Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, je vous remercie de votre accueil. J'ai l'honneur de me présenter devant vous aujourd'hui en tant que candidat aux fonctions de directeur général de l'OFB, conformément à l'article 13 de la Constitution. J'ai été nommé il y a un peu plus d'un an directeur général en charge de préfigurer la fusion de l'AFB et de l'ONCFS. À cette occasion, votre commission m'avait auditionné au mois de novembre 2018.
Avant d'évoquer mes motivations et ma vision de l'OFB, ce qui a été fait et ce qui reste à faire pour lui permettre d'être le grand établissement public de protection de la nature et de la biodiversité, je souhaite remercier les directeurs généraux des deux établissements, MM. Christophe Aubel et Olivier Thibault, et leurs équipes, avec lesquels j'ai travaillé très étroitement pendant un an. Ce fut une année de travail intense et productive, avec un état d'esprit collectif solidaire remarquable. Leur implication à mes côtés a permis d'atteindre les résultats que je vais évoquer devant vous.
Ma candidature est une candidature de convictions et d'expériences.
Les convictions que j'avais lorsque j'ai mené cette mission de préfiguration continuent de m'animer. Vous l'avez dit, l'érosion accélérée de la biodiversité et la dégradation des milieux naturels nous obligent à passer à la vitesse supérieure en matière d'action publique. Ce sentiment d'urgence, que j'avais déjà, a été renforcé par le rapport de l'Intergovernmental science-policy platform on biodiversity and ecosystem services (IPBES), remis il y a quelques mois au Président de la République. Ce rapport a livré un constat scientifique accablant, sans précédent pour l'humanité : 1 million d'espèces animales et végétales aujourd'hui menacées d'extinction, 75 % des écosystèmes terrestres dégradés, 50 % pour l'eau douce, 40 % pour les milieux marins. Ces chiffres se déclinent dans vos territoires : 30 % d'oiseaux des milieux agricoles en moins en trente ans, 50 % des zones humides en moins depuis 1960.
Mes fonctions précédentes de directeur général délégué du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) m'ont déjà permis d'être instruit et sensibilisé à cette situation, à ces enjeux et, surtout, à la nécessité de mobiliser la société autour des questions liées à la biodiversité. Il y a donc une continuité dans mon parcours professionnel, un engagement, une cohérence qui m'amènent aujourd'hui à souhaiter devenir directeur général de l'OFB, après en avoir posé les fondations en tant que préfigurateur.
Les fonctions de direction d'établissements publics, au MNHN bien sûr, ainsi qu'à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), établissement national réputé pour sa complexité économique et sociale, me confèrent une expérience et un savoir-faire que je compte mettre au service de l'OFB pour le structurer, le piloter, le gérer et le promouvoir. Tout cela doit bien sûr s'appuyer sur une vision équilibrée, au service de l'intérêt général, de ce que devra être l'OFB, nouvel opérateur dans le paysage institutionnel et dans la société.
J'ai bien conscience que l'OFB vient de loin. L'idée de réunir les forces des établissements chargés de la gestion de la nature et de la biodiversité en un seul établissement public doté de compétences et de missions élargies n'est pas nouvelle : le Grenelle de l'environnement en 2007, puis la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, qui a créé l'AFB, ont été des étapes décisives avant la décision de fusionner les deux établissements publics en 2018. L'OFB se situera dans la continuité des missions exercées par l'AFB et l'ONCFS, il continuera de marcher sur ses deux jambes régaliennes : police, expertise, appui aux politiques publiques et sociétales, appui aux acteurs, gestionnaires d'espaces naturels, mobilisation de la société à partir des contrats d'objectifs et de performance (COP) des deux établissements qui, je le rappelle, seront toujours en vigueur en 2020.
