– Il fallait prendre une décision rapidement. Il était alors très important que le conseiller scientifique en chef soit membre du conseil de sécurité nationale, pour deux raisons : d'une part, parce qu'il avait sur la situation une réflexion singulière et posait des questions différentes des autres membres, d'autre part, parce qu'il pouvait contacter très rapidement les experts, qu'il connaissait. Nous avions, pour conseiller le Premier ministre sur la décision à prendre concernant le tremblement de terre, le soutien d'experts géologues, mais aussi d'équipes japonaises, européennes, etc., qui ont apporté des informations sur la question des risques absolus et relatifs. Étant médecin, donc scientifique moi-même, je voulais m'assurer que le Premier ministre, qui est un financier, et le responsable géologue pourraient véritablement communiquer, se comprendre. J'ai joué le rôle d'intermédiaire, permettant une bonne compréhension par le Premier ministre du fait que le risque relatif pouvait être élevé, mais que le risque absolu était assez faible. L'alternative était la suivante : ne rien faire, évacuer la ville ou faire un plan d'action sans que la population ne panique. Cette dernière option l'a finalement emporté. Différentes mesures ont ainsi été prises, par exemple le fait que les supermarchés prévoient de stocker davantage de denrées non périssables, que les services de téléphonie mobile soient maintenus, que l'armée puisse apporter son aide sans passer par les processus habituels. Il fallait également mettre en place les moyens de maintenir la continuité du gouvernement. Beaucoup de choses ont ainsi été faites sans que le public ne le sache. Nous avons en outre utilisé énormément de messageries, comme habituellement dans le cas d'un tsunami ou d'un séisme.
La décision a été prise à cette réunion et le Premier ministre a été très clair : il a indiqué qu'il s'agissait d'une décision scientifique en premier lieu et qu'il se plierait à ce que les conseillers scientifiques lui recommanderaient dans ce contexte. Il a également demandé que ces préconisations soient consignées par écrit, ce qui a été fait. Je pense que cette situation met en lumière le fait que la dimension temporelle est extrêmement importante. Beaucoup de travaux peuvent être menés, au niveau universitaire notamment ; mais ceci demande du temps. On peut faire appel aux experts. Mais dans les situations d'urgence, il faut un processus spécifique, établissant le lien entre le gouvernement et la communauté scientifique.
Rémi Quirion a indiqué par ailleurs qu'il fallait souvent apporter des conseils par le biais d'une discussion. Il est en effet très important d'avoir des échanges informels avec des ministres, de hauts responsables, un président, un Premier ministre, très en amont, pour établir un cadre. Prenons l'exemple de la santé mentale : le gouvernement allait dans une direction et je lui avais conseillé de ne pas se précipiter et d'envisager d'autres possibilités. Cette discussion, qui a eu lieu dans un couloir, a conduit à une complète réorientation de la politique. Les experts sont ensuite entrés en jeu, pour lancer le cycle politique.