Mercredi 8 janvier 2020
La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Présidence M. Bruno Studer, président
La commission des Affaires culturelles et de l'Éducation procède à l'audition de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous souhaiter une très bonne année 2020.
Avant de procéder à l'audition de Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, je vous indique que l'examen du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique devrait avoir lieu en séance publique – sachant que ce calendrier pourrait être modifié par la Conférence des présidents – les deux premières semaines d'avril. Il débuterait donc le 30 mars et prendrait fin le 12 avril. Les travaux en commission, quant à eux, se dérouleraient au cours de la première semaine du mois de mars, c'est-à-dire avant la suspension due aux élections municipales. L'audition du ministre et la discussion générale pourraient intervenir la semaine précédente, c'est-à-dire fin février. J'ai volontairement évité que la commission se réunisse plusieurs jours de suite au cours de l'examen du projet de loi relatif aux retraites, de façon que chacun puisse y participer, eu égard au fort intérêt qu'il suscite sur tous les bancs.
Je cède à présent la parole à Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, à laquelle je souhaite en notre nom à tous la bienvenue : nous l'auditionnons sur la situation actuelle de France Télévisions ainsi que sur les perspectives que lui ouvre le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique dont notre commission est saisie.
Mme Aurore Bergé, rapporteure générale de ce projet de loi, ainsi que Mme Sophie Mette et Mme Béatrice Piron, rapporteures, ont, dès le début du mois de décembre, engagé une large séquence de consultations afin d'entendre l'ensemble des professionnels concernés par ce texte ambitieux et novateur.
Je sais, Madame la présidente, que vous avez rencontrées les rapporteures très récemment, mais il m'a semblé intéressant de vous recevoir en audition devant la commission tout entière, en raison de la place importante et spécifique qu'occupe le groupe France Télévisions au sein du paysage audiovisuel français, que vous avez contribué à faire évoluer de façon importante ces dernières semaines.
S'il m'a semblé utile de vous entendre notamment à propos de France Ô, Okoo, Lumni ou Salto, nous serons également heureux de bénéficier de votre éclairage sur un certain nombre d'autres sujets.
Par ailleurs, le projet de loi qui nous est soumis propose une nouvelle organisation de la gouvernance de l'audiovisuel public, dont Béatrice Piron est plus particulièrement chargée. Il modifie plus globalement la réglementation et la régulation de l'ensemble du secteur de la communication audiovisuelle afin d'assurer son développement, sa diversité ainsi que la protection de ses créateurs dans un monde numérique où la révolution des acteurs et des usages bouleverse continuellement les équilibres et les rapports de force. Comment le groupe France Télévisions appréhende-t-il les dispositions de modernisation prévues dans ce projet de loi ?
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de vous présenter mes meilleurs voeux pour cette année 2020, notamment dans votre vie personnelle, qui est certainement réduite à la portion congrue… J'espère néanmoins que vous trouverez un peu de temps pour regarder les programmes de France Télévisions. (Sourires.) Je vous souhaite également, bien sûr, une année riche en débats. Elle sera en tout cas importante pour le secteur de l'audiovisuel eu égard à l'examen du projet de loi que vous venez d'évoquer, monsieur le Président.
C'est toujours un honneur pour moi de me présenter devant vous pour vous rendre compte de ce que l'entreprise publique France Télévisions a réalisé au cours des douze derniers mois. Nous sommes assez satisfaits du bilan de 2019, année charnière, comme 2020, qui a vu l'amorce d'une transition vers un nouveau modèle de télévision.
Ainsi, 2019 s'est achevée de façon positive pour nous parce que nous avons rencontré du succès auprès de nos publics, comme en témoignent les audiences tant traditionnelles que numériques, mais également parce que l'entreprise a su s'engager dans la transformation demandée par le Gouvernement au mois de juillet 2018. Nous commençons d'ailleurs à en percevoir de premiers signes très positifs. C'était indispensable alors que le secteur connaît de grands bouleversements.
Notre ambition culturelle a rencontré son public : aujourd'hui, un Français sur deux – soit 30 millions de personnes – regarde chaque jour un programme de France Télévisions. Nous avons en outre réussi à mieux – et à plus – parler aux publics les plus jeunes, c'est-à-dire aux enfants, aux adolescents et aux jeunes adultes actifs. Dans un contexte général de vieillissement de l'audience de la télévision, c'est un enjeu important pour le service public. Il est vrai que cette progression est particulièrement marquée sur le numérique : l'audience de france.tv a ainsi enregistré une hausse de 25 % en 2019 par rapport à 2018, l'âge moyen des téléspectateurs de ce service étant d'environ cinquante-deux ans.
Au-delà de ces éléments quantitatifs, je voudrais souligner des aspects plus éditoriaux. L'information demeure, avec la puissance de ses éditions traditionnelles et son caractère permanent de liberté et d'indépendance, le coeur de la maison France Télévisions : elle rassemble chaque jour plus de 10 millions de téléspectateurs. C'est un relais démocratique indispensable. Nous avons d'ailleurs développé de nombreux programmes visant à lutter contre les fausses informations. Au succès des éditions quotidiennes s'ajoute par ailleurs celui des magazines d'investigation et d'information au sens plus large.
La création française a également été à l'honneur sur la télévision publique. Nous pouvons du reste nous enorgueillir du fait que les fictions, les documentaires, l'animation et les spectacles français recueillent chaque année une adhésion toujours plus forte de la part de nos publics. Nous avons essayé de susciter un renouveau créatif en sortant de notre genre traditionnel, le polar, et en offrant des propositions dans le genre fantastique. Peut-être certains d'entre vous ont-ils pu regarder La dernière vague, la série que nous avons diffusée à l'automne. La comédie familiale fera également très prochainement son retour sur nos antennes. Par ailleurs, des unitaires continueront de traiter de sujets de société assez forts. Nous avons ainsi diffusé, à l'occasion de l'anniversaire de la convention internationale des droits de l'enfant, La maladroite, un téléfilm traitant de maltraitance infantile qui a été suivi d'un débat, selon une formule que nous proposons très régulièrement.
S'agissant du documentaire, genre par excellence du service public, vous pourrez découvrir très prochainement Les vies d'Albert Camus, qui sera diffusé à l'occasion du soixantième anniversaire de sa mort. Un autre documentaire, qui sera suivi d'un débat, sera consacré à l'antisémitisme, sujet dont on sait qu'il revient malheureusement en force dans notre société. Là encore, nous avons essayé de diversifier les écritures, les thématiques et les auteurs afin que la création soit la plus diverse possible.
Je n'oublie pas la création numérique uniquement destinée aux antennes numériques du groupe. Quatre saisons de la série norvégienne Skam ont été adaptées et diffusées. La cinquième, qui arrive sur les écrans, puis la sixième, sont en revanche des créations françaises, créées ex nihilo. Cette série est un véritable phénomène de société – certes pas toujours perçu par les adultes – pour les adolescents de quinze, seize ans. Nous sommes par ailleurs en discussion pour les septième et huitième saisons.
Nous avons également produit des séries comme Mental, qui évoque précisément le trouble mental, affection qui, on le sait, touche énormément les publics très jeunes. Une fiction est donc proposée actuellement sur France tv Slash et sur france.tv. D'autres productions, dont Stalk, qui traite du harcèlement en ligne, seront ultérieurement portées sur nos écrans.
Dans le même temps, nous avons essayé de renouveler notre approche des arts et de la musique, dont la plus traditionnelle, notamment avec le Grand échiquier. Et comme cela répondait à une attente assez forte du public, nous nous sommes également essayés à d'autres genres, comme l'humour, et le stand-up fait son retour sur les écrans de France Télévisions.
Le cinéma restant un art majeur, nous avons poursuivi les investissements importants du groupe en la matière : 60 millions d'euros par an, qui viennent s'ajouter aux 420 millions d'euros investis dans la création audiovisuelle pure. Nous avons continué à faire la promotion du cinéma : Passage des arts, le magazine culturel quotidien qui met à l'honneur tous les arts, mais en particulier le cinéma, a ainsi été également diffusé le samedi. Par ailleurs, les deux magazines grand public, très regardés, 20 h 30 le samedi et 20 h 30 le dimanche, reçoivent des artistes, des écrivains et des musiciens, dont certains se produisent en direct, et de grands cinéastes qui viennent présenter leur prochaine sortie.
À cet engagement culturel s'ajoute le souci de renforcer le lien quotidien avec nos publics. Les après-midi de France 2, dont on parle beaucoup, sont ainsi des rendez-vous très importants. Je pense également aux émissions de France 5 comme C à vous ou C dans l'air, dont l'audience poursuit sa progression, ou C politique, qui a trouvé sa place : elles constituent des piliers de l'audience. Elles se renforcent année après année, ce qui constitue une bonne nouvelle pour la télévision publique.
Nous avons aussi beaucoup travaillé sur les rendez-vous sportifs. Au-delà des compétitions elles-mêmes, nous avons ainsi refondu l'ensemble de nos magazines sportifs comme Tout le sport, sur France 3, ou Stade 2, dont le titre reste inchangé mais qui a migré sur cette même antenne tout en doublant quasiment son audience. Nous avons par ailleurs tiré parti de nombreuses innovations technologiques : nous utilisons dorénavant un studio totalement virtuel fabriqué en interne à France Télévisions pour la retransmission de Stade 2.
L'Outre-mer, comme en 2019, sera au coeur de nos préoccupations en 2020. À la suite de l'annonce de la fin de France Ô, nous avons énormément travaillé afin que l'Outre-mer conserve toute sa place sur la totalité de nos antennes, qu'elles soient ou non linéaires. Un premier comité de suivi du pacte pour la visibilité des outre-mer, qui engage très fortement France Télévisions, vient d'ailleurs de se tenir. On peut dire, je crois, qu'on a vu la différence, tant dans nos journaux télévisés que dans tous nos programmes ainsi que dans la création. Nous nous réjouissons à cet égard du succès de notre vaste plan de fictions tournées outre-mer : nous avons atteint un record d'audience avec Meurtres à Tahiti, le Capitaine Marleau va s'envoler pour la Guadeloupe et la Nouvelle-Calédonie servira de décor à une Chasse au trésor… La présence des outre-mer sur nos antennes a donc été largement renforcée. Une telle évolution est visible et rencontre le succès : c'est donc une très bonne nouvelle. Nous comptons poursuivre dans cette voie, sous l'oeil vigilant du comité de suivi qui se réunira à nouveau prochainement.
Nous nous sommes efforcés, en 2019, de remplir notre mission de service public, et l'audience a été au rendez-vous, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
L'entreprise France Télévisions se transforme également beaucoup en interne. Nous devons en effet à la fois prendre le virage du numérique et mettre en oeuvre le plan d'économie assez drastique annoncé en 2018 : en dix ans, de 2012 à 2022, les effectifs baisseront, à périmètre constant, de 20 %, ce qui, pour une entreprise publique, est loin d'être négligeable. En outre, ce plan se déroule alors que nos investissements dans la création, tant dans l'audiovisuel que dans le cinéma, ont augmenté : il s'avère donc très exigeant pour cette maison.
Une telle évolution m'incite à faire montre d'une vigilance particulière. Nous avons signé avec les organisations syndicales – qui représentent 85 % du personnel – un accord fixant à la fois le cadre du plan de départs, mais également une méthode de dialogue social. Il faut veiller à ce qu'au fil des départs et des décroissances d'effectifs, cet accord très important pour nous et à bien des égards fondateur soit bien respecté et qu'on conserve une bonne qualité de vie au travail. La formation des salariés et la transformation des métiers doivent se dérouler dans un climat bénéfique pour l'ensemble de la maison.
Au fond, le principal objectif de ce plan de transformation n'est pas de réaliser des économies mais d'adapter l'entreprise, ses métiers et ses compétences, à cette nouvelle donne numérique, c'est-à-dire d'emmener tout le monde.
2020 sera une année clé, avec tout d'abord le projet de loi qui va dessiner les conditions d'exercice de notre métier dans les années à venir. Elle sera également une année charnière, puisque vont s'arrêter à la fois France Ô et France 4.
