En Nouvelle-Calédonie, cette compétence est encadrée par la loi organique statutaire du 19 mars 1999. Le congrès de la Nouvelle-Calédonie et les trois assemblées provinciales peuvent créer des infractions pénales dans les domaines de compétence qui leur sont propres, et les assortir de sanctions. Cette faculté est toutefois encadrée par une procédure spécifique : l'homologation par le Parlement des peines d'emprisonnement. À défaut d'homologation, seules les peines d'amendes et les peines complémentaires prévues par la réglementation locale pourront être prononcées.
Cette intervention du législateur s'explique par deux raisons essentielles. Elle vise d'abord à vérifier que les conditions posées par les lois organiques – la durée d'emprisonnement encourue ne doit pas être supérieure à la durée maximale fixée par le droit positif pour une infraction similaire – sont bien remplies. Elle permet ensuite à l'État d'exercer sa compétence en matière de justice pénale et de protection des libertés individuelles. Le mécanisme a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel qui affirme, dans sa décision du 28 juillet 2011, que le dispositif d'homologation « met en oeuvre les compétences de l'État en matière de droit pénal ».
Dans le respect de cette procédure, la présente proposition de loi prévoit d'homologuer diverses peines d'emprisonnement créées par les institutions calédoniennes au cours des dernières années. Elle est le fruit d'un travail important réalisé avec la Chancellerie – que je remercie pour son efficacité – pour recenser les différentes peines en attente d'homologation et surtout pour s'assurer que les peines prévues respectent bien les règles organiques et constitutionnelles qui régissent leur homologation au niveau national.
Il convenait tout d'abord de vérifier que l'édiction des peines ne pouvait intervenir que dans un domaine relevant du champ de compétence du territoire. Ensuite, nous devions nous assurer que le quantum de la peine n'excédait pas celui prévu dans le droit commun pour une infraction de même nature. Enfin, nous avons veillé au respect de la classification des délits, qui interdit d'ériger localement une infraction en délit si celle-ci relève en droit commun du champ conventionnel.
Initialement, une cinquantaine de peines étaient visées par la proposition de loi. Nous avons complété la liste en commission des lois, en juillet dernier, y ajoutant une vingtaine de peines supplémentaires, créées par des lois du pays et par la province Sud. Je présenterai tout à l'heure dans la discussion deux amendements destinés à supprimer les entrées en vigueur différées qui avaient été prévues en juillet pour des dispositions votées par le congrès mais pas encore en application sur le territoire, et qui n'ont plus lieu d'être aujourd'hui puisque nous examinons le texte plus tard que prévu.
Mes chers collègues, cette proposition de loi d'homologation est un texte important pour un territoire comme la Nouvelle-Calédonie. Les peines dont nous parlons aujourd'hui ont pour certaines d'entre elles été créées en 2014 : six ans plus tard, les juridictions ne peuvent toujours pas les prononcer ! Pour ne prendre qu'un exemple, les peines relatives au harcèlement sexuel et moral au travail, créées en 2014, ne peuvent toujours pas être prononcées à l'encontre de leurs auteurs en Nouvelle-Calédonie, faute d'homologation. Il en va de même d'autres délits dans les domaines de la santé, des assurances et de l'environnement.
Vous le comprenez, il y a urgence à procéder à l'homologation de ces peines. Conformément à l'article 104 du règlement de l'Assemblée nationale, le groupe La France insoumise s'est opposé à l'engagement de la procédure simplifiée en juillet dernier, ce qui a eu pour effet de retarder de plusieurs mois l'examen de ce texte. Si le motif avancé – les conditions d'incarcération au sein du centre pénitentiaire de Nouméa – constitue un sujet de préoccupation, comme le rappelle le dernier rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, publié en novembre 2019, il n'a pas de lien direct avec l'objet de cette proposition de loi, qui vise simplement à l'application d'une procédure organique, attendue depuis très longtemps. Je remercie le Gouvernement et la présidente de la commission des lois d'avoir mesuré l'importance du texte et de l'avoir de nouveau inscrit à l'ordre du jour, cette fois-ci selon la procédure normale.
Pour conclure, j'espère que cette proposition de loi ouvre la voie à un examen plus régulier des demandes d'homologation de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française. Jusqu'à présent, le Parlement a procédé à des homologations dans des conditions peu satisfaisantes : par voie d'amendement ou dans le cadre des projets de loi gouvernementaux sur les outre-mer. Je rappelle que l'homologation des peines la plus récente découle d'un amendement de Philippe Gomès lors de l'examen en 2015 de la loi d'actualisation du droit des outre-mer !
Il faut en finir avec ces textes de rattrapage. Le législateur doit intervenir régulièrement afin de permettre le bon fonctionnement des territoires ultramarins, aux statuts et aux degrés d'autonomie très diversifiés. C'est une demande formulée de longue date par les parlementaires ultramarins, dont la satisfaction irait dans le sens d'une meilleure prise en considération des sujets propres aux outre-mer et d'une meilleure administration de la justice dans ces territoires. L'inscription de ce texte à l'ordre du jour constitue un signe positif qui, je l'espère, ouvrira la voie à une institutionnalisation d'un rendez-vous régulier de ce type au Parlement.