L'OFB suscite des attentes fortes de la part des citoyens, de l'État, de la représentation nationale ainsi que des acteurs et des élus locaux que j'ai rencontrés tout au long de ma mission de préfiguration. S'agissant des citoyens, les sondages que vous connaissez montrent que huit Français sur dix considèrent la biodiversité comme une question importante, et l'environnement est sur le podium des principales préoccupations des Français, qui font d'ailleurs de plus en plus le lien entre santé, alimentation et biodiversité. Le sujet monte dans la société et je pense que ce n'est pas fini.
Pour être à la hauteur de ces attentes, l'OFB devra, selon moi, suivre les orientations et principes d'action suivants.
D'abord, il s'agira de rassembler tous les acteurs de la biodiversité sans exclusive autour d'une vision intégrée. Cela reflète d'ailleurs l'interdépendance – mot-clé en matière de biodiversité – entre les milieux – terre, mer, aquatique – et entre l'homme et la nature. Cette interdépendance des acteurs est au coeur de la vision que je porte parce que je pense que chacun devra avoir sa place au sein de l'OFB, au service de la même finalité : protéger le vivant et réduire la pression sur les écosystèmes.
Toutes les activités qui ont un impact sur la nature doivent être présentes au sein de l'OFB : associations de protection de la nature, agriculteurs, chasseurs, pêcheurs, entreprises, agences de l'eau, etc. Tous les usagers de la nature doivent avoir leur place et seront présents notamment dans la gouvernance, au travers du conseil d'administration qui comprendra quarante-trois membres environ – on attend les textes définitifs. Comme vous le savez, il n'y aura qu'un seul comité d'orientation au sein de l'OFB, celui-ci pouvant avoir des déclinaisons, et un conseil scientifique. Les instances de gouvernance rassembleront donc toutes les parties prenantes.
Rassembler tous les acteurs, cela veut dire surtout les rassembler autour de projets, ceux qui existent déjà et qui sont portés par les deux établissements – Agrifaune et Ecophyto. Dans le domaine de l'agro-écologie, l'AFB et l'ONCFS ont déjà initié des projets que j'ai bien l'intention de poursuivre. En outre, de nouveaux projets seront lancés, notamment grâce à l'éco-contribution qui, j'en suis convaincu, permettra de rassembler tous ces acteurs autour de projets au service de la nature, et dont le financement est d'ores et déjà assuré. À cet égard, je crois avoir démontré ma capacité à rassembler, autour de projets communs, des gens qui ont parfois des sensibilités différentes et des intérêts divergents. Cela est fondamental, c'est même la clé de la réussite de l'Office français de la biodiversité.
Ensuite, il conviendra d'être présent et visible dans les territoires, au service de tous les territoires, car la biodiversité s'incarne dans les territoires métropolitains et ultramarins, comme vous l'avez souligné, madame la présidente. Cela suppose de renforcer la capacité opérationnelle et les pouvoirs des inspecteurs de l'environnement dans les services départementaux, dont la taille sera plus importante du fait de la fusion. Chaque service départemental comprendra entre quinze et vingt-cinq agents qui effectueront des missions de police, de sensibilisation et d'appui aux acteurs. Plus de 1 700 agents de terrain, en particulier dans les territoires ruraux, pourront ainsi garantir un partage équilibré des usages, des espaces et des espaces naturels, le respect des règles de protection de la biodiversité et le maintien d'un environnement de qualité.
Cela suppose aussi un appui aux collectivités territoriales. J'ai pu mesurer, lors de mon « tour de France » de la préfiguration, les attentes des élus locaux et l'intérêt manifesté pour les agences régionales de la biodiversité (ARB) qui continuent de se construire, certaines existant déjà, pour l'initiative « Territoires engagés pour la nature » ainsi que pour les atlas de la biodiversité communale – j'ai encore pu le vérifier très récemment lors du Congrès des maires de France.
