
En ce qui concerne l'AFPA, c'est une belle institution mais qui, depuis une dizaine d'années, peine à trouver sa voie, car le champ de la formation a beaucoup évolué, dans le secteur concurrentiel comme dans le secteur public. L'AFPA et ses agents souffrent donc d'un manque de visibilité stratégique sur leur avenir, qui pèse sur la capacité de l'institution à être pleinement mobilisée sur ses objectifs. Malgré de nombreuses réformes ces vingt dernières années, les difficultés financières persistent. Nous avons dégagé les moyens nécessaires pour combler son déficit de l'année, mais il ne s'agit que d'une solution à court terme. Nous entamons donc des réflexions pour donner à l'AFPA des perspectives de long terme, assises sur un financement sécurisé. Nous devons bien cela aux demandeurs d'emploi qu'elle contribue à former. C'est pour moi essentiel, car nous avons besoin d'un service public de la formation des adultes, dont la place soit clairement définie.
Pour ce qui concerne l'accès au numérique, il constitue l'un des axes prioritaires du Plan d'investissement compétences. En termes de compétences, l'accès au numérique recouvre trois dimensions : d'abord le numérique pour tous, au sens où tout le monde a besoin de compétences numériques de base pour se débrouiller dans la société ; ensuite les métiers du numérique, qui sont en pleine expansion et pour lesquels il existe de nombreux niveaux de qualification, du CAP au diplôme d'ingénieur ; enfin, et c'est l'aspect le plus important, la transformation numérique des métiers existants, que ce soit la distribution, la banque, l'assurance, l'industrie, le bâtiment et quasiment la totalité des secteurs de l'économie.
En ce qui concerne les contrats aidés, je pense que tous – nous-mêmes, mais aussi ceux qui ont mis en place les contrats aidés dans les conditions que nous savons ou ceux qui ont proposé de les supprimer et qui nous reprochent maintenant de le faire –, nous devons à nos concitoyens une transparence et une honnêteté totales. Je n'entends pas polémiquer ici, mais je voudrais simplement rappeler ce qu'est un contrat aidé : c'est un contrat qui doit aider un chômeur à prendre pied durablement sur le marché du travail. Si quelqu'un parmi vous pense que ce n'est pas la bonne définition, qu'il me le dise, car nous concevons, nous, le contrat aidé comme un outil de retour à l'emploi. Il a été utilisé en partie pour cela et en partie avec d'autres objectifs, notamment le traitement statistique du chômage. Cela a entraîné, les dix-huit mois précédant le changement de gouvernement, une explosion du nombre de contrats aidés sans exigence en matière d'insertion ou d'accompagnement. On a demandé en effet aux préfets de faire en sorte que 80 % de l'enveloppe 2017, qui avait été par ailleurs sous-budgétisée, soit consommée avant la fin du premier semestre. Voilà la situation que nous avons trouvée.
Oui, nous voulons des dispositifs qui permettront aux chômeurs de remettre le pied à l'étrier. Oui, les contrats aidés peuvent, sous certaines conditions, faire partie de la palette des outils utiles. C'est pour cela que nous en conservons 200 000 l'année prochaine, en les assortissant d'une formation et d'un véritable accompagnement. Les bénéficiaires d'un contrat aidé pensent que s'ils travaillent bien, ils seront embauchés : c'est impossible puisqu'il s'agit structurellement d'un emploi précaire. Il est irresponsable de leur faire croire le contraire.
Ce dispositif a également été utilisé pour compenser des baisses de subventions aux associations. Mais le financement des associations est un autre sujet qu'il faut effectivement traiter. Avec le crédit d'impôt de taxe sur les salaires, elles bénéficieront dès l'an prochain de 500 millions d'euros, et de 1,5 milliard l'année suivante avec la transformation du CICE en baisse de charges. Au total, elles disposeront de plus de moyens qu'avec les contrats aidés. Cela signifie qu'elles pourront embaucher des gens de façon plus durable et pour des besoins pérennes – accompagner des personnes âgées dans une maison médicalisée ou s'occuper d'enfants à la cantine. Il n'était pas responsable d'utiliser les contrats aidés pour assurer le financement de ces besoins permanents.
Oui, les contrats aidés continueront à être un outil de la politique de l'emploi, mais seulement de la politique de l'emploi. Et le Gouvernement traitera ce qui relève du secteur associatif et qui ne relève pas de mon budget sous d'autres formes.
Les maisons de l'emploi ont été créées en 2005, avec l'idée d'en faire un guichet unique. Mais depuis cette date, il y a eu de nombreuses évolutions et notamment la création de Pôle emploi en 2008. Les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont arrêté la labellisation dès 2009 et diminué leur participation financière, considérant qu'il y avait des risques de doublon – donc de perte d'efficacité. La dotation de l'État est ainsi passée de 86 millions d'euros en 2009 à 21 millions d'euros en 2017. Aujourd'hui, il n'y a plus que 116 maisons de l'emploi qui peuvent, par ailleurs, bénéficier de financements européens. Nous avons rencontré il y a quelques jours le réseau Alliance Villes Emploi qui coordonne ces organismes pour voir comment gérer la transition. Gouverner c'est choisir et nous considérons précisément que les maisons de l'emploi ne constituent pas notre priorité dans le dispositif global. Je préfère en effet que les collectivités locales travaillent plus étroitement avec Pôle emploi. Les missions locales font déjà partie du périmètre. Plutôt que de continuer à subventionner un dispositif qui fait un peu doublon – et sachant que l'État n'est qu'un financeur parmi d'autres –, renforçons la manière dont elles travaillent ensemble au niveau local et territorial le plus fin.
S'agissant du handicap, on ne doit pas seulement le traiter avec une politique dédiée. On a trop tendance à appliquer toujours la même formule : « un public, un problème, une mesure ». Plusieurs décennies après le vote des premières dispositions, on en est encore à 3,2 % de salariés handicapés dans les entreprises, au lieu des 6 % ciblés, ce qui montre que nous n'avons pas réussi à atteindre notre but. Pour permettre aux travailleurs handicapés d'accéder vraiment au marché du travail, il faut donc mobiliser aussi les dispositifs ordinaires. Nous allons précisément pouvoir former plus de demandeurs d'emploi handicapés dans le cadre du plan d'investissement compétences.
Depuis ces dernières années, les services publics de l'emploi ont connu de nombreuses mutations qui ont parfois conduit à une baisse des crédits alloués à certaines structures. C'est le cas des maisons de l'emploi qui ont vu leurs crédits diminuer depuis 2009 et dont la baisse est maintenue dans ce projet de loi de finances.
Je connais la volonté du Gouvernement de lutter efficacement contre le chômage. L'acte II du grand chantier de rénovation de notre modèle social présenté mercredi dernier par le Premier ministre, le ministre de l'éducation nationale et vous-même, en est une preuve supplémentaire. Je connais également l'importance de ces structures sur nos territoires, tant du point de vue de leur mission propre que de l'aide qu'elles peuvent apporter à leurs partenaires.
Madame la ministre, je souhaite connaître votre avis sur les niveaux de financement accordés à l'ensemble de ces services publics cette année.
Par ailleurs, j'ai conscience que des doublons existent dans le fonctionnement actuel. Les différentes mutations qu'ont connu ces services publics, dont la création des maisons de l'emploi en 2008, n'ont effectivement pas été accompagnées de réformes structurantes permettant de définir clairement les missions de chaque organisme et d'assurer ainsi une action plus efficiente et complémentaire dans ce domaine.
Quelles mesures entendez-vous prendre afin d'assurer une telle rationalisation ? Les réformes de l'apprentissage, de la formation professionnelle et de l'assurance chômage s'inscrivent-elles également dans cet objectif ?
Hier matin, j'ai rencontré une cinquantaine d'artisans du bâtiment et chargés des espaces verts qui manifestait leur désarroi face à l'absence de candidats pour répondre aux nombreuses offres d'emploi en CDI, alors que le taux de chômage avoisine 10 % sur ce territoire. Ils ne nient pas que les organismes chargés de l'emploi leur envoient des candidats, mais ceux-ci sont souvent sans aucune adéquation avec les postes proposés. Je suis convaincu que la plupart de mes collègues connaissent eux aussi cette réalité.
Madame la ministre, quelles actions entendez-vous mener pour redonner le goût du travail à des personnes qui ont longtemps été déconnectées du monde du travail, qui souvent n'ont jamais vu leurs parents travailler ? Que pouvez-vous faire pour que les demandeurs d'emploi ne soient pas dans une situation financière plus avantageuse en restant demandeurs d'emploi que lorsqu'ils trouvent du travail ? Bref, comment valoriser le travail, y compris manuel et leur redonner envie de travailler ?
Ma seconde question porte sur l'apprentissage, qui est, j'en suis convaincu, une solution à privilégier. Dans un rapport sur l'apprentissage que j'ai rendu l'année dernière, j'avais dégagé plusieurs pistes que je retrouve un peu dans les projets que vous développez. Je suis certain néanmoins que la principale barrière à la relance de l'apprentissage reste ce sentiment d'échec vers lequel notre système de l'éducation nationale conduit les jeunes qui s'y destinent. Comment envisagez-vous d'inverser cette tendance et faire enfin de l'apprentissage une véritable voie de réussite ?
