Durant la colonisation des peuples et des territoires du Pacifique Sud, la France s'est faite puissance administrante de l'archipel de la Nouvelle-Calédonie. Reconnaître cette réalité, c'est regarder l'histoire française en face ; c'est commencer à comprendre pourquoi nous discutons d'un texte spécifique à ce territoire.
La Nouvelle-Calédonie fait partie de la liste des territoires non autonomes, considérés comme non décolonisés, dressée par les Nations unies. Le non-respect du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ayant été à l'origine du déclenchement des deux guerres mondiales, c'est un enjeu pour la France aujourd'hui que de faire respecter, dans les relations de l'État avec la Grande Terre et y compris dans cette proposition de loi, le principe de la libre détermination des peuples inscrit dans le préambule de la Constitution.
Rappelons que le peuple calédonien est en ce moment même engagé dans un processus référendaire d'autodétermination qui permettra d'établir sa volonté de construire son destin hors de la République ou en son sein. Un nouveau scrutin est prévu dans le courant de l'année 2020.
Tout ceci explique pourquoi la Nouvelle-Calédonie est la seule collectivité d'outre-mer française à bénéficier d'une véritable autonomie interne. Aucune autre collectivité ne dispose d'articles qui lui soient spécifiquement consacrés dans la Constitution. Aucune autre collectivité ne dispose d'une citoyenneté comme la citoyenneté calédonienne ou d'une assemblée capable de voter de véritables lois et dont la seule autorité régulatrice est le Conseil constitutionnel.
La proposition de loi s'inscrit dans cette relation particulière entre l'État français et ce territoire autonome. Par principe, pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, la loi nationale ne s'applique qu'en des domaines de compétences spécifiques. Le territoire de la Nouvelle-Calédonie a la possibilité de sanctionner les atteintes au droit dans les différentes matières dont il a la compétence, parmi lesquels l'environnement, l'économie et la santé. En revanche, les peines d'emprisonnement attachées aux infractions prévues par la loi calédonienne doivent, pour prendre effet, être homologuées par le Parlement. Dans ce domaine, qui fait exception à la compétence de principe dont disposent les institutions calédoniennes, le congrès de la Nouvelle-Calédonie n'a pas les pleins pouvoirs à cette heure.
L'homologation par le Parlement de la présente proposition de loi est une évidence, étant donné que les sanctions qu'elle prévoit sont conformes aux conditions prévues par la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'étonne toutefois que l'article Lp. 5321-1 du code de la santé publique de la Nouvelle-Calédonie ne fasse pas partie des articles à homologuer.
On nous dit que cette loi du pays s'inspire de l'article L. 5421-1 du code de la santé publique national, qui promeut le respect des règles de bonne conduite fixées par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Or ce dernier subordonne la peine à l'existence d'un risque grave pour la santé publique, alors que le texte calédonien s'en tient à de simples manquements administratifs. Mais la loi nationale n'a pas les mêmes perspectives. Une défaillance en la matière peut avoir sur le territoire des conséquences désastreuses et persistantes, ce qui justifie selon nous une exception.
Si l'article 87 de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie dispose que l'homologation ne peut porter que sur des peines d'emprisonnement respectant le maximum prévu au niveau national pour les infractions de même nature, il ne dit pas que l'infraction doit elle-même être strictement identique. Le Gouvernement et les institutions de la Nouvelle-Calédonie ont-ils avancé sur ce point ?