La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné, conjointement avec la commission des affaires économiques, Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'avenir de la filière nucléaire.
Madame la ministre, Madame la présidente, mes chers collègues, je vous souhaite, à tous et à toutes, une bonne année et suis heureux de vous retrouver à l'occasion de la première réunion de la commission des affaires économiques en 2020. La présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire était, quant à elle, ce matin en commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, sur lequel la commission des affaires économiques n'était saisie que pour avis, et je la félicite pour la belle négociation qu'elle y a menée.
Je souhaite sincèrement et chaleureusement à chacun d'entre vous une très belle année 2020 faite de plaisir, dans le travail ainsi qu'au cours des quelques heures qui vous éloignent de celui-ci. J'adresse également mes voeux à vos proches. On n'en parle pas assez, mais c'est pourtant grâce à eux que nous pouvons faire ce que nous faisons aujourd'hui. Je les remercie donc pour le soutien qu'ils vous apportent.
Nous poursuivons, en ce début d'année, le cycle d'auditions sur la filière nucléaire que nous avons entamé au mois de novembre dernier avec nos collègues commissaires au développement durable. Nous l'avions débuté avec l'audition de M. Jean-Martin Folz sur son rapport au ministre de l'économie et des finances sur la construction de l'EPR (réacteur européen à eau pressurisée) de Flamanville le 5 novembre 2019, et poursuivi avec celle de M. Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF, sur le plan d'action EPR, dit « Excell ». Nous clôturons aujourd'hui ce cycle par l'audition de Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'avenir de la filière nucléaire.
Madame la ministre, cher président Roland Lescure, chers collègues, je vous adresse, à mon tour, mes meilleurs voeux pour cette année 2020 : qu'elle vous apporte tout le bonheur et la santé, et qu'elle nous permette de réaliser de grandes choses ensemble.
En ce qui concerne la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, elle a plutôt bien commencé puisque nous avons trouvé un accord avec le Sénat lors de la commission mixte paritaire portant sur le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Je m'en réjouis et y vois un signe positif pour 2020 en matière de développement durable et pour l'avenir de nos enfants
C'est évidemment avec grand plaisir que la commission du développement durable s'est jointe à celle des affaires économiques pour vous entendre, Madame la ministre, sur l'avenir de la filière nucléaire.
La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe un cadre précis, avec un objectif de 50 % d'électricité d'origine nucléaire d'ici à 2035, objectif que nous avons consacré dans la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat (dite loi « énergie-climat »). Pour l'atteindre, il nous faut renforcer nos capacités en énergies renouvelables et nous orienter vers la sobriété, mais aussi engager la fermeture de réacteurs et éventuellement d'installations nucléaires.
Je suis convaincue que cet exercice exige la transparence des prises de décision et qu'il doit être aussi prévisible que possible. Il faut, en effet, permettre aux territoires concernés de s'y préparer et leur donner des perspectives d'avenir. Ne répétons pas l'erreur, que j'ai vécue un peu dans ma chair, de la fermeture des mines, qui a laissé démunis des pans entiers de notre territoire. Cette visibilité et cette prévisibilité impliquent, à mon sens, de disposer d'un calendrier précis des fermetures prévues.
Pour évoquer l'avenir de la filière nucléaire, il faut aussi nous poser la question de la pertinence de la filière EPR. En novembre dernier, nous avons entendu M. Jean-Martin Folz. Son rapport sur l'EPR de Flamanville a mis en lumière les très nombreuses insuffisances de la filière, en termes de coûts, de délais et de sûreté. Pourtant, paradoxalement, il appelle à « afficher des programmes stables à long terme de construction de nouveaux réacteurs en France ». À titre personnel, je ne suis pas du tout convaincue par ce raisonnement.
Pour l'instant, la filière EPR semble très loin d'avoir fait ses preuves, et je doute de l'opportunité des surcoûts du projet d'EPR lorsqu'on sait les moyens qu'il nous faut consacrer au défi de la transition énergétique. Si le nucléaire a, pendant longtemps, mis en avant son faible coût par rapport aux énergies renouvelables, à la lumière de l'expérience de l'EPR, cet argument n'a plus de pertinence. Il existe désormais des énergies renouvelables tout autant décarbonées et dont certaines coûtent désormais moins cher. Leur diversité, associée aux évolutions en cours en matière de stockage de l'énergie, sur lequel nous travaillons tous, notamment dans notre belle région picarde, à Amiens, permettent de répondre en partie aux inquiétudes manifestées par certains sur la question de l'intermittence. Nos choix énergétiques doivent, bien entendu, en tenir compte.
