Notre ambition en matière de réforme de la formation professionnelle est de bénéficier de la reprise de la croissance pour pouvoir calibrer la formation dans une double perspective : qu'elle soit un droit réellement accessible à chacun, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui ; que les dispositifs soient plus lisibles afin de pouvoir être pleinement mobilisés en direction des grands objectifs de transformation du monde du travail. Les experts estiment en effet que la moitié des emplois vont être profondément transformés dans les dix ans qui viennent, compte tenu des évolutions technologiques et de la transition écologique.
Cela demande donc un effort sans précédent, que vont traduire la réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage et le plan d'investissement compétences, car nous devons faire en sorte que ces mutations soient une chance non seulement pour les entreprises mais aussi pour les jeunes, les demandeurs d'emploi et les salariés. C'est donc un enjeu essentiel, dont la conjoncture, plus favorable que par le passé, doit nous permettre de nous saisir pleinement.
C'est la raison pour laquelle nous ne nous intéresserons pas simplement à la gouvernance et au financement de la formation professionnelle mais au contenu même du droit à la formation. Il est évidemment trop tôt pour entrer plus avant dans les détails puisque nous commençons tout juste les concertations, mais j'aurai l'occasion de vous en reparler au printemps, puisque je proposerai au Parlement un projet de loi sur l'apprentissage, la formation et l'assurance chômage, qui doivent permettre la sécurisation des parcours professionnels.
Monsieur Cherpion, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) va compenser en 2018 les pertes de l'UNEDIC à l'euro près, ainsi que cela est explicitement mentionné dans le PLFSS. Les transferts seront donc sans effet sur l'assurance chômage.
En ce qui concerne l'AFPA, c'est une belle institution mais qui, depuis une dizaine d'années, peine à trouver sa voie, car le champ de la formation a beaucoup évolué, dans le secteur concurrentiel comme dans le secteur public. L'AFPA et ses agents souffrent donc d'un manque de visibilité stratégique sur leur avenir, qui pèse sur la capacité de l'institution à être pleinement mobilisée sur ses objectifs. Malgré de nombreuses réformes ces vingt dernières années, les difficultés financières persistent. Nous avons dégagé les moyens nécessaires pour combler son déficit de l'année, mais il ne s'agit que d'une solution à court terme. Nous entamons donc des réflexions pour donner à l'AFPA des perspectives de long terme, assises sur un financement sécurisé. Nous devons bien cela aux demandeurs d'emploi qu'elle contribue à former. C'est pour moi essentiel, car nous avons besoin d'un service public de la formation des adultes, dont la place soit clairement définie.
Pour ce qui concerne l'accès au numérique, il constitue l'un des axes prioritaires du Plan d'investissement compétences. En termes de compétences, l'accès au numérique recouvre trois dimensions : d'abord le numérique pour tous, au sens où tout le monde a besoin de compétences numériques de base pour se débrouiller dans la société ; ensuite les métiers du numérique, qui sont en pleine expansion et pour lesquels il existe de nombreux niveaux de qualification, du CAP au diplôme d'ingénieur ; enfin, et c'est l'aspect le plus important, la transformation numérique des métiers existants, que ce soit la distribution, la banque, l'assurance, l'industrie, le bâtiment et quasiment la totalité des secteurs de l'économie.
En ce qui concerne les contrats aidés, je pense que tous – nous-mêmes, mais aussi ceux qui ont mis en place les contrats aidés dans les conditions que nous savons ou ceux qui ont proposé de les supprimer et qui nous reprochent maintenant de le faire –, nous devons à nos concitoyens une transparence et une honnêteté totales. Je n'entends pas polémiquer ici, mais je voudrais simplement rappeler ce qu'est un contrat aidé : c'est un contrat qui doit aider un chômeur à prendre pied durablement sur le marché du travail. Si quelqu'un parmi vous pense que ce n'est pas la bonne définition, qu'il me le dise, car nous concevons, nous, le contrat aidé comme un outil de retour à l'emploi. Il a été utilisé en partie pour cela et en partie avec d'autres objectifs, notamment le traitement statistique du chômage. Cela a entraîné, les dix-huit mois précédant le changement de gouvernement, une explosion du nombre de contrats aidés sans exigence en matière d'insertion ou d'accompagnement. On a demandé en effet aux préfets de faire en sorte que 80 % de l'enveloppe 2017, qui avait été par ailleurs sous-budgétisée, soit consommée avant la fin du premier semestre. Voilà la situation que nous avons trouvée.