Pour faire face à ces différents enjeux, nous avons procédé à de nombreuses réorganisations au sein des équipes gestionnaires des programmes, de la direction des antennes, des équipes techniques – c'est-à-dire celles contribuant à la fabrication de tous les programmes diffusés sur nos antennes, puisque nous fabriquons en interne plus de 20 % de ce qui est vu par le téléspectateur. Nous avons calculé que nous produisions environ chaque année deux chaînes et demie de direct : un tel niveau est donc très exigeant. Les fonctions support, qui sont amenées à décroître plus particulièrement dans les années qui viennent, ont également fait l'objet d'une réorganisation.
Cette transformation numérique a pour objectif de faire de france.tv notre première antenne. Ce n'est déjà plus une simple plateforme sur laquelle on visionne un programme en rattrapage : on y choisit un programme tout court. Depuis le mois de septembre, en effet, il est possible dès six heures du matin de voir tous les programmes de la journée et de la soirée, ce qui permet à ceux qui ont envie de regarder une fiction sur cette plateforme de s'affranchir de la contrainte des horaires. Cela fonctionne extrêmement bien : ce service a tout de suite été adopté par les téléspectateurs, en particulier pour les feuilletons quotidiens.
En outre, on y trouvera de plus en plus des programmes spécifiquement fabriqués pour france.tv. C'est d'ores et déjà le cas de tous les programmes pour les jeunes adultes que j'ai évoqués à propos de France tv Slash. Nous préparons ainsi l'adaptation d'un roman de Michel Houellebecq qui est pensée pour être distribuée et diffusée sur cette plateforme.
Tout cela n'a été possible que parce que nous avons réussi, fin 2018, une négociation très importante pour nous – qui a été parachevée en 2019 – avec le monde de la production et les syndicats de producteurs. Je voudrais les remercier de nous accompagner dans cette transformation numérique. Avant cette négociation, en effet, nous ne disposions pas vraiment de droits numériques : ces derniers découlaient des droits linéaires. Dans la mesure où l'on se détache de plus en plus d'une pure approche linéaire, il fallait pouvoir acquérir des droits numériques. Sans cette négociation, nous n'aurions pas pu lancer les nouvelles plateformes numériques Okoo et Lumni.
La primauté accordée à la négociation interprofessionnelle par le projet de loi nous semble donc très positive. Depuis que je suis en poste, il s'agit de la seconde négociation que nous menons avec succès et qui nous permet d'engager une telle transformation numérique.
La seule zone d'ombre qui subsiste concerne le cinéma puisque les règles de diffusion à la télévision nous interdisent de diffuser les films en rattrapage, ce que nos publics comprennent mal. Pouvoir visionner un film diffusé la veille semble naturel à tout le monde ; or cela n'est pas possible aujourd'hui. Cela fait neuf ans que cette négociation a été entamée… J'espère qu'un jour nous parviendrons à la conclure, pour le bien du cinéma, en premier lieu. Imaginez en effet que france.tv devienne notre antenne principale et que l'on n'y trouve toujours aucune oeuvre cinématographique ! Cela poserait question eu égard à notre mission de service public.
Nous avons articulé notre offre numérique autour de deux grands piliers : france.tv, qui, comme je viens de l'indiquer, progresse de façon très satisfaisante, se modernise et s'enrichit de nouveaux services, et franceinfo, qui constitue un réel succès puisqu'elle est devenue, avec plus de 20 millions de visiteurs uniques par jour, la première plateforme d'information en France.
Elle s'est construite dès 2016 en synergie avec Radio France, France 24 et l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et continue à prospérer. Nous en sommes fiers. Nous sommes en effet très ouverts à nos partenaires publics européens, desquels nous essayons d'apprendre – je suis moi-même très impliquée dans les instances européennes. Alors que nous avons souvent rendu visite à nos collègues des pays du Nord de l'Europe, qui ont été bouleversés par le numérique un peu avant les pays plus latins, en vue de s'inspirer de leurs réalisations pour réorganiser nos offres numériques, nous sommes fiers de faire savoir qu'ils nous rendent la pareille s'agissant de franceinfo. Même la BBC a fait la démarche pour comprendre comment nous avions réussi à construire une plateforme aussi intégrée entre radios et télévisions !
Ce lien avec nos voisins européens est de plus en plus fort : c'est très positif, car nous devons nous inspirer des autres comme ils s'inspirent de nous. En tant que présidente de France Télévisions, je sens que la France se trouve à la pointe de la transformation, ce qui est positif pour notre pays.
Nous avons ajouté à ces piliers que sont france.tv et franceinfo des offres transversales très importantes à nos yeux : la première, Lumni, qui a été lancée au mois de novembre, est une co-construction avec l'ensemble de l'audiovisuel public, pilotée avec l'INA. J'en profite d'ailleurs pour remercier son président Laurent Vallet, car nous avons vraiment mené ce projet ensemble et en très bonne intelligence. Nous sommes fiers d'avoir réussi tous ensemble à fabriquer cette plateforme à destination des élèves, des enseignants et des associations intervenant en milieu scolaire qui a été annoncée au moment du Salon de l'éducation. Nous espérons qu'elle rencontrera le succès : elle a, en tout cas, très bien démarré.
La seconde est Okoo, qui a été lancée début décembre et dont il semble par conséquent prématuré de dresser le bilan. Cette offre destinée aux enfants est sécurisée à 100 % et sans publicité. Nous allons beaucoup la « pousser » sur nos antennes grâce à une campagne assez forte. Le projet de loi évoque beaucoup la mise en avant de nos services : il ne faut pas que demain elle se retrouve dans les Google Home et autres Alexa en quarantième position des services proposés, alors même qu'Okoo est une offre publique, gratuite et sécurisée.
Tout en investissant très fortement sur le numérique pour les enfants, nous avons également cherché à sécuriser l'offre linéaire puisque certains enfants n'ont pas encore accès au numérique. En même temps que nous lancions Okoo, nous avons donc cherché, d'une part, à rassurer le monde de l'animation, secteur d'excellence en France qui justifie que l'on soit vigilant à son égard, et, d'autre part, à augmenter nos investissements dans l'animation. Lorsque je suis arrivée, en 2015, nos investissements dans ce secteur s'élevaient chaque année à 29 millions d'euros, contre 32 millions d'euros aujourd'hui. Nous avons également voulu sécuriser les acteurs s'agissant de l'exposition traditionnelle sur les chaînes linéaires. J'ai ainsi annoncé que nous allions quasiment doubler l'exposition actuelle sur les chaînes restantes, et en particulier sur France 5, ce qui nous imposera de refondre complètement celles-ci lorsque France 4 aura été fermée. L'enjeu est de continuer à toucher 60 % des enfants, comme nous le faisons aujourd'hui. Nous comptons bien persévérer dans cette voie.
Ayant trouvé très positif le comité de suivi du pacte pour la visibilité des outre-mer, qui offre un lieu de débat et de transparence permettant de suivre nos progrès en la matière, j'ai proposé que nous mettions en place un comité de suivi de l'offre destinée aux enfants, afin que, dans ce domaine également, les chiffres puissent être mis sur la table et refléter le nombre d'enfants que nous touchons tous les mois. Nous pourrons partager nos informations, mais également prendre les décisions qui s'imposent si d'aventure nous n'arrivions pas à tenir notre engagement.
Comme vous pouvez le constater, l'évolution engagée est perçue positivement. Je pense aux progrès de france.tv, de franceinfo, au bouleversement éditorial que représente Skam. Tout cela rend confiant dans la poursuite de cette transformation numérique, qui ne sera pas négligeable.
Ce qui va se passer en 2020 sera majeur car de nouvelles plateformes vont faire leur entrée sur le marché de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD), sur lequel Netflix détenait une position d'oligopole. Je pense notamment à Disney+, qui a, sur le marché américain, atteint en un mois l'objectif qu'elle s'était fixé pour l'année : son arrivée risque donc de prendre des allures de raz-de-marée. De son côté, Amazon Prime va sans doute encore progresser. Il y aura aussi l'arrivée de Salto, c'est-à-dire l'offre de SVOD française. Ce marché émergent connaîtra encore des bouleversements et ce sera absolument passionnant.
C'est dans le cadre de cette incroyable dynamique que sera discuté le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique : 2020 sera donc véritablement une année charnière pour l'audiovisuel. Il ne faut pas se leurrer, en effet, si nous sommes heureux du succès de nos audiences, les offres en matière de SVOD attirent de plus en plus de gens. Ainsi, 1,7 million de personnes regardent chaque soir, non plus la télévision, mais les programmes proposés en SVOD. Or ce mouvement va s'intensifier. Il ne faut donc pas perdre de vue ce bouleversement des usages qui va s'amplifier puisque l'offre va s'accroître très fortement en 2020.
En tant qu'acteur français important parce que public, nous avons besoin de disposer, face à ces concurrents qui sont des médias globalisés, de règles claires et partagées et d'une forme d'équité de traitement. Nous devons pouvoir jouer à armes égales avec ces géants mondiaux qui bénéficient de moyens colossaux et surtout d'un périmètre géographique que nous n'avons pas. Nous nous engageons, quant à nous, à tout mettre en oeuvre pour gagner en agilité et en pertinence dans le cadre de notre transformation.
Dans ce contexte, un mot clef m'anime depuis le début : c'est le mot « alliance ». La première alliance se noue avec ses frères et soeurs ; or nos frères et soeurs, ce sont les autres entreprises de l'audiovisuel public. Nous devons donc poursuivre le rapprochement : nous l'avons entamé avec franceinfo ; nous travaillons aujourd'hui au quotidien avec Radio France, en mettant à l'antenne de plus en plus de matinales communes à France 3 et France Bleu ; nous avons regroupé nos forces pour proposer une offre éducative avec Lumni. Il faut continuer dans ce sens. La création de France Médias nous donne l'opportunité de développer encore plus de synergies et d'alliances au sein de l'audiovisuel public.
C'est aussi le sens de Salto, que j'ai soutenu dès le début. Si l'on s'en tient à la France, TF1 et M6 sont nos concurrents mais, dans ce projet, ils sont nos partenaires. C'est pour cela que l'alliance autour d'un projet de SVOD mettant en avant la création française – c'est une guerre culturelle, et non une guerre économique – est si importante pour nous : les Français sont capables de faire fi d'années de concurrence et de compétition pour se mettre autour de la table et créer quelque chose en commun.
Par ailleurs, nous savons bien que nous aurons du mal à résister aux géants mondialisés si nous ne raisonnons qu'à l'échelle d'un pays, quel qu'il soit. Pour ma part, je m'attache à favoriser des alliances européennes. Nous sommes derrière Arte sur la plateforme européenne et nous continuerons à travailler ensemble ; nous avons d'ailleurs une réunion cette semaine pour avancer en ce sens. Je m'implique beaucoup dans la recherche d'une alliance encore plus forte, dans le cadre d'une infrastructure européenne. L'axe franco-allemand est très fort : Ulrich Wilhelm, le patron de l'ARD, le soutient beaucoup dans son pays ; nous sommes alliés sur ce sujet et nous continuerons à travailler dans ce sens, notamment auprès de la Commission européenne.
Dans ce contexte, un point me semble fondamental – nous avons eu l'occasion de l'évoquer hier avec les rapporteurs du projet de loi. Comment notre métier d'éditeur continuera-t-il à exister dans ce monde où la distribution s'élargit, assurée non plus seulement par la distribution numérique terrestre mais également par les box et la télévision connectée ? Comment être sûr que, demain, quand on demandera un programme jeunesse à son Alexa ou à son Google Home, Okoo, avec tout l'environnement de services qui va avec – absence de publicité, choix éditorial fait par les équipes de France Télévisions –, n'apparaîtra pas au cent-cinquantième rang, derrière toutes les offres américaines de contenu ?
Cela n'est qu'un exemple mais c'est vrai pour tout : comment s'assurer que le travail d'éditorialisation fait sur france.tv est pris en compte ? On ne se limite pas à mettre à disposition des contenus sur le numérique. Notre métier ne consiste pas à donner à voir aux gens ce qu'ils ont envie de voir : il s'agit aussi de leur proposer un autre regard sur un sujet, de leur proposer ce que l'on pense qu'ils vont aimer regarder, même s'ils n'en ont pas forcément l'intuition : c'est cela, notre métier ! Comme le disait Jacques Chancel, « il ne faut pas donner au téléspectateur ce qu'il aime mais ce qu'il pourrait aimer. » Comment s'assurer que ce métier d'édition existera demain avec l'intermédiation des operating systems d'Androïd et IOS ou d'une télévision connectée Sony ou LG ? Il me semble très important que la loi prenne en compte ce nouveau type d'accès pour éviter que le service public soit coupé de ses publics.
