Madame la ministre, cher président Roland Lescure, chers collègues, je vous adresse, à mon tour, mes meilleurs voeux pour cette année 2020 : qu'elle vous apporte tout le bonheur et la santé, et qu'elle nous permette de réaliser de grandes choses ensemble.
En ce qui concerne la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, elle a plutôt bien commencé puisque nous avons trouvé un accord avec le Sénat lors de la commission mixte paritaire portant sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Je m'en réjouis et y vois un signe positif pour 2020 en matière de développement durable et pour l'avenir de nos enfants
C'est évidemment avec grand plaisir que la commission du développement durable s'est jointe à celle des affaires économiques pour vous entendre, Madame la ministre, sur l'avenir de la filière nucléaire.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un cadre précis, avec un objectif de 50 % d'électricité d'origine nucléaire d'ici à 2035, objectif que nous avons consacré dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (dite loi « énergie-climat »). Pour l'atteindre, il nous faut renforcer nos capacités en énergies renouvelables et nous orienter vers la sobriété, mais aussi engager la fermeture de réacteurs et éventuellement d'installations nucléaires.
Je suis convaincue que cet exercice exige la transparence des prises de décision et qu'il doit être aussi prévisible que possible. Il faut, en effet, permettre aux territoires concernés de s'y préparer et leur donner des perspectives d'avenir. Ne répétons pas l'erreur, que j'ai vécue un peu dans ma chair, de la fermeture des mines, qui a laissé démunis des pans entiers de notre territoire. Cette visibilité et cette prévisibilité impliquent, à mon sens, de disposer d'un calendrier précis des fermetures prévues.
Pour évoquer l'avenir de la filière nucléaire, il faut aussi nous poser la question de la pertinence de la filière EPR. En novembre dernier, nous avons entendu M. Jean-Martin Folz. Son rapport sur l'EPR de Flamanville a mis en lumière les très nombreuses insuffisances de la filière, en termes de coûts, de délais et de sûreté. Pourtant, paradoxalement, il appelle à « afficher des programmes stables à long terme de construction de nouveaux réacteurs en France ». À titre personnel, je ne suis pas du tout convaincue par ce raisonnement.
Pour l'instant, la filière EPR semble très loin d'avoir fait ses preuves, et je doute de l'opportunité des surcoûts du projet d'EPR lorsqu'on sait les moyens qu'il nous faut consacrer au défi de la transition énergétique. Si le nucléaire a, pendant longtemps, mis en avant son faible coût par rapport aux énergies renouvelables, à la lumière de l'expérience de l'EPR, cet argument n'a plus de pertinence. Il existe désormais des énergies renouvelables tout autant décarbonées et dont certaines coûtent désormais moins cher. Leur diversité, associée aux évolutions en cours en matière de stockage de l'énergie, sur lequel nous travaillons tous, notamment dans notre belle région picarde, à Amiens, permettent de répondre en partie aux inquiétudes manifestées par certains sur la question de l'intermittence. Nos choix énergétiques doivent, bien entendu, en tenir compte.
M. Jean-Bernard Lévy a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs, mais le choix politique n'a pas encore été fait. Qu'en est-il, Madame la ministre, de l'étude d'un mix énergétique « 100 % énergies renouvelables » ?
Se pose aussi, de manière pressante, la question de la filière du démantèlement, qui concernera, à plus ou moins brève échéance, les cinquante-huit réacteurs en fonctionnement en France. Les coûts sont importants, de même que les défis techniques. N'est-ce pas là, plutôt que dans le renforcement du parc nucléaire, que se trouvent les enjeux d'avenir de la filière nucléaire ?
Il n'est, enfin, pas possible de détourner les yeux du problème posé par les déchets de la filière nucléaire – je rappelle que l'électricité d'origine nucléaire n'est pas vraiment propre. Un débat public a d'ailleurs eu lieu sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). Quelles suites le Gouvernement compte-t-il y donner ? Il est indispensable, à mes yeux, que les choix de gestion des déchets nucléaires soient faits de la manière la plus démocratique possible et en tenant compte du débat public.
Sur un plan plus général, on a parfois le désagréable sentiment qu'en matière nucléaire, les choix sont faits sans réel processus démocratique, et en particulier que les parlementaires n'ont qu'un accès limité aux informations ou aux décisions. J'espère que nous pourrons, à brève échéance, oeuvrer pour améliorer cette situation. Nous avons fait des propositions dans ce sens.
Madame la ministre, c'est avec un très grand intérêt que nous vous entendrons sur toutes ces questions.