Madame la ministre, vous vous êtes longuement exprimée sur les contrats aidés et avez rappelé la situation que vous avez trouvée en prenant vos fonctions. Effectivement, les 280 000 emplois aidés, inscrits dans la loi de finances 2017, étaient à comparer aux 459 000 qui avaient été signés en 2016. Il est patent que la majorité précédente avait prévu la disparition de 179 000 contrats aidés. Ces éléments sont très importants à prendre en compte dans le cadre de la politique que vous menez et que nous accompagnons.
Les contrats aidés ont effectivement leur utilité pour nos concitoyens éloignés de l'emploi. Dans les centres sociaux d'Armentières, j'ai ainsi pu entendre que mieux vaut un contrat aidé que pas d'emploi du tout. Cela montre la forme d'urgence sociale qui existe dans notre pays. Votre politique, qui vise à développer la formation et les compétences, doit permettre d'y répondre.
Madame la ministre, il est important que vous rappeliez ici vers quels publics et quels territoires seront orientés les 200 000 contrats aidés qui représentent 1,5 milliard du budget.
Je veux appeler votre attention sur les établissements de travail protégé, les établissements et services d'aide par le travail (ESAT), et les entreprises adaptées qui accueillent des personnes reconnues travailleurs handicapés et leur permettent de mener une activité professionnelle grâce à un parcours individualisé incluant une activité salariée avec des formations appropriées. Des services visant à accompagner directement les personnes à l'emploi en milieu ordinaire de travail se développent aussi de plus en plus.
Alors que la solidarité est essentielle dans ces domaines, la mission « Travail emploi » prévoit une baisse des financements publics accordés aux entreprises adaptées avec la réduction de 7,6 millions d'euros du montant de la subvention spécifique, soit une baisse de 23 % par rapport à la loi de finances de 2017. S'agissant de l'aide au poste de ces entreprises, il manque 8 millions d'euros pour que le nombre de bénéficiaires soit augmenté conformément aux engagements pris, sans que le taux de l'aide baisse.
Vous avez souligné le besoin d'accompagnement vers l'emploi ordinaire et parlé même de productivité. Je le comprends, mais je mesure la difficulté pour les travailleurs handicapés psychiques de rejoindre l'emploi en milieu ordinaire, beaucoup ayant besoin de temps de travail adaptés ou de temps partiel. Quand ils prennent un emploi en entreprise, trop souvent ils perdent tout ou partie de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et ne peuvent pas alors vivre avec un salaire limité. Du coup, ils retournent à l'ESAT ou à l'entreprise adaptée, si ce n'est au chômage.
Face à cette situation peu satisfaisante et peu motivante, pouvez-vous soutenir la mise en place d'une AAH différentielle favorable pour inciter l'accès et le maintien à l'emploi en milieu ordinaire des personnes en situation du handicap ? Que comptez-vous faire très concrètement pour que les travailleurs handicapés bénéficient de meilleures facilités d'accès à l'emploi en milieu ordinaire, qu'ils puissent s'épanouir avec un projet personnel et trouver une vraie place dans notre société ?
En plein coeur de l'été, le Gouvernement annonçait de façon brutale et non concertée la suppression de 120 000 emplois aidés, ce qui est bien sûr de nature à fragiliser davantage encore nos territoires, notamment les plus ruraux. Ce qu'il faut bien appeler un plan social constitue une épreuve de plus pour nos concitoyens les plus jeunes et les plus éloignés de l'emploi. C'est pour eux que l'obtention ou la reconduction d'un emploi aidé représente une bouffée d'air. En effet, ces contrats permettent souvent de maintenir un lien social fragile et de se raccrocher au marché du travail, celui-ci étant encore plus inaccessible sur des territoires eux-mêmes éloignés de l'emploi.
Si l'on ne peut nier que les élus des villes les moins argentées ont très largement recours à ce dispositif, c'est qu'il faut répondre à une double nécessité. Tout d'abord, il s'agit de faire le pari de l'insertion sociale par le travail en proposant à ces personnels des formations ou des stages en immersion dans les entreprises locales. Cela est fondamental pour les gens qui, la plupart du temps, souhaitent faire preuve de leur bonne volonté d'intégration. Ensuite, cela permet aux élus de maintenir un certain niveau de services à la population dans des contextes locaux où les perspectives financières de nombreux villages demeurent incertaines. Ainsi, la masse salariale est contenue, ce qui permet de dégager des marges de manoeuvre nécessaires à l'investissement et donc au développement économique.
S'agissant des emplois aidés, l'aide reste stable pendant toutes les années d'éligibilité. Lors de la précédente législature, on avait proposé une sortie en sifflet, c'est-à-dire par exemple pour les emplois d'avenir passer de 75 % à 50 % puis 25 % afin d'éviter les ruptures budgétaires. Cela pourrait-il être encore d'actualité ?
Je rappelle tout d'abord qu'une part importante des ressources de Pôle emploi est dynamique puisqu'elle provient de l'UNEDIC et qu'elle est assise sur l'ensemble de la masse salariale. Pour 2018, le budget total de Pôle emploi augmentera ainsi de 20 millions, ce qui est sans précédent dans le secteur des opérateurs publics. Pour comprendre la situation de Pôle emploi, il ne faut donc pas s'en tenir uniquement au budget de l'État.
En ce qui concerne la trajectoire de baisse des effectifs du ministère, il s'agit, vous le savez, d'un programme d'ensemble. Nous sommes très conscients que nos dépenses publiques doivent diminuer globalement. Notre taux de dépenses publiques pèse sur notre économie et rend difficile certains progrès en termes de croissance. La baisse de trois points de PIB des dépenses publiques passe aussi par une meilleure organisation de l'État. Il faut éviter les doublons et les incohérences dans l'organisation, et parvenir au bon calibrage des missions au regard des moyens – et réciproquement. La baisse de 239 postes sur un total de plus de 9 000 ne se fera pas sous la forme d'un coup de rabot classique. Ainsi, certaines fonctions seront dématérialisées dans l'intérêt des finances publiques mais aussi de l'efficacité par rapport aux publics. Dans le cadre du programme global et interministériel « Action publique 2022 », nous allons par ailleurs mener une réflexion sur les missions du ministère et sur la bonne adéquation de l'organisation aux missions. Donner des coups de rabots tous les ans décourage les agents et ne les valorise pas sur le coeur de leur mission. Or leur apport est indispensable. Nous avons besoin d'un service public calibré, reconnu ; ses missions doivent être claires. Nous allons engager un travail de fond en ce sens, dans mon ministère, comme dans les autres. C'est Gérald Darmanin qui coordonne cette approche.
Monsieur Lurton, il ne se passe pas de jour sans que je rencontre des entrepreneurs qui cherchent du personnel et qui n'en trouvent pas. Je préfère cela à la situation précédente quand ils n'avaient besoin de personne. Cela dit, il faut répondre à cette question pour que les entreprises puissent conquérir des marchés et pour saisir cette opportunité formidable de refaire accéder au travail une partie de nos concitoyens qui en cherchent depuis longtemps.
Pourquoi les entreprises ne trouvent-elles pas de personnel ? La transformation et l'évolution des métiers font que dans certains cas les qualifications n'existent pas – tout le monde se souvient du cas des soudeurs chaudronniers. Souvent, nos dispositifs de formation initiale et continue n'ont pas produit non plus les compétences nécessaires sur le marché du travail. C'est pourquoi l'effort sur la formation professionnelle et l'apprentissage devient stratégique en termes de politique non seulement de l'emploi mais aussi économique puisqu'il permettra l'adéquation des compétences à l'évolution des emplois et du travail. Nous comptons sur les partenaires sociaux, les branches professionnelles, les entreprises et les régions pour définir ensemble les besoins, et proposer rapidement des formations qualifiantes et certifiantes à grande échelle.
Il y a aussi un problème de mobilité. Avec la reprise de la croissance, certains bassins d'emploi sont pratiquement au plein-emploi – je rappelle que le plein-emploi est atteint avec un chômage structurel de 4 à 5 %. – mais ne trouvent pas les compétences qu'ils recherchent, tandis que d'autres ne décollent pas et connaissent un taux de chômage plus élevé. C'est pourquoi la question de la mobilité, de l'aide au logement sera prise en compte dans le cadre du retour au marché du travail.
En ce qui concerne l'apprentissage, vous avez évoqué le sentiment d'échec. Vous avez raison, dans beaucoup de rectorats les logiciels d'orientation proposent dans la même colonne le redoublement ou l'apprentissage, ce qui n'est pas extrêmement motivant. Avec un taux d'insertion de 70 % au bout de six mois, l'apprentissage est pourtant une voie de réussite. Nous ne comptons que 400 000 apprentis. Beaucoup de familles et de jeunes ne savent pas bien qu'on peut être apprenti du CAP au diplôme d'ingénieur même s'ils commencent à comprendre que c'est un bon dispositif. L'un des axes du projet de réforme sur l'apprentissage que nous allons mener avec Jean-Michel Blanquer portera bien sûr sur l'orientation, qui est décisive. Mais ce sujet concerne l'opinion publique dans son ensemble, les familles, les jeunes et pas simplement les professionnels de l'orientation.
