Il y a en effet un aspect sur lequel je pense que le projet de loi ne va pas assez loin. Il doit garantir la préservation de notre métier d'éditeur dans l'environnement numérique, et éviter que nous soyons noyés dans la multiplicité des offres. Nos programmes doivent pouvoir se trouver dans les premiers résultats de recherche des utilisateurs. Si nous nous retrouvons à la quinzième page, derrière tous les contenus américains et, bientôt, chinois, alors nous n'existerons pas. La qualité et l'intégrité de l'exposition sont importantes.
Par exemple, vis-à-vis des opérateurs de télécommunication – qui sont plutôt de bonne volonté –, il nous faut vérifier si l'intégralité du contenu que nous proposons est repris, notamment le sous-titrage et l'audiodescription. Par ailleurs, nos décrochages locaux, en particulier sur France 3, sont insuffisamment repris, ce qui nous empêche d'assurer une proximité suffisante avec les téléspectateurs. Il nous faut progresser dans ce domaine. Il est également crucial que nous disposions des données de consommation de nos téléspectateurs, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Mais l'enjeu essentiel auquel nous faisons face est celui de la désintermédiation. Lorsque nos programmes sont proposés sur les plateformes, est-on certains que l'éditorialisation proposée par france.tv est reprise ? Hier, j'ai visionné en rattrapage un programme de France Télévisions sur une Apple TV ; j'ai retrouvé le programme, mais pas l'offre de france.tv. Or ce qui fait notre singularité, c'est le fait de proposer en même temps qu'une fiction tout un contenu éditorial, par exemple un documentaire afférent. Il s'agit en fait d'un enjeu existentiel, celui de la conservation du lien avec le public ; s'il est perdu, nous nous retrouverons complètement noyés dans la multitude des programmes proposés et nous n'existerons plus. Le projet de loi peut être déterminant, car si nos programmes se trouvent proposés en quarantième position sur les plateformes, vers qui pourrons-nous nous tourner ? Certes, les opérateurs de télécommunications nous connaissent et sont susceptibles de nous répondre, mais ce n'est pas le cas des acteurs américains, pour qui nous n'existons pas. Si nous ne disposons pas d'un arsenal législatif qui nous protège et les oblige à nous considérer, nous deviendrons invisibles sur ce qui représente aujourd'hui 50 % de l'accès à nos programmes. C'est un enjeu majeur, et nous attendons de vous que vous garantissiez ce lien avec le public à l'avenir. Pour nous, c'est fondamental.