Comme vient de le dire à l'instant M. le rapporteur, la proposition de loi que vous examinez a pour objet l'homologation des peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie, territoire qui dispose constitutionnellement d'une autonomie lui permettant de créer des infractions pénales et de les assortir de peines. En application des dispositions des articles 87 et 157 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, le congrès et les assemblées de province de Nouvelle-Calédonie peuvent ainsi assortir les infractions créées dans les matières relevant de leur compétence de peines d'emprisonnement.
Si cette autonomie est entière s'agissant notamment des peines d'amendes, les peines d'emprisonnement nécessitent, quant à elles, une homologation préalable et ne peuvent en conséquence être prononcées par les juridictions pénales si elles n'ont pas été homologuées par le Parlement français. Or les délais d'homologation sont parfois longs, trop longs, faute de vecteur législatif. Cette proposition de loi permettra de rattraper le retard pris depuis plusieurs années en la matière. Elle est nécessaire pour assurer en Nouvelle-Calédonie une répression équivalente à celle qui existe en métropole.
Pour que cette homologation puisse prospérer, la collectivité doit tout d'abord respecter la classification des délits. Cela signifie que seules les peines d'emprisonnement prévues en matière délictuelle par la législation nationale peuvent être retenues, que ces peines doivent respecter l'échelle des peines d'emprisonnement prévue par l'article 131-4 du code pénal et qu'elles doivent donc être de deux ou six mois, ou bien d'un, deux, trois, cinq, sept ou dix ans. La collectivité ne peut par ailleurs prévoir une peine plus sévère que celle prévue en métropole pour une infraction de même nature. En pratique, les peines prévues par les délibérations ou lois du pays, même si elles peuvent en théorie être inférieures aux peines prévues par les lois nationales, leur sont le plus souvent identiques.
Comme vient de le souligner M. le rapporteur, la présente proposition de loi tient compte des deux exigences que je viens d'évoquer : elle respecte la classification des délits d'une part, et les peines n'excèdent pas le maximum prévu pour les infractions de même nature par les lois de la République, d'autre part.
Sur le fond, il s'agit de textes qui relèvent de la compétence des territoires et qui concernent notamment le droit social, le droit environnemental, le droit de l'urbanisme, le droit des assurances ou encore le droit du sport.
Il est ainsi proposé, à titre d'exemple, d'homologuer des peines d'emprisonnement en répression de délits prévus à l'ancien code de la santé publique applicable en Nouvelle-Calédonie – quarante-sept infractions sont concernées, telles que la fabrication ou la vente de médicaments falsifiés à usage humain ; au code agricole et pastoral de Nouvelle-Calédonie – notamment le délit d'exercice illégal de la médecine vétérinaire ; au code des assurances applicable en Nouvelle-Calédonie – par exemple la direction d'une société d'assurances malgré une interdiction ou une incapacité ; au code de l'urbanisme de la Nouvelle-Calédonie – par exemple l'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire ; au code de l'environnement de la province Sud – notamment le délit d'obstacle à l'exercice des fonctions d'un fonctionnaire ou agent habilité à exercer des missions de contrôle administratif dans le domaine de l'environnement ; et des délits prévus dans une délibération relative à l'amélioration de la qualité de l'air ambiant – par exemple le délit d'émission par une entreprise de substances polluantes constitutives d'une pollution atmosphérique en violation d'une mise en demeure. Voilà quelques exemples de délits dont nous allons aujourd'hui homologuer les peines d'emprisonnement.
L'homologation des peines d'emprisonnement permettra d'offrir au juge pénal en Nouvelle-Calédonie, comme c'est le cas sur le reste du territoire national, un panel de peines plus étoffé et plus diversifié. Dès lors qu'une peine d'emprisonnement est encourue, le juge pourra bien évidemment la prononcer, mais également retenir des peines alternatives à l'incarcération comme la peine de travail d'intérêt général, la peine de jours-amende ou encore le stage de citoyenneté.
D'une manière générale, le Gouvernement est favorable, au nom du principe d'égalité, à l'homologation des peines d'emprisonnement, qui permet que des agissements identiques soient réprimés par des sanctions de même nature sur toute l'étendue du territoire de la République.
Pour l'ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis très favorable sur la proposition de loi.
L'examen de ce texte me donne l'occasion de dire quelques mots sur la situation carcérale en Nouvelle-Calédonie, à laquelle vous avez fait référence, monsieur le rapporteur.
En 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté avait relevé de sérieuses difficultés au centre pénitentiaire de Nouméa, liées à la vétusté et à l'état de surpopulation chronique de l'établissement.
À la suite de ce constat, Mireille Imbert-Quaretta, conseillère d'État, avait été missionnée par Christiane Taubira, alors ministre de la justice, aux fins de réaliser une mission d'audit. Dans son rapport, déposé fin 2012, Mme Imbert-Quaretta a formulé des propositions afin d'améliorer les conditions de détention, de lutter contre la récidive et de poursuivre les travaux de réhabilitation du centre pénitentiaire.
Nous nous sommes largement inspirés de ce rapport et, depuis 2011, la situation de cet établissement s'est sensiblement améliorée grâce à la mobilisation des acteurs judiciaires, notamment de l'administration pénitentiaire, mais aussi des acteurs territoriaux. J'y reviendrai ultérieurement mais je tenais à le signaler dès à présent.