Plusieurs intervenants sont revenus sur les contrats aidés. Monsieur Pietraszewski, vous avez rappelé, à juste titre, leur sous-budgétisation et leur baisse très importante dans la loi de finances initiale pour 2017 par rapport à celle de 2016. C'est ce qui nous a conduits à en rajouter 40 000 pour la fin de l'année, car si nous en étions restés aux dispositions proposées par le gouvernement précédent, nous aurions été dans une situation bien plus dramatique puisque nous n'avions plus les moyens d'aller au-delà du mois de septembre. Nous voulons entreprendre une réforme de fond en passant à une deuxième génération de contrats aidés qui seront clairement ciblés en termes d'accompagnement d'insertion et de formation. Nous intégrerons également une notion territoriale – quartiers de la ville, zones rurales et les outre-mer. Nous supprimerons par ailleurs les contrats aidés dans le secteur marchand, considérant qu'avec la reprise et les différents dispositifs de formation, nous avons les moyens nécessaires de permettre aux chômeurs d'accéder à l'emploi. Aujourd'hui, il y a déjà 66 % d'effet d'aubaine pour les contrats aidés marchands. Avec la reprise de la croissance, ce sera pire. Il faut savoir faire un bon usage des deniers publics. La baisse est moins importante qu'il n'y paraît dans le secteur associatif pour ces raisons.
En ce qui concerne les entreprises adaptées, il y a un continuum des outils de politique d'intégration. Comme vous le savez, les ESAT ne sont pas dans le budget de l'emploi. C'est donc ma collègue Agnès Buzyn qui pourrait répondre plus légitimement à votre question. Je peux vous dire que nous avons ajouté 1 000 aides au poste, ce qui constitue une augmentation substantielle. Cela étant, Agnès Buzyn, Sophie Cluzel et moi-même avons confié récemment une mission à l'ancienne sénatrice Dominique Gillot dont l'expertise est reconnue sur ces dispositifs. Nous voulons en effet voir comment nous pouvons dynamiser l'accès à l'emploi en milieu ordinaire. Ce système, composé de nombreux de dispositifs spécifiques pour handicapés mais prévoyant une voie très étroite pour accéder à l'emploi ordinaire, est une spécialité française – certains pays sont meilleurs que nous sur ce point. Or je pense que la plupart des travailleurs handicapés souhaiteraient travailler en milieu ordinaire. J'attends donc des recommandations pour tenter de mettre un terme à cette fatalité.
Je salue tout d'abord votre volonté de procéder à des réformes de fond à travers la politique de l'emploi.
Ma question porte sur le statut des personnes. Les individus ciblés par cette réforme peuvent être à la fois soit demandeurs d'emploi, soit salariés sur des dispositifs pensés pour l'insertion professionnelle, soit parfois indépendants, soit handicapés et dans ce cas être accompagnés dans le cadre d'un ESAT ou d'une entreprise adaptée qui ne dépend pas du même secteur. Finalement, selon son statut, on s'aperçoit que la personne n'aura pas accès au même parcours de retour à l'emploi.
Comment permettre un égal accès à la formation de ces publics cibles, quel que soit leur statut ? Sachant que l'on va s'acheminer vers des formations de plus en plus longues, ce dont je me réjouis, comment assurer la continuité, la portabilité du parcours de formation d'un statut à l'autre ?
Députée du Nord, je suis, comme beaucoup de mes collègues issus de territoires en recomposition industrielle, fréquemment sollicitée par les comités d'entreprise faisant face à des plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) afin de protéger les emplois menacés ou leur indiquer les moyens de formation et conversions professionnelles qu'ils peuvent envisager.
Dans le cadre du programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », le Gouvernement poursuit la mise en oeuvre de nombreux dispositifs permettant une meilleure adéquation entre les besoins d'emploi et les qualifications de nos concitoyens, et il entend, par le biais du grand plan investissement, continuer dans cette voie que je tiens à saluer.
Au terme des deux axes énoncés dans l'action « Plan investissement compétences » du projet annuel de performance de la mission, les deux publics cibles sont les personnes sans qualification et les jeunes. Pourtant, dans nos territoires l'offre économique se recompose souvent vers des industries et des métiers dans lequel nos concitoyens n'ont pas toujours les compétences ou les qualifications spécifiques requises, sans être pour autant ni des jeunes ni sans qualification. Ainsi, dans ma circonscription, l'entreprise OVH, leader européen du « cloud », basée à Roubaix entend recruter 1 000 personnes dans le monde cette année avec plusieurs dizaines d'emplois à la clé sur le territoire. Cependant, compte tenu des qualifications des Roubaisiens, en l'état dans le domaine du « cloud » il est probable que l'essentiel des recrutements ne se fasse pas localement et ne contribue pas à résorber le taux chômage qui a dépassé 30 % au mois de juillet dernier.
Quelles solutions sont envisagées, éventuellement dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle à venir, pour mettre en oeuvre un ciblage territorial qui tienne compte des spécificités des recompositions industrielles dans ces zones et favorise le développement des compétences des populations locales vers ces nouvelles industries ?
Depuis plus de dix ans, là où elles ont été créées les maisons de l'emploi ont été les seules à proposer des espaces de travail collaboratif entre les chambres consulaires, les acteurs socio-économiques, le service public de l'emploi et les collectivités publiques afin de les regrouper autour d'enjeux et de projets territoriaux. La coopération et la coordination des acteurs sont en effet un élément clé de la réussite de nos projets.
À une question au Gouvernement de notre collègue sénatrice Nathalie Delattre, vous avez répondu que depuis la création de Pôle emploi les MDE n'avaient plus de sens. Il semble que vous confirmiez aujourd'hui cette réponse. Je me dois de vous dire que ni le réseau Alliance Villes emploi, ni les élus locaux ne partagent cet avis. Les maisons de l'emploi ont un cahier des charges parfaitement défini, et n'entrent nullement en concurrence avec Pôle emploi ou les missions locales. Au contraire, elles sont complémentaires. La multiplicité des actions qu'elles développent s'inscrit dans un cahier des charges national défini par l'État, lequel tient compte de la création de Pôle emploi. Les deux cahiers des charges et instructions ministérielles de 2009 puis de 2013 sont venus rappeler les axes d'intervention des MDE qui sont bien plus larges que ceux dévolus à Pôle emploi.
Enfin, Pôle emploi est un acteur majeur de la gouvernance tripartite des MDE aux côtés de l'État et des collectivités locales. Pôle emploi se prononce et valide les plans d'action proposés et participe même à la mise en oeuvre de certains projets. Par conséquent, la confusion ne peut exister. Cet enjeu concerne les politiques territorialisées de l'emploi et dépasse quotidiennement dans nos territoires tous les clivages politiques. Confirmez-vous, malgré tout votre volonté non seulement de réduire les crédits de cette année, mais au-delà d'asphyxier financièrement les MDE et donc de les voir disparaître rapidement ?
Comme beaucoup de questions vous ont été posées sur les MDE, je pensais concentrer mon propos sur les territoires zéro chômage. Mais votre réponse ne me satisfaisant pas, je veux insister sur les maisons de l'emploi qui ont été créées dans le cadre du plan de cohésion de Jean-Louis Borloo.
S'il est vrai que l'arrivée du numérique réduit les besoins de services fournis par certaines maisons de l'emploi, ce serait une grave erreur de penser qu'il diminue aussi la distance géographique ou sociale qui sépare les demandeurs d'emploi de la réalité de nos territoires. Comment voulez-vous trouver un emploi si vous n'avez pas internet ou si vous ne savez pas correctement utiliser les soutiens informatiques ? Pensez-vous vraiment que la division par deux des budgets de l'État et la suppression à long terme de ces aides ne sont pas trop dangereuses ?
L'accompagnement des associations et des maisons de l'emploi est plus efficace que certaines politiques menées par Pôle emploi. Votre décision est-elle définitive ou bien reste-t-il des pistes à explorer ? Le sort des maisons de l'emploi est-il scellé ?
Je souhaiterais quelques précisions sur l'affectation et la mise en oeuvre des contrats aidés. Selon le projet annuel de performances, ils sont ciblés sur les territoires ultramarins et ruraux, les secteurs de l'urgence sanitaire et sociale, ainsi que l'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire. Concrètement, les préfets établissent déjà des priorités par arrêtés, avec des différences selon les régions et les départements. Les établissements sanitaires et médico-sociaux sont ainsi exclus du dispositif en Occitanie, alors qu'ils seraient inclus dans d'autres régions et que le Gouvernement a fait de l'accompagnement des personnes dépendantes une priorité au mois de septembre dernier. Dans ce secteur, une part non négligeable des contrats aboutit à des recrutements pérennes et à des formations qualifiantes pour des reconversions. Autre exemple, les établissements d'éducation sous contrat pourront-ils continuer à bénéficier du dispositif pour assurer des missions de service public ? En Haute-Garonne, la question se pose notamment pour les écoles Calandreta qui proposent un enseignement de l'Occitan en immersion. Quelles sont les instructions données pour l'affectation des contrats aidés ? La gestion concrète est-elle assurée au cas par cas, par chaque préfet ou sous-préfet en fonction des besoins locaux ? Dans l'affirmative, quelles sont les règles du jeu déjà établies ?
