Intervention de Gaëtan Rudant

Réunion du mercredi 18 décembre 2019 à 16h05
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Gaëtan Rudant :

Les indemnisations ont couvert 21 092 heures. Ce sont les heures indemnisées aujourd'hui. Vous connaissez le dispositif : une première étape consiste à solliciter l'autorisation de recours à l'activité partielle, autorisation qui est normalement accordée de manière préalable à sa mise en oeuvre, sauf dans le cas de sinistre. Dans le cadre de leur demande d'autorisation, les entreprises évaluent un volume d'heures auxquelles elles imaginent devoir recourir. Dans ce genre de sinistre, cette évaluation est extrêmement précaire : dans des situations qui nous semblent comparables, certaines entreprises ont imaginé que les effets pourraient durer six mois, quand d'autres ont estimé qu'elles pourraient durer trois mois. Au total, 240 000 heures d'activité partielle ont été autorisées, mais beaucoup moins ont finalement été utilisées. D'ores et déjà, le nombre d'heures indemnisées est de 21 000, au bénéfice d'entreprises seinomarines et d'une entreprise calvadosienne.

Deuxième modalité d'accompagnement : celui des alternants. Car dans ces entreprises, trente-sept personnes au total étaient sous contrat de professionnalisation ou d'apprentissage. L'interruption prolongée de l'activité de ces deux entreprises les mettait dans une situation encore plus précaire que les autres salariés : non seulement ils étaient exposés dans leur situation professionnelle, mais cela mettait également en jeu leur formation. Nous avons donc mis en place une cellule pour accompagner et trouver des solutions pour les alternants – trente d'entre eux à cette date.

Nous avons pris également le parti de mobiliser des fonds au titre des mutations économiques et une entreprise a été amenée à demander un financement pour la sécurisation des parcours de ses salariés. Enfin, beaucoup d'entreprises qui souhaitaient pouvoir reprendre leur activité rapidement ont été astreintes à nous demander des autorisations de dérogation à la durée hebdomadaire du travail. Nous avons instruit avec diligence sept demandes concernant 177 salariés. Pour finir, nous avons accompagné, sous l'autorité du préfet, la constitution du fonds d'indemnisation par Lubrizol. Je vous confirme que les chiffres dont je dispose sont exactement les mêmes que ceux indiqués par la préfecture.

En tant que chef de service, j'ai également été conduit à prendre un certain nombre de mesures pour les agents de la DIRECCTE qui, pour certains, sont situés à la Cité administrative à Rouen et, pour d'autres, sur des sites un peu plus directement placés sous le panache de fumée. Nous les avons d'abord informés, dès le matin du 26 septembre, par deux messages, nous avons réuni un CHSCT – comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – le 2 octobre, et procédé à une vérification de l'absence d'impact par des suies et du bon fonctionnement des ventilations de nos différents sites. Au total, c'est une équipe impliquant de très nombreux services de notre direction qui a dû être mobilisée dans un mode de gestion de crise.

Et, bien sûr, nous avons participé à la cellule de crise organisée par le préfet. Nous avons été présents à toutes – sauf trois – les réunions du COD (Centre opérationnel départemental) et à dix-neuf des conférences de presse du Préfet. Quand bien même l'inspection du travail n'est pas sous son autorité directe, nous avons été très impliqués aux côtés des autorités préfectorales. Cette équipe de gestion de crise nous a permis de coordonner tous les aspects que l'on vient d'évoquer, car il y a évidemment un lien entre ce que l'on peut apprendre quand on est agent de contrôle et qu'on est sollicité par une entreprise, et la mobilisation au titre de l'accompagnement par un autre agent. Il faut que l'information circule et que nos services de renseignements en droit du travail, qui sont ouverts aux salariés, aient exactement les mêmes informations, les mêmes éléments de réponse, pour les salariés et les entreprises qui les sollicitent, que les autres acteurs. Nous avons choisi une organisation en mode de gestion de crise qui se réunissait plusieurs fois par jour dans les premiers jours, puis plusieurs fois par semaine, et qui continue aujourd'hui à se réunir de manière hebdomadaire.