Dans le même esprit, nous n'avons pas aujourd'hui accès aux données : nous ne savons pas ce que les téléspectateurs regardent quand ils utilisent une box Orange, SFR ou Free. Or nous avons besoin de cette information, non pas pour la commercialiser – ce n'est pas notre métier –, mais pour comprendre les usages de nos téléspectateurs et adapter notre offre. Avoir accès aux données afin de préserver l'intégrité de notre métier d'éditeur est vraiment un combat pour demain.
Madame la présidente, je vous remercie tout d'abord de vos propos très éclairants sur les enjeux auxquels sont confrontés tant l'audiovisuel public en général que le groupe que vous présidez. Celui-ci traverse un contexte intense, avec une participation conséquente à l'effort budgétaire, un investissement massif dans le numérique, le développement de nouvelles offres, tout en consacrant un haut niveau d'investissement à la création. La réforme à venir de l'audiovisuel offre de nouvelles perspectives en assouplissant un certain nombre de règles. Mais ce ne sera pas là l'objet de ma question ; mes collègues auront tout le loisir d'y consacrer les leurs. En revanche, je voudrais connaître votre avis sur la gouvernance, les moyens et les missions de service public de la future holding évoquée à l'article 59 du projet de loi, à savoir France Médias, prévue pour regrouper France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde.
Merci, madame la présidente, de cette présentation. Je souhaite vous interroger sur votre plan d'économie et plus particulièrement sur la baisse des crédits alloués aux programmes de flux, qui représenterait plus de 31 millions d'euros sur le budget national de programmes en 2018, dont 20 millions pour les seuls magazines, émissions culturelles, jeux et divertissements, d'après les chiffres d'un syndicat de producteurs et créateurs de programmes audiovisuels. Sur une période plus longue, la baisse est encore plus forte puisque l'on passerait de 442 millions d'euros en 2011 à 375 millions en 2018. Pourquoi les programmes de flux sont-ils une variable d'ajustement importante et pourquoi ne pas agir davantage sur les frais de structure ?
Par ailleurs, France Télévisions prévoit pour 2020 une augmentation de ses recettes issues de la publicité : le groupe s'attend à une progression de 16 millions d'euros, et même 19 millions d'euros par rapport à son budget initial. Pouvez-vous détailler votre stratégie pour augmenter ces recettes publicitaires ?
Je souhaite également revenir sur le lancement de Salto : quelles sont les ambitions de cette plateforme payante commune avec TF1 et M6, notamment concernant l'acquisition de programmes et la distribution de programmes originaux ?
Enfin, il y aura une augmentation de 24 millions d'euros des crédits consacrés à la création numérique, pour un total de 144 millions. Vous avez évoqué le lancement d'Okoo à destination des jeunes de 3 à 12 ans ; quels sont vos prochains projets numériques ?
Madame la présidente, vous avez rappelé que, le 19 novembre dernier, a été lancée la plateforme numérique Lumni, après trois années de travail. En tant que première plateforme éducative de l'audiovisuel public, elle propose près de 11 000 contenus pédagogiques, dont 7 000 ouverts au grand public. Elle offre un véritable complément éducatif, en parallèle des programmes scolaires, aux enseignants et aux élèves, associant savoirs fondamentaux et actualité. Lumni a ainsi réussi à faire collaborer de nombreux acteurs de l'audiovisuel public et leur coopération fructueuse préfigure leur alliance au sein de la future holding France Médias. Arte a aussi été associée à ce projet. Pouvez-vous nous dresser un premier bilan de Lumni ? Quels sont les premiers retours après deux mois d'activité ? Quel mode de communication a été choisi pour inciter les enseignants à utiliser la plateforme et à la faire connaître ? Lumni pourra aussi toucher les élèves, les « alumni », au travers des réseaux sociaux : pouvez-vous nous en parler davantage ? Enfin, quelles sont les perspectives d'avenir pour Lumni, en particulier dans le cadre de la Semaine de l'éducation à venir ?
France Télévisions se trouve à un moment clef de son histoire. Dans un univers médiatique fragmenté, concurrentiel, mondialisé, c'est la place du service public qui est en jeu, voire, à terme, son existence. Si l'effritement et le vieillissement de l'audience de la télévision publique devaient se poursuivre, le service public pourrait être mis en difficulté. Nous croyons que France Télévisions dispose de tous les atouts nécessaires pour relever les défis qui s'imposent à elle, même si, ces dernières années, les équipes ont été désorientées par la succession de changements de cap et de réorganisations internes. Les téléspectateurs sont moins nombreux, plus âgés, le modèle économique a été fragilisé et sa performance s'en est trouvée dégradée.
Je souhaite donc vous poser plusieurs questions. Concernant les ressources, que pensez-vous d'une contribution universelle ? Nous avons évoqué le prochain projet de loi de réforme de l'audiovisuel : selon vous, est-il à la hauteur des enjeux de transformation numérique du secteur ? Permettra-t-il à France Télévisions d'assurer la visibilité et l'accessibilité de ses contenus, notamment dans l'univers numérique ? Concernant la création de la nouvelle holding France Médias, comment s'assurer d'un financement pérenne de chacune des sociétés ? Quelles garanties en matière d'indépendance éditoriale ? Enfin, comment, dans ce contexte de trajectoire financière pour le moins exigeant, parviendrez-vous à résoudre l'équation suivante : faire plus et mieux avec moins ?
Madame la présidente, permettez-moi d'abord de souhaiter une bonne année à vous-même et, à travers vous, au personnel de France Télévisions. Le service public a une mission singulière et nous vous soutenons dans votre démarche. J'aurai trois points à évoquer. Premier point, la redevance : quelle est votre position sur la redevance audiovisuelle publique ? Qu'attendez-vous du législateur ?
Deuxième point, la publicité segmentée : attendez-vous que le législateur, dans le prochain projet de loi, vous permette d'expérimenter cette publicité segmentée ? Comment l'anticipez-vous ?
Troisième point, la parité dans les médias : vous avez déclaré, en novembre dernier, que les discours ne suffiraient pas et qu'il faudrait passer aux actes. Nous vous soutenons en la matière et je salue d'ailleurs votre volonté d'agir pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'audiovisuel public. Quelles mesures comptez-vous prendre concrètement cette année pour rétablir cet équilibre ?
Madame la présidente, le moment n'est-il pas venu d'en finir avec la publicité à la télévision publique ? Elle représente en effet très peu dans le budget global de la télévision publique et nous allons remettre complètement à plat la redevance. De plus, la publicité entraîne toujours une course à l'audience : la principale critique que l'on peut faire à la télévision publique, c'est qu'elle est tentée en permanence de faire la même chose que la télévision privée. N'est-il pas temps de revoir tout cela ? J'aimerais vraiment connaître votre avis sur ce sujet, dans un contexte où le budget national de la production ne cesse de diminuer du fait de la baisse des moyens.
Ma deuxième question porte sur les missions de service public : n'auriez-vous pas intérêt à nous dire clairement quels sont vos choix ? Si l'on fait de tout, on fait concurrence à la télévision privée et les missions n'ont alors plus de sens. Même après vous avoir écoutée, j'ai du mal à bien comprendre la spécificité de la télévision publique : si nous parions uniquement sur la diffusion culturelle, l'information de qualité, le besoin de créer de l'intelligence collective, alors mettons tous les moyens dans ce domaine et cessons de vouloir faire de la course à l'audience.
Troisième et dernière question : en avons-nous fini avec cette controverse sur les rémunérations et les salaires à la télévision publique ? Le rapport de la Cour des comptes en 2016 a fait beaucoup de mal : il avait révélé des cumuls de CDI et de CDD avec des salaires dans des sociétés de production. Tout cela est-il définitivement terminé ?
Madame la présidente, je dois vous avouer que je m'attendais, en ce début d'année 2020, à entendre vos voeux pour l'audiovisuel public du XXIe siècle ou, à tout le moins, pour les décennies à venir, avec une affirmation de la singularité des missions du service public, à l'aune des défis posés par les nouveaux usages, la démocratisation de la culture et d'une information de qualité. J'ai beaucoup entendu parler de concurrence au privé et aux plateformes : si l'objectif est bien la démocratisation de la culture et de l'information, alors il faut rechercher de nouveaux publics. Mais doit-on pour cela s'aligner sur les méthodes, le fonctionnement et les contenus des grandes plateformes, ou bien rechercher ce que sont ces missions singulières ? Ce n'est pas, j'en suis désolée, ce que j'ai entendu et c'est pourquoi j'ai du mal à comprendre le sens de cette future holding. Je vois bien quelles sont les possibilités d'économies mais je ne vois pas quel en est le sens : quels sont vos souhaits en ce domaine ? Nous ne les avons pas entendus ce matin.
Deuxième question, sur un sujet important : la qualité de vie au travail des salariés. Je rappelle qu'il y a eu 400 départs à fin 2019 et que 890 départs supplémentaires sont encore attendus. Plusieurs expertises ont été diligentées, notamment par la direction, mais des témoignages font état d'une souffrance au travail importante, d'un épuisement professionnel, et les indicateurs de santé au travail sont dans le rouge. Je souhaite connaître précisément le plan d'action mis en place par la direction pour améliorer cette situation.
La première question de M. Bois portait sur la holding. Tout d'abord, le projet de loi préservera la compétence éditoriale des sociétés-filles. De plus, cela nous permettra de simplifier et d'accélérer les synergies en cours et à venir. Cette holding est donc une bonne nouvelle.
Les économies budgétaires qui nous sont demandées s'élèvent à 160 millions net à fin 2022 mais, en réalité, cela représente 400 millions en raison du glissement naturel des charges et de l'effort que l'on nous demande en parallèle dans le domaine numérique. Sur ces 400 millions, les programmes contribuent à hauteur de 60 millions. Le reste consiste en des économies sur les charges externes autres que les programmes et en baisse des effectifs. J'ai toujours entendu dire que l'entreprise devait se réformer de l'intérieur sans toucher aux programmes : c'est exactement ce que nous sommes en train de faire.
La baisse concerne d'abord les achats de programmes : si nous préservons la création – nous avons augmenté les investissements dans ce domaine –, nous avons réduit les coûts principalement en diminuant les marges des producteurs. Je comprends que ceux-ci s'en émeuvent mais nous n'avons transigé ni sur la qualité, ni sur l'étendue des programmes de flux que nous proposons. Le rapport de la Cour des comptes nous enjoignait de travailler sur notre structure de coûts : les marges des producteurs en font partie. C'est donc ainsi que nous travaillons.
Cela étant, j'ai conscience que cela pose un problème aux producteurs de flux. Nous essayons d'être des partenaires loyaux en agissant en précurseurs, en diffusant nombre de pilotes, en mettant beaucoup d'émissions de flux nouvelles à l'antenne. De cette façon, les producteurs peuvent expérimenter de nouveaux formats sur France Télévisions, pour ensuite les exporter et trouver ainsi un relais de croissance à l'international. Du reste, les producteurs de flux se concentrent, s'organisent mieux et c'est une bonne nouvelle : en étant des partenaires efficaces de création, ils devraient pouvoir prospérer sur de nouveaux territoires.
Concernant la publicité, il est vrai que nous enregistrons cette année un surcroît de budget. Cela tient à la conjoncture et en particulier aux Jeux olympiques (JO) : ceux-ci entraînent toujours une augmentation des recettes, mais cela retombe l'année suivante. De plus, les JO engendrent des coûts supplémentaires puisque nous produisons davantage : en réalité, cela est relativement neutre pour l'économie générale de la maison.
Nous sommes bien sûr attendus sur le numérique, et le prochain enjeu, très important, sera le renouveau éditorial de la plateforme pour les outre-mer, prévu fin mars. Nous sommes assez confiants et contents de ce que nous allons proposer.
Madame Bannier, vous avez évoqué Lumni : nous sommes en effet très satisfaits d'avoir travaillé en synergie. Rien que pour les enseignants, le fait d'avoir une seule entrée plutôt que quatre sur le portail Éduthèque aura déjà un effet. Nous avons aussi beaucoup enrichi l'offre en travaillant avec l'Éducation nationale, les fiches pédagogiques étant rédigées par des enseignants. Le plus important, maintenant, c'est la communication auprès des enseignants : le ministère de l'Éducation nationale s'est engagé à nous aider dans cette démarche, et nous en attendons beaucoup. Nous profiterons évidemment de la Semaine de l'éducation pour promouvoir Lumni car la communication sur la richesse de cette offre nous semble essentielle.
