Intervention de Bertrand Brulin

Réunion du mercredi 4 décembre 2019 à 15h10
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Bertrand Brulin, CFDT chimie énergie :

Bien évidemment que les services de contrôle de l'État valident cette reprise partielle d'activité, mais je n'ai même pas besoin de le préciser parce que de toute façon ils seront forcément sollicités. C'est plutôt aux services de l'État et aux services de contrôle de définir les conditions techniques.

Qu'on le veuille ou non, il y a quand même une dimension économique et des emplois en jeu. Il y a 400 salariés et 1 200 emplois induits. Alors je veux bien qu'on condamne Lubrizol, mais on condamne aussi une bonne partie de l'emploi. On est en vallée de Seine, on sait de quoi on parle. Il faut aussi avoir à l'esprit que les deux sites du Havre et de Rouen sont intimement liés dans la stratégie de cette entreprise. Qu'est-ce que cela veut dire ? Si on condamne Rouen, on pose aussi la question de la pérennité du Havre. Dans ce cas, alors que je parlais à l'instant de 400 salariés et 1 200 emplois induits, on est sur encore une autre dimension. Cela ne veut pas dire qu'il faut mettre dans la balance l'emploi face à la sécurité et aux risques industriels. Ce n'est pas mon propos. Il faut trouver un équilibre. Pour être très clair, la CFDT est pour le redémarrage partiel des activités de Lubrizol. Je le répète, pas à n'importe quel prix, pas à n'importe quelles conditions, avec une reprise d'activité partielle.

La question posée concernant la sous-traitance a été : les agents de Lubrizol surveillent-ils les entreprises sous-traitantes ? Ce que je peux vous dire, c'est que, quand il y a de la sous-traitance dans les sites classés, il y a de toute façon des interfaces, des passages réguliers, d'une certaine façon de la surveillance. Il y a des interactions entre les deux, ne serait-ce que parce que, en début de quart, il y a un certain nombre d'éléments ou de missions à effectuer et qu'en fin de quart, il y a un point qui est fait là-dessus. Certes, ce n'est pas suffisant de le faire en début et en fin de quart, mais il y a forcément des interactions. Pour essayer d'être précis par rapport à votre question, en ce qui concerne plus précisément les agents de Lubrizol, je ne suis pas dans l'entreprise, mais je pourrai poser la question à nos militants sur place, puisque le premier à intervenir sur le feu du stockage était un militant CFDT.

Vous demandez aussi ce qui aurait changé si on était resté sur le modèle des CHSCT. On peut toujours se poser la question après un accident : si nous avions entrepris telle action en amont, cela aurait-il eu un impact ? Il est délicat de répondre, mais je vais vous donner un exemple très précis. Je connais un militant qui était secrétaire d'un CHSCT et il travaillait sur un site classé. L'entreprise voulait redémarrer son unité, après des travaux. Il se trouve qu'il y avait un tuyau – on appelle cela une ligne – pour lequel la réglementation impose une épaisseur minimale, en fonction des produits qui y passent et des pressions auxquelles ils sont soumis. Il se trouve que la société avait ses propres standards qui étaient au-dessus de la réglementation. Ils étaient en train de redémarrer cette unité alors qu'ils étaient au-dessus de la réglementation, mais en dessous des standards de la société. Le militant a pu leur expliquer que cela ne sert à rien de mettre des standards si on ne les respecte pas, que si les standards ont été mis en place c'est qu'il y avait des raisons, que ces raisons s'expliquaient du point de vue de la sécurité industrielle et que donc, déroger à ces approches, c'était déroger finalement à toute la politique industrielle de cette entreprise. Il a réussi à faire stopper le redémarrage de cette entreprise et à faire faire les travaux qu'il fallait faire pour pouvoir redémarrer. Personnellement – ce n'est pas de la science-fiction, ce n'est pas du fantasme, c'est juste de la réalité, j'ai fait 30 ans sur ces sites-là – je vous parie qu'aujourd'hui avec les CSSCT, c'est terminé.

Pour le coup, c'est devenu de la science-fiction aujourd'hui parce que, avec les moyens qui sont donnés au CSSCT et les missions qui parfois sont confiées directement au CSE, ce n'est plus possible.

Cela a été dit, les militants en CHSCT étaient des militants, ou des militantes d'ailleurs, qui avaient de l'appétence sur ces sujets, qui étaient spécialisés sur ces questions et, pour certains ou certaines, pour la plupart, de façon assez pointue. Aujourd'hui, vous allez demander à des gens qui gèrent les activités sociales, le comité des fêtes du comité d'entreprise, les missions du CSE à la fois économiques et sociales de gérer cela en plus. Comme il a été dit, nous ne sommes pas des surhommes ou des surfemmes. À un moment donné, la charge de travail, y compris pour les représentants du personnel, a ses limites, comme pour chaque individu dans son milieu professionnel. On ne peut pas tout faire. Il faut dire aussi que, dans le même temps, on a réduit le nombre d'élus ; on est passé d'un CHSCT à un CSSCT en réduisant le nombre d'élus ce qui induit un problème d'effectifs. On a diminué les prérogatives et vous me demandez si ça n'aurait rien changé. Je ne peux pas le dire comme ça. Se placer en amont et demander ce que cela aurait pu changer, c'est une question à laquelle on ne peut pas répondre. Par contre, on peut dire que les effets concrets des ordonnances sur ce sujet sont dévastateurs. Je suis désolé, mais c'est aussi la réalité.

Nous ne sommes pas allés voir dans les boîtes ce que produit aussi la réforme de la formation professionnelle qui a été faite maintenant. Il y a des « ordonnances coquilles » qui sortent pour rectifier le tir, parce que cela n'a pas été fait correctement. Si c'est pour s'apercevoir dans un an ou deux qu'on a peut-être été un peu vite, ou qu'on n'a pas pris en compte tout ce qu'il fallait, à un moment donné, il faut se donner les moyens de ses ambitions. Si le pouvoir politique en place a l'ambition d'assurer la sécurité des populations avoisinantes de sites classés, encore une fois, qu'il se donne les moyens de ses ambitions. Les premières sentinelles, ce sont les salariés. Les premières victimes, ce sont les salariés.

Parlons des comités de site. Je n'ai pas la prétention de pouvoir vous donner un état des lieux du fonctionnement de tous les comités de sites en France. Pour autant, ce que nous pouvons dire sur ceux que nous connaissons, c'est que cela fonctionne mal. Il faudrait peut-être redéfinir les participants, imaginer un cadre non pas plus strict ou plus restreint, mais mieux identifié. Un comité de site est-il le meilleur endroit pour acculturer les populations environnantes ? Personnellement, je n'en suis pas certain. Quand je dis que cela ne fonctionne pas, je sous-entends qu'il faut réinterroger ce type de structure, mais ce qui nous importe le plus aujourd'hui, le déficit que nous avons identifié et que chacun d'entre nous ici a identifié, c'est le manque de culture des populations avoisinantes alors que, qui plus est, certains sites sont, en exagérant à peine, quasiment en plein centre-ville. Chacun a sa responsabilité là-dedans : les services de l'État et les industriels. Je veux souligner que nous sommes rarement associés à ce genre de choses. Par exemple, quand il y a un contrôle de la DREAL dans une entreprise, les représentants du personnel sont-ils prévenus ? Ont-ils le retour du contrôle ? Lorsque c'est l'inspection du travail se déplace, les représentants du personnel sont prévenus, mais pas quand c'est la DREAL.

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