Parmi les ordonnances de la loi travail, l'une établissait un encadrement artificiel des indemnités prud'homales. Vos objectifs, servis par une communication bien huilée, étaient de simplifier la procédure, de la rendre plus lisible, et d'offrir une sécurité juridique aux petites entreprises.
Malheureusement, deux ans plus tard, le bilan est pour le moins contrasté, voire très négatif, parfois à l'opposé des objectifs fixés. Vous avez accompli l'exploit de mécontenter à la fois les entreprises et les salariés. Quatre points posent particulièrement problème et suscitent les inquiétudes.
Le premier est la mise en place d'une justice prud'homale à deux vitesses, au détriment des salariés les plus modestes. Un acteur de terrain, un magistrat, déclare que l'un des aspects majeurs de cette réforme en particulier, c'est qu'elle aboutit à écrémer le contentieux prud'homal, en ne laissant subsister que le contentieux qui a un fort potentiel de gain, celui des cadres à haut salaire, qui peuvent payer un avocat et tenir quatorze mois. Les autres salariés se replient sur des accords amiables a minima, dans le meilleur des cas. Le dialogue social ne s'en trouve pas amélioré.
Deuxièmement, il existe des différences de pratique d'une juridiction à l'autre ; certains juges s'affranchissent même du barème, qu'ils estiment contraire à la convention de l'Organisation internationale du travail, ou à la charte sociale européenne. L'application de vos ordonnances aboutit donc là encore à un système à deux vitesses, cette fois en fonction du lieu de résidence, ce qui est injuste et inégalitaire.
Troisièmement, les délais n'ont pas été réduits puisque des antennes prud'homales ont été fermées en parallèle, à commencer par les plus petites ou les plus rurales. Mais, même à Paris, il faut attendre quinze mois pour avoir un jugement, quinze autre mois en cas de départage et quinze mois de plus en cas d'appel, c'est-à-dire quasiment quatre ans avant la décision définitive.
Quatrièmement, et c'est sans doute le pire effet de vos ordonnances pour les salariés et les entreprises, le plafonnement ne vaut que pour les licenciements sans cause réelle ou sérieuse, pas pour les cas de discrimination ou de harcèlement. De ce fait, nous avons assisté à l'explosion de ces dossiers, qui servent à contourner les barèmes. Je cite ici un acteur : « Du fait de ce glissement, il n'y a plus de prévisibilité et de sécurisation, comme envisagé dans le marketing de cette réforme. »
Ainsi, en privant certains salariés de recours, en créant des tensions dans les entreprises et en soumettant leurs dirigeants à une insécurité juridique nouvelle et accrue, vous avez manqué votre cible. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour corriger ces erreurs ?