Madame Tolmont, vous m'avez interrogée sur les ressources, et vous êtes plusieurs à soulever la question de la redevance. Le fait de disposer d'une taxe affectée est un élément clef de l'indépendance du service public ; cela n'est toutefois pas prévu dans le projet de loi. Le financement dédié peut être assuré par une redevance telle qu'elle existe aujourd'hui, ou encore par un système à la finlandaise ou à l'allemande, mais l'important, c'est que cette taxe soit affectée et prévisible dans le temps. Nous sommes des entreprises et nous avons besoin de prévisibilité pour avancer. L'arbitrage rendu par le Premier ministre pour la période allant jusqu'à 2022 est maintenu, et c'est extrêmement important pour nous. Même si cela est difficile, nous préférons une situation difficile mais stable à un financement erratique parce que nous sommes incapables de gérer une entreprise sans savoir à quelle sauce nous serons mangés l'année suivante. Affectation et prévisibilité : voilà ce que l'on attend d'une redevance pour l'audiovisuel.
Par ailleurs, même si, comme tout le monde, l'audiovisuel public fait des économies, il a aussi besoin d'être soutenu parce que la transformation numérique est consommatrice de ressources : elle suppose des investissements, de la formation. Nous en parlons beaucoup entre patrons de l'audiovisuel public en Europe : nous pensons que l'audiovisuel public représente une chance pour les États dans l'organisation d'une riposte à la suprématie culturelle des géants mondialisés.
Comment faire mieux avec moins ? Nous y arriverons comme les années précédentes : cela fait quatre ans que notre budget est tenu, à l'équilibre. Ce n'est pas facile, cela demande de la souplesse pour réallouer des budgets en cours d'année tout en garantissant l'équilibre social, lequel est absolument nécessaire dans notre maison. Cet équilibre est forcément fragile puisque nous nous transformons ; néanmoins les indicateurs, comme celui de l'absentéisme de courte durée – je le surveille de près car c'est un très bon indicateur du climat social –, ne se dégradent pas. Je suis moi-même très impliquée dans le dialogue social, j'écoute les organisations syndicales : c'est dans le dialogue et dans le maintien d'un lien permanent que nous réussirons cette transformation, tout en préservant l'engagement, qui est très fort, des salariés de France Télévisions dans leur mission de service public.
Concernant la publicité segmentée, nous souhaitons que l'audiovisuel public ne soit pas traité différemment de l'audiovisuel privé. Après tout, nous sommes dans un marché : l'on peut effectivement se poser la question d'une suppression radicale de la publicité, mais dès lors qu'elle existe, il n'y a pas de raison que la télévision publique ne dispose pas des mêmes possibilités que la télévision privée. C'est un marché et il est toujours dangereux de sortir une entreprise des règles générales du marché.
Faut-il supprimer la publicité sur France Télévisions ? J'ai un avis à la fois managérial et très pragmatique sur cette question. D'un point de vue managérial, nous sommes assez fiers de disposer de ressources propres, pour lesquelles nous nous battons. Il se trouve que notre régie est très performante, dirigée par une patronne exceptionnelle et constituée d'équipes de France Télévisions dont nous sommes fiers. Nous avons également d'autres ressources propres, provenant de notre studio, de notre filiale de production, de notre filiale de distribution.
D'un point de vue pragmatique, la publicité n'est pas un petit revenu ! Elle rapporte plus de 300 millions d'euros et je nous vois mal demander un ajustement du financement de l'audiovisuel public d'un tel montant. Ces 300 millions représentent une ressource qui n'est pas prélevée sur le budget de nos concitoyens : ma foi, pourquoi s'en passer ? On sait qu'on ne pourra pas la remplacer : la supprimer serait donc assez dramatique. De plus, si nous arrêtions la publicité sur France Télévisions, TF1 et M6 en profiteraient sans doute un peu mais c'est principalement Google qui y gagnerait ; cet argent nous échapperait.
Par ailleurs, les reversements aux sociétés d'auteurs, les investissements que nous faisons dans la création, sont assis sur notre chiffre d'affaires : 300 millions d'euros de moins, ce serait autant de moins pour les auteurs français, autant de moins pour la production française, et autant d'euros de plus pour Google et consorts. Peut-être cela aurait-il été possible, voire pertinent, il y a quelques années ; dans le contexte actuel, cela affaiblirait plutôt l'audiovisuel français et renforcerait nos compétiteurs.
Concernant les missions de service public, certains nous reprochent de faire la même chose que le privé : je m'inscris en faux ! Honnêtement, nous ne faisons pas du tout la même chose que TF1 et M6. Je pense que les téléspectateurs font parfaitement la différence : quand on les interroge, ils déclarent faire davantage confiance à l'information du service public – 20 points de plus, ce n'est pas rien ! Sur le contenu des programmes, sur la place de la culture à la télévision, c'est sans commune mesure : nous revendiquons un regard différent et nous continuerons à nous distinguer.
Je ne pense pas que cela se joue sur un genre de programme plus que sur un autre : cela tient plutôt à la manière dont on interprète un genre. Nous entendons souvent dire que le divertissement devrait être l'apanage du privé : j'affirme pour ma part que le service public a un rôle à jouer dans ce domaine par rapport au privé. Il a sa logique propre et doit aborder tous les genres. Le divertissement peut parfaitement être culturel ! Prodiges, que vous avez peut-être vu ce Noël, est un divertissement culturel, qui touche la jeunesse. C'est la manière dont on joue une partition, plus que la partition elle-même, qui fait notre singularité.
Je parle beaucoup des plateformes parce que nous ne pouvons pas nous abstraire de ce que font nos téléspectateurs, de la réalité de l'évolution des usages : 1,7 million de téléspectateurs qui, auparavant, regardait la télévision, regarde aujourd'hui les plateformes américaines. C'est une réalité, que cela me plaise ou non ! Ce phénomène ira en s'accentuant parce que l'offre va énormément évoluer cette année. Disney+ a enregistré 24 millions de souscripteurs en un mois : c'est colossal ! Ils ont fait en un mois ce qu'ils voulaient faire en un an : ce sera un raz-de-marée en France et dans d'autres pays européens ! Nous sommes obligés de tenir compte de cet état de fait.
Nous ne cherchons pas à faire la même chose, et nous ne faisons pas la même chose, mais nous devons exister au même niveau : il est donc très important que le projet de loi transpose l'article 7 bis de la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels ». Il faut que notre métier d'éditeur, nos contenus d'intérêt général, soient mis en avant et ne figurent pas en dernière position : quand on allume sa télé connectée, il ne faut pas que france.tv et Okoo se retrouvent à la dernière page, après toutes les offres américaines ! L'enjeu est celui de la visibilité, non pas seulement de nos contenus – ils seront évidemment d'accord pour reprendre toutes nos oeuvres ! – mais également de notre éditorialisation, car là réside notre valeur ajoutée et notre lien avec le public. Notre existence peut être menacée si nous perdons ce lien direct avec les publics et la mise en avant de nos services.
Enfin, la qualité de vie au travail, le bien-être des salariés, leur motivation, leur plaisir à être dans l'entreprise sont très importants. C'est une entreprise très particulière : quand on interroge les salariés, ils se déclarent confiants dans leur avenir propre, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas tellement de doutes à titre individuel, mais ils doutent toujours du collectif. Ce doute est bien compréhensible car nous travaillons sous la pression du regard médiatique, des économies qui sont demandées à tous et de la concurrence ; il est donc nécessaire de se remettre en question. Mais nous devons travailler sur notre capacité à développer la solidarité en interne et avec les autres services publics comme la radio, les autres télévisions et l'INA : cette solidarité, ce travail coopératif, cette envie de réussir ensemble nous permettront de marquer des points en interne.
Le soutien à la création constitue pour nous une priorité ; le projet de loi relatif à l'audiovisuel public, dont nous discuterons prochainement, en témoigne. Il s'agit notamment de favoriser l'accès des jeunes générations aux oeuvres de fiction audiovisuelles, et plus particulièrement aux oeuvres françaises et européennes, alors que la moyenne d'âge des téléspectateurs est encore relativement élevée, même si vous avez pris ce sujet à bras-le-corps et commencé à obtenir de très bons résultats. C'est un enjeu éducatif, démocratique et sociétal majeur. Pouvez-vous nous en dire davantage sur Okoo, la nouvelle offre numérique de France Télévisions à destination des enfants ?
S'agissant de la reconquête des jeunes publics, ce sont en fait plusieurs publics qui sont visés. Il y a d'abord les actifs qui ont des enfants ; ensuite, les jeunes adultes et adolescents, qu'on ne pourra pas atteindre par la télévision traditionnelle – à leur sujet, nous devons investir dans le numérique ; et enfin les enfants.
Les enfants, ce sont à la fois les enfants et leurs parents, et nous avons conçu Okoo en interaction avec eux. Il est nécessaire de disposer de contenus ludo-éducatifs car la demande est très forte en la matière et les enfants se tournent de plus en plus vers le numérique – un tiers d'entre eux l'utilisent. Mais cet univers numérique n'est pas sûr pour les enfants, et est vécu comme une source d'angoisse par les parents. Nous avons donc souhaité développer une offre riche, avec des contenus qui ne soient pas seulement ludiques mais aussi éducatifs : nous avons ainsi réinvesti le flux, nous avons créé C'est toujours pas sorcier, qui reprend le concept de C'est pas sorcier, et nous cherchons à mettre la science ou la lecture à l'honneur. Mais nous avons voulu aussi proposer un univers vraiment sûr, sans publicité, avec une interface qui évolue en fonction de l'âge de l'enfant – verrouillé par un code parental –, et un minuteur permettant aux parents de limiter le temps d'exposition à l'écran, par exemple par tranches de vingt ou quarante minutes. Ces possibilités sécurisent beaucoup les parents.
Aujourd'hui, la télévision des enfants, c'est YouTube. Or sur YouTube, on peut trouver tout et n'importe quoi, ce qui peut être dangereux. Nous avons d'ailleurs produit des films sur l'exposition des enfants à la pornographie ou leur embrigadement par le biais de vidéos circulant librement. Nous devons répondre à cet enjeu par la mise en place d'un environnement sécurisé.
Pour le moment, nous sommes assez satisfaits. Certes, il est un peu tôt pour faire le bilan –la plateforme Okoo n'est pas encore sur toutes les box internet –, mais les offres Okoo nous ont permis de battre des records absolus de visionnage par l'intermédiaire des box, qui représentent plus de 45 % de l'accès à la télévision. De plus, l'application s'est parfaitement déployée, même si nous avons encore quelques progrès à réaliser.
Selon les chiffres publiés par Médiamétrie le 30 décembre dernier, les chaînes de télévision traditionnelles reculent encore et toujours face aux plateformes comme Netflix, qui est devenue la cinquième chaîne la plus regardée en France. Notons cependant que votre groupe résiste davantage que les autres. Vous aviez déclaré que France Télévisions était prête à établir des partenariats avec les plateformes en ligne, dont Netflix, qui se trouve désormais sous la pression de la concurrence. Où en sont ces négociations et la mise en place d'éventuels partenariats avec Netflix ?
J'ai en effet affirmé que je n'étais pas opposée à une négociation, mais que celle-ci devait se faire à nos conditions. Jusqu'à récemment, aucune négociation n'avait été mise en oeuvre : un film financé à 100 % avec de l'argent public pouvait être disponible sur Netflix dès le lendemain de sa diffusion. Tel n'est plus le cas. L'accord que nous avons signé fin 2018 et reconfirmé en 2019 avec les producteurs nous permet de sécuriser une période d'exclusivité pour les productions que nous avons financées à plus de 65 %. Cela signifie que nous sommes désormais un acteur avec lequel Netflix doit négocier. Ce n'était pas le cas auparavant, et ils l'ont découvert à cette occasion.