Le sujet évoqué par Mme Fabre est très important. On a tendance à raisonner selon le schéma suivant : un public, un problème et une mesure. À force d'empiler, on aboutit à un véritable maquis et il faut entrer dans la bonne case pour obtenir un droit. On se concentre sur les statuts et non sur la personne. Je souhaite changer d'approche partout, en commençant par le plan d'investissement compétences . Il permettra de financer des formations dans le cadre d'offres nouvelles, mais aussi de compléter les dispositifs existants, notamment l'insertion par l'activité économique et les contrats aidés. Il faut une mobilisation transversale, partant de la personne et non de son statut. Les mots clefs sont ainsi la « personne » et le « parcours ». Bien souvent, on commence un parcours, mais un changement de statut vous fait tomber dans un « trou administratif » : les formations s'arrêtent pendant plusieurs mois avant de reprendre. Ces parcours hachés par des approches statutaires nuisent aux politiques de l'emploi et de l'insertion. Nous traiterons également ce sujet dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle : développer davantage le compte personnalisé de formation implique de s'affranchir de la limite liée aux statuts. C'est vrai aussi pour la réforme de l'assurance chômage : les indépendants, qui sont les salariés d'hier ou de demain, doivent pouvoir y accéder.
Mme Osson a évoqué les territoires en mutation économique ou en recomposition industrielle et dont le taux de chômage est élevé : ils doivent clairement être prioritaires dans l'ensemble des politiques de l'emploi – ce qui est le cas. Outre les outils existants, nous travaillons avec les branches professionnelles et certains territoires sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) : il faut comprendre les perspectives de développement. Pôle emploi dispose d'un dispositif de préparation opérationnelle à l'emploi (POE) qui fonctionne. Quand il y a mille recrutements à assurer, on sait mobiliser extrêmement vite des moyens de formation pour répondre à la demande. On doit saisir les opportunités. La dimension territoriale sera également essentielle dans la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage.
J'ai abondamment répondu aux questions relatives aux maisons de l'emploi. Je rappellerai simplement que cela fait maintenant huit ans que les différents gouvernements, de droite comme de gauche, ont conclu qu'il commençait à y avoir un doublon et que ce dispositif n'était donc pas un axe prioritaire. Je veux bien porter tout le poids du monde, mais il faut un peu de cohérence dans ce que disent les uns et les autres au fil du temps.
On ne sait pas toujours comment accéder à internet et faire une recherche d'emploi efficace, y compris chez les jeunes. Pôle emploi a commencé à monter des ateliers numériques très intéressants, comme le font aussi certaines missions locales. Cela fait partie de nos priorités dans le cadre du « numérique pour tous ». Tous nos concitoyens doivent être capables de naviguer efficacement sur internet : c'est un outil essentiel pour la liberté. Avec la fracture numérique, il existe une nouvelle rupture – et je ne parle pas de compétences très poussées, mais de base, celles qui sont nécessaires pour la vie sociale et la recherche d'emploi.
J'ai déjà longuement parlé des contrats aidés pour 2018, mais votre question me permet d'apporter une précision concernant la fin de l'année 2017. Nous avons fixé comme priorités les territoires ruraux, l'outre-mer, les quartiers prioritaires de la politique de la ville et, en matière de secteurs, l'urgence sanitaire et sociale, ainsi que l'accueil des enfants handicapés en milieu scolaire. Avec Jean-Michel Blanquer, nous avons maintenu les 50 000 auxiliaires de vie scolaire (AVS) financés par la politique de l'emploi, afin que tous les enfants handicapés puissent en bénéficier à la rentrée – il y a eu quelques semaines où ce n'était pas le cas partout, mais il s'agissait d'une question de recrutement et non de budget, et je crois que la question est maintenant réglée. Le principe est la déconcentration aux préfets : on leur laisse le soin d'apprécier ce qui est prioritaire, d'un territoire ou d'un établissement à l'autre, dans le cadre des orientations fixées. Je n'ai pas de réponse particulière quant à l'Occitanie, mais je vous invite à en discuter avec le préfet. La déconcentration permet de faire jouer l'intelligence de terrain : si l'on décidait tout à Paris, on arriverait à un résultat moins intelligent.
Je ne reviendrai pas sur la pertinence des contrats aidés ni sur les attentes dans nos territoires. Vous avez dit que ces contrats coûtent cher, ce qui est vrai, mais pourquoi ne pas avoir choisi une sortie en sifflet, en réduisant le taux de financement, par exemple à 50 %, afin d'atténuer la brutalité de la mesure ? Vous avez raison sur le deuxième point : les bénéficiaires sont mal formés. Mais pourquoi ne pas avoir fait comme pour les emplois jeunes ? On avait demandé aux régions qu'il y ait une contractualisation afin de s'assurer qu'un volet de formation existe. Vous auriez pu demander à Pôle emploi de le faire – car ce n'est jamais le cas aujourd'hui.
Il est exact que votre budget est sincère. Il y a une certaine baisse des crédits, mais je ne fais pas des montants financiers un critère de qualité pour la formation professionnelle. On sait qu'il y a des doublons et souvent de l'inefficacité dans la trentaine de milliards d'euros dépensés en la matière. Les résultats ne correspondent pas à ce que l'on attend dans les territoires. Allez-vous changer en profondeur la gouvernance et l'organisation du dispositif ? Il y a Pôle emploi, les branches professionnelles, mais aussi les régions : quel rôle pour chacun de ces acteurs ? Ne faudrait-il pas les rassembler au sein d'un même outil afin de disposer d'un pilotage aussi fin que possible par territoire ? Cela nous ramène à la question des maisons de l'emploi. Un pilotage territorial garantit que les formations seront en adéquation avec les besoins des entreprises.
Nous vous avons peu entendue sur l'apprentissage, mais je comprends que vous souhaitez confier aux branches professionnelles ce type de formations. N'est-ce pas un sujet majeur sur lequel il faut investir ? Sous la précédente législature, les 400 000 formations en apprentissage ont été ramenées à 280 000, avant de remonter très légèrement. Nous attendons votre réponse sur cette question qui doit être au coeur de la formation des jeunes dans les années à venir.
L'apprentissage est une voie de réussite. Chacun en convient et vous l'avez vous-même observé lors d'un récent déplacement en Suisse. Je voudrais d'ailleurs évoquer la situation dans la zone frontalière avec ce pays, qui est fortement industrialisé et pourrait offrir aux jeunes Français des contrats d'apprentissage. Ce n'était pas possible avant la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. Le code du travail permet des relations conventionnelles avec une entreprise d'un autre État susceptible d'accueillir temporairement des apprentis. Auparavant, cette possibilité n'était offerte qu'aux États membres de l'Union européenne. La Suisse donne désormais aux jeunes apprentis français la possibilité de venir se former chez elle. C'est pour nous un dossier extrêmement important car ce pays représente des débouchés tout à fait intéressants. J'aimerais savoir, et c'est l'objet d'un courrier que je vous ai adressé le 10 octobre dernier, quand le dispositif sera mis en place sur le plan pratique. Il y a une attente chez beaucoup de jeunes dans les territoires frontaliers.
Dès l'annonce de votre projet de baisse drastique et non concertée du nombre d'emplois aidés, j'ai demandé aux associations présentes dans ma circonscription quel serait l'impact : le Gouvernement en met un grand nombre dans une situation extrêmement difficile. Pour certaines, c'est leur existence même qui est en jeu ; pour les autres, l'offre et la qualité des services proposés sont touchées.
Les nombreux retours que j'ai eus battent en brèche l'argumentaire du Premier ministre, pour qui ce dispositif serait « coûteux et inefficace ». Si les contrats aidés sont inefficaces, pourquoi les maintenir dans certains secteurs et non dans d'autres ? De nombreux bénéficiaires, qui sont souvent très éloignés de l'emploi, ont un plan de formation et intègrent des CDD ou des CDI à moyen ou long terme.
Votre mesure est incompréhensible et inadmissible : de tels emplois correspondent à des besoins forts, d'utilité sociale, qui ne sont pas couverts. Vous fragilisez tout le tissu associatif et, surtout, vous laissez sur le carreau des dizaines de milliers de personnes qui devraient pourtant avoir toute l'attention des pouvoirs publics, car elles sont les plus fragiles. Dans ma seule circonscription, entre 150 et 200 emplois sont directement en péril.
L'indécence de ce budget n'a pas de limite : un seul des cent plus riches contribuables du pays pourrait largement financer, avec son seul cadeau fiscal d'1,5 millions d'euros par an, l'ensemble des contrats aidés menacés dans ma circonscription. Comme vous l'avez souligné, madame la ministre, gouverner c'est choisir…
J'aimerais attirer votre attention sur les dispositifs visant à soutenir et à faciliter les créations d'emploi dans les zones rurales. Je remercie le Gouvernement de cibler ces territoires l'année prochaine. Néanmoins, la réforme des critères de classement en zones de revitalisation rurale (ZRR), adoptée fin 2015 et appliquée depuis le 1er juillet 2017, a eu des conséquences négatives dans un certain nombre de départements très ruraux. Dans le Gers, le pourcentage des communes concernées est passé de 96 à 65 % sans qu'il y ait un lien avec la réalité économique et rurale du département. Le classement en ZRR ouvre notamment droit à des exonérations de cotisations sociales pour les entreprises, les organismes d'intérêt général et les associations – ce qui figure dans le programme 103 de la présente mission budgétaire. Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, plusieurs dispositions concernant les ZRR ont été adoptées, notamment un amendement permettant de maintenir jusqu'au 31 décembre 2019 le bénéfice de ce mécanisme pour les communes qui doivent en sortir et ne sont pas couvertes par la loi « Montagne » de 2016. Le Gouvernement doit par ailleurs remettre un rapport sur les mesures qui permettraient d'assurer une transition efficace. Pouvez-vous nous présenter plus globalement quelle politique le Gouvernement entend adopter pour soutenir et favoriser l'emploi au sein des territoires très ruraux ?
