– Mes chers collègues, chers invités, il est temps de conclure cette matinée très riche en exemples, en recommandations et en explications.
Je retiens notamment de ces échanges l'idée que la notion de conseil scientifique ne recouvre pas nécessairement une dimension de conseil au sens où on l'entend communément. Ceci peut prendre la forme d'une présentation d'options, d'une explication, d'une traduction, d'une explicitation de certains concepts. Il peut aussi s'agir simplement de s'assurer que tel expert et tel membre du gouvernement se comprennent l'un l'autre et que leur dialogue n'achoppe pas sur des questions de terminologie ou de concept.
Nous avons aussi pu entendre que la façon dont l'organisation est conçue est un élément clé et que la prime est donnée, dans les expériences qui fonctionnent bien, aux structures comportant un petit noyau de personnes prenant la responsabilité du conseil, capables de réagir rapidement, dans un monde où il est nécessaire de disposer d'informations sur toutes sortes de sujets. Le travail préparatoire est très important, en particulier la mobilisation d'un réseau d'experts utiles en fonction des situations. En ce sens, les institutions de conseil apparaissent aussi comme des structures relais, qui permettent au monde politique de se frayer un chemin à travers l'océan des connaissances et des experts, jusqu'à contacter la personne idoine.
J'aimerais aussi insister sur la question du contact entre scientifiques et politiques. Qui en prend la responsabilité ? Dans certains exemples qui ont été cités, ce sont des scientifiques qui sont aux manettes du conseil, écrivent les rapports, apportent des avis. Dans d'autres comme l'OPECST, ce sont, même si le travail est préparé par des scientifiques, des parlementaires qui en prennent au final la responsabilité, avec une légitimité politique plus importante et certainement aussi l'avantage intrinsèque que le politique qui présente lui-même un sujet le maîtrise mieux que lorsqu'il se contente de consulter des rapports rédigés par des scientifiques. Évidemment, par rapport à la communauté scientifique et au suivi, le modèle dans lequel les scientifiques sont en responsabilité présente d'autres avantages. M. Klumpers a évoqué l'analogue européen de notre institution, dans lequel les rapports sont rédigés par des scientifiques et non par des politiques, même si à la fin ce sont les politiques qui prennent les décisions. Nous sommes dans tous les cas face à l'articulation d'une expertise scientifique et d'une décision politique : la question est de savoir sous quelle forme s'effectue le contact, à quel niveau précisément la décision est prise. Cette problématique n'est pas simple à résoudre, dans la mesure où ces deux communautés ne fonctionnent pas selon les mêmes codes ni avec les mêmes impératifs. L'exemple, fourni par Rémi Quirion, du jeune parlementaire fougueux qui s'est lancé dans une croisade en faveur de la vitamine C pour soigner des maladies graves, est très parlant : même s'il ne devrait en principe pas y avoir de contrôle de l'action politique par le monde scientifique, il existe néanmoins des cas criants dans lesquels on a besoin de remettre un peu de bon sens scientifique dans une discussion qui, sinon, pourrait dériver. Le plus inquiétant dans cet exemple n'est finalement pas tant le comportement du collègue député que celui de la société entière, qui s'enflamme et accorde autant d'importance au jugement d'un chanteur d'opéra qu'à celui du spécialiste en pharmacie. Ceci montre que nous avons encore un long chemin à parcourir pour trouver le bon équilibre entre l'indépendance et le mariage des voies rationnelle et irrationnelle, toutes deux légitimes dans le débat public, jusqu'à un certain point.
Mes chers collègues, je pense que les discussions riches que nous avons eues donneront lieu à la rédaction d'excellents actes, pour cette journée qui aura été l'occasion pour l'Office de mettre en avant sa volonté d'ouverture, aussi bien vers l'extérieur que vers nos collègues parlementaires à travers les commissions et rapports parlementaires, ainsi que le plaisir non dissimulé que nous éprouvons à accueillir les collègues étrangers et à leur présenter nos belles institutions respectives, avec leurs défauts et leurs avantages.