Ainsi que je l'avais indiqué au patron de Netflix lorsque je l'ai rencontré, au printemps dernier, alors que l'accord avec les producteurs venait d'être signé, si ma priorité n'était pas de négocier avec Netflix, je n'y étais pas pour autant opposée, mais cela ne pouvait se faire qu'à deux conditions : d'une part, le respect d'une période d'exclusivité pour les services linéaires et non linéaires de France Télévisions et, d'autre part, l'existence de notre marque. Pour rappel, Bodyguard, magnifique création de la BBC qui sera bientôt diffusée sur France Télévisions, est présentée comme une série originale de Netflix. Les discussions ne sont pas terminées, et il n'existe pas à ce jour de projet majeur que nous aimerions réaliser avec Netflix. Je me suis plutôt concentrée sur les projets de l'alliance fondée avec la ZDF et la RAI. Je préfère investir avec mes partenaires publics européens car nous partageons les mêmes valeurs, faisons face aux mêmes enjeux et ne sommes pas en compétition. Je suis donc plutôt réservée, mais la porte n'est pas fermée, à condition que notre marque et notre exclusivité soient respectées.
Ma première question porte sur l'identité de l'audiovisuel public : selon vous, qu'est-ce qu'une émission de service public ? Des tests réalisés à l'aveugle montrent en effet qu'il est difficile pour les spectateurs de distinguer ce qui émane du service public et des chaînes privées. Le modèle économique des chaînes de télévision fait d'ailleurs que les producteurs produisent indifféremment pour le public et pour le privé.
Ensuite, à propos des canaux qui permettraient de toucher de nouveaux publics, quelle est votre opinion sur la fermeture de France 4, dont le public a 37 ans en moyenne, contre 60 à 62 ans pour ceux de France 2, France 3 et France 5 ? Quelle est par ailleurs la pertinence de maintenir la chaîne de télévision franceinfo, qui n'a à ce jour pas trouvé son public, et qui coûte relativement cher ?
Nous mesurons quotidiennement ce qui fait l'identité du service public en évaluant la satisfaction des téléspectateurs. Ceux-ci notent les programmes visionnés à partir de différents critères, et mettent en avant notamment leur valeur en termes d'enrichissement de la connaissance. C'est sans doute ce qui fait la spécificité des programmes de service public, sachant que le téléspectateur a bien souvent une conception assez large de ce que sont la culture et la connaissance – nous l'observons dans nos enquêtes. Pour donner un exemple qui m'a moi-même étonnée, lorsque l'on demande aux téléspectateurs quels sont les domaines qui font partie de la culture, ils placent la cuisine en deuxième position. Il faut donc considérer ce qui, du point de vue du téléspectateur, constitue un enrichissement de sa connaissance et de son ouverture culturelle.
La seconde caractéristique du service public, c'est la confiance des téléspectateurs dans l'information qu'il diffuse. C'est un enjeu majeur à l'heure des fake news. À ce sujet, même si nous devons continuer à progresser, un écart très net existe entre nous – les éditions de France 2, de France 3 ou de franceinfo – et les autres chaînes d'information. C'est l'une des particularités de l'audiovisuel public.
À propos de la fermeture de France 4, il ne s'agit pas pour moi de me prononcer ; la décision du Gouvernement est inscrite dans le cahier des charges de France Télévisions. L'enjeu, c'est de continuer à parler aux enfants alors que France 4 n'émettra plus. C'est pour cela que nous avons mis en oeuvre des moyens importants pour proposer la meilleure offre numérique possible – la plateforme Okoo –, mais aussi pour réintroduire des programmes destinés aux enfants dans notre offre de télévision classique, sur les chaînes qui restent. L'objectif est qu'à la rentrée – pour nous, les années vont de septembre à septembre, comme les années scolaires –, l'offre complète, linéaire et non linéaire, soit la plus riche possible, et que nous continuions à parler à pratiquement deux enfants sur trois tous les jours.
La quarante-deuxième édition du rallye Dakar a débuté dimanche 5 janvier en Arabie saoudite, pays où les droits de l'homme sont bafoués. Ce choix a été fait pour cinq ans par l'organisateur Amaury Sport Organisation (ASO), et France Télévisions, partenaire traditionnel du rallye, retransmet les images de la course. Un certain nombre d'entre nous a dénoncé cette instrumentalisation du sport, qui ne doit pas servir de caution aux régimes les moins démocratiques. Vendredi dernier, un collectif d'organisations, dont la fédération internationale des droits humains, vous a envoyé un courrier pour demander que la diffusion du Dakar ne soit pas une tribune offerte au régime saoudien afin de redorer son image.
À l'heure des économies, y compris pour le service des sports de France Télévisions, ne participez-vous pas à une forme de surenchère entraînant l'inflation des droits sportifs ? Des organisateurs privés ou des fédérations internationales confient de plus en plus d'événements sportifs d'envergure à un petit nombre d'États, des pétromonarchies du golfe persique comme l'Arabie saoudite, le Qatar ou les Émirats arabes unis, qui dépensent sans compter et accaparent des événements qui pourraient se tenir dans d'autres pays à un coût bien plus modeste. La rédaction des sports de France Télévisions évoquera-t-elle la situation des droits de l'homme dans ses programmes consacrés au rallye ?
Ce n'est pas notre choix mais celui d'ASO, et nous sommes tenus par contrat de diffuser ces manifestations sportives. Le problème est plus général : devons-nous arrêter de diffuser les événements qui se déroulent dans des pays que nous jugeons non démocratiques ? Que faire avec les prochains Jeux olympiques d'hiver de Pékin ?
Cependant, c'est un sujet qui nous préoccupe. La manière dont nous procédons est systématiquement la suivante : le service des sports se concentre sur la manifestation sportive, tandis que le service de l'information fait son travail en toute liberté. Il n'y a aucune volonté de faire la promotion d'un régime ; il s'agit simplement de retransmettre une manifestation sportive. Vous avez d'ailleurs pu le voir récemment sur France 2 ou France 3, il n'y a aucune ambiguïté à cet égard et cela doit vous rassurer.
Je reviens à la question sur franceinfo : il s'agit d'une offre globale – radio, télévision et web – qui s'appuie sur des ressources très larges, allant bien au-delà de la rédaction propre à franceinfo. C'est le cas par exemple des nombreux sujets régionaux et ultramarins diffusés sur la chaîne, qui ne sont pas élaborés par le petit noyau de l'édition permanente. Le coût marginal n'est donc pas si important. C'est surtout la conjugaison d'une chaîne de télévision, d'une radio qui préexistait et d'un volet numérique qui fait la force de l'offre globale, et nous permet d'occuper la position de leader en France en matière d'offre d'information. Pour nous, franceinfo dans son ensemble est donc un vrai succès, et nous entendons continuer à faire progresser la chaîne de télévision qui en fait partie. La révision des numérotations des chaînes par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) pourrait d'ailleurs permettre d'aider franceinfo en ce sens.
Concernant la plateforme numérique Okoo, son lancement en décembre dernier montre votre volonté de vous adapter aux nouveaux enjeux de l'ère numérique ; il est aussi lié à la fermeture de la chaîne pour enfants France 4, programmée pour cet été. Par quel outil de mesure comptez-vous prédire ou évaluer le transfert de l'audience de France 4 vers Okoo ? Vous avez évoqué la multiplication des créneaux jeunesse sur les autres chaînes du service public, dans le but de maintenir une offre publique à destination de ceux qui, pour des raisons soit technologiques, soit économiques, ne pourraient pas accéder à Okoo. Pouvez-vous donner une estimation de la perte prévisible d'une partie du public de France 4, qui risquerait de se tourner vers d'autres chaînes concurrentes ne proposant pas toujours des programmes d'intérêt général et dont le modèle économique est très différent de celui du service public, financé par tous les téléspectateurs ?
Depuis le milieu de l'année 2019, nous mesurons grâce à Médiamétrie le nombre d'enfants que nous touchons tous les mois. Nous disposons donc d'outils de mesure certifiés, qui nous donnent une mesure mensuelle. J'ai d'ailleurs proposé de créer un comité de suivi pour en rendre compte. Actuellement, nous touchons 60 % des enfants. En supprimant France 4, nous risquons de perdre 6 points. Ce sont ces 6 points, qui représentent à peu près 500 000 enfants, qui sont en jeu. Nous allons assurer un suivi régulier pour vérifier que nous ne perdons pas ces téléspectateurs, soit parce qu'ils regardent une offre pour enfants sur une autre chaîne, soit parce qu'ils bénéficient d'une offre numérique. Il est un peu tôt pour dire que l'on va y parvenir, puisque nous venons de lancer Okoo, mais tel est l'enjeu.
Mon collègue Pierre-Yves Bournazel a abordé un sujet qui vous tient à coeur et nous tient à coeur : celui de la féminisation et de la parité. Je sais que vous avez également à coeur de travailler sur le sujet grave du harcèlement et sur la mise en place d'un dispositif anti-harcèlement. Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce sujet ?
Tout d'abord, en interne, je me suis souciée dès mon arrivée, il y a plus de quatre ans, de mettre en place un comité exécutif qui soit paritaire. Il est toujours paritaire aujourd'hui.
Je me suis également attachée à ce que les réactions aux plaintes de certains salariés – femmes et hommes, car le harcèlement sexuel ne concerne pas que les femmes – soient beaucoup plus rapides et beaucoup plus appropriées. Avec l'aide du service des ressources humaines, des organisations syndicales et des salariés qui le voulaient, j'ai mis en place une ligne téléphonique dédiée au harcèlement et indépendante de la ligne hiérarchique, afin qu'existe un espace dans lequel chacun puisse s'exprimer en sécurité, et qui permette ensuite que les dossiers soient traités. Le bilan est positif : cette ligne harcèlement fonctionne. S'il n'y avait pas d'appels, ce serait à mon sens un signe de mauvais fonctionnement ; or des cas remontent et sont traités. Nous ne sommes pas au bout de nos peines, mais nous avons pris le sujet à bras-le-corps. Nous avons eu des surprises ; le harcèlement passe aussi par des canaux que nous n'avions pas envisagés, par des réseaux sociaux, et il n'est pas forcément ni manifeste ni explicite. Il est donc crucial de sécuriser les alertes, car c'est ainsi que l'on peut se rendre compte qu'il y a un problème. C'est un phénomène qui doit être surveillé comme l'huile sur le feu.
En externe, il est également très important pour nous de renvoyer une image de parité et de diversité – ce sont deux sujets différents – à nos téléspectateurs. Sur la parité, nous avons beaucoup progressé, d'abord pour ce qui est des « incarnants » – il y a de plus en plus de journalistes femmes qui présentent les journaux télévisés, le 13 heures, le 20 heures, les magazines d'information, les quotidiens. Il n'y a aucun doute là-dessus : c'est mesuré par le CSA. Nous avons aussi beaucoup travaillé pour équilibrer le rapport entre « sachants » et « sachantes » : en 2018, il y avait 40 % d'expertes intervenant sur France Télévisions, contre 25 % en 2015. L'objectif de parité n'est pas encore atteint, mais le progrès est notable. Nous avons aussi discuté avec le collectif 5050 à propos des fictions : comment parvenir à raconter des histoires qui soient équilibrées et ne véhiculent pas de stéréotypes ? C'est pour cela que j'ai pris l'engagement, comme cela se fait dans certains pays anglo-saxons, de faire progresser le taux de réalisatrices ; nous allons nous engager concrètement sur un chiffre. Il faudra aller plus loin : ce qui compte aussi, ce sont les histoires que l'on raconte et la manière dont on les raconte. Il faut également que le taux d'autrices-productrices dans la fiction et dans le documentaire progresse ; nous devons nous y atteler et prendre des engagements pour que les équipes créatives soient paritaires, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en France.
Nous voyons bien, à travers les différentes questions posées, les injonctions contradictoires qui peuvent parfois être faites à l'audiovisuel public. Certains disent que franceinfo pourrait être supprimée parce qu'elle ne réalise pas des audiences suffisantes, d'autres que l'audience n'est pas forcément un critère. Les missions de l'audiovisuel public sont singulières, et vous êtes la présidente d'un groupe qui va bien, un groupe qui, non seulement se trouve à l'équilibre, mais qui réalise 29 % des parts de marché de l'ensemble de l'audiovisuel français et qui participe massivement au financement de la création, notamment du cinéma. Il est aussi important de parler de ce qui fonctionne dans notre pays, et je pense que notre audiovisuel public peut s'enorgueillir de son succès.
S'agissant du projet de loi à propos duquel nous vous avons auditionnée hier, pensez-vous que celui-ci soit en mesure de répondre aux enjeux numériques actuels, notamment concernant l'exposition des différents programmes en non linéaire ?
