Intervention de Stéphane Viry

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 9h05
Commission élargie : finances - affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Madame la présidente, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que le nombre de chômeurs demeure à un niveau élevé, concernant près de six millions de personnes, et que l'emploi reste l'une des priorités essentielles pour nos concitoyens, le premier budget de la législature se caractérise par une baisse de 2,7 milliards d'euros des crédits de la mission « Travail et emploi », pour atteindre 13,7 milliards dans le présent projet de loi de finances pour 2018, soit une contraction de 16,6 %.

Cet effort est cependant obtenu moins par des réformes de fond que par le brusque coup d'arrêt à la multiplication des emplois aidés et des programmes d'exonération de cotisations mis en place par le précédent gouvernement, motivée par la recherche de résultats statistiques dans la lutte contre le chômage.

Malgré l'échec de cette politique, cet héritage se ressent dans les crédits de paiement : le règlement du solde de cette politique s'élèvera à 15,37 milliards en 2018, soit une baisse de seulement 0,6 %.

En définitive, les choix du Gouvernement lors de l'élaboration de la présente mission « Travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage ne permettent pas d'opérer une rupture dans la politique de l'emploi menée depuis 2012. S'agissant de dépenses de solidarité, celles-ci sont largement contraintes et la réalité vient souvent rattraper les gouvernements optimistes. Les LFI 2016 et 2017 ont été marquées par des sous-budgétisations conséquentes, relevées par la Cour des comptes en juin dernier. Au total, cette revue des comptes publics a montré que les dépassements de crédits de la mission pourraient se situer dans une fourchette comprise entre 0,9 et 1,2 milliard en 2017.

Cela sera ma première question : alors que des chiffres optimistes nous sont présentés pour les années 2018 à 2022, comment pouvez-vous nous assurer que ce budget est sincère ? Notamment, comment allez-vous faire pour financer une hausse prévue de 18 % du nombre de bénéficiaires de la garantie jeunes avec une baisse de 9 % des crédits ?

Ce budget montre également la volte-face d'un gouvernement, qui a abondé les crédits en plein été pour augmenter de 280 000 à 320 000 le nombre des contrats aidés en 2017, avant de donner un coup d'arrêt brutal à cette politique en septembre. Aucune disposition ne vient préciser la méthode et les exigences permettant de déterminer quels employeurs seront à même de mettre en place ces contrats. Par ailleurs, l'exigence d'accompagnement et de formation ne s'accompagne d'aucun crédit fléché vers les bénéficiaires des contrats aidés.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous détailler les intentions du Gouvernement sur ces deux points ?

Cependant, le thème que j'ai choisi de développer dans mon rapport pour avis concerne les structures d'insertion par l'activité économique (IAE). Elles ont pour mission d'aider les personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières à se réinsérer progressivement sur le marché du travail.

Aujourd'hui, les 3 722 structures conventionnées relevant de l'IAE emploient près de 132 000 salariés en voie d'insertion pour une durée de 24 mois généralement. Pour les personnes les plus exclues de l'emploi, titulaires d'un minimum social ou chômeurs de longue durée, elles représentent un tremplin vers l'insertion et l'occasion de retrouver le sens de l'activité. Pour les collectivités et les personnes qui les soutiennent, elles sont une espérance que, face au chômage, il est possible de passer d'une approche passive à une approche active.

Depuis 2014, leur financement repose sur des aides au poste variant suivant le type de structure, accompagnées d'une modulation, en théorie de 0 à 10 %, en fonction de critères de résultats en matière d'accueil et d'insertion. Si les acteurs sont globalement satisfaits de cette réforme, la modulation apparaît comme excessivement bureaucratique sans apporter une réelle différenciation en fonction des résultats, la quasi-totalité des structures recevant aux alentours de 5 %.

Madame la ministre, que comptez-vous faire pour rendre cette modulation plus effective, alors que les réflexions sur son évolution sont en cours au sein du ministère depuis plusieurs années ?

Les représentants de l'IAE sont aujourd'hui prêts pour penser et mettre en oeuvre une nouvelle dynamique de l'IAE, dont le sigle pourrait signifier « l'innovation et l'action pour l'emploi ». Cela ne pourra s'organiser qu'en la redéfinissant comme un élément d'un parcours d'insertion, qui doit nécessairement comprendre un volet formation. Or cet aspect fonctionne mal aujourd'hui, les OPCA n'étant pas intéressés par le financement de salariés en insertion qui n'ont pas vocation à rester dans leur secteur.

Madame la ministre, seriez-vous d'accord pour faire de la formation une des missions explicites de l'IAE et permettre un meilleur accès à la formation des salariés en insertion, notamment en les faisant bénéficier des dispositifs prévus pour les demandeurs d'emploi qu'ils sont de facto ?

L'histoire des initiatives en matière d'IAE fait apparaître le plus souvent une dynamique de territoires et de personnes, qui a fait naître un écosystème autour de l'activité économique mise en oeuvre.

La réussite de l'IAE repose essentiellement sur une insertion de ces structures dans le paysage institutionnel et dans le tissu économique local. Comment l'État pourrait-il favoriser cet investissement des collectivités et acteurs économiques locaux dans l'IAE ?

Enfin, les instances représentatives de l'IAE ont eu leur utilité, mais nécessitent d'être revues pour être à la fois une instance de pilotage et une force de proposition.

Ainsi, avant d'en renouveler ses membres en janvier 2018, il me semble urgent de procéder à la rénovation et à l'ouverture du Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), qui ne publie actuellement aucun rapport permettant de connaître ses travaux.

Au niveau local, les trois instances existantes apparaissent à la fois redondantes et trop peu réunies et mobilisées pour être de réelles instances de pilotage de l'IAE.

Madame la ministre, le Gouvernement est-il prêt à engager la réflexion sur la rénovation de ces instances, sur la base du constat fait par mon rapport ?

Enfin, si le PLF 2018 prévoit de subventionner près de 71 000 postes en équivalent temps plein, soit 5 000 postes supplémentaires, de nombreuses structures que j'ai rencontrées voient des pistes de croissance potentielle leur échapper, du fait de l'absence de postes supplémentaires.

Seriez-vous favorable, Madame la ministre, à un doublement de cet effort, en prévoyant non 5 000, mais 10 000 aides au poste de plus, en sachant que pour les finances publiques, cet effort sera négligeable face aux dépenses d'aide sociale ainsi évitées ?

Je vous remercie pour vos réponses, qui conditionneront mon avis concernant l'adoption des crédits de la mission.

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