Je tiens à saluer le triplement des moyens prévus pour la formation des jeunes décrocheurs et des demandeurs d'emploi peu qualifiés. Ces crédits s'élèveront à 500 millions d'euros, tandis que le plan d'investissement compétences doit monter en puissance avec la réforme de la formation professionnelle, pour un montant de 15 milliards d'euros sur cinq ans.
Le décrochage n'est pas un phénomène uniforme et homogène. Il se matérialise par autant de trajectoires et d'histoires de vie qu'il y a d'individus concernés, et s'explique par une combinaison de facteurs de risque, internes et externes. La réponse ne peut donc pas être uniforme. Le plus difficile, notamment pour les parents, est d'inciter les jeunes décrocheurs à retourner dans un système de formation qui leur plaît.
Outre les moyens alloués par le Gouvernement – ils sont nécessaires pour aider ces jeunes à trouver leur voie – ne faudrait-il pas régler les difficultés qui résultent de la multiplicité des intervenants ? Elle ne permet pas aux parents d'avoir une visibilité claire. Ne devrait-on pas également traiter les problèmes associés à la consommation de cannabis, qui entraîne le décrochage ou est liée à ce phénomène ?
Le fait de consacrer 35 milliards d'euros à la formation n'a rien de choquant au regard des comparaisons internationales, même si l'on peut débattre de l'usage et de l'efficacité de ces crédits. Nous sommes dans une société de la compétence, de la connaissance et de l'innovation : l'avenir ne réside pas dans les emplois non qualifiés. L'investissement dans le capital humain, qu'il s'agisse des jeunes, des demandeurs d'emploi ou des salariés, est essentiel.
Sur ces 35 milliards d'euros, on dépense 13 milliards pour la formation des salariés, 6 milliards pour l'alternance, 6 milliards pour les demandeurs d'emploi et 6 milliards aussi pour les trois fonctions publiques. Nous formons chaque année 10 % des chômeurs, ce qui est très peu, d'autant que la proportion de ceux qui ne sont pas qualifiés est plus importante que dans le reste de la population. Le premier marqueur du chômage est la qualification, avant le territoire. Dans certains pays d'Europe du Nord, on est plutôt entre 20 et 30 % de chômeurs en formation chaque année.
Il ne s'agit pas de dépenser moins en la matière, mais mieux. C'est l'enjeu de la réforme à venir : elle portera à la fois sur la qualité de l'offre, qu'il faut prendre à bras-le-corps, sur les relations entre les régions et Pôle emploi, sur le compte de formation professionnelle (CFP), sur l'implication des branches et sur les éléments de certification. Tout cela devra être traité dans le cadre d'une négociation avec les partenaires sociaux, pour ce qui concerne les salariés, et d'une concertation plus large, notamment avec les régions, qui ont une compétence essentielle en la matière.
L'apprentissage constitue déjà une voie de réussite, je le disais tout à l'heure, mais elle est un peu confidentielle : 400 000 apprentis représentent 7 % des 16-26 ans, contre 20 % ou 30 % dans la plupart des pays européens qui ont vaincu le chômage de masse chez les jeunes. Nous avons par ailleurs 1,3 million de jeunes qui ne se trouvent nulle part : ni dans un emploi, ni en apprentissage, ni en formation, ni au sein de l'éducation nationale, ni à l'université. C'est un drame et un danger. J'ai emmené en Suisse et au Danemark les partenaires sociaux et les présidents de région qui le souhaitaient, afin de voir d'autres réalités dans un domaine où certains pays font mieux que nous. Nous ne pourrons pas les imiter, car notre histoire est différente, mais on peut s'inspirer d'un certain nombre d'idées. En Suisse, 65 % des jeunes vont en apprentissage : c'est la voie de réussite normale.
En ce qui concerne les zones frontalières et plus généralement l'apprentissage multipays, j'ai confié à Jean Arthuis, il y a deux mois, une mission sur la manière dont on pourrait développer un Erasmus de l'apprentissage et un apprentissage transnational au sein de l'Europe, dans laquelle j'inclus la Suisse pour des raisons géographiques. J'attends les conclusions de cette mission avant la fin de l'année. Erasmus est une des plus belles réalisations européennes – on a ainsi créé un sentiment d'appartenance et de citoyenneté chez beaucoup de jeunes – mais on ne compte que 50 000 apprentis parmi les bénéficiaires de ce programme, contre 500 000 étudiants. Pourquoi les apprentis n'auraient-ils pas, eux aussi, le droit de passer un semestre dans un autre pays ? C'est un sujet que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises lors des conseils des ministres de l'Union européenne et plusieurs États membres sont d'accord pour pousser ensemble les feux sur ce sujet.
Une spécificité française est que nous avons à la fois des lycées professionnels et l'apprentissage. Nous allons conserver ces deux voies : les lycées professionnels, qui accueillent 700 000 jeunes sous statut scolaire, constituent une originalité de la France. Néanmoins, sans basculer d'une voie à l'autre, il faut travailler sur les complémentarités, notamment grâce à des parcours mixtes et des campus de métiers communs. Cette piste mérite d'être explorée. Avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, nous allons mener ensemble cette réforme, qui fera l'objet de discussions avec les régions et les partenaires sociaux.
Qu'est-ce que des contrats aidés efficaces ? Ce sont ceux qui aident un nombre significatif de personnes très éloignées d'une qualification à retrouver le chemin de l'emploi. Je le répète, même si cela ne fait plaisir à personne : dans le secteur non marchand, 26 % des contrats aidés débouchent sur une qualification ou un emploi. Tel qu'il existe actuellement, c'est le dispositif le moins efficace pour des publics en difficulté. Dans de nombreux cas, il n'existe pas d'accompagnement et le plus souvent il n'y a pas de formation. Cela doit être corrigé. Nous voulons créer un triptyque associant expérience, accompagnement et formation. Je suis assez convaincue de notre capacité à y arriver, car les 26 % de réussite sont une moyenne. Le taux est nul dans certains endroits, où aucun effort n'est réalisé pour aider les bénéficiaires d'un contrat aidé à retrouver un emploi, alors que des associations et des communes peuvent arriver à 50 ou 70 % d'insertion. Il y aura par ailleurs beaucoup plus de places dans des formations permettant d'accéder directement à des emplois : la palette s'élargira avec le plan d'investissement compétences.
Pour les jeunes décrocheurs, nous développerons la garantie « jeunes » et il y a l'apprentissage : plusieurs dizaines de milliers de places sont disponibles, avec un taux de 70 % d'embauche à la sortie. Mobilisons-nous. Cela représente une vraie qualification, qui est durable : c'est donc une politique de fond. Il y a aussi les contrats de professionnalisation. Avec la reprise de la croissance, tous ces dispositifs doivent se développer pour permettre aux jeunes de trouver leur voie. Comme vous l'avez souligné dans votre question, madame Vignon, la multiplication des intervenants et des dispositifs rend l'ensemble très illisible. Y remédier fait partie des réformes que nous voulons mener.
S'agissant des ZRR, un débat a eu lieu à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la première partie du projet de loi de finances. La période de transition pour le zonage a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2019. L'exonération de charges sociales a vocation à être réexaminée à cette échéance, comme mes collègues du Gouvernement l'ont dit lors des débats. Les allégements de droit commun pourraient en effet devenir plus favorables que le dispositif spécifiquement créé pour les ZRR. Par ailleurs, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) a montré en 2015 la faible efficacité des exonérations en matière d'emploi. Nous allons examiner attentivement la question, notamment au regard des exonérations de droit commun. Ce serait quand même un comble si le dispositif des ZRR était moins favorable.
J'ai bien entendu votre réponse sur l'Erasmus de l'apprentissage, mais je voudrais également souligner l'importance du programme franco-allemand d'échanges de jeunes et d'adultes en formation professionnelle, initiale et continue. La dotation correspondant à ce dispositif d'aide à la mobilité – 430 000 euros – n'est pas excessive. Pour les apprentis, c'est une chance d'effectuer une partie de leur formation dans un autre pays. Si nos jeunes maîtrisaient mieux la langue allemande, l'apprentissage transfrontalier constituerait un véritable tremplin pour l'emploi : en Allemagne, les entreprises embauchent à l'issue de la formation.
Je note avec satisfaction l'augmentation de la dotation de l'État visant à compenser les exonérations en faveur des aides à domicile auprès des personnes dépendantes ou handicapées : cela représentera 1,78 milliard d'euros en 2018, contre 1,65 milliard cette année, dont un peu moins de la moitié pour les particuliers employeurs et le reste pour les associations ou entreprises d'aide à domicile.
En contrepoint de cette bonne mesure, qui réduit le coût du travail, il faut souligner l'arrivée de travailleuses détachées, souvent polonaises, par l'intermédiaire d'associations allemandes. Elles sont placées entre trois et six mois auprès des personnes âgées pour assurer, à des tarifs imbattables, leur maintien à domicile. De nombreuses associations, soutenues par les collectivités territoriales, s'inquiètent de cette concurrence déloyale. L'Élysée s'est félicitée qu'un accord ambitieux ait été conclu sur la révision de la directive de 1996 relative au travail détaché, mais le résultat est plus modeste en réalité : la question cruciale des charges et des responsabilités n'est pas abordée, et 2022 est encore loin.