Oui, nous voulons des dispositifs qui permettront aux chômeurs de remettre le pied à l'étrier. Oui, les contrats aidés peuvent, sous certaines conditions, faire partie de la palette des outils utiles. C'est pour cela que nous en conservons 200 000 l'année prochaine, en les assortissant d'une formation et d'un véritable accompagnement. Les bénéficiaires d'un contrat aidé pensent que s'ils travaillent bien, ils seront embauchés : c'est impossible puisqu'il s'agit structurellement d'un emploi précaire. Il est irresponsable de leur faire croire le contraire.
Ce dispositif a également été utilisé pour compenser des baisses de subventions aux associations. Mais le financement des associations est un autre sujet qu'il faut effectivement traiter. Avec le crédit d'impôt de taxe sur les salaires, elles bénéficieront dès l'an prochain de 500 millions d'euros, et de 1,5 milliard l'année suivante avec la transformation du CICE en baisse de charges. Au total, elles disposeront de plus de moyens qu'avec les contrats aidés. Cela signifie qu'elles pourront embaucher des gens de façon plus durable et pour des besoins pérennes – accompagner des personnes âgées dans une maison médicalisée ou s'occuper d'enfants à la cantine. Il n'était pas responsable d'utiliser les contrats aidés pour assurer le financement de ces besoins permanents.
Oui, les contrats aidés continueront à être un outil de la politique de l'emploi, mais seulement de la politique de l'emploi. Et le Gouvernement traitera ce qui relève du secteur associatif et qui ne relève pas de mon budget sous d'autres formes.
Les maisons de l'emploi ont été créées en 2005, avec l'idée d'en faire un guichet unique. Mais depuis cette date, il y a eu de nombreuses évolutions et notamment la création de Pôle emploi en 2008. Les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, ont arrêté la labellisation dès 2009 et diminué leur participation financière, considérant qu'il y avait des risques de doublon – donc de perte d'efficacité. La dotation de l'État est ainsi passée de 86 millions d'euros en 2009 à 21 millions d'euros en 2017. Aujourd'hui, il n'y a plus que 116 maisons de l'emploi qui peuvent, par ailleurs, bénéficier de financements européens. Nous avons rencontré il y a quelques jours le réseau Alliance Villes Emploi qui coordonne ces organismes pour voir comment gérer la transition. Gouverner c'est choisir et nous considérons précisément que les maisons de l'emploi ne constituent pas notre priorité dans le dispositif global. Je préfère en effet que les collectivités locales travaillent plus étroitement avec Pôle emploi. Les missions locales font déjà partie du périmètre. Plutôt que de continuer à subventionner un dispositif qui fait un peu doublon – et sachant que l'État n'est qu'un financeur parmi d'autres –, renforçons la manière dont elles travaillent ensemble au niveau local et territorial le plus fin.
S'agissant du handicap, on ne doit pas seulement le traiter avec une politique dédiée. On a trop tendance à appliquer toujours la même formule : « un public, un problème, une mesure ». Plusieurs décennies après le vote des premières dispositions, on en est encore à 3,2 % de salariés handicapés dans les entreprises, au lieu des 6 % ciblés, ce qui montre que nous n'avons pas réussi à atteindre notre but. Pour permettre aux travailleurs handicapés d'accéder vraiment au marché du travail, il faut donc mobiliser aussi les dispositifs ordinaires. Nous allons précisément pouvoir former plus de demandeurs d'emploi handicapés dans le cadre du plan d'investissement compétences.