Vous m'avez également demandé si le recours à l'activité partielle était suffisant. Sans répondre de manière générale, nous n'avons pas eu connaissance de situations particulières dans lesquelles ce dispositif aurait été insuffisant. Très clairement, ce sont souvent des petites ou très petites entreprises qui ont mobilisé ce dispositif et essentiellement pour les journées des 26 et 27 septembre. De fait, l'essentiel pour elles était d'avoir d'abord un accord rapide puis d'être payées au plus vite. C'est ce à quoi nous nous sommes astreints, avec des réponses systématiques en moins de cinq jours, et même le plus fréquemment sous quarante-huit heures, pour que ces entreprises ne se trouvent pas exposées.

Je ne suis pas en situation de répondre à la question sur le moment où l'ensemble des demandes auront été reçues au titre du fond Lubrizol.

S'agissant de l'attractivité de Rouen, je pense que c'est bien sûr d'abord le rôle des élus locaux de porter l'ambition qu'ils ont pour leur territoire. L'État doit les accompagner. C'est un sujet sur lequel nous avons commencé à travailler avec les élus départementaux, métropolitains et de la Ville de Rouen, de sorte qu'un projet puisse être bâti rapidement : il est en cours d'élaboration.

À titre personnel, je pense – eu égard au nombre de sites classés en « Seveso » et à la prégnance de l'activité industrielle à Rouen – qu'une mobilisation autour de ces questions, en lien avec l'acceptation de ces activités par nos concitoyens, serait probablement utile pour le territoire.

Lubrizol était connue pour avoir déjà traversé par le passé au moins un épisode de rejet de mercaptan. L'enquête qui avait alors été menée n'avait pas mis à jour d'infraction significative qui ait pu être à l'origine de cet accident. L'enquête sur l'accident du 26 septembre est en cours.

Quant au rapport du Club Maintenance Normandie sur la sous-traitance, nous l'avons découvert au détour de cette situation puisque notre direction n'avait pas été conviée à sa présentation, il y a une dizaine d'années. Je ne veux pas entrer dans la critique de ce rapport. Pour autant, il me semble qu'il y a un certain nombre d'éléments qu'il faut mettre en lumière au sujet de la sous-traitance. Certains se demandent s'il faudrait interdire la sous-traitance de manière générale dans ce type d'établissement. Le premier élément que j'ai envie de partager avec votre mission, c'est précisément qu'on ne peut pas parler de manière générale de la sous-traitance : la notion est extrêmement vaste. La sous-traitance, c'est confier des activités à un site extérieur, ce qui ne fait peser aucun risque sur la collectivité. C'est aussi confier sur le site même des activités d'une grande diversité, depuis par exemple le gardiennage jusqu'à la soudure. Je ne pense pas qu'il soit pertinent d'imaginer une règle générale pour la sous-traitance. Contrairement à ce qu'une lecture trop rapide pourrait donner à penser, la sous-traitance peut être facteur de sécurité, y compris sur un site classé en catégorie Seveso. Ne vaut-il pas mieux faire intervenir une semaine par an un spécialiste qui réalise à longueur d'année des soudures de tuyaux, ayant développé les compétences et le savoir-faire nécessaires, plutôt que d'interdire la sous-traitance et de confier cette activité à une personne qui ne réaliserait qu'une seule fois ces opérations ?

Je ne prends pas position sur la nécessité industrielle mais dans certaines circonstances, on ne peut pas imaginer qu'une entreprise – en particulier dans des industries complexes comme dans la pétrochimie – ait à demeure l'ensemble des moyens permettant de faire face à des à-coups pour certaines opérations particulièrement lourdes tel un arrêt de tranche. Cela ne risque-t-il pas e la conduire à chercher à réduire les coûts de telles opérations ?

Enfin, le code du travail prévoit un certain nombre de dispositions particulières quant aux conditions de réalisation de la sous-traitance, en particulier dans les sites Seveso seuil haut. Il impose en particulier des formations adaptées pour les entreprises intervenantes, et spécifiques aux sites Seveso seuil hauts, et l'obligation de plans de prévention, même quand il n'y a pas de risque lié à la coactivité avec les autres activités du site industriel. Le code du travail prévoit également que le chef d'entreprise, après avoir consulté la commission santé, sécurité et conditions de travail (C2SCT) puisse être amené à dresser la liste des opérations pour lesquelles il estime qu'il ne doit pas être recouru à la sous-traitance. Ces dispositions graduées permettent donc déjà, sous le contrôle des instances représentatives, de réguler le recours à la sous-traitance dans les sites classés en catégorie Seveso.

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