Que comptez-vous faire pour les aides à la personne, que ce soit à domicile ou dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ? Comment allez-vous appliquer votre triptyque « accompagnement, formation et expérience » dans cette filière comptant des besoins humains considérables.
L'emploi est un enjeu essentiel pour les quartiers éligibles à la politique de la ville, où le taux de chômage est plus élevé d'un tiers, voire de 50 % pour les jeunes. Ma question porte sur le devenir d'un certain nombre d'outils des politiques de la ville et de l'emploi, en particulier les écoles de la deuxième chance. Avec 62 % de sorties positives en 2016, ce dispositif a fait la preuve de son efficacité. Par le travail qui est réalisé aussi bien sur la définition des projets professionnels et l'accompagnement que sur les savoir-être et les postures face à l'emploi, les écoles de la deuxième chance donnent un coup de pouce à de nombreux jeunes qui n'y croyaient pas vraiment. Je souhaiterais savoir si le financement est assuré pour les années à venir et s'il est envisageable de développer davantage ce dispositif, en lien avec le grand plan d'investissement pour la formation.
Je souhaite appeler votre attention, madame la ministre, sur le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » dont les crédits alloués à la Guyane fondent comme neige au soleil puisqu'ils accusent une baisse de 15 % en trois ans, soit 6,4 millions d'euros. Cette baisse s'explique par votre choix de diminuer drastiquement le nombre de contrats aidés qui, dans nos territoires d'outre-mer, permettent pourtant à de nombreux jeunes de sortir de la grande précarité et, dans le même temps, aux associations – en particulier les collectivités – de continuer à fonctionner malgré l'état dégradé de leurs finances. Cette décision est tout simplement incompréhensible quand on sait qu'un jeune Guyanais sur deux est sans emploi et que ce sont aussi les carences de l'État en matière de services publics qui ont motivé les habitants de ce territoire à descendre massivement dans la rue pour crier leur ras-le-bol il y a quelques mois.
Pourtant, l'argument économique ne tient pas. D'un côté, en effet, on sacrifie les contrats aidés au coût unitaire de 115 000 euros sur la durée du quinquennat et, d'un autre côté, on se réjouit de la création hypothétique de 50 000 emplois avec la mise en place du nouveau bouclier fiscal. En fin de parcours, néanmoins, il est à craindre que ces emplois ne coûtent cinq fois plus cher au contribuable.
J'ai bien entendu vos explications, madame la ministre, sur la nécessité de changer de paradigme. Toutefois, en dépit des efforts consentis, nos collectivités et nos associations sont toujours aux abois. Aussi, pouvez-vous nous donner des chiffres précis quant au nombre de contrats aidés qui seront sauvegardés en Guyane pour l'exercice 2018 ?
Comme vous l'avez indiqué, madame la ministre, les jeunes issus de la formation en alternance ont un meilleur taux d'accès à l'emploi. Pour autant, leurs résultats sont plus décevants en ce qui concerne le parcours scolaire. Se pose alors la question de l'orientation : serait-il possible, pour éviter le décrochage scolaire, d'envisager en amont une intervention des entreprises dans les établissements afin de familiariser les plus jeunes aux secteurs professionnels ?
Par ailleurs, une réforme est à l'oeuvre afin de réaliser les programmes de formation en alternance en coopération avec les branches professionnelles, ce qui permettra de dispenser des formations au plus près des besoins du monde du travail. Comment les branches professionnelles envisagent-elles la co-construction des programmes ? Quelle méthode sera employée pour assurer cette transversalité ? Comment tout cela s'articulera-t-il ?
Votre budget, madame la ministre, me semble pris entre les tirs croisés des réformes annoncées qui se traduisent en actions, d'un côté, et les réformes à venir qui ne sont pas encore traduites par des mesures concrètes de l'autre côté. C'est toute la difficulté de la vision qui anime votre politique de l'emploi. Je prendrai deux exemples.
Le premier concerne le régime de solidarité d'indemnisation du chômage. Auparavant, les personnes qui ne pouvaient plus prétendre à l'indemnisation chômage bénéficiaient d'un dispositif de solidarité, qui était financé pour moitié par le budget de l'État au moyen d'une subvention d'équilibre et pour moitié par la contribution exceptionnelle de solidarité acquittée par les fonctionnaires. Ayant mis en oeuvre la réforme de la contribution sociale généralisée (CSG) dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, vous devez exonérer les fonctionnaires du paiement de la contribution exceptionnelle de solidarité pour compenser leur perte de pouvoir d'achat et, par conséquent, vous devez augmenter la contribution d'équilibre de l'État pour financer cette dépense de solidarité. Le compte n'y est pas, cependant : il manque 14 % par rapport au budget de l'an dernier.
Deuxième exemple : les maisons de l'emploi. Souvenez-vous de leur genèse, madame la ministre : lors de leur instauration par Jean-Louis Borloo en 2008, il n'a jamais été prévu qu'elles se substituent à Pôle emploi ; au contraire, il n'existait aucune concurrence entre les unes et l'autre. Les maisons de l'emploi n'ont pas vocation à contribuer au retour à l'emploi, domaine dans lequel l'opérateur est Pôle emploi. Les maisons de l'emploi sont un véritable dispositif d'accompagnement fonctionnant avec des professionnels sur des territoires. Je déplore que vous le méconnaissiez. Si faire de la politique c'est choisir, comme vous le dites, avez-vous choisi d'éliminer définitivement les maisons de l'emploi du paysage des politiques d'accompagnement vers l'emploi ?
L'action conjointe franco-allemande est un sujet important, monsieur Reiss. Nous avons abordé la question du programme Erasmus Pro dans les attendus du sommet franco-allemand, qui s'est tenu il y a quelques semaines : il a été décidé de le développer ensemble.
En ce qui concerne les aides à domicile, vous avez souligné l'élargissement de l'exonération qui me semble judicieuse. En matière de formations qualifiantes, nous visons tous les secteurs qui offrent des emplois et ont des besoins de formation.
S'agissant des travailleurs détachés, je ne saurais omettre de souligner le progrès majeur que nous avons accompli il y a huit jours : conformément à l'engagement du Président de la République, j'ai négocié avec mes homologues, lors du conseil européen des ministres du travail, la révision de la directive sur les travailleurs détachés dont je rappelle qu'elle date de 1996. Or, pour la première fois, nous sommes convenus qu'un travail égal donnerait lieu sur le même lieu de travail à un salaire égal incluant les primes et qu'il ne pourrait en être déduit les frais d'hébergement et de déplacement. Quant à la convergence sociale européenne, c'est un beau sujet de plus longue haleine : pour que l'Europe puisse tout à la fois protéger ses citoyens et leur permettre d'accéder à un marché et à des opportunités plus grandes, nous devons en effet, comme le souhaite le Gouvernement, parvenir à une meilleure convergence fiscale et sociale. Ce sera une étape différente. En attendant, le fait qu'il ne soit plus possible de déduire les frais d'hébergement et de déplacement de la rémunération globale des travailleurs détachés permettra de rétablir les coûts salariaux à des niveaux très proches. C'est donc une mesure profondément sociale, car il n'y a aucune raison que le dumping social pénalise les salariés français ou autres, et c'est aussi une mesure qui favorise une concurrence loyale tenant compte des différences. Nous avons donc obtenu une avancée majeure ; il appartient au Parlement, à la Commission et au Conseil européens de converger sur ce point dans les semaines à venir mais, je le répète, nous avons obtenu une avancée majeure concernant la notion de rémunération globale, sur la limitation dans le temps du travail détaché et sur les modalités de contrôle transnational. C'est un grand pas franchi vers l'Europe sociale, vingt-et-un ans après la première directive.
Les écoles de la deuxième chance, monsieur Belhaddad, sont un excellent dispositif – et ma récente visite dans l'un de ses établissements n'a fait que confirmer cette conviction. Le budget est maintenu et je suis favorable au développement de ce type d'outils. Les centres de l'établissement pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE) sont également très utiles, même s'ils s'adressent à des jeunes n'ayant pas tout à fait le même profil. Je viens justement de donner mon feu vert à l'ouverture du vingtième centre de l'EPIDE à Alès. En somme, ces deux dispositifs ont fait leurs preuves. Là où un accompagnement approfondi est prévu reposant sur une vision globale des jeunes concernés – en privilégiant chaque personne, et non le statut dont elle relève – et s'appuyant sur une expérience professionnelle et une formation, nous obtenons des résultats auprès de jeunes pourtant très éloignés des qualifications qui, en outre, connaissent des difficultés sociales de tous ordres. Il n'y a pas de fatalité en la matière. Nous devons privilégier au maximum ces dispositifs qui permettent aux jeunes de sortir du cycle dans lequel ils se sont parfois enfermés.
En 2017, monsieur Serville, la Guyane a bénéficié d'une enveloppe de 2 062 contrats aidés, dont 60 % sont aujourd'hui prescrits. Il reste donc des possibilités avant la fin de l'année. Si nous sommes parvenus à ce résultat malgré les dispositions adoptées par la précédente majorité dans la loi de finances initiale, c'est parce que nous avons permis une plus grande fongibilité des dispositifs à la main des préfets. Sur ce point, il faut en effet s'adapter au plus près des réalités locales, qui varient selon les lieux et les moments. En 2018, l'outre-mer sera une priorité et aura toute notre vigilance, pas seulement sur la question des contrats aidés puisque dans le cadre des assises de l'outre-mer, tous les sujets relatifs à la qualification et à l'accès à l'emploi seront abordés.
