S'agissant du PIC, effectivement, si l'on a une approche purement arithmétique et que l'on divise 13,8 milliards d'euros – en mettant de côté la garantie jeunes – par cinq, cela ne fait pas 1,5 milliard… Mais, en vrai, le fond du sujet est pour nous de sortir d'une politique de financement de la formation qui, parce qu'elle n'est pas assez pensée, calibrée et mise en perspective dans le temps, s'apparente surtout à un appel d'air sur le marché. Elle se révèle parfois plus une opportunité de marché qu'un dispositif parfaitement calibré par rapport à son but, qui est l'insertion professionnelle durable des demandeurs d'emploi et des jeunes.
Nous le savons, le taux de chômage des personnes qualifiées est de 5,2 %, tandis que celui des personnes non qualifiées est de 18,6 %. Si nos politiques d'insertion ne permettent d'avoir que des emplois précaires ou à court terme, nous n'irons pas très loin. Notre but, c'est de l'emploi durable, qui passe par la qualification.
Cela veut dire plusieurs choses. Tout d'abord, il faut travailler avec les branches professionnelles, les partenaires sociaux et les régions sur le calibrage des besoins – en gros, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences sectorielle et territoriale. Nous devons aussi repenser les dispositifs de formation de façon innovante. Sur les territoires ruraux, je pense notamment à la mobilité physique. On peut aujourd'hui faire des formations moitié présentielles, moitié à distance, en utilisant le numérique comme un outil, et non simplement comme un objet de compétences.
Toutes ces pistes supposent de travailler en profondeur avec l'ensemble des acteurs pour que ce que nous allons faire dans le cadre du PIC soit innovant sur le fond, sur la forme et calibré pour mettre vraiment le pied à l'étrier aux jeunes et aux demandeurs d'emploi.
Pour cela, il importe donc de commencer par des mesures innovantes. Avec 1,5 milliard d'euros, nous faisons comme une sorte d'immense pilote sur l'ensemble du territoire. Avant de tout mettre en oeuvre à grande échelle dans les cinq ans qui viennent, il convient en effet de tester les dispositifs et le cible pour bien les calibrer.
En plus, il est très rare – je crois que c'est la première fois – d'avoir un plan d'investissement dans les compétences annoncé pour cinq ans. Plutôt que des montées en puissance année par année, nous pourrons ainsi concevoir des dispositifs plus longs pour des jeunes et des demandeurs d'emploi. Voilà tout ce que permet cette montée en charge progressive.
Monsieur le rapporteur, ne vous inquiétez donc pas : l'avion va décoller, mais nous calibrons d'abord, avec l'ensemble des acteurs, toute la capacité d'innovation et d'efficacité que nous souhaitons. Le but n'est pas de dépenser de l'argent dans la formation, mais de permettre à un million de jeunes et de demandeurs d'emploi d'accéder à un emploi durable. La croissance repart, nous avons des métiers en tension partout, dans tous les domaines : il faut saisir cette opportunité pour bien articuler les dispositifs.
Pour les aides au poste, nous en prévoyons bien un millier supplémentaire pour les travailleurs en situation de handicap. Vous avez souligné qu'il y avait une dégressivité à partir de la mi-2018. Je veux m'en expliquer. D'abord, des engagements avaient été pris précédemment sur l'augmentation des aides au poste : nous les tenons, car nous considérons que c'est une bonne chose. Mais des rapports, des évaluations et des analyses ont montré que, du fait de son niveau l'aide au poste constitue une trappe : il n'est pas facile au bénéficiaire de passer ensuite vers un autre emploi. Il y a donc peu de flux, alors que ce dispositif avait été conçu comme un tremplin. Or, c'est plus simple, y compris pour les employeurs de garder la même personne pendant cinq, dix ou vingt ans. La dégressivité va aussi permettre une stratégie visant l'inclusion dans l'emploi ordinaire. Car c'est le but et le souhait des travailleurs handicapés, en termes de dignité et de lien social.
Nous avons pour cela besoin d'une stratégie menée avec l'ensemble des acteurs, pour encourager ce travail d'accompagnement vers l'emploi ordinaire et de reconnaissance de la productivité. Cette dernière augmente avec les années : le bénéficiaire d'une aide au poste n'a en effet pas la même productivité la première année et la cinquième année. Il n'y a pas de raison que sa productivité ne soit pas reconnue.
Nous n'interviendrons néanmoins qu'à partir de juillet, car nous voulons avoir le temps, avec les employeurs, de discuter des modalités et, surtout, de s'assurer qu'ils vont bien avoir une politique active d'accompagnement au retour vers l'emploi normal.
En ce qui concerne les emplois aidés, notre conviction est la suivante : oui, il restera des personnes pour lesquelles l'accès à la formation qualifiante est trop difficile dans un premier temps. Elles ont d'abord besoin d'une immersion, y compris à temps partiel, dans une situation de travail, pour reprendre confiance en elles, voire retourner vers l'emploi. Donc nous gardons un volant de contrats aidés.
Nous voulons cependant en changer les modalités sur plusieurs plans. Premièrement, nous aurons des priorités sur les territoires ruraux, sur l'outre-mer ou sur certains secteurs d'activité, comme le secteur social ou le secteur sanitaire. Surtout, au lieu que les emplois aidés soient une sorte de guichet ouvert où toute association qui en demande puisse en bénéficier, il faudra un véritable projet d'insertion, d'accompagnement et de formation.
