Intervention de Muriel Pénicaud

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 9h05
Commission élargie : finances - affaires sociales

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je rappelle tout d'abord qu'une part importante des ressources de Pôle emploi est dynamique puisqu'elle provient de l'UNEDIC et qu'elle est assise sur l'ensemble de la masse salariale. Pour 2018, le budget total de Pôle emploi augmentera ainsi de 20 millions, ce qui est sans précédent dans le secteur des opérateurs publics. Pour comprendre la situation de Pôle emploi, il ne faut donc pas s'en tenir uniquement au budget de l'État.

En ce qui concerne la trajectoire de baisse des effectifs du ministère, il s'agit, vous le savez, d'un programme d'ensemble. Nous sommes très conscients que nos dépenses publiques doivent diminuer globalement. Notre taux de dépenses publiques pèse sur notre économie et rend difficile certains progrès en termes de croissance. La baisse de trois points de PIB des dépenses publiques passe aussi par une meilleure organisation de l'État. Il faut éviter les doublons et les incohérences dans l'organisation, et parvenir au bon calibrage des missions au regard des moyens – et réciproquement. La baisse de 239 postes sur un total de plus de 9 000 ne se fera pas sous la forme d'un coup de rabot classique. Ainsi, certaines fonctions seront dématérialisées dans l'intérêt des finances publiques mais aussi de l'efficacité par rapport aux publics. Dans le cadre du programme global et interministériel « Action publique 2022 », nous allons par ailleurs mener une réflexion sur les missions du ministère et sur la bonne adéquation de l'organisation aux missions. Donner des coups de rabots tous les ans décourage les agents et ne les valorise pas sur le coeur de leur mission. Or leur apport est indispensable. Nous avons besoin d'un service public calibré, reconnu ; ses missions doivent être claires. Nous allons engager un travail de fond en ce sens, dans mon ministère, comme dans les autres. C'est Gérald Darmanin qui coordonne cette approche.

Monsieur Lurton, il ne se passe pas de jour sans que je rencontre des entrepreneurs qui cherchent du personnel et qui n'en trouvent pas. Je préfère cela à la situation précédente quand ils n'avaient besoin de personne. Cela dit, il faut répondre à cette question pour que les entreprises puissent conquérir des marchés et pour saisir cette opportunité formidable de refaire accéder au travail une partie de nos concitoyens qui en cherchent depuis longtemps.

Pourquoi les entreprises ne trouvent-elles pas de personnel ? La transformation et l'évolution des métiers font que dans certains cas les qualifications n'existent pas – tout le monde se souvient du cas des soudeurs chaudronniers. Souvent, nos dispositifs de formation initiale et continue n'ont pas produit non plus les compétences nécessaires sur le marché du travail. C'est pourquoi l'effort sur la formation professionnelle et l'apprentissage devient stratégique en termes de politique non seulement de l'emploi mais aussi économique puisqu'il permettra l'adéquation des compétences à l'évolution des emplois et du travail. Nous comptons sur les partenaires sociaux, les branches professionnelles, les entreprises et les régions pour définir ensemble les besoins, et proposer rapidement des formations qualifiantes et certifiantes à grande échelle.

Il y a aussi un problème de mobilité. Avec la reprise de la croissance, certains bassins d'emploi sont pratiquement au plein-emploi – je rappelle que le plein-emploi est atteint avec un chômage structurel de 4 à 5 %. – mais ne trouvent pas les compétences qu'ils recherchent, tandis que d'autres ne décollent pas et connaissent un taux de chômage plus élevé. C'est pourquoi la question de la mobilité, de l'aide au logement sera prise en compte dans le cadre du retour au marché du travail.

En ce qui concerne l'apprentissage, vous avez évoqué le sentiment d'échec. Vous avez raison, dans beaucoup de rectorats les logiciels d'orientation proposent dans la même colonne le redoublement ou l'apprentissage, ce qui n'est pas extrêmement motivant. Avec un taux d'insertion de 70 % au bout de six mois, l'apprentissage est pourtant une voie de réussite. Nous ne comptons que 400 000 apprentis. Beaucoup de familles et de jeunes ne savent pas bien qu'on peut être apprenti du CAP au diplôme d'ingénieur même s'ils commencent à comprendre que c'est un bon dispositif. L'un des axes du projet de réforme sur l'apprentissage que nous allons mener avec Jean-Michel Blanquer portera bien sûr sur l'orientation, qui est décisive. Mais ce sujet concerne l'opinion publique dans son ensemble, les familles, les jeunes et pas simplement les professionnels de l'orientation.

Plusieurs intervenants sont revenus sur les contrats aidés. Monsieur Pietraszewski, vous avez rappelé, à juste titre, leur sous-budgétisation et leur baisse très importante dans la loi de finances initiale pour 2017 par rapport à celle de 2016. C'est ce qui nous a conduits à en rajouter 40 000 pour la fin de l'année, car si nous en étions restés aux dispositions proposées par le gouvernement précédent, nous aurions été dans une situation bien plus dramatique puisque nous n'avions plus les moyens d'aller au-delà du mois de septembre. Nous voulons entreprendre une réforme de fond en passant à une deuxième génération de contrats aidés qui seront clairement ciblés en termes d'accompagnement d'insertion et de formation. Nous intégrerons également une notion territoriale – quartiers de la ville, zones rurales et les outre-mer. Nous supprimerons par ailleurs les contrats aidés dans le secteur marchand, considérant qu'avec la reprise et les différents dispositifs de formation, nous avons les moyens nécessaires de permettre aux chômeurs d'accéder à l'emploi. Aujourd'hui, il y a déjà 66 % d'effet d'aubaine pour les contrats aidés marchands. Avec la reprise de la croissance, ce sera pire. Il faut savoir faire un bon usage des deniers publics. La baisse est moins importante qu'il n'y paraît dans le secteur associatif pour ces raisons.

En ce qui concerne les entreprises adaptées, il y a un continuum des outils de politique d'intégration. Comme vous le savez, les ESAT ne sont pas dans le budget de l'emploi. C'est donc ma collègue Agnès Buzyn qui pourrait répondre plus légitimement à votre question. Je peux vous dire que nous avons ajouté 1 000 aides au poste, ce qui constitue une augmentation substantielle. Cela étant, Agnès Buzyn, Sophie Cluzel et moi-même avons confié récemment une mission à l'ancienne sénatrice Dominique Gillot dont l'expertise est reconnue sur ces dispositifs. Nous voulons en effet voir comment nous pouvons dynamiser l'accès à l'emploi en milieu ordinaire. Ce système, composé de nombreux de dispositifs spécifiques pour handicapés mais prévoyant une voie très étroite pour accéder à l'emploi ordinaire, est une spécialité française – certains pays sont meilleurs que nous sur ce point. Or je pense que la plupart des travailleurs handicapés souhaiteraient travailler en milieu ordinaire. J'attends donc des recommandations pour tenter de mettre un terme à cette fatalité.

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