Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du jeudi 16 janvier 2020 à 9h00
Réadmission des personnes en séjour irrégulier dans l'union européenne et en arménie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Le protocole entre la France et l'Arménie portant application de l'accord signé entre l'Union européenne et l'Arménie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier n'est pas un bon texte. Autant commencer par là, puisqu'il n'est pas envisageable, pour les députés communistes, de valider un accord migratoire imposé par Bruxelles et que la France surtranspose de façon encore plus réductrice.

Le débat relatif à la surtransposition de cet accord est important. Je tiens donc à rappeler la position des députés communistes, défendue par mon collègue Jean-Paul Lecoq lors de l'examen du texte en commission. Chaque État membre va écrire son propre traité avec l'Arménie, à la suite de la négociation entre l'Union et ce pays. Il nous est donc proposé un texte réécrit par la France à partir de la base proposée par l'Union européenne, texte qui s'illustre par un spectaculaire esprit de fermeture. Il faut le dire : ce traité bilatéral issu d'une négociation multilatérale est nocif, pour trois raisons.

Premièrement, il est asymétrique. La France s'octroie pour ses ressortissants des droits que l'Arménie n'aura pas la possibilité de mettre en oeuvre. Cette injustice justifierait d'ailleurs à elle seule que nous ne votions pas pour le texte. Les communistes prônent une diplomatie d'amitié, non une diplomatie d'inégalité. Être fort avec les faibles et faible avec les forts, telle n'est pas notre vision des choses. L'exemple le plus probant de cette asymétrie concerne la non-délivrance d'un laissez-passer par les autorités de l'un des deux États. Lorsqu'un Français se verra refuser un laissez-passer par les autorités consulaires arméniennes, c'est l'administration française elle-même qui produira un document de voyage, l'administration arménienne étant tenue de le reconnaître. Au contraire, quand un Arménien se verra refuser un laissez-passer par les autorités consulaires françaises, rien ne se passera : il restera en Arménie. Telle n'est pas notre conception du bilatéralisme et des relations d'amitiés entre les peuples.

Second exemple : pour accélérer le traitement des dossiers, les autorités arméniennes seront mises en copie des demandes de réadmission adressées par la France, ce qui ne sera pas le cas pour les demandes de réadmission adressées par l'Arménie. Une telle asymétrie est l'expression d'un objectif visant uniquement à imposer une limitation aux ressortissants arméniens qui souhaiteraient rejoindre la France. C'est la deuxième raison pour laquelle nous ne voterons pas ce texte. On tombe dans le plus grand des dogmatismes puisque ce texte, aussi banal qu'il puisse apparaître, est d'une étonnante férocité, alors que les migrations d'Arméniens en France sont extrêmement faibles : les Arméniens ne représentent en effet que 2 % des demandes de droit d'asile déposées en France et moins de 200 expulsions par an !

La troisième raison de notre vote négatif découle des deux premières. Nous nous opposons au fonctionnement de cet injuste système libéral qui veut que plus on fluidifie les échanges de marchandises, pour le plus grand bonheur des multinationales, plus on verrouille les déplacements des populations ! En effet, un texte a été voté par le Parlement cette année, concernant un accord de partenariat global et renforcé entre l'Union européenne et l'Arménie, qui vise à étendre la sphère d'influence économique de l'Union dans cette zone. Libéraliser et diminuer les droits de douane d'un côté – comme on l'a également vu avec le CETA, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada – , empêcher les peuples de se déplacer de l'autre, à moins qu'ils n'entrent dans une immigration choisie par le patronat : voilà ce qui est proposé.

Comme l'a indiqué le Président Macron en novembre dernier, c'est désormais le patronat français qui va gérer l'immigration en France, en faisant état de ses besoins de main-d'oeuvre, et qui va modifier les quotas en fonction de ses besoins. L'Union européenne – tout comme la France, en bon élève – fait donc pression sur ses zones frontalières pour libéraliser le commerce et les économies voisines, tout en durcissant sa politique migratoire à leur égard. Tout cela relève d'un même mouvement, d'une même idéologie que nous combattons et que nous combattrons toujours. Vous comprendrez pourquoi nous voterons contre ce protocole.

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