M. Jean-Bernard Lévy a annoncé la construction de six nouveaux réacteurs, mais le choix politique n'a pas encore été fait. Qu'en est-il, Madame la ministre, de l'étude d'un mix énergétique « 100 % énergies renouvelables » ?
Se pose aussi, de manière pressante, la question de la filière du démantèlement, qui concernera, à plus ou moins brève échéance, les cinquante-huit réacteurs en fonctionnement en France. Les coûts sont importants, de même que les défis techniques. N'est-ce pas là, plutôt que dans le renforcement du parc nucléaire, que se trouvent les enjeux d'avenir de la filière nucléaire ?
Il n'est, enfin, pas possible de détourner les yeux du problème posé par les déchets de la filière nucléaire – je rappelle que l'électricité d'origine nucléaire n'est pas vraiment propre. Un débat public a d'ailleurs eu lieu sur le plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). Quelles suites le Gouvernement compte-t-il y donner ? Il est indispensable, à mes yeux, que les choix de gestion des déchets nucléaires soient faits de la manière la plus démocratique possible et en tenant compte du débat public.
Sur un plan plus général, on a parfois le désagréable sentiment qu'en matière nucléaire, les choix sont faits sans réel processus démocratique, et en particulier que les parlementaires n'ont qu'un accès limité aux informations ou aux décisions. J'espère que nous pourrons, à brève échéance, oeuvrer pour améliorer cette situation. Nous avons fait des propositions dans ce sens.
Madame la ministre, c'est avec un très grand intérêt que nous vous entendrons sur toutes ces questions.
Je vous souhaite, à mon tour, une très bonne année 2020. Je suis convaincue qu'elle sera décisive pour la transition écologique et solidaire, aussi bien en France qu'en Europe et dans le monde, avec les échéances de la COP15 sur la biodiversité et de la COP26 sur le climat.
Je vous remercie pour votre invitation dans ce cycle d'auditions sur le nucléaire. Comme vous le savez, le nucléaire est une industrie du temps long, qu'il s'agisse de la construction de nouvelles centrales ou de la gestion des déchets. Les décisions que nous devons prendre auront des conséquences pour de nombreuses décennies, bien au-delà du terme de nos mandats, et certaines d'entre elles n'auront d'impact concret que dans plusieurs années.
Cela ne signifie pas pour autant que nous pouvons attendre. Fermeture, démantèlement, évolution du mix électrique ou retraitement des déchets, ces décisions engagent l'avenir énergétique de notre pays. Nous avons devant nous des étapes concrètes qu'il nous faut franchir rapidement. Telle est notre responsabilité.
La première étape est d'arrêter les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, ce qui sera fait avant la fin du premier semestre, puisque le premier réacteur doit être fermé au mois de février et le second au mois de juin. Cette fermeture devait initialement intervenir simultanément avec la mise en service de l'EPR de Flamanville, mais les retards de ce dernier nous ont conduits à décorréler les deux opérations. Il nous était impossible d'attendre et de laisser dans l'incertitude les salariés et les territoires concernés ; nous devions leur donner de la visibilité.
Appliquer une stratégie, c'est avancer de chaque pas dès que cela est possible. Fermer Fessenheim cette année et procéder au chargement du combustible de l'EPR de Flamanville d'ici à fin 2022 sont deux chantiers essentiels pour notre parc nucléaire.
Vous avez déjà auditionné MM. Jean-Martin Folz et Jean-Bernard Lévy, qui vous ont exposé les conclusions de l'audit sur la dérive des coûts et des délais de l'EPR et le plan d'action en résultant. Je ne reviendrai pas dessus, sauf pour dire que si la fiabilité de la date de mise en service de l'EPR et le respect des coûts constituent un enjeu de première importance pour EDF, il en représente également un pour notre politique énergétique. Respecter les délais de l'EPR et, plus largement, les dates d'arrêt pour maintenance des moyens de production et de redémarrage est essentiel en vue d'assurer notre sécurité d'approvisionnement, notamment pour nos concitoyens et nos entreprises du Grand Ouest.