Le présent budget du travail reprend l'ensemble des dépenses concernant l'allocation de solidarité spécifique (ASS) à hauteur de 2,4 milliards d'euros suite à la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité. De façon générale, nous voulons des dispositifs clairs, simples et lisibles. Que les fonctionnaires doivent s'acquitter d'une contribution de solidarité pour financer une allocation versée à des personnes dont les droits de chômage arrivent à échéance n'est guère lisible. Il est plus simple que cette allocation soit budgétée ; d'autres mesures pourront être prises dans le secteur public et dans le secteur privé. En attendant, cette clarification me semble opportune. Les chiffres que vous évoquez, madame Dalloz, concernent la baisse des bénéficiaires que nous avons constatée. Ce n'est donc pas le fruit d'une décision mais un constat : nous ne restreignons pas les droits mais, la conjecture s'améliorant, nous observons déjà une baisse du nombre de bénéficiaires de l'ASS. Par ailleurs, les mesures liées à la réforme des minima sociaux, engagée en 2017 et qui fera l'objet de travaux complémentaires, vont produire leurs effets. En clair, le budget qui vous est proposé garantit la couverture des besoins en ne modifiant ni les droits ni les montants dont bénéficient les personnes qui perçoivent l'ASS.
Nous sommes nombreux à partager votre exigence d'accompagnement et de formation, madame la ministre, pendant toute la durée du contrat aidé. Cela étant, c'était déjà le cas auparavant, et il est avéré que de nombreux employeurs ont été condamnés à partir de 2006 pour avoir recruté des personnes au titre de contrats aidés sans offrir de formations à la clé. Vous évoquez le secteur non marchand, mais je précise que 20 % des contrats aidés y relèvent de l'éducation nationale. C'est d'ailleurs dans ce secteur que vous les avez maintenus. J'espère donc que vous exprimerez la même exigence vis-à-vis de l'État employeur que vis-à-vis des collectivités ou des associations.
Ensuite, vous indiquez que le budget de Pôle emploi augmente, mais le rapport budgétaire montre que son budget diminue de 50 millions d'euros et que 341 postes sont supprimés. Pouvez-vous nous apporter des précisions à ce sujet afin d'éclaircir l'écart entre vos chiffres et les données figurant dans le rapport ? Surtout, l'État a-t-il toujours la volonté, comme annoncé, de privatiser Pôle emploi ?
Enfin, concernant la garantie jeunes qui relève des missions locales et concerne des jeunes de 16 à 25 ans très éloignés de l'emploi, vous prévoyez une hausse de près de 18 % du nombre de bénéficiaires et, dans le même temps, les crédits baissent de 10 % : qu'en est-il ?
Vous avez rappelé, madame la ministre, l'attention que vous accordez aux jeunes qui cumulent plusieurs difficultés sociales. Je me contenterai donc de revenir sur l'accent qu'il convient de placer dans le plan d'investissement dans les compétences en faveur de l'acquisition des postures professionnelles et des compétences relationnelles attendues par les recruteurs. Dans sept cas sur dix, les employeurs justifient leur refus d'un candidat au simple motif que son attitude est jugée inadéquate. L'insertion professionnelle nécessite de prendre en compte non seulement le manque de qualifications mais aussi les autres difficultés auxquelles chacun peut être confronté en fonction de sa provenance, de sa manière de parler, de communiquer voire de s'habiller. C'est notamment le cas pour des jeunes qui viennent de quartiers populaires, auxquels s'adresseront les emplois francs que vous avez évoqués – je précise que le groupe LRM proposera un amendement visant à les expérimenter en 2018. Cependant, il est à mon sens fondamental de développer de nouvelles prestations pour permettre aux demandeurs d'emploi de mieux intégrer ces dimensions relationnelles tant lors de l'entretien que dans l'exercice quotidien de leur métier. Comment répondrez-vous à ces nouveaux besoins, qui figurent dans le plan d'investissement ?
Nous nous inquiétons de la réduction globale du budget du travail et de l'emploi. J'insisterai quant à moi sur un aspect essentiel de la vie sociale : le bien-être et la santé psychologique au travail. En 2010, le rapport Pénicaud-Lachmann dont vous avez sûrement entendu parler, madame la ministre, mettait en exergue les mutations profondes des conditions de travail en ce début de siècle. Dans un contexte où les corps intermédiaires ne jouent plus leur rôle de consolidation du lien social, l'entreprise devient le réceptacle des différents maux de la société, et cette situation peut devenir critique lorsque les maux de la vie professionnelle et personnelle se rejoignent, comme le démontre hélas l'épisode des suicides au travail.
L'engagement en faveur de la santé et des conditions de travail ne se résume pas à une charge pour la société et pour l'entreprise ; c'est un investissement qui favorise la productivité et, d'abord, une obligation sur le plan humain. Or, l'évolution contemporaine se caractérise par le bouleversement de l'organisation du travail : avec la mobilité, une carrière professionnelle ne s'entend plus comme l'ascension progressive des échelons d'une entreprise pendant quarante ans. Dans ces conditions, les exigences les plus fréquentes concernent le plus souvent les conditions de travail et, surtout, l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée. Il appartient donc au législateur d'être à la hauteur des enjeux, d'autant plus que le chômage produit les ravages que l'on sait.
Nous ne pouvons donc qu'encourager le Gouvernement à oeuvrer en faveur de la santé, de l'insertion au travail et de la formation, qui constitue le premier facteur de promotion sociale. Nous constatons tous les jours le rôle que jouent à Bastia l'école de la deuxième chance et la Garantie jeunes, et les difficultés auxquelles elles font face. Il ne faut pas réduire les budgets ni les déverser vers les régions ; nous proposerons d'ailleurs un amendement en la matière.
Je partage un certain nombre de propos tenus sur le recentrage des contrats aidés. Si des études de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) invitent à repenser en profondeur ces dispositifs dont les effets à long terme en matière d'embauche sont limités, je crois cependant que la méthode employée cet été fut peu lisible, voire brutale pour les acteurs du terrain et les élus. Il me semble qu'un accompagnement des territoires et des efforts de clarification sont encore nécessaires au quotidien, en particulier lorsque nous rencontrons les associations qui défendent certains projets avec beaucoup de courage.
En ce qui concerne le soutien à l'activité des personnes handicapées, je souhaite obtenir des éclaircissements concernant la baisse de 8 % de la subvention spécifique allouée aux entreprises adaptées, qui apportent un soutien indispensable aux plus vulnérables d'entre nous afin de permettre leur insertion sociale et économique, alors qu'ils connaissent un taux de chômage de 22 %, soit le double de celui des personnes valides. Dans ces conditions, comment entendez-vous atteindre concrètement, madame la ministre, l'objectif ambitieux de créer mille postes aidés supplémentaires dans les entreprises adaptées, dont le nombre passerait ainsi de 23 036 en 2017 à 24 036 en 2018 ? Il va de soi que je soutiens pleinement cette démarche.
Permettez-moi, madame la ministre, d'aborder trois points concernant les contrats aidés. Je commencerai par citer l'une des têtes de chapitre du rapport rédigé l'an dernier par le rapporteur spécial sur les emplois aidés : « Un budget stable qui finance pleinement les nouveaux dispositifs en faveur de l'emploi ». Or ce rapporteur spécial était M. Christophe Castaner. Vous prétendez aujourd'hui qu'aucun d'entre vous n'a voté le budget à l'époque ; pourtant, celui qui est aujourd'hui porte-parole du Gouvernement l'a non seulement voté mais a même expliqué qu'il s'agissait d'un budget stable finançant l'ensemble des priorités.
Comme vous le savez, madame la ministre, les emplois aidés font toujours l'objet d'un volet adopté en loi de finances initiale et d'un autre volet adopté en loi de finances rectificative ; chaque année, c'est le cas – vous pouvez vérifier. Or, cette année, vous avez refusé de créer ce deuxième volet ; vous en avez parfaitement le droit, mais il faut l'assumer, ce que vous ne faites pas.
Ensuite, assumez-vous le fait de dire aux associations que vous augmenterez leurs charges de 1,5 milliard d'euros ? Lorsque vous supprimez la totalité des emplois aidés dont elles bénéficient, soit elles maintiennent ces emplois en recrutant, d'où une hausse de leurs charges, soit elles licencient les salariés qu'elles employaient jusqu'alors. Allez-vous leur dire concrètement que vous augmentez leurs charges de 1,5 milliard pour 2018 ?
Enfin, madame la ministre, permettez-moi de vous lire un message qui m'a été envoyé hier soir par une association : « J'ai reçu la lettre du préfet m'informant du refus de renouveler le contrat d'accompagnement dans l'emploi de M. X. Je suis extrêmement amère, car il n'est tenu compte d'aucun de nos arguments. Il nous renvoie vers Pôle emploi ». Voilà la réalité, madame la ministre : « il nous renvoie vers Pôle emploi ». Vous avez travaillé en entreprise et vous savez très bien que tout changement de comportement nécessite une phase d'adaptation qui prend du temps. Vous n'avez pas pris ce temps concernant les emplois aidés ; vous avez décidé du jour au lendemain qu'ils seraient supprimés, au moins pour la moitié d'entre eux. Or, la seule solution qui s'offre désormais aux bénéficiaires de ces CAE, c'est Pôle emploi ! Ce n'est pas moi qui le dis, mais les associations qui nous écrivent. Assumez-vous donc le fait de dire aux associations qu'elles auront une augmentation de charges de 1,5 milliard d'euros et que les bénéficiaires des contrats aidés n'auront plus qu'à se tourner vers Pôle emploi ?
