Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 14 janvier 2020 à 15h00
Homologation des peines d'emprisonnement en nouvelle-calédonie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

L'article 87 de la loi organique du 19 mars 1999 dispose que le congrès de la Nouvelle-Calédonie et les assemblées de province peuvent assortir les infractions aux lois du pays et les règlements qu'ils édictent de peines d'emprisonnement « sous réserve d'une homologation de [la] délibération par la loi ». Le Parlement doit donc homologuer les peines d'emprisonnement décidées par ces assemblées ; à défaut, seules les peines d'amende et les peines complémentaires éventuellement prévues sont applicables. Les peines concernées par la demande d'homologation touchent plusieurs domaines différents : le droit rural et agricole, le code des assurances, de la santé, du travail ; la réglementation des manifestations sportives terrestres ; l'énergie, la pollution et les ampoules.

Si la proposition de loi dont nous débattons vise à homologuer un ensemble de peines, elle enjoint également au Parlement d'intervenir de manière plus régulière, lorsque cela s'avère nécessaire pour le bon fonctionnement des territoires d'outre-mer, sans devoir attendre une loi spécifique. Les homologations doivent être entérinées régulièrement.

Dans le cadre du projet de loi relatif à la modernisation du droit de l'outre-mer, notre collègue Maina Sage proposait déjà en 2015 qu'un rendez-vous annuel dédié aux outre-mer soit organisé au Parlement. Cela paraît en effet nécessaire, et il faudrait bien plus encore.

La particularité de la Nouvelle-Calédonie réside dans le fait qu'elle possède une autonomie large. Elle devrait, en conséquence, être dotée de la capacité d'avancer à son rythme sur les dossiers qui la concernent. Les institutions de la Nouvelle-Calédonie, tout comme celles des autres territoires d'outre-mer, devraient par ailleurs avoir la possibilité d'inscrire, aussi souvent que nécessaire, les sujets qui les intéressent à l'ordre du jour du Parlement.

Permettez-moi de revenir sur la situation générale des territoires d'outre-mer, encore considérés comme des territoires de seconde zone, et pas simplement en matière judiciaire. La prédation exercée par les grandes entreprises privées sur les économies ultramarines rendent ces territoires totalement dépendants des importations. Il en résulte un coût de la vie très élevé et des inégalités abyssales : six des dix communes les plus inégalitaires de France sont situées à La Réunion ; le chômage est massif dans les territoires d'outre-mer, avec un taux de 20 % en Martinique et de 24 % en Guadeloupe.

L'État n'a pas permis aux territoires d'outre-mer d'accéder à l'autonomie énergétique. Elle serait pourtant possible grâce aux énergies renouvelables dont ils disposent, d'origine terrestre, marine ou solaire, et au développement de la géothermie et de l'éolien. Malheureusement, aucune nouvelle éolienne n'a été installée en outre-mer depuis près de dix ans. En 2017, les énergies fossiles représentaient entre 77 % et 94 % du mix électrique de La Réunion, de la Guadeloupe, de la Martinique et de Mayotte.

Rappelons enfin que la situation sanitaire est toujours critique en Guadeloupe, où la reconstruction du centre hospitalier endommagé en 2017 n'est pas encore achevée. En outre, alors que la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'utilisation du chlordécone et du paraquat a récemment confirmé ce que de nombreuses associations et collectifs dénonçaient depuis de nombreuses années, c'est-à-dire la responsabilité de l'État dans l'empoisonnement au chlordécone des sols et des populations des Antilles, aucune mesure significative de prévention et de réparation n'a été sérieusement engagée à ce jour sur le plan sanitaire, social et environnemental. Au contraire, à Fort-de-France, l'État a réprimé la mobilisation des citoyens et des citoyennes qui manifestaient contre le chlordécone.

S'agissant de la proposition de loi, le groupe La France insoumise a déposé un amendement afin de demander un rapport d'information sur la politique pénale, les conditions d'incarcération et le développement des peines alternatives à l'incarcération et des aménagements de peine en Nouvelle-Calédonie, sujets sur lesquels nous manquons cruellement d'information et de suivi.

La mission confiée à Mme Imbert-Quaretta en 2012 par le ministère de la justice appelait à réorienter la politique pénale en développant des mesures alternatives aux poursuites ainsi que des aménagements de peine. Son rapport souligne un taux d'incarcération « près de deux fois plus élevé en Nouvelle-Calédonie que sur l'ensemble du territoire français » et la nécessité de prendre en compte, dans la réponse pénale, le fait que les jeunes Kanak représentent plus de 90 % des personnes détenues au Camp Est, l'unique prison de la Nouvelle-Calédonie.

Madame la garde des sceaux, ce débat démontre qu'une autre politique pénale, tout comme une autre politique sociale et environnementale, sont aujourd'hui indispensables en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et partout en France.

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