Il conviendra également d'accroître les effectifs en direction de l'outre-mer et des parcs naturels marins. L'OFB portera son effort sur ces territoires où la biodiversité est très riche puisque l'outre-mer concentre 80 % de la biodiversité nationale. Il faudra aussi mettre la connaissance au service de la société pour mieux la mobiliser. L'Office français de la biodiversité sera le vecteur majeur de la connaissance sur la biodiversité, parce que j'ai la conviction que cette mission nourrit toutes les autres. En effet, il n'y a pas de police sans connaissance. La connaissance, c'est aussi la collecte des données de toute nature et la recherche à partir de ces données, en lien bien sûr avec les organismes de recherche. L'objectif est de mettre cette connaissance à la disposition de tous les acteurs : élus, services de l'État, associations et professionnels.
Il faudra veiller à mettre en oeuvre de manière cohérente, coordonnée et lisible les stratégies nationales des politiques publiques de l'eau et de la biodiversité, sous l'égide évidemment des services centraux des tutelles – ministère de la transition écologique et solidaire et ministère de l'agriculture et de l'alimentation – mais aussi des directives européennes – la directive-cadre sur l'eau et la directive-cadre « stratégie pour le milieu marin » – et en lien avec les services déconcentrés – préfet, directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), directions départementales des territoires (DDT) –, avec lesquels les deux établissements travaillent déjà beaucoup.
Il faudra également veiller à la neutralité et à l'autonomie de l'établissement, avec l'appui de ses tutelles. Je suis convaincu que l'OFB sera d'autant plus respecté qu'il aura un positionnement clair vis-à-vis des parties prenantes et reconnu dans son rôle d'expert au service des politiques publiques.
Je ne détaillerai pas tous les chantiers qui ont été menés depuis un an pour créer l'OFB. Au regard de l'ampleur de la mission, ce fut court. Lors de mon audition, l'année dernière, je vous avais indiqué que la priorité était de sécuriser les paramètres vitaux du nouvel établissement afin qu'il puisse fonctionner et remplir sa mission dès le 1er janvier 2020. Alors que nous sommes à moins de vingt jours de la création de l'établissement, et sous réserve des textes réglementaires qui doivent paraître d'ici à la fin de l'année, je peux vous dire que les conditions de l'existence de l'OFB – ressources humaines, budget, organisation – sont réunies.
En matière de ressources humaines, des avancées statutaires et une atténuation du schéma d'emplois permettront à l'établissement de fonctionner normalement. Comme j'ai pu le constater depuis un an, l'OFB est d'abord une histoire d'hommes et de femmes, d'agents reconnus pour leur compétence, leur engagement et leur passion pour les missions qui sont les leurs au service de la biodiversité. Ces agents avaient des attentes fortes et assez anciennes d'évolution statutaire que j'ai entendues – elles ont d'ailleurs également été portées par les organisations syndicales avec lesquelles j'ai eu un dialogue constant. Le chantier sur les ressources humaines était particulièrement lourd. Nous avons obtenu des résultats dans un contexte difficile pour tous les établissements publics. Je pense d'abord à la requalification des agents techniques de l'environnement en techniciens de l'environnement qui sont ainsi passés de la catégorie C à la catégorie B. Un plan de requalification de 150 agents avait déjà eu lieu lors de la création de l'AFB ; la requalification portera maintenant sur l'ensemble des agents techniques de l'environnement. Le plan est prévu sur cinq ans. En réalité, 80 % des agents techniques seront promus techniciens en trois ans, de 2020 à 2022 – 300 agents le seront dès 2020.
Par ailleurs, l'OFB ne devait pas échapper au schéma d'emplois qui touche tous les établissements publics. Lorsque j'ai pris mes fonctions, il était prévu de supprimer 127 emplois en trois ans. Grâce aux efforts conjugués de beaucoup, et notamment de certains d'entre vous, ce dont je vous remercie vivement, et du soutien des ministres Mmes Élisabeth Borne et Emmanuelle Wargon, nous avons obtenu qu'il n'y ait pas de suppressions d'emplois en 2020. En 2021, nous perdrons vingt emplois, et quarante en 2022. Au total, la perte sera donc de soixante emplois au lieu de 127.