Je vais faire un peu d'histoire. Vous parliez de culture du risque ; je représente la Fédération nationale des industries chimiques - CGT, mais, en 2001, j'étais déjà responsable CGT à AZF. Je travaille à Grand-Quevilly, sur un site qui s'appelle Borealis, mais cela s'appelait avant AZF. C'est l'usine jumelle de celle qui a explosé à Toulouse. Nous sommes devant vous aujourd'hui, mesdames et messieurs les députés ; en 2012, la commission parlementaire est venue sur mon site et a auditionné deux camarades du CHSCT de l'époque ; Yves Cochet, ministre de l'Écologie à l'époque, est aussi venu rencontrer les organisations syndicales.
J'étais dans la délégation de ma fédération lors de la dernière réunion spécifique à France Chimie avec les patrons de la chimie et les autres syndicats. J'ai présenté les choses à ma manière, comme je vous le dis là, et à la fin, j'ai dit : « Quand allez-vous arrêter de nous tuer ? »
Vous parliez de culture du risque ; personnellement, je dis que les patrons, par exemple le groupe Total, cultivent super bien le risque. AZF, notre groupe, appartenait à Total à l'époque. Ils s'en sont débarrassés juste après le procès en appel de la catastrophe. En 2019, il y a eu cinq morts sur les sites de Total en France. C'est juste magnifique ! Cela signifie que, malheureusement, quoi qu'on dise, cela ne change rien. La question est : quand allons-nous arrêter de perdre notre vie en allant la gagner ?
Vous avez remercié les salariés de Lubrizol mais on peut remercier tous les salariés qui sont intervenus, y compris les pompiers. Les pompiers de mon site professionnel sont allés à Lubrizol, ainsi que ceux de la SIM, ceux de la Raffinerie de Normandie, ceux d'Exxon. Que serait-il arrivé s'il n'y avait pas eu de pompier professionnel sur nos sites ? Aujourd'hui, sur le site d'Arkema à Saint-Auban – Arkema est une des « grosses boîtes » de la chimie –, sur le site d'Adisseo à Commentry dans l'Allier, ils veulent supprimer les pompiers professionnels. On marche sur la tête. Il y a des salariés qui sont en grève pour sauver ces postes. S'ils ne sont pas sauvés, c'est la sécurité des salariés et des populations qui va être mise en jeu.