Le fait de consacrer 35 milliards d'euros à la formation n'a rien de choquant au regard des comparaisons internationales, même si l'on peut débattre de l'usage et de l'efficacité de ces crédits. Nous sommes dans une société de la compétence, de la connaissance et de l'innovation : l'avenir ne réside pas dans les emplois non qualifiés. L'investissement dans le capital humain, qu'il s'agisse des jeunes, des demandeurs d'emploi ou des salariés, est essentiel.
Sur ces 35 milliards d'euros, on dépense 13 milliards pour la formation des salariés, 6 milliards pour l'alternance, 6 milliards pour les demandeurs d'emploi et 6 milliards aussi pour les trois fonctions publiques. Nous formons chaque année 10 % des chômeurs, ce qui est très peu, d'autant que la proportion de ceux qui ne sont pas qualifiés est plus importante que dans le reste de la population. Le premier marqueur du chômage est la qualification, avant le territoire. Dans certains pays d'Europe du Nord, on est plutôt entre 20 et 30 % de chômeurs en formation chaque année.
Il ne s'agit pas de dépenser moins en la matière, mais mieux. C'est l'enjeu de la réforme à venir : elle portera à la fois sur la qualité de l'offre, qu'il faut prendre à bras-le-corps, sur les relations entre les régions et Pôle emploi, sur le compte de formation professionnelle (CFP), sur l'implication des branches et sur les éléments de certification. Tout cela devra être traité dans le cadre d'une négociation avec les partenaires sociaux, pour ce qui concerne les salariés, et d'une concertation plus large, notamment avec les régions, qui ont une compétence essentielle en la matière.
L'apprentissage constitue déjà une voie de réussite, je le disais tout à l'heure, mais elle est un peu confidentielle : 400 000 apprentis représentent 7 % des 16-26 ans, contre 20 % ou 30 % dans la plupart des pays européens qui ont vaincu le chômage de masse chez les jeunes. Nous avons par ailleurs 1,3 million de jeunes qui ne se trouvent nulle part : ni dans un emploi, ni en apprentissage, ni en formation, ni au sein de l'éducation nationale, ni à l'université. C'est un drame et un danger. J'ai emmené en Suisse et au Danemark les partenaires sociaux et les présidents de région qui le souhaitaient, afin de voir d'autres réalités dans un domaine où certains pays font mieux que nous. Nous ne pourrons pas les imiter, car notre histoire est différente, mais on peut s'inspirer d'un certain nombre d'idées. En Suisse, 65 % des jeunes vont en apprentissage : c'est la voie de réussite normale.
En ce qui concerne les zones frontalières et plus généralement l'apprentissage multipays, j'ai confié à Jean Arthuis, il y a deux mois, une mission sur la manière dont on pourrait développer un Erasmus de l'apprentissage et un apprentissage transnational au sein de l'Europe, dans laquelle j'inclus la Suisse pour des raisons géographiques. J'attends les conclusions de cette mission avant la fin de l'année. Erasmus est une des plus belles réalisations européennes – on a ainsi créé un sentiment d'appartenance et de citoyenneté chez beaucoup de jeunes – mais on ne compte que 50 000 apprentis parmi les bénéficiaires de ce programme, contre 500 000 étudiants. Pourquoi les apprentis n'auraient-ils pas, eux aussi, le droit de passer un semestre dans un autre pays ? C'est un sujet que nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises lors des conseils des ministres de l'Union européenne et plusieurs États membres sont d'accord pour pousser ensemble les feux sur ce sujet.
Une spécificité française est que nous avons à la fois des lycées professionnels et l'apprentissage. Nous allons conserver ces deux voies : les lycées professionnels, qui accueillent 700 000 jeunes sous statut scolaire, constituent une originalité de la France. Néanmoins, sans basculer d'une voie à l'autre, il faut travailler sur les complémentarités, notamment grâce à des parcours mixtes et des campus de métiers communs. Cette piste mérite d'être explorée. Avec Jean-Michel Blanquer et Frédérique Vidal, nous allons mener ensemble cette réforme, qui fera l'objet de discussions avec les régions et les partenaires sociaux.
Qu'est-ce que des contrats aidés efficaces ? Ce sont ceux qui aident un nombre significatif de personnes très éloignées d'une qualification à retrouver le chemin de l'emploi. Je le répète, même si cela ne fait plaisir à personne : dans le secteur non marchand, 26 % des contrats aidés débouchent sur une qualification ou un emploi. Tel qu'il existe actuellement, c'est le dispositif le moins efficace pour des publics en difficulté. Dans de nombreux cas, il n'existe pas d'accompagnement et le plus souvent il n'y a pas de formation. Cela doit être corrigé. Nous voulons créer un triptyque associant expérience, accompagnement et formation. Je suis assez convaincue de notre capacité à y arriver, car les 26 % de réussite sont une moyenne. Le taux est nul dans certains endroits, où aucun effort n'est réalisé pour aider les bénéficiaires d'un contrat aidé à retrouver un emploi, alors que des associations et des communes peuvent arriver à 50 ou 70 % d'insertion. Il y aura par ailleurs beaucoup plus de places dans des formations permettant d'accéder directement à des emplois : la palette s'élargira avec le plan d'investissement compétences.
Pour les jeunes décrocheurs, nous développerons la garantie « jeunes » et il y a l'apprentissage : plusieurs dizaines de milliers de places sont disponibles, avec un taux de 70 % d'embauche à la sortie. Mobilisons-nous. Cela représente une vraie qualification, qui est durable : c'est donc une politique de fond. Il y a aussi les contrats de professionnalisation. Avec la reprise de la croissance, tous ces dispositifs doivent se développer pour permettre aux jeunes de trouver leur voie. Comme vous l'avez souligné dans votre question, madame Vignon, la multiplication des intervenants et des dispositifs rend l'ensemble très illisible. Y remédier fait partie des réformes que nous voulons mener.
S'agissant des ZRR, un débat a eu lieu à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale et de la première partie du projet de loi de finances. La période de transition pour le zonage a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2019. L'exonération de charges sociales a vocation à être réexaminée à cette échéance, comme mes collègues du Gouvernement l'ont dit lors des débats. Les allégements de droit commun pourraient en effet devenir plus favorables que le dispositif spécifiquement créé pour les ZRR. Par ailleurs, un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'inspection générale des finances (IGF) a montré en 2015 la faible efficacité des exonérations en matière d'emploi. Nous allons examiner attentivement la question, notamment au regard des exonérations de droit commun. Ce serait quand même un comble si le dispositif des ZRR était moins favorable.