Il y a en effet un aspect sur lequel je pense que le projet de loi ne va pas assez loin. Il doit garantir la préservation de notre métier d'éditeur dans l'environnement numérique, et éviter que nous soyons noyés dans la multiplicité des offres. Nos programmes doivent pouvoir se trouver dans les premiers résultats de recherche des utilisateurs. Si nous nous retrouvons à la quinzième page, derrière tous les contenus américains et, bientôt, chinois, alors nous n'existerons pas. La qualité et l'intégrité de l'exposition sont importantes.
Par exemple, vis-à-vis des opérateurs de télécommunication – qui sont plutôt de bonne volonté –, il nous faut vérifier si l'intégralité du contenu que nous proposons est repris, notamment le sous-titrage et l'audiodescription. Par ailleurs, nos décrochages locaux, en particulier sur France 3, sont insuffisamment repris, ce qui nous empêche d'assurer une proximité suffisante avec les téléspectateurs. Il nous faut progresser dans ce domaine. Il est également crucial que nous disposions des données de consommation de nos téléspectateurs, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Mais l'enjeu essentiel auquel nous faisons face est celui de la désintermédiation. Lorsque nos programmes sont proposés sur les plateformes, est-on certains que l'éditorialisation proposée par france.tv est reprise ? Hier, j'ai visionné en rattrapage un programme de France Télévisions sur une Apple TV ; j'ai retrouvé le programme, mais pas l'offre de france.tv. Or ce qui fait notre singularité, c'est le fait de proposer en même temps qu'une fiction tout un contenu éditorial, par exemple un documentaire afférent. Il s'agit en fait d'un enjeu existentiel, celui de la conservation du lien avec le public ; s'il est perdu, nous nous retrouverons complètement noyés dans la multitude des programmes proposés et nous n'existerons plus. Le projet de loi peut être déterminant, car si nos programmes se trouvent proposés en quarantième position sur les plateformes, vers qui pourrons-nous nous tourner ? Certes, les opérateurs de télécommunications nous connaissent et sont susceptibles de nous répondre, mais ce n'est pas le cas des acteurs américains, pour qui nous n'existons pas. Si nous ne disposons pas d'un arsenal législatif qui nous protège et les oblige à nous considérer, nous deviendrons invisibles sur ce qui représente aujourd'hui 50 % de l'accès à nos programmes. C'est un enjeu majeur, et nous attendons de vous que vous garantissiez ce lien avec le public à l'avenir. Pour nous, c'est fondamental.
Dans un contexte où la guerre du streaming est déclarée, avec un véritable tsunami des plateformes et un choc technologique, nous assistons à un pilonnage des acteurs de la télévision traditionnelle et à une totale reconfiguration du paysage audiovisuel, puisque, à tout moment, sur tous les écrans, les téléspectateurs ont accès à une offre de séries, de films, de dessins animés, de documentaires grâce à une simple connexion internet et à un abonnement de quelques euros. Pour répondre aux attentes du public et à cette nouvelle manière de consommer la télévision, TF1, M6 et France Télévisions ont décidé d'unir leurs forces et de lancer leur plateforme commune, Salto.
Pourriez-vous préciser le calendrier 2020 de Salto – un léger retard s'est accumulé en 2019 car il a fallu passer devant l'Union européenne, le CSA et l'Autorité de la concurrence –, ainsi que le budget alloué au projet – les 45 à 50 millions d'euros prévus ne seront pas de trop face aux milliards investis dans les contenus par les plateformes ? D'autres chaînes pourraient-elles être associées à l'avenir ? Enfin, s'agissant des contenus, quelle sera la part des programmes achetés en dehors des catalogues de TF1, M6 et France Télévisions, et la part de programmes originaux, faits maison ?
Pour Salto, nous avons en effet dû passer sous les fourches caudines de l'Autorité de la concurrence, ce qui a pris un certain temps. Ce n'est pas pour autant que nous arrivons trop tard, car Salto va arriver pile au moment de la reconfiguration du marché, et c'est une très bonne chose.
S'agissant du calendrier, je ne veux pas me substituer à Salto. Il s'agit d'une co-entreprise ; entre co-actionnaires, nous avons décidé de laisser Salto communiquer elle-même. En revanche, je peux vous dire que Salto, qui est une offre de vidéo à la demande par abonnement, donc payante, se trouvera totalement à part du reste de France Télévisions. Ce projet ne vient d'ailleurs pas du tout grever l'ambition qui est la nôtre sur france.tv, et il dispose de son économie propre, puisqu'il ne prendra pas le moindre euro de redevance. C'est une co-entreprise dans laquelle nous avons fait le choix d'investir. Pour obtenir l'approbation de l'Autorité de la concurrence, nous avons augmenté les investissements en contenus propres ; il y aura à la fois des exclusivités qui viendront des sociétés mères et seront visibles en rattrapage, mais aussi de nombreux programmes qui seront strictement propres à Salto. Le débat s'arrêtera le jour où Salto sera lancé, car nous verrons sur la page d'accueil à quel point la plateforme est différente d'une simple agrégation des offres mères. L'enjeu est bien de mettre en avant la création française, la création européenne, un peu aussi la création américaine ou internationale – il n'y a pas de raison de s'en priver –, pour se placer non pas en concurrence, puisque nous ne parviendrons jamais à concurrencer Netflix, mais comme une offre d'appoint, à laquelle les gens auront envie de souscrire en complément des blockbusters américains.
Quant au budget global, il s'élève à 120 millions d'euros environ, divisés en trois.
Merci d'avoir souligné les enjeux de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la création audiovisuelle. Je voudrais pour ma part vous interroger sur le développement de vos capacités de production internes et sur le rapport entre production interne et production externe. Il y a quelques mois, vous avez signé à La Rochelle un accord avec le secteur de la création, qui prévoit notamment de faire passer la capacité de production interne de France Télévisions de 5 % à 17,7 % de l'investissement total. Quelques mois après, pouvez-vous faire un premier bilan des initiatives lancées ? Comment serait-il possible d'utiliser davantage vos infrastructures – notamment vos studios de tournage à Vendargues, que j'ai eu l'occasion de découvrir l'année dernière ?
Enfin, je m'interroge sur la multiplicité de l'offre numérique. Avec france.tv, franceinfo, Salto, Okoo, Slash, Lumni, je m'inquiète moins de votre capacité à investir que du regard du public. Cette multitude d'offres est-elle lisible ?
S'agissant du rapport entre production interne et externe, l'équilibre a beaucoup évolué ces dernières années. Quand je suis arrivée à France Télévisions, en 2015, l'accord avec les producteurs limitait à 5 % la production interne, mais le chiffre réel s'élevait à 2,5 %. Nous avons passé une première étape dès 2015 lorsque nous sommes passés à 12,5 % de production propre, ce qui nous a permis d'intégrer le feuilleton quotidien, entièrement produit et fabriqué en interne et qui remporte un grand succès, dans nos quotas de production interne. Nous en avons la propriété : nous ne risquons donc pas de nous le faire prendre et nous pouvons le vendre à l'étranger, ce qui constitue une bonne nouvelle. Récemment, nous avons souhaité continuer à nous développer et nous avons négocié une nouvelle augmentation de notre production interne, pour atteindre 17,7 % de l'investissement total.
Je suis très fière de l'outil de fabrication interne que nous avons édifié à Vendargues ; c'est un outil industriel moderne, à la pointe de la technologie. Il trouve son pendant avec le studio virtuel que nous avons installé dans les sous-sols de France Télévisions, où est réalisé Stade 2. Ce studio et les décors virtuels qui vont avec ont été entièrement fabriqués en interne, grâce au savoir-faire de nos salariés : c'est donc un objet de fierté. Nous entendons continuer à le développer, tout comme nous entendons poursuivre le développement de la production interne, au travers de plusieurs projets que nous avons en chantier. J'ajoute que la production de flux en interne progresse également, et que Télématin a été repris par notre société de production.
Je voudrais revenir sur la question des salaires au sein de France Télévisions. À mon arrivée, je me suis beaucoup appuyée sur le rapport de la Cour des comptes, qui a été pour moi une aubaine. Nous suivons scrupuleusement ses recommandations, et nous avons fait le ménage ; ainsi, il n'y a plus de double comptage. En outre, les plus hauts salaires sont audités par le conseil d'administration, ainsi que mes frais personnels et ceux du comex, qui sont publiés sur notre site : j'ignore s'il y a beaucoup d'entreprises qui font la même chose. Il me semble donc que nous avons beaucoup progressé en matière de transparence, même si ce sera à la Cour des comptes d'en juger.
En ce qui concerne enfin la lisibilité de notre offre, il faut comprendre qu'il y a deux matrices : france.tv d'une part, et franceinfo d'autre part. Si Okoo est une offre à part, on la trouve aussi sur france.tv ; Lumni est une offre sectorielle particulière ; quant à l'offre outre-mer que nous proposerons bientôt, on pourra y accéder directement, mais on la retrouvera évidemment sur france.tv et sur franceinfo.
Parmi les missions de service public de France Télévisions, figure l'accès gratuit aux grands événements sportifs, qui doit concourir au développement de la pratique sportive. Compte tenu de la baisse de moyens qui vous est imposée, où en êtes-vous de l'achat des droits audiovisuels pour les grands événements sportifs ? Pourrez-vous, dans les années à venir, maintenir votre politique d'achat, et serez-vous capables de proposer une offre reflétant la diversité des pratiques et surtout le sport au féminin ?
Je veux, quoi qu'il en soit, saluer les efforts faits par France Télévisions pour faire figurer de plus en plus de femmes dans ses magazines sportifs, y compris lorsqu'ils traitent de sports faussement réputés masculins : c'est un sérieux progrès.
Je me félicite également des moyens affectés, en matière de sport, à l'investigation, car c'est actuellement une nécessité.
Nous avons, l'année dernière, sécurisé les principaux droits de retransmission, ceux des Jeux olympiques – et notamment Paris 2024 –, mais aussi ceux de Roland-Garros, jusqu'en 2023, et du Tour de France jusqu'en 2025. Les grands événements qui font l'identité du service public seront donc diffusés par France Télévisions, et il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
Cela étant, il est vrai qu'alors que nous sommes contraints à des économies, ces droits de retransmission augmentent, ce qui, à terme, va devenir problématique, mais il n'était pas envisageable, alors que nous sommes partenaires depuis des années, que les JO ne soient pas diffusés par France Télévisions.
En matière de sport au féminin, nous avons été des précurseurs. Nous continuons de diffuser beaucoup de compétitions féminines, en rugby ou en cyclisme, sachant que, lorsque les compétitions féminines sont couplées avec les compétitions masculines et que l'on doit acquérir les deux ensemble, nous n'en avons plus les moyens – c'est notamment ce qui s'est passé pour TF1 avec le football. Nous allons néanmoins continuer à diffuser du sport féminin car, tout en nous réjouissant d'avoir contribué à valoriser ses droits de retransmission, nous estimons que certaines compétitions féminines doivent, au même titre que les compétitions masculines, être diffusées en clair.
La plateforme Okoo, lancée il y a tout juste un mois, correspond parfaitement selon moi à ce que nous attendons du service public pour nos enfants, et je vous en félicite. Je souhaitais vous interroger sur les moyens mis en oeuvre pour faire connaître cette offre auprès du grand public, mais vous avez déjà évoqué le sujet. Ma question portera donc sur votre projet de série consacrée au quotidien des collégiens. Si le divertissement doit permettre de s'évader, on peut aussi imaginer qu'il permette, sans se prendre au sérieux, de susciter des vocations et de modifier certaines idées reçues : cette série sera-t-elle ainsi l'occasion de revaloriser le métier d'enseignant ?
Communiquer sur Okoo est une priorité pour nous, et c'est la raison pour laquelle, au-delà des messages diffusés sur nos antennes, l'essentiel de notre budget de communication a été investi sur Okoo. Nous avons malheureusement manqué de chance car, à l'approche des vacances, nous avions décidé d'une campagne d'affichage dans les gares… Nous allons néanmoins poursuivre notre campagne de communication, sachant que deux tiers des enfants environ ont déjà été exposés à Okoo sur nos antennes.
En ce qui concerne l'esprit de notre série sur le collège, elle entend naturellement valoriser les enseignants et leur environnement.
