Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'accueillir au sein de votre commission. Je souhaitais défendre personnellement la création de cette commission d'enquête, proposée dans le cadre du droit de tirage du groupe UDI, Agir et Indépendants.
Les règles de création des commissions d'enquête sont soumises aux dispositions spécifiques de l'ordonnance du 17 novembre 1958 et du Règlement de notre assemblée. De manière générale, il appartient à la commission permanente compétente au fond d'examiner les conditions de recevabilité de la résolution et l'opportunité de la création de la commission d'enquête. Cependant, en application de l'article 141 de notre Règlement, chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, la création d'une commission d'enquête. En l'occurrence, mon collègue et président de groupe Jean-Christophe Lagarde a manifesté au Président de l'Assemblée nationale son intention d'exercer son droit de tirage, par un courrier en date du 5 décembre 2019. Notre rôle se borne donc, au regard de ces dispositions combinées, à vérifier que les conditions de recevabilité sont remplies. Si la commission des affaires sociales conclut en ce sens, la conférence des présidents pourra acter la création de la commission d'enquête très prochainement.
Les articles 137 à 139 du Règlement subordonnent la recevabilité à trois conditions. L'article 137 dispose que les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ». En l'occurrence, l'article unique de la proposition de résolution vise à créer une commission d'enquête sur la « lutte contre les fraudes aux prestations sociales ». Il me semble que les notions de « fraudes » et de « prestations sociales » sont suffisamment claires pour que le périmètre de la commission d'enquête soit nettement défini. Il s'agit bien sûr de s'intéresser à des pratiques délibérées d'obtention de ces prestations, et non à de simples erreurs des bénéficiaires. L'emploi du pluriel vise à couvrir la très grande variété des pratiques frauduleuses, sans en stigmatiser aucune. La commission d'enquête a pour objet de faire le tour de la question, notamment afin d'évaluer l'ampleur du phénomène.
La notion de « prestations sociales », quant à elle, excède le strict champ des prestations versées par la sécurité sociale ; elle peut englober des versements de l'État, des collectivités territoriales ou encore des régimes paritaires – tels que l'assurance chômage ou la retraite complémentaire –, conformément aux définitions usuellement retenues par l'administration et les statistiques publiques.
Chacun aura par ailleurs compris que la commission d'enquête entend prolonger les travaux engagés par nos collègues Carole Grandjean et Nathalie Goulet, fort bien exposés à l'instant, et ainsi surmonter les difficultés qu'elles ont rencontrées pour accéder à certaines informations indispensables.
La proposition de résolution définit donc précisément les faits sur lesquels porterait la commission d'enquête.
L'article 138 du Règlement, pour sa part, rend irrecevable la création d'une commission d'enquête ayant le même objet qu'une commission d'enquête ou une mission d'information disposant des mêmes pouvoirs et ayant achevé ses travaux depuis moins d'un an. Dans le cas présent, l'Assemblée nationale ne s'est pas penchée sur la fraude aux prestations sociales depuis neuf ans – date des travaux que Dominique Tian avait menés dans le cadre de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). Il n'a jamais été créé, sur cette question, de commission d'enquête ni de mission d'information disposant des prérogatives d'une commission d'enquête. La condition posée par l'article 138 est donc remplie : aucune commission d'enquête ni aucune mission d'information ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois n'avait le même objet.
Enfin, l'ordonnance du 17 novembre 1958 et l'article 139 du Règlement précisent qu'une commission d'enquête parlementaire ne peut être créée lorsque « des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Interrogée par le président de l'Assemblée nationale, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir, par lettre du 7 janvier 2020, que la « commission d'enquête parlementaire envisagée est susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours, portant notamment sur les délits d'escroquerie et de déclaration fausse ou incomplète en vue d'obtenir le versement d'une prestation sociale indue » et, selon la formule désormais rituelle, « appelle ainsi son attention sur l'articulation de l'enquête parlementaire avec ces procédures judiciaires ».
Dans la mesure où l'objet de la commission d'enquête n'est pas d'interférer avec ces procédures mais bien d'identifier, par les moyens qui lui sont dévolus, l'ampleur du phénomène des fraudes aux prestations ainsi que les réponses à y apporter, j'estime que la procédure mentionnée ne fait pas en soi obstacle à la création de la commission.
Je vous propose donc de constater que la proposition de résolution répond aux conditions fixées par l'ordonnance du 17 novembre 1958 et par les articles 137 à 139 du Règlement de l'Assemblée nationale et, en conséquence, qu'aucun obstacle ne s'oppose à la création de la commission d'enquête.