Mon collègue Aurélien Taché a indiqué que le groupe LRM déposerait un amendement concernant les emplois francs et vous avez, madame la ministre, ouvert la porte à leur expérimentation en 2018. C'est un sujet très important, en effet, pour bon nombre de territoires. Dans les quartiers prioritaires d'Angers, où je suis élu, le taux de chômage est quatre fois plus élevé que dans les autres quartiers, ce qui crée des inégalités sur fond de discriminations multiples et croisées. Il faut donc agir et expérimenter de nouveaux dispositifs. Cette promesse de campagne concernant les emplois francs, qui représentent une aide de 15 000 euros pour les entreprises qui embaucheraient en CDI une personne issue des quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville, nous paraît offrir un moyen très intéressant. La phase d'expérimentation en 2018 nous permettra de bien ajuster le dispositif et d'en tirer toutes les conclusions avant sa généralisation, tant il existe d'idées reçues en la matière, en particulier suite à l'expérimentation d'un dispositif sous le mandat précédent, même s'il était très différent.
Si cette expérimentation se concrétise en 2018, ce qui serait une très bonne nouvelle, seriez-vous d'accord en principe pour que tous les partenaires soient associés dès l'élaboration du dispositif, qu'il s'agisse des représentants des entreprises, du monde éducatif ou encore de l'insertion ? Nous pourrions ainsi réellement concevoir avec eux les conditions de cette expérimentation, comme cela s'est déjà fait sur les territoires zéro chômeur, par exemple. Ce serait certainement une condition de réussite de l'expérimentation.
La dotation de l'État à Pôle emploi baisse en effet de 50 millions d'euros, mais les recettes de l'UNEDIC augmentent de 70 millions ; le budget de Pôle emploi augmente donc en tout de 20 millions. En effet, les recettes provenant de l'UNEDIC sont dynamiques et assises sur un pourcentage de masse salariale. Autrement dit, Pôle emploi sera l'un des rares opérateurs dont le budget augmentera de manière significative.
En termes d'effectifs, il y aura bien 297 emplois en moins sur 54 000 ; c'est donc une contribution raisonnable à l'effort de diminution des dépenses publiques dans un contexte, je le répète, de reprise de l'emploi. Dans ces conditions, Pôle emploi peut parfaitement absorber cette baisse qui ne l'empêchera pas de continuer à mener une activité très importante consistant à développer un ensemble de stratégies territoriales et sectorielles innovantes. Nous avons besoin d'un grand service public de l'emploi innovant et efficace ; c'est le cas avec Pôle emploi, qui a des idées pour progresser, et je l'encourage en ce sens.
L'État est largement impliqué dans le financement des missions locales dès l'origine. Il contribue pour 52 % à leur budget. En 2018, le financement du fonctionnement des missions locales a été maintenu à hauteur de 206 millions d'euros, dans un contexte général de diminution du financement public de ces structures. L'État, au contraire, estime que les jeunes constituent une ardente priorité ; c'est pourquoi nous développons la Garantie jeunes, que nous misons fortement sur l'apprentissage et que nous soutenons le budget des missions locales. Elles font naturellement partie du service public de l'emploi et seront impliquées sur toutes les questions relatives à l'alternance, à l'insertion et au plan d'investissement dans les compétences. Je vous remercie au passage, monsieur Castellani, d'avoir mentionné le rapport sur le bien-être et l'efficacité au travail, étant précisé que je l'ai co-signé non seulement avec Henri Lachmann, président de Schneider, mais aussi avec Christian Larose, de la CGT ; ce fut un travail réellement collectif.
La question des postures relationnelles est essentielle, monsieur Taché, car outre la qualification technique, la qualification sociale compte également. Il est vrai qu'elle constitue un discriminant à l'embauche, d'autant plus qu'il n'est pas conscient et voulu ; il pose en effet la question de l'accès aux codes sociaux du monde du travail, qui ne sont pas forcément ceux de tout un chacun dans sa vie personnelle. Cet élément fondamental doit donc permettre à des jeunes très éloignés des qualifications, dont l'entourage n'est pas toujours en majorité dans l'emploi, d'accéder à ces codes sociaux. Il sera traité dans le plan d'investissements dans les compétences.
Je suis assez favorable à l'idée d'une expérimentation des emplois francs, bien qu'une expérience – certes très différente – déjà réalisée n'ait pas été très concluante. Je suis naturellement d'accord pour y associer les différentes partenaires – entreprises, éducation, insertion, élus locaux – et j'en ferai même une condition, car il faut entendre le terme d'expérimentation au sens fort : c'est ainsi que l'expérimentation pourra s'adapter aux conditions du terrain, qui varient selon les quartiers. Avant de les généraliser, cette phase de co-construction des emplois francs est indispensable pour que nous soyons sûr d'en tirer parti au mieux. Une simple aide financière ne constitue que rarement un outil très efficace dans la politique de l'emploi ; il faut plutôt une combinaison de plusieurs éléments. L'aide à l'embauche, par exemple, doit être combinée avec un accompagnement que nous pourrons donc co-construire ensemble.
La baisse des subventions aux entreprises adaptées fait partie d'une discussion globale sur leur financement. Le système actuel est extrêmement complexe. Le seul budget du travail et de l'emploi – et je ne parle pas des autres – compte au moins cinq ou six lignes relatives aux entreprises adaptées. Elles ne bénéficient donc pas d'une grande lisibilité. Au total, le budget du dispositif spécifique aux travailleurs handicapés est stable et même en légère augmentation. De plus, les entreprises adaptées bénéficieront des allégements de charges généraux, notamment dans le secteur associatif. Nous devons adopter une vision globale et des systèmes plus lisibles qui permettent d'ouvrir des perspectives sur l'avenir, et surtout moins complexes : chaque ligne budgétaire exige une justification chronophage. Une fois déterminés leurs objectifs, leurs missions et leurs moyens, les entreprises adaptées, comme les associations et les entreprises qui concourent à la politique de l'emploi et de l'insertion, doivent pouvoir avancer sans avoir à apporter sans cesse des justifications administratives sur toutes sortes de choses. Elles ont mieux à faire et souhaitent à juste titre s'occuper de leurs publics avant tout. Nous tâcherons donc de nous orienter vers un système qui ne sera pas moins budgété mais plus simple et plus lisible pour les intéressés.
De nombreuses questions ont porté sur les contrats aidés. Je rappelle que la baisse porte pour l'essentiel sur le secteur marchand ; ne nous trompons pas de sujet. Je rappelle aussi que nous n'avons pas supprimé les contrats aidés, mais qu'ils ont été programmés pour être dépensés à 80 % au mois de juin…
..moyennant un budget très insuffisant. Ce n'est donc pas notre décision, mais celle du gouvernement précédent. Il faudra bien un jour que chacun reconnaisse ce qu'il a fait ! De fait, nous avons trouvé une situation dramatique pour les intéressés et donc rajouté 40 000 emplois aidés pour la fin de l'année, afin de passer des 280 000 emplois budgétés à 320 000 emplois en vue, dans un esprit de transition – même s'il aurait naturellement été préférable de disposer de plus de temps. À la fin mai, nous avons trouvé une situation de sous-budgétisation et de surconsommation. Nous avons donc pris nos responsabilités en ajoutant 40 000 emplois aidés mais aussi en analysant les résultats, qui étaient très inégaux. Encore une fois, la responsabilité collective du Gouvernement et du Parlement est de faire des emplois aidés un dispositif efficace pour les jeunes et les demandeurs d'emploi très éloignés de la qualification.
Quant aux associations, le système créé au fil des années est malsain : les associations sont devenues dépendantes – parfois entièrement – des contrats aidés, c'est-à-dire de contrats précaires concernant des personnes qui cherchent à accéder à des emplois non précaires. J'ajoute que d'autres mesures gouvernementales qui relèvent de budgets différents aideront les associations, comme le crédit d'impôt de taxe sur les salaires. De plus, en 2019, les associations bénéficieront d'une baisse de charges cumulée de 1,5 milliard d'euros, soit davantage que la compensation de la baisse des contrats aidés. Elles pourront ainsi renforcer leur personnel permanent et conduire de véritables politiques.
Nous ne laissons donc pas tomber les associations, bien au contraire : nous leur proposons une solution pérenne qui leur permettra de se concentrer sur ce que nous leur demanderons. Enfin, je rappelle qu'il n'existe aucune obligation de formation dans les contrats aidés tels qu'ils ont été définis.
Demain, au contraire, il y aura une obligation d'accompagnement et de formation. Nous accomplirons ainsi avec les associations et les collectivités locales un meilleur travail collectif autour de ce qui nous rassemble tous : lutter contre le chômage et aider nos concitoyens, les jeunes comme les demandeurs d'emploi, à accéder enfin à l'emploi durable.
La réunion de la commission élargie s'achève à onze heures trente-cinq.
Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,
Nicolas VÉRON© Assemblée nationale