Notre stratégie nucléaire se pense également à moyen terme, avec l'objectif de ramener la part du nucléaire à 50 % de notre mix électrique en 2035, que vous avez voté il y a quelques mois. Passer la part du nucléaire de 72 % aujourd'hui à 50 % revient, disons-le, à opérer un changement très significatif. Pour y parvenir, le premier chantier est celui de la diversification de notre mix électrique. Vous connaissez les ambitions de la PPE en matière d'énergies renouvelables, notamment solaires et éoliennes.
Ces 50 % constituent également un défi, car ils impliquent la fermeture de quatorze réacteurs. Les deux de Fessenheim seront, je l'ai indiqué, fermés dès la fin du mois de juin 2020 ; s'agissant des autres, nous confirmerons les échéances dans le cadre de la même PPE. Si les conditions sont remplies, deux réacteurs supplémentaires pourront être fermés au milieu de la décennie, puis deux autres en 2027 et 2028, et les huit à dix derniers entre 2029 et 2035.
La fermeture de quatorze réacteurs pose des questions sociales et techniques. Nous avons pris l'engagement de ne pas fermer d'autres sites complets en dehors de Fessenheim, et nous travaillons, s'agissant des autres sites, à des projets de territoire.
Par ailleurs, la gestion du combustible deviendra un enjeu majeur dans la perspective de réduire le volume des déchets. Aujourd'hui, seuls les trente-quatre réacteurs de 900 mégawatts peuvent utiliser du combustible recyclé, le fameux MOX. C'est sur ce palier de puissance que les quatorze réacteurs seront, compte tenu de leur âge, fermés en priorité. C'est pourquoi nous avons demandé à EDF de prévoir l'utilisation de combustible issu en partie du recyclage sur les réacteurs de 1 300 mégawatts. Cette option s'appelle, pour les spécialistes, le « moxage » des 1 300 mégawatts.
Pour satisfaire l'échéance de 2035, nous avons défini une trajectoire claire et pris en considération toutes ses conséquences sur les moyens de production d'électricité ainsi que sur la gestion du cycle combustible. À plus long terme, notre stratégie reste encore à écrire. La très grande majorité du parc électronucléaire a été construite pendant une courte période d'une quinzaine d'années, et ces réacteurs seront arrêtés bien avant 2050. La construction de nouveaux moyens de production, qu'ils soient nucléaires ou renouvelables, destinés à prendre le relais, s'étalera sur plusieurs années. Notre stratégie de long terme doit donc s'écrire sans attendre ces fermetures.
Je souhaite que nous adoptions une approche raisonnée, que nous étudiions tous les scénarios et que nous en analysions les avantages et les inconvénients avant de prendre une décision éclairée. Nous nous trouvons, en effet, face à un choix entre des scénarios à 100 % d'énergies renouvelables, et d'autres dans lesquels le nucléaire reste durablement une source de production dans le mix électrique.
Cette transition énergétique pose des questions qui engagent notre pays tout entier. Peut-on mettre en place un système à 100 % d'énergies renouvelables, et si oui, à quel coût ? Dans quelles conditions la filière nucléaire pourrait-elle délivrer un nouveau programme et, là aussi, à quel coût ? Que ferons-nous des déchets ?
C'est notre responsabilité que de répondre à ces questions. Nous avons donc établi un programme de travail dont les conclusions seront rendues au milieu de l'année prochaine. En particulier, nous avons, avec M. Bruno Le Maire, confié à EDF la mission de démontrer la capacité de la filière à maîtriser un nouveau programme de six réacteurs. En parallèle, nous travaillons avec l'Agence internationale de l'énergie (AIE) et Réseau de transport d'électricité (RTE) sur un scénario « 100 % énergies renouvelables » afin d'évaluer les solutions disponibles et celles à développer.
Quel que soit le scénario, notre objectif est de disposer de la même sécurité d'approvisionnement qu'aujourd'hui, à un coût acceptable pour la société. Fort de ces réponses et de la mise en service de l'EPR de Flamanville, le Gouvernement sera en mesure de prendre une décision en toute connaissance de cause.
L'utilisation de l'énergie représente 75,6 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Répondre à l'urgence climatique implique donc de faire sans attendre nos choix de politique énergétique. À court comme à long terme, je souhaite évidemment que nous agissions ensemble. Je sais que vous y êtes attachés, car vous l'avez montré tout au long du débat parlementaire sur la loi « énergie-climat ».