Depuis une trentaine d'années, nous avons en France une grande expérience de l'insertion, grâce en particulier au secteur associatif et à des gens très engagés dans ce domaine, ainsi qu'aux collectivités, qui soutiennent de nombreux projets. On sait que ce qui fonctionne pour le retour à l'emploi des personnes les plus éloignées de la qualification, c'est le triptyque accompagnement-formation-expérience de travail, sachant que, pour certains, l'expérience de travail, est un préalable, comme pour l'insertion par l'économique (IAE). Dans un second temps seulement, il est possible d'envisager une formation qualifiante permettant d'accéder à un emploi plus durable.
Quoi qu'il en soit, l'accompagnement est toujours indispensable, et les contrats aidés qui seront financés en 2018, dans les associations ou certaines communes, seront tous accompagnés, de manière qu'ils puissent être utiles avant tout à ceux qui les occupent.
Le financement des associations est un autre sujet qui n'a pas vocation à être abordé ici, et nous dissocions clairement les besoins de financement des associations du fait qu'elles embauchent, de façon précaire, des gens qui sont déjà dans la précarité. Les 200 000 contrats aidés que nous conservons seront, je le répète, calibrés pour servir de tremplin vers l'emploi. On ne peut jamais garantir qu'il y aura 100 % de réussite, mais on peut faire beaucoup mieux que les 26 % de débouchés actuellement constatés dans le secteur non-marchand. Lorsqu'un dispositif d'insertion est réellement efficace, près de la moitié des bénéficiaires parviennent à accéder à l'emploi, et c'est l'ambition que nous nous donnons pour les contrats aidés.
Pour ce qui concerne les emplois francs, il est exact que les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville connaissent un taux de chômage deux fois et demi supérieur à la moyenne nationale. En effet, si le premier marqueur du chômage est le niveau de qualification, le second est le lieu de résidence, et lorsqu'on cumule deux marqueurs négatifs, le taux de chômage est extrêmement élevé.
Plus de deux adultes sur cinq résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et en âge de travailler sont à l'écart du marché de l'emploi, et le taux de jeunes qui ne sont ni en emploi ni en formation y est de 35,8 %, contre 17,9 % dans les zones urbaines environnantes, ce qui est déjà énorme.
Ces 35,8 % représentent un gâchis humain, une perte de compétitivité économique et un risque fort pour la cohésion sociale. D'où l'annonce, dans le programme présidentiel, d'une relance des emplois francs. Pourquoi dès lors attendre pour les mettre en oeuvre ? L'expérience de 2013 n'a pas été concluante, parce que le dispositif était notamment trop contraignant et mal accompagné. Nous nous donnons donc le temps de tirer les enseignements de cet échec, pour exploiter cette idée, très bonne en soi, avec le succès qu'elle mérite. Nous envisageons d'ailleurs de commencer par des expérimentations, sachant en outre que la relance des contrats francs doit être intégrée dans la réflexion plus globale sur les aides à l'emploi, pour l'articuler notamment avec la transformation du CICE en baisse de charges, dans la mesure où l'aide à l'embauche proposée avec les emplois francs correspond déjà à une exonération des charges.
En matière d'innovation sociale, l'insertion par l'économique fait partie de la palette d'outils dont nous avons besoin pour faciliter le retour à l'emploi. Cela étant, le dispositif peut encore être amélioré, notamment sur le volet formation, quasi inexistant pour l'heure. Dans un premier temps, la formation n'est pas un enjeu, puisque le principe même de l'insertion par l'économique est de reconstruire la confiance en soi sur le seul fait de travailler. Dans un second temps néanmoins, pour se projeter vers un emploi et une insertion durables sur le marché du travail, une formation s'impose.
C'est la raison pour laquelle, dans le cadre du Plan d'investissement compétences, nous allons faire en sorte de faire porter les efforts sur le volet formation des dispositifs d'insertion par l'économique mais également sur tous les dispositifs qui le nécessitent. Nous n'hésiterons pas à nous appuyer pour cela sur les initiatives locales.
Pour tous ces qui concerne, de façon plus générale, les dispositifs d'insertion dans l'emploi, j'ai confié à Jean-Marc Borello, le fondateur et président du groupe SOS, une mission, dont les conclusions, qu'il me rendra à la fin du mois de décembre, nous éclairerons sur la problématique de l'innovation sociale, car le champ de l'insertion ne doit pas être envisagé uniquement sous l'angle des difficultés qu'il sert à pallier mais également au travers des innovations qu'il recèle.
Pour conclure enfin, oui, notre budget est sincère ! Je pense que vous aurez compris que c'est un point sur lequel le Gouvernement veut être exemplaire. Concernant la Garantie jeunes, le précédent gouvernement s'était fixé un objectif de 150 000 entrées dans le dispositif pour 2017. Or, à la fin de l'année, seules 85 000 entrées seront comptabilisées, car le dispositif ne s'est pas développé aussi vite qu'il était prévu en loi de finances initiale. La sincérité m'oblige à donner des chiffres crédibles et, lorsque nous prévoyons 100 000 entrées, cela signifie que nous allons passer de 85 000 à 100 000, ce qui est déjà assez volontariste, dans la mesure où, quand bien même les fonds sont là, la Garantie jeunes est un dispositif qui, par nature, se déploie sur le long terme puisqu'il prévoit des mesures d'accompagnement individualisées. 420 millions d'euros avaient été engagés en crédits de paiement pour 2017 ; il y en aura 467 millions en 2018, et nous estimons que cela nous permettra de passer de 85 000 à 100 000 entrées.