Je suis rédacteur en chef adjoint au Courrier Picard. Nous sommes présents sur la Picardie, l'Oise, l'Aisne et la Somme essentiellement, et puis sur une petite partie de Seine-Maritime, car nous avons un bureau à Mers-les-Bains, à 200 mètres du Tréport. À ce titre, nous couvrons ce secteur, mais cela est très résiduel. Nous sommes très excentrés par rapport à Rouen. Nous n'avons rien vécu dans les premières heures, si ce n'est le premier envoi d'e-mails de la préfecture de Seine-Maritime à cinq heures ou six heures moins le quart. Ensuite, nous avons été conviés à la conf call de six heures quarante-cinq. Nous avons réagi sur le web.
Je peux surtout vous parler des fumées qui ont atteint le nord de l'Oise et la Somme le jour suivant et de l'inquiétude qu'elles ont suscitée dans la population. Nous avons eu une communication d'ATMO Hauts-de-France le 27, vers treize heures dix sur le phénomène des suies, dont nous avions déjà commencé à parler, puisque nous avions déjà des lecteurs qui nous avaient interpellés à ce sujet. Des journalistes étaient partis constater qu'effectivement, il y avait des suies et que les réserves d'eau de certains particuliers étaient couvertes de suies. Cela inquiétait beaucoup les gens. Dans le communiqué d'ATMO, ces suies très anxiogènes pour la population n'étaient mentionnées ni dans le titre ni dans le corps du communiqué, mais évoquées seulement à la fin.
Nous nous sommes rendu compte qu'il était nécessaire d'éduquer la population au sujet des sites Seveso, parce que peu de personnes, y compris les élus et les maires qui sont en première ligne, savent ce qu'est un site Seveso « seuil haut » ou « seuil bas ». Nous nous sommes rendu compte qu'il y avait un décalage. Comme d'autres confrères, nous avons publié des cartes des sites de notre région.
En ce qui concerne la préfecture avec laquelle nous avons communiqué, c'est-à-dire celle de la Somme, puisque le siège du journal est à Amiens, nous avons eu des refus que nous aurions préféré ne pas avoir. Nous avons demandé à assister à un prélèvement et cela nous a été refusé. Nous pensons qu'il n'était pas judicieux de le refuser. De plus, nous avons eu essentiellement des e-mails. La communication était donc assez impersonnelle sur cette affaire. Nous avions du mal à avoir des gens. Il y avait quand même un côté administration et parapluie !
Par ailleurs, un téléphone a été mis en place pour que les gens appellent. Nous voulions assister à cela pour savoir comment les gens répondaient, quelles questions les gens se posaient, mais cela n'a pas été possible non plus.
Nous avons surtout fait des papiers après l'événement, sur les problèmes des agriculteurs, parce que nous en avons beaucoup dans la région. Ils avaient le sentiment, à tort ou à raison, d'être un peu délaissés. Cela étant, tout ce qui est mis en place ne suffit jamais dans ce type de situation. Ils se demandaient ce qu'allait devenir leur production. Le temps des études et des analyses leur a semblé long. Christiane Lambert de la FNSEA était en visite dans l'Oise et dans la Somme. C'est elle qui nous a appris, le 14 octobre, que les producteurs de lait allaient pouvoir redémarrer leur activité. Ensuite, ce fut le tour des producteurs de fruits et légumes. Nous avons eu des cas très concrets d'agriculteurs qui se posaient les mêmes questions que nous. Je me souviens d'un monsieur qui était obligé de stocker la production d'un champ partagé entre deux communes dont l'une était dans le périmètre et pas l'autre. Il se demandait comment il allait ensiler et s'il devait séparer le champ en deux. Nous nous posions les mêmes questions que la population.