Une chose est sûre sur cette question précise : la loi ne prévoit pas de chaîne logique entre le plan particulier d'intervention (PPI), qui est à la main du préfet, et le plan communal de sauvegarde (PCS), qui est à la main du maire, alors que c'est une nécessité absolue. Dans le cahier des charges de son plan de protection, il faut que le préfet ait comme interlocuteur premier le maire, y compris parce que c'est le réflexe de la population. Si vous êtes témoin d'un accident et que vous êtes riverain d'une installation, vous appelez la mairie et non la préfecture. C'est normal. Le préfet a souvent « d'autres chats à fouetter » dans des cas comme cela, plutôt que de répondre aux habitants ! Ils s'adressent donc logiquement au maire. C'est le maire qui déclenche le plan communal de sauvegarde, c'est-à-dire les dispositions susceptibles d'organiser l'évacuation et la situation de la population.
Des dispositions existent aujourd'hui pour permettre au maire de le faire. Mais il faut déjà un certain niveau d'équipements. En tant que maire, j'ai équipé ma ville d'un standard automatique d'appels qui me permettait d'envoyer un message téléphonique.
Mais encore faut-il que les habitants soient inscrits. Cela reste malgré tout aléatoire. La ville de Gonfreville-l'Orcher, dans la banlieue du Havre, a mis en place un dispositif fixe installé chez tous les habitants. Il permet même d'interrompre la télévision si elle est en marche, pour signaler un accident en cours et indiquer quel comportement adopter. Les dispositifs existent.
Les exercices existent aussi. Certains ne sont pas suffisamment fréquents, mais ils sont initiés par les préfets et les SDIS. Ils mettent parfois à contribution les habitants, mais c'est rare. À Feyzin, nous avons simulé un accident sur la raffinerie, et les habitants étaient évacués. C'est très intéressant, avec une anecdote assez drôle : les habitants ne voulaient pas croire que la raffinerie n'avait pas été arrêtée, parce que tout d'un coup, il n'y a plus eu de bruit. L'autoroute avait été coupée pour les nécessités de l'accident. Ils vérifiaient en même temps leur capacité à couper la circulation, à évacuer une autoroute et le temps nécessaire à l'opération. À Feyzin, l'autoroute passe au pied de la raffinerie. C'est aussi le cas à Donges, en Loire Atlantique, où le train passe au milieu de la raffinerie. Il faut donc pouvoir arrêter les moyens de transport, etc. L'arrêt du trafic sur l'autoroute a provoqué un tel silence que les habitants étaient persuadés que la raffinerie avait été arrêtée. L'exercice a eu pour vertu de démontrer que tout le bruit qu'ils attribuent à l'industriel ne provient pas de la seule raffinerie. L'industriel était très content : « Vous voyez, ce n'est pas moi qui fais du bruit ! ». C'est très intéressant parce que cela permet de vérifier notre capacité à évacuer des personnes handicapées et à gérer les voies de circulation. Ces exercices gagnent beaucoup à être faits.
Concernant l'analyse du BARPI, je vous ferai une note parce que je n'ai pas suffisamment d'éléments. Beaucoup d'installations sont classées, y compris les pressings. Il faut vraiment regarder en détail les documents pour voir ce qu'il y est écrit en matière d'accidentologie. Je ne voudrais pas me risquer à une analyse sans avoir suffisamment d'éléments à vous donner.
Vous posez la question d'une autorité distincte pour l'inspection des installations classées. Je suis assez réservé sur ce sujet, pour une simple et bonne raison : attention à ne pas rajouter des obstacles au développement de notre industrie. Je ne suis pas sûr que la question d'une autorité indépendante ne soit pas un obstacle supplémentaire. Nous avons déjà une réglementation très élaborée. Notre corps d'inspecteurs des installations classées est de très bonne qualité. Il est peut-être nécessaire de le renforcer, mais je n'ai cependant pas d'avis précis sur le sujet. Une bonne coopération existe entre les industriels et l'inspection des installations classées. C'est une relation assez exigeante, mais les industriels l'apprécient en France.
J'ai en tête une autorité environnementale indépendante. C'est sûrement une bonne chose, mais cela rajoute de la complexité. Nous nous rendons compte ensuite, lors de l'instruction des demandes d'autorisation relatives aux installations classées, que plus nous rajoutons de la complexité, plus nous rajoutons des délais de procédure, et plus certains industriels nous disent : « Écoutez, on va aller ailleurs, parce que ce n'est vraiment pas possible… ». Il faut apprécier cet aspect avec précaution.