Pour répondre à un objectif de juste représentation des femmes dans les médias, vous avez annoncé la mise en place de quotas concernant les réalisatrices, quotas que vous voulez d'ailleurs étendre à l'ensemble des créateurs. Aux dernières nouvelles, vous n'aviez pas encore arrêté de chiffre précis. On parle officieusement de 25 %, mais je souhaitais savoir si vous confirmez cette information.
Nous devons en rediscuter avec le collectif 5050, mais 25 % serait un taux bien faible, car nous sommes déjà au-dessus ! Tout ce que je peux donc vous dire, c'est que notre objectif sera supérieur.
Évoquant votre stratégie de reconquête du jeune public et Okoo, vous nous avez précisé que votre ambition était de développer les interactions avec les parents et les enfants, et également d'orienter les enfants vers le numérique, à travers des contenus ludiques et éducatifs. Puisqu'il est aussi important à vos yeux que votre offre satisfasse ceux à qui elle est destinée, j'aimerais savoir si vous avez réfléchi aux moyens de mesurer la satisfaction des enfants. Il existe, dans de nombreuses villes, des conseils consultatifs des jeunes et, à l'Assemblée, nationale, un Parlement des enfants : qu'en est-il à France Télévisions ?
Nous avons un conseil consultatif des programmes, où nous avions décidé que ne siégeraient, en 2018, que des moins de trente ans. Ils ont beaucoup contribué à l'élaboration des programmes d'Okoo. Par ailleurs, tout au long du travail de conception, nous nous sommes assurés que nous étions en phase et avec les enfants et avec les parents. Nous avons mis en place des panels ad hoc et fait tester l'application à plusieurs reprises. Ces échanges permanents sur les contenus comme sur l'ergonomie de l'application vont être prolongés après le lancement, pour permettre des évaluations à partir desquelles nous pourrons faire progresser Okoo. J'ajoute que ces échanges nous ont d'ores et déjà été très utiles puisqu'ils nous ont permis d'éviter certaines erreurs et de rectifier le tir avant le lancement.
Êtes-vous favorable à un élargissement de la contribution à l'audiovisuel public, sur le modèle allemand, comme cela avait été envisagé, il y a quelques années, dans un rapport sénatorial ?
J'avais, lors de votre précédente audition, souligné que les efforts faits pour accroître la visibilité des outre-mer sur les antennes de France Télévisions étaient manifestes, et cela s'est confirmé depuis. Pouvez-vous, sans déflorer le sujet, nous dire quelques mots sur l'offre numérique qui devrait voir le jour très bientôt, pour nous confirmer que la dynamique se poursuit ?
Nous avons prévu de réserver la primeur de la présentation de cette offre, qui doit être lancée fin mars, au comité de suivi. Ce que je peux vous dire, c'est que la directrice de l'outre-mer et toutes les équipes de Malakoff ont travaillé en synergie avec les stations ultramarines, à partir de leurs contenus mais également des contenus produits dans l'Hexagone, pour concevoir une ligne éditoriale vraiment pertinente, qui fait sens pour les outre-mer et dont nous sommes très fiers. D'autre part, cette offre numérique a été conçue pour répondre au besoin d'interaction du public. Nous avons beaucoup travaillé sur la marque, et c'est un beau projet, dans lequel s'est impliqué tout le pôle outre-mer, pour être prêts en temps et en heure.
Vous avez déjà évoqué la politique de France Télévisions en matière de diffusion des compétitions sportives, mais je voudrais vous interroger plus particulièrement sur le ski alpin, le ski nordique et le snowboard. Nous sommes en pleine saison d'hiver, et je regrette qu'aucun des événements mondiaux – notamment la coupe du monde de Zagreb, qui a vu la victoire d'un Français – ne soit diffusé de manière gratuite sur le service public. C'est pourtant le rôle du service public que de faire vivre et naître des vocations, en particulier dans un domaine aussi important que celui-ci.
J'aurais enfin une remarque au sujet d'Okoo. Ne connaissant pas cette offre, j'ai cherché sur internet en tapant O.K.O.U, selon la phonétique, et aucun résultat n'est apparu. Il me semble que vous devriez réfléchir à cette question du référencement, au moment où la chaîne démarre.
Nous aimerions proposer une offre sportive plus riche mais, comme je l'ai dit, les droits de retransmission ne sont pas gratuits. Compte tenu de l'inflation des droits sur les grandes compétitions traditionnellement diffusées par le service public, nous n'avons pas les moyens d'acquérir, en plus des JO de Paris 2024, beaucoup d'événements sportifs. Nous nous efforçons néanmoins de proposer une offre variée, puisque France Télévisions couvre malgré tout trente-et-une disciplines. Certes, nous ne pouvons pas tout couvrir et nous nous en désolons, car nous ne voulons ostraciser aucun sport.
Je prends par ailleurs note de votre remarque concernant Okoo.
La semaine dernière, le groupe France Télévisions a confirmé la fermeture de France 4 et de France Ô, le 9 août prochain, jour de clôture des Jeux olympiques de Tokyo, que France Télévisions retransmettra sur ses différentes chaînes. Ces dernières permettent à votre groupe d'offrir une couverture maximale des grands événements sportifs. Ainsi les épreuves des deux dernières éditions des Jeux olympiques d'été ont-elles été diffusées sur l'ensemble des quatre chaînes, les championnats d'Europe et les championnats du monde d'athlétisme en salle sur France Ô, les matchs de l'équipe de France féminine de rugby sur France 2 et France 4, et les rencontres de la Fed Cup sur France 4. En vous séparant de deux chaînes et en réduisant donc les synergies possibles, comment pourrez-vous continuer à assurer une diversité dans vos retransmissions sportives et à maintenir la visibilité du sport féminin ou de sports moins médiatiques que d'autres ?
La date d'arrêt de France 4 et de France Ô est inscrite dans le cahier des charges de France Télévisions et ne relève donc pas d'une décision de l'entreprise, mais de l'État.
Votre question est néanmoins pertinente, et le sujet nous préoccupe beaucoup, mais nous avons prévu de poursuivre la diffusion de l'ensemble de ces compétitions sur les chaînes restantes. De même que la disparition de France 4 nous oblige à dégager des plages dévolues à l'animation sur les autres chaînes, nous allons devoir transférer sur les chaînes restantes la diffusion de certains événements sportifs – je pense notamment aux Jeux paralympiques de cet été, qui seront programmés sur le bouquet restant, France 2, France 3, France 5 et France tv sport. L'arrêt de France 4 et France Ô va nous obliger à repenser le bouquet dans son ensemble.
Avec la suppression prochaine de France 4 et de France Ô, le canal 14 et le canal 19 vont se libérer. L'attribution de ces deux canaux revêt un enjeu colossal car, plus le numéro du canal est important, plus la chaîne qui l'occupe est susceptible de passer inaperçue. LCI, par exemple, estime qu'elle perd entre 0,2 et 0,3 point de parts de marché à cause de son classement sur le canal 26, et il en est de même pour la chaîne franceinfo, qui fait partie de votre groupe. Aujourd'hui, plusieurs chaînes se battent pour récupérer les deux canaux libérés, sachant que c'est au CSA qu'il revient de les attribuer. Le groupe France Télévisions souhaite-t-il récupérer l'un de ses canaux et, si oui, estimeriez-vous logique que l'un d'eux vous revienne, dans la mesure où ils étaient occupés par des chaînes de votre groupe ?
En effet, les canaux ne nous appartiennent pas, et c'est malheureux car nous en aurions fait un très bon usage ! Cela étant, il ne faut pas perdre de vue l'intérêt des téléspectateurs, et je suis, pour ma part, plutôt favorable à la constitution d'un bloc de chaînes d'information. C'est aussi la position de TF1, qui défend ce faisant le positionnement de LCI. Ce regroupement peut, cela étant, se faire de plusieurs manières, soit autour du canal 14, soit autour du canal 24. Quoi qu'il en soit, on devrait pouvoir, en discutant, préserver la primauté de BFM, dont le leadership n'est pas contestable. À l'heure où l'accent est mis sur la lutte contre les fausses informations, disposer d'un bloc de chaînes d'information a en tout cas du sens.
La place des femmes dans la télévision publique est une question à la fois politique et culturelle. La diffusion du sport féminin est un levier pour développer sa pratique, car il permet d'ancrer le sport féminin dans les usages. De plus, en 2019, le sport féminin fédère, puisqu'il a assuré les trois meilleures audiences sportives de l'année, avec les matchs de l'équipe de France de football féminine lors de la Coupe du monde. Alors que France 4 et France Ô, qui diffusaient du sport féminin, vont cesser d'émettre le 9 août prochain, quelle sera concrètement la place du sport féminin en 2020 à France Télévisions ?
Comme je l'ai expliqué, les droits féminins sont de plus en plus couplés avec les droits masculins, que nous n'avons pas les moyens d'acheter – tant mieux pour TF1 ! Néanmoins, il nous reste encore pas mal de compétitions : le Tournoi des Six Nations féminin et la finale du Top 8 de rugby féminin, le championnat de France de cyclisme ou la coupe de France de football féminine, ainsi que toutes les compétitions mixtes. Nous continuerons à les diffuser, même avec deux canaux hertziens en moins. Il ne faut pas oublier non plus l'essor important du sport sur le numérique. France tv sport, au sein de france.tv continue de monter en puissance, comme on l'a vu lors du dernier tournoi de Roland-Garros, ce qui va nous permettre de diffuser des épreuves qui n'étaient pas diffusées sur nos antennes linéaires. C'est donc un vrai outil de diversification.
Vous avez évoqué la holding France Médias qui, dans un contexte de globalisation des médias, doit permettre de maintenir une forme d'équité face aux géants mondialisés, dans ce que vous qualifiez de « guerre culturelle ». J'ai été particulièrement sensible au fait que vous affirmiez vouloir tenir votre rang sans renoncer à défendre, dans vos contenus, l'intérêt général.
Cela étant, cette concurrence mondiale comporte à mes yeux des risques d'homogénéisation des contenus. Au-delà du défi financier qu'implique le programme ambitieux que vous nous avez présenté ce matin, j'aimerais donc que vous nous en disiez plus sur la manière dont vous intégrez dans ce programme le développement des contenus régionaux, axés sur la diversité de nos langues et de nos cultures, aujourd'hui plus particulièrement pris en charge par France 3 et France Bleu.
Vous me donnez la chance d'évoquer l'un de nos axes de transformation essentiel, à savoir le renforcement de la proximité avec nos publics, au travers d'une très forte régionalisation de France 3. Nous avons déjà augmenté les plages d'informations régionales, diffusées en huit langues dans l'Hexagone, auxquelles il faut ajouter les langues ultramarines. Les projets de régionalisation déjà très aboutis, comme ViaStella en Corse ou NoA en Nouvelle-Aquitaine, accordent une large place aux langues régionales : sur ViaStella, 15 % de la grille est bilingue, tandis que NoA diffuse en occitan, en basque et même en saintongeais. Il faut poursuivre les efforts en ce sens. Nous contractualisons avec les régions et les contrats d'objectifs et de moyens insistent la plupart du temps sur ce développement des langues régionales – c'est notamment le cas en Bretagne et en Occitanie.
La nouvelle plateforme Okoo, à destination des jeunes de trois à douze ans, lancée en décembre dernier, fonctionne avec un code parental commandant l'accès aux contenus, et offre aux parents la possibilité de programmer le temps d'écran. Avez-vous des précisions à nous communiquer sur le temps moyen de connexion des jeunes enfants à cette plateforme en fonction de leur tranche d'âge, sachant que les parents sont de plus en plus vigilants sur le temps d'exposition de leurs enfants aux écrans et la qualité des contenus visionnés ?
Il est encore un peu tôt pour vous apporter ces précisions, même si elles sont importantes, car le déploiement d'Okoo n'est pas totalement achevé. Ce que l'on constate, c'est que le temps moyen a plutôt tendance à augmenter, sachant que notre objectif n'est pas de réduire le temps d'écran – sans quoi nous arrêterions tout de suite ! – mais d'en donner la maîtrise aux parents. Cette augmentation est plutôt un signe positif sur l'attractivité de l'offre car, puisque les parents ont la maîtrise du temps, elle signifie que les contenus leur conviennent ou qu'ils conviennent aux enfants. Cela étant, après une période de vacances, il est préférable d'attendre un ou deux mois pour être véritablement fixés.
