Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du mercredi 8 janvier 2020 à 15h00
Débat sur les politiques de l'emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

Quand on parle d'emploi, on parle régulièrement des chômeurs et de la souffrance endurée par les demandeurs d'emploi. S'il est vrai que le chômage a légèrement baissé, ce recul s'est malheureusement accompagné d'une hausse des travailleurs pauvres. Selon l'Observatoire des inégalités, un million de personnes exercent un emploi mais connaissent un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. Nous ne pouvons donc nous satisfaire de la situation actuelle, où des travailleurs pauvres – employés et ouvriers peu qualifiés, travailleurs ubérisés, indépendants – constituent la France des oubliés. « Il n'y a de dignité du travail que dans le travail librement accepté » disait Albert Camus. Or c'est un modèle de travail subi que vous promouvez depuis les « ordonnances travail » et la réforme de l'assurance chômage, un modèle qui fait perdre au travail sa vocation émancipatrice, tout particulièrement pour nos concitoyens les moins bien formés.

Aussi, je voudrais évoquer un sujet régulièrement oublié : la situation des 3,7 millions de travailleurs précaires que compte la France, employés principalement en intérim ou en contrat à durée déterminée – CDD. Je pense aussi aux personnes inactives qui souhaitent travailler mais ne peuvent trouver un emploi en raison de leurs contraintes de vie, depuis les mères de familles monoparentales qui n'ont aucun mode de garde pour leurs enfants jusqu'aux personnes peu qualifiées et éloignées des bassins d'emploi.

Face à ce constat, peut-on faire mieux ? Oui, je le pense. Nous pourrions par exemple amplifier l'expérimentation des territoires zéro chômeur de longue durée, ou encore augmenter le nombre de contrats aidés de sorte que les associations et les collectivités territoriales intensifient l'insertion par l'emploi. Nous pourrions aussi renforcer les aides aux familles monoparentales, notamment en matière de garde d'enfants, afin que les femmes – qui sont les plus affectées par les temps partiels subis et le chômage contraint – puissent choisir librement leur temps de travail et exercer leur profession dans des conditions facilitées. Enfin, nous pourrions améliorer la formation au cours de la vie professionnelle, celle-là même que vous avez fortement détériorée en créant un compte personnel de formation en euros qui, dans le fait, amoindrit le droit à la formation de nos concitoyens.

Pour les socialistes, le travail est une valeur centrale. C'est lui qui permet l'émancipation individuelle des personnes, mais aussi l'élévation collective de la société – car c'est le travail qui nous permet d'entretenir un modèle social protecteur tout au long de la vie : je pense évidemment à l'assurance chômage, à la couverture santé et à l'assurance retraite.

Aussi, je voudrais appeler votre attention sur la protection des travailleurs. Dès votre arrivée au pouvoir, en 2017, vous avez dégradé le compte pénibilité, instrument qui protégeait les travailleurs contre les risques liés au travail. Pourtant, madame la ministre, la prise en compte de la pénibilité, pour les actifs comme pour les retraités, n'est autre qu'une réparation des préjudices subis. On ne peut passer sous silence cette question centrale. Oui, il y a des métiers pénibles dans notre pays. Oui, certains métiers usent le corps et l'esprit davantage que d'autres. Oui, le travail peut avoir des conséquences néfastes sur la santé. Nier cela, comme vous l'avez fait en dégradant le compte pénibilité, est une faute grave ; c'est négliger la souffrance de certains métiers.

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