Intervention de Arnaud Brennetot

Réunion du jeudi 19 décembre 2019 à 9h05
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Arnaud Brennetot, géographe à l'Université de Rouen :

Il est évident que la communication ne peut être qu'améliorable, notamment par l'information des populations en amont, mais la culture du risque suppose d'aller bien au-delà de la simple information. Les gens n'iront pas plus sur le site internet qu'ils n'iront en mairie pour consulter des informations sur des risques dont les occurrences sont extrêmement faibles. Il faut aller au-delà, notamment par une sensibilisation. Vous aviez évoqué la question de l'ouverture des sites industriels au public, c'est important pour sensibiliser les populations à la fois aux enjeux en termes de production, mais aussi en termes de sécurité (ce qui s'y fait, comment on y travaille) et au-delà, par des exercices de confinement, des entraînements. Là, nous n'avons pas déclenché les sirènes parce que nous ne l'avions jamais fait ni de nuit ni de jour, hormis le fameux premier mercredi du mois à midi. Nous n'avons pas utilisé l'instrument de peur qu'il provoque un effet contre-productif supérieur à ce qu'il est censé résoudre. Si nous avons des outils, il faut les utiliser. Nous pouvons imaginer, bien au-delà des périmètres actuels des PPRT, mobiliser l'ensemble d'une agglomération sur des exercices, comme cela se fait dans certains territoires.

Vous mentionniez tout à l'heure le cas de l'agglomération du Havre et le pôle de Port-Jérôme. Des exercices de confinement y sont organisés. La population est équipée en petite mallette et sait comment faire. Il faudrait vérifier cela par des enquêtes un peu plus approfondies, mais du moins, ce genre d'exercice existe. Dans l'agglomération rouennaise, cela a fait défaut et nous pouvons y remédier. Ceci traduit une vision collective qui tend à nier l'industrie alors qu'elle est présente au coeur de la ville depuis le milieu du XVIIIe siècle, avec des accidents industriels, avec des risques. La dynamique qui se met en place à partir de l'entre-deux-guerres et qui s'est poursuivie jusqu'à aujourd'hui a abouti, ce qui est assez classique, à une déconnexion du coeur d'agglomération, des zones habitées, des zones de production. Cela s'est combiné à un renforcement des clivages géopolitiques locaux. Nous avons une dissociation fonctionnelle à l'intérieur de l'agglomération rouennaise et un clivage géopolitique local qui oppose rive gauche, rive droite, de telle manière que sur les plateaux nord, dans le centre-ville, on peut vivre en oubliant presque l'existence de ce tissu industriel très dense, ce qui est néfaste au vivre ensemble, ainsi qu'à la capacité à construire des projets de développement urbain cohérents.

J'ai inséré en diapositive un résumé du projet Seine Cité qui est porté par la métropole depuis plusieurs années et que je ne remets pas du tout en cause. La priorité du développement économique rouennais doit être les services spécialisés, c'est ce qui fait défaut. Nous avons quantité de projets industriels. Vous évoquiez le projet Seine Sud, le Grand Campus du Madrillet par exemple. Il y a l'économie circulaire, il y a le projet de gigafactory. Je n'ai pas de doute sur le fait que le rebond industriel a de bonnes chances d'avoir lieu, notamment parce que nous ne sommes dans une conjoncture de redressement industriel très récent, que nous pouvons saluer. L'enjeu pour l'agglomération rouennaise est de devenir une métropole en termes de services spécialisés, ce qui fait défaut aujourd'hui. Cela passe par une réflexion sur l'articulation fonctionnelle entre les services spécialisés et les activités industrielles, ce qui forme la base productive. Deux métropoles voient leurs emplois industriels fortement croître sur la dernière décennie, ce sont Montpellier et Toulouse, deux villes qui ont des fonctions métropolitaines absolument incontestables. Nous voyons bien qu'il n'y a pas d'opposition entre les fonctions industrielles et les services spécialisés, qu'il y a vraisemblablement des complémentarités à mettre en oeuvre. Reste ensuite à les rendre compatibles dans la ville.

Lubrizol est un cas particulier parce que c'est le site Seveso seuil haut le plus proche du centre. Quelqu'un évoquait tout à l'heure l'avenir de l'éco-quartier Flaubert. En termes d'attractivité, tous ces sites Seveso « seuil haut » comme « seuil bas » à proximité compromettent le développement du projet. Incontestablement, il faudra trouver des solutions. Une campagne est en train de démarrer, peut-être faudra-t-il poser la question au cours du débat et lorsque la nouvelle équipe à la tête de la métropole prendra ses fonctions. En tout cas, il ne s'agit pas de mettre toutes les usines classées en Seveso « seuil haut » à la campagne ou en périphérie. C'est totalement invraisemblable et éthiquement inacceptable. Par contre, ce site Lubrizol, avec une telle proximité du centre-ville, pose question. C'est un véritable enjeu de cohabitation fonctionnelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.