Je vous sais très soucieuse de l'égalité entre les femmes et les hommes, et vous nous l'avez réaffirmé ce matin. J'ai lu vos récentes déclarations sur votre volonté d'installer 35 % de femmes expertes sur les plateaux d'émissions de débat et de mettre en place des quotas de femmes réalisatrices dès cette année sur les chaînes publiques. Je salue d'autant plus ces décisions que le classement annuel de Press'edd, sorti cette semaine, fait état de seulement 17,9 % de femmes présentes dans les journaux. En plus des mesures concrètes que vous avez déjà évoquées, que comptez-vous faire pour lutter contre ces idées reçues qui freinent l'ascension des femmes dans l'audiovisuel et les empêchent de s'investir dans certains domaines, encore considérés comme réservés aux hommes ?
Le chiffre que vous venez de citer est terrifiant car il n'augmente pas, malgré l'efficacité de la loi Copé-Zimmerman. Il faut donc instaurer des quotas. En matière d'expertes, nous sommes passés de 25 à 40 % – chiffres contrôlés par le CSA –, et mon objectif est d'atteindre 50 %. Je suis par ailleurs favorable à la mise en place de quotas de femmes dans les équipes créatives, d'où notre premier engagement au sujet des réalisatrices. Il faut néanmoins aller plus loin, car c'est aussi en instaurant de la mixité dans les équipes de création qu'on racontera des histoires de moins en moins stéréotypées.
LCP, notre chaîne parlementaire, remplit, elle aussi, une mission de service public d'information et de sensibilisation de nos concitoyens à la vie publique, avec une ouverture accrue sur la culture et sur le monde. Avez-vous des contacts avec cette chaîne, et envisagez-vous des synergies ?
Nous échangeons beaucoup, et avec Bertrand Delais de La Chaîne parlementaire-Assemblée nationale, et avec Emmanuel Kessler de Public Sénat. Nous avons travaillé ensemble au basculement, à leur demande, des débats parlementaires sur les chaînes parlementaires, et de nombreuses synergies existent, notamment en matière de documentaires. Nous avons également proposé que la fréquence hertzienne que nous occupons pour France 4 au sein du multiplex soit attribuée à La Chaîne parlementaire, pour un tarif avantageux. Nous sommes donc solidaires de ces petites soeurs du service public.
Facteur de cohésion sociale, de transmission, de partage et d'innovation, la démocratisation de la culture doit être plus que jamais au coeur de nos politiques publiques, car elle contribue fortement à l'émancipation et l'épanouissement individuel, à l'éveil critique et, souvent, à l'apprentissage de la citoyenneté. Les crises actuelles, partout dans le monde, témoignent d'un repli identitaire et du déclin des solidarités. Dans ces conditions, et pour redonner du sens à la citoyenneté, nous avons plus que jamais besoin de réaffirmer notre attachement à la préservation de notre patrimoine culturel, à nos artistes et à la création contemporaine, qui est le patrimoine de demain. Quels sont les leviers d'action dont dispose France Télévisions pour soutenir la création artistique, et comment pouvez-vous contribuer à ce que les jeunes créateurs puissent bénéficier des fonds dédiés à cette belle cause ?
Nous n'avons pas de fonds dédiés à la création, mais nous finançons et soutenons des projets, via notamment la captation.
Nous avons ouvert nos antennes traditionnelles à la création, sachant qu'il s'agit à la fois de mieux la prendre en compte dans nos magazines culturels – C à vous, Passage des arts –, ou dans nos éditions du week-end, mais aussi de parvenir à diversifier nos captations de concerts et de spectacles – plutôt centrées pour l'instant sur la culture classique – pour les orienter vers ces nouvelles cultures qui attirent le jeune public. Nous n'avons pas encore trouvé la martingale, mais nous tentons des choses ; certaines marchent, d'autres non.
Par ailleurs, nous sommes partenaire de beaucoup d'institutions ou d'événements culturels – je pense à l'exposition Toutânkhamon, aux quarante ans du Centre Pompidou, à l'Opéra de Paris ou à la Comédie française. En la matière, nous sommes loyaux et nous efforçons de mettre en avant les événements pour lesquels nous nous engageons, afin de donner aux gens l'envie d'aller les voir, contribuant ainsi à la diffusion de la culture.
Les géants du numérique avaient sur vous une longueur d'avance. Pour les concurrencer, vous avez dû sauter des étapes : pouvez-vous identifier ces étapes et préciser comment vous avez procédé ?
Pensez-vous que les financements publics vont vous permettre de concurrencer longtemps les géants du numérique, qui disposent de financements privés ? France Télévisions a-t-elle la possibilité de faire appel à des financements privés, français ou européens, indépendamment de Salto ?
Enfin, quelle est votre politique en matière de traduction de vos programmes en anglais, dans l'idée d'atteindre le public européen et international ?
Pour opérer notre transformation, nous avons changé de perspective, c'est-à-dire que nous avons cessé de considérer, comme dans la télévision traditionnelle, qu'il existait une hiérarchie entre nos chaînes, avec France 2 au sommet, pour élargir notre champ de réflexion sur la programmation et nous adapter aux usages réels du public actuel.
Ensuite, nous avons opéré une forme de révolution dans l'organisation de nos diffusions. Dès que nous avons basculé vers le numérique, notamment grâce à franceinfo, nous avons considéré que priorité devait être donnée à la diffusion numérique et qu'il était possible de rendre accessible sur france.tv des programmes du soir à six heures du matin, sans avoir peur de nuire aux antennes traditionnelles. En admettant cela, nous avons vraiment franchi une étape, et cela fait désormais de france.tv la première de nos antennes.
Je ne suis pas hostile au principe d'une alliance entre public et privé, pourvu que l'indépendance et les missions particulières du service public soient préservées, et c'est d'ailleurs ce que nous faisons, dans une certaine mesure, avec Salto. Pour aller plus loin, la question est de savoir comment – au-delà de nos activités de service public entièrement financées par de l'argent public – nous pourrions nous diversifier avec le soutien du privé. C'est un axe de développement qu'il va falloir envisager dans les années qui viennent.
Pour ce qui concerne enfin la traduction, nous l'avons généralisée pour les oeuvres, car c'est une nécessité si l'on veut exporter. Nous espérons que les innovations technologiques nous permettront de traduire plus vite, à moindre coût et de manière plus efficace dans les années à venir.
Vos magazines d'investigation assez uniques dans le PAF, des fictions comme La Maladroite, sur l'enfance maltraitée, vos innovations comme Okoo pour les enfants ou France tv Slash pour les ados, vos séries comme Dix pour cent ou, bientôt, Une belle histoire, doivent être pour vous autant de motifs de fierté. Mais, pour une bonne série, combien faut-il diffuser de fictions interchangeables pour résister dans la guerre culturelle qui vous oppose aux monstres qui arrivent d'Amérique ? La fiction, c'est la force des plateformes américaines et, d'ici au 31 mars, il faudra faire face à quatre plateformes ultra-puissantes aux contenus ultra-attractifs : Apple TV+, Amazon Prime Video, Disney+ et Netflix. Pendant que Netflix investit 7 milliards de dollars dans la production de films et de séries, tout le service public confondu investit un milliard d'euros. Cela m'amène à six questions : pourquoi France Télévisions ne prend-elle pas le risque de la créativité, de la différence et de la nouveauté, pour se différencier de ces géants contre lesquels on ne peut pas lutter ?
Pourquoi, s'inspirant de la réussite d'Arte, France Télévisions n'accélère-t-elle pas ses collaborations européennes pour mettre en place, par le biais d'achats de droits et de coproductions, une plateforme européenne qui ait du poids face aux Américains ?
Pourquoi les rapprochements, par exemple entre France 3 et France Bleu, mettent-ils tant de temps ?
Quand Salto va-t-elle voir le jour, car nous sommes très en retard sur le numérique ?
Comment gagner cette guerre culturelle sans les budgets suffisants ?
Deux créneaux vont se libérer avec la fin de France Ô et France 4 : ne serait-il pas normal que France 24, excellente chaîne financée par la redevance, puisse récupérer l'un d'eux, sachant que, sur la box Orange, France 24 est en deux cent vingt-septième position ?
Vous avez raison, le risque de la créativité, c'est très important. Nous le prenons d'ailleurs avec nos nouveaux formats. J'ai parlé de la science-fiction, mais il y a également la comédie familiale, genre très prisé du public. Nous avons également beaucoup renforcé la coopération européenne en matière de production : la série d'espionnage Mirage sera prochainement diffusée. Nous misons également sur des séries historiques et coproduisons, avec la ZDF et un producteur anglais, Le Tour du monde en 80 jours. On peut donc dire que nous avons pris un tournant audacieux. Par ailleurs, il n'y a pas non plus que des succès sur Netflix, il y a des choses géniales et d'autres beaucoup moins bien. La création est toujours un pari. C'est un artisanat qui réserve des déceptions mais aussi de très bonnes surprises, c'est ce qui fait la beauté du métier.
Quoi qu'il en soit, je constate un vrai renouveau de la création française. On le doit aux jeunes auteurs et producteurs qui sont en train d'émerger, et nous n'avons pas à en rougir, même si l'on peut toujours faire plus et mieux. Cela coûte cher néanmoins, et c'est la raison pour laquelle j'ai augmenté les budgets alloués à la création et que je me bats pour les préserver. L'argent est le nerf de la guerre. Nous n'atteindrons évidemment jamais les milliards investis par Netflix mais, si l'on met bout à bout les budgets européens, nous pesons un certain poids. D'où les projets d'alliance et de co-créations européens. Je ne suis donc pas du tout défaitiste. Je pense qu'il nous faut miser sur la créativité du cinéma et de l'audiovisuel français, la préserver et y investir, car elle a du succès.
Madame la présidente, il me reste à vous remercier et à vous adresser tous mes voeux pour 2020.
La séance est levée à onze heures cinquante.
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Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– Mme Béatrice Descamps, rapporteure sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à moderniser les outils et la gouvernance de la Fondation du patrimoine (n° 2361) ;
– M. Pierre Morel-À-L'Huissier, rapporteur sur la proposition de loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises (n° 2211
Présences en réunion
Réunion du mercredi 8 janvier à 9 heures 30
Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Géraldine Bannier, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Aurore Bergé, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, M. Pascal Bois, M. Pierre-Yves Bournazel, Mme Marie-George Buffet, Mme Céline Calvez, Mme Danièle Cazarian, Mme Sylvie Charrière, Mme Fannette Charvier, M. François Cormier-Bouligeon, Mme Béatrice Descamps, Mme Virginie Duby-Muller, Mme Elsa Faucillon, M. Bruno Fuchs, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Annie Genevard, M. Raphaël Gérard, Mme Florence Granjus, M. Pierre Henriet, Mme Danièle Hérin, M. Régis Juanico, M. Yannick Kerlogot, Mme Brigitte Kuster, Mme Anne-Christine Lang, M. Michel Larive, M. Gaël Le Bohec, Mme Constance Le Grip, Mme Sophie Mette, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, Mme Sandrine Mörch, M. Sébastien Nadot, M. Bertrand Pancher, M. Guillaume Peltier, Mme Bénédicte Pételle, Mme Béatrice Piron, M. Éric Poulliat, Mme Florence Provendier, Mme Cathy Racon-Bouzon, M. Pierre-Alain Raphan, M. Frédéric Reiss, Mme Cécile Rilhac, M. Cédric Roussel, M. Bertrand Sorre, M. Bruno Studer, M. Stéphane Testé, Mme Agnès Thill, Mme Sylvie Tolmont, Mme Michèle Victory, M. Patrick Vignal
Excusés. - M. Bertrand Bouyx, M. Bernard Brochand, Mme Anne Brugnera, M. Stéphane Claireaux, Mme Fabienne Colboc, Mme Jacqueline Dubois, M. Laurent Garcia, Mme Sandrine Josso, Mme Josette Manin, Mme Cécile Muschotti, Mme Maud Petit, Mme Marie-Pierre Rixain
Assistaient également à la réunion. - Mme Émilie Bonnivard, Mme Danielle Brulebois, M. Jacques Cattin, M. Dino Cinieri, M. Vincent Rolland, Mme Nicole Sanquer, M. Jean-Marie Sermier, M. Éric Straumann, M. Philippe Vigier, M. Michel Zumkeller