Intervention de Vanessa Moreira Fernandes

Réunion du jeudi 12 décembre 2019 à 10h55
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Vanessa Moreira Fernandes, représentante des habitants de l'aire d'accueil de Rouen :

À deux heures du matin, la nuit du 26 septembre, mon mari m'a réveillée pour me dire que l'usine prenait feu. Je me suis levée et j'ai vu des flammes derrière l'usine Total. J'ai eu peur. Je me suis dit : « Comment va-t-on faire avec les enfants ? ». Nous avons appelé les pompiers, mais ils étaient déjà au courant. Après ce coup de téléphone, nous n'avons plus eu aucune information.

À cinq heures quarante du matin, il y a eu de très grosses explosions, et personne n'est venu, ni pompiers, ni policiers, ni gardiens de l'aire d'accueil. Personne n'est venu nous demander si nous avions besoin d'aide ou nous dire quoi faire.

À huit heures du matin, l'alarme de l'usine a sonné. Trois agents de la police nationale sont arrivés sur l'aire. Ils nous ont dit : « Il faut se mettre dans les caravanes le plus possible. Il ne faut pas rester dehors. Pour l'instant, nous n'évacuons pas. De toute façon, vous n'êtes pas sur une zone habitable. Restez vigilants ». L'intérieur de nos caravanes sentait le gaz et la fumée. Mais nous n'avions aucun endroit où nous réfugier afin de respirer de l'air moins pollué.

Dans la matinée, un gardien de l'aire d'accueil est venu de son propre chef, parce qu'il avait pitié. Il nous a apporté trois masques qu'il avait trouvés chez lui. Il est resté cinq minutes. La suite de la journée du 26 septembre s'est déroulée dans une attente insupportable. Nous ne savions pas quoi faire et nous respirions mal.

Vendredi 27 septembre, vers neuf heures, un des gardiens de l'aire d'accueil est venu nous dire que les « bureaux », c'est-à-dire le local administratif et technique, mais aussi les douches, n'ouvriraient que le lundi suivant, soit trois jours plus tard. En effet, nous n'avons vu personne avant le lundi 30 septembre. Ce jour-là, les agents de la Métropole de Rouen sont venus nous demander de payer notre loyer ! C'est à ce moment-là que nous avons vraiment pris conscience de la façon choquante dont nous étions traités.

Nous avons lancé un appel au secours sur les réseaux sociaux, en réalisant une petite vidéo dans laquelle mes voisins et moi-même racontons la nuit de l'incendie. Cette vidéo a été vue plus de 27 000 fois en une soirée. En deux jours, une dizaine d'articles de presse ont été écrits au sujet de notre situation. Plusieurs reportages radio et télévisuels ont aussi été montés. Ce n'est qu'après tous ces articles et reportages, le mercredi 2 octobre - soit six jours après l'incendie -, que la maire de Petit-Quevilly, le responsable « Gens du voyage » de la Métropole, M. Didier Jue, et certains de leurs collègues, sont venus nous rendre visite. Nous leur avons dit que nous voulions être relocalisés de toute urgence, tous ensemble, et non loin des écoles de nos enfants. Ils nous ont répondu qu'il s'agissait en effet de demandes raisonnables.

Mais le lendemain 3 octobre, la Métropole de Rouen a fait paraître un communiqué de presse, dans lequel nous avons pu lire : « Les services de la Métropole étaient présents sur place dès six heures trente, jeudi matin, et sont restés toute la matinée aux côtés des habitants de l'aire d'accueil et des pompiers ». Nous en avons été profondément blessés. Les quarante personnes présentes sur l'aire d'accueil peuvent attester, au contraire, que personne ne leur est venu en aide.

C'est pourquoi le jour-même, les habitants de l'aire d'accueil et moi-même avons déposé une plainte devant le procureur de la République de Rouen pour « mise en danger de la vie d'autrui et omission de porter secours ». Nous avons également envoyé la lettre officielle demandant notre relocalisation d'urgence, réclamée par la Métropole. Il a fallu attendre jusqu'au 11 octobre, soit seize jours après l'incendie et huit jours après l'envoi de cette lettre, pour recevoir, comme réponse, un papier sur lequel était écrit que nous pouvions rejoindre les emplacements libres des autres aires d'accueil gérées par la Métropole de Rouen.

À partir de ce moment, nous avons subi une pression continuelle. La Métropole nous a envoyé l'huissier à plusieurs reprises afin de nous intimider. Lors de son deuxième passage, il était accompagné de quatre camions et d'une vingtaine d'agents de police nationale, vêtus de gilets pare-balles et portant des bombes lacrymogènes. Ces intimidations ne nous ont pas fait renoncer à notre défense. Nous avons parlé lors de réunions publiques. Nous avons rencontré M. le député Hubert Wulfranc. Nous avons contacté la Ligue des droits de l'Homme. Le Défenseur des droits a aussi été saisi. Nous avons organisé une soupe de l'amitié sur l'aire d'accueil, afin de montrer aux riverains dans quelles conditions nous vivons.

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