Je vous remercie, Madame la ministre, pour la clarté et le pragmatisme de votre discours sur la nouvelle trajectoire que la majorité a décidé d'adopter à travers la loi « énergie-climat », à savoir de réduire et d'équilibrer la part du nucléaire dans le mix électrique français afin qu'elle atteigne 50 % de celui-ci en 2035. Contrairement au gouvernement précédent, qui avait décidé d'une trajectoire à 2025 sans programmer ni engager de fermetures de réacteurs, nous mettons en place des actions volontaristes.
La première que nous menons au cours de ce quinquennat est la fermeture de la centrale de Fessenheim, qui concerne 850 emplois directs et près de 2 000 pour l'ensemble de la filière. Il importe d'accompagner les collectivités qui perdront des emplois locaux. Pour les quatre centrales à charbon qui seront fermées d'ici à 2022, nous avons mis en place des contrats de transition écologique. Quel est celui prévu pour Fessenheim ?
S'agissant de Flamanville, quel est votre avis sur le plan Excell ? Quel jugement portez-vous sur les négociations avec nos partenaires étrangers, notamment chinois et indiens, concernant la vente de futurs EPR, qui est importante pour l'avenir de la filière ?
Les énergies nouvelles comme le solaire et l'éolien ont la caractéristique d'être intermittentes. Dans le cadre de leur développement, l'hydraulique peut jouer un rôle d'énergie-tampon et de compensation. Le nucléaire devra-t-il jouer un tel rôle si sa part descend à 50 % du mix électrique ? Quelle serait l'influence d'une telle hypothèse sur la maintenance et la durée de vie des réacteurs ?
En matière d'innovation, plusieurs pays, comme la Chine et les États-Unis, réfléchissent à des projets autour des réacteurs à sels fondus. À Grenoble, des laboratoires et des chercheurs y réfléchissent également, car cette technologie permet de réduire tant la taille des réacteurs que les contraintes en termes de sûreté. Pourrait-elle constituer un axe pertinent de recherche pour notre recherche nucléaire ?
À mon tour, je présente à chacun, au nom du groupe Les Républicains, nos meilleurs voeux pour l'année 2020.
Le nucléaire en France, c'est effectivement une longue histoire, puisque tous les présidents de la Ve République ont eu à traiter de ce dossier, les uns pour le mettre en place, les autres pour tenter d'en limiter l'importance.
Aujourd'hui, les cinquante-huit réacteurs qui fonctionnent représentent 2 000 ans de fonctionnement cumulé sans accident, même si, comme dans toute activité économique et industrielle, la filière a connu des incidents. Celle-ci garantit la sécurité de l'approvisionnement de notre pays, tout autant que la qualité de celui-ci. En n'émettant qu'une faible quantité de gaz à effet de serre, elle nous permet de tenir les engagements pris par la France lors de la COP21. L'énergie nucléaire est, en effet, beaucoup moins émettrice que toutes les autres sources d'énergie, hormis l'hydraulique qui, s'il a représenté 12 % de notre mix électrique en 2018, a atteint, on le sait, son pic de production. Or l'on n'envisage pas de recréer dès demain des barrages de grande taille.
Vous avez évoqué les difficultés de l'EPR. Il ne faut cependant pas jeter le bébé avec l'eau du bain : la technologie fonctionne, seuls des dysfonctionnements sont intervenus, comme cela a été rappelé lors de notre dernière réunion de ce cycle d'auditions.
Selon vous, Madame la ministre, quelle suite sera donnée à l'EPR de Flamanville ? Des négociations permettront-elles de construire d'autres réacteurs EPR dans d'autres pays ? La Chine s'est-elle manifestée en signant des accords particuliers ?
Si vous deviez demain respecter la loi « énergie-climat », qui nous engage, comme toutes les lois, mais qui peut être reportée, seriez-vous capable, avec les énergies intermittentes d'aujourd'hui, d'assurer à tous les Français la qualité et la quantité d'énergie nécessaire ?
Je tiens, à mon tour, à vous adresser, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés, mes voeux pour cette nouvelle année.
Je m'interroge sur les déchets nucléaires non recyclables et leur compatibilité avec le Pacte vert de l'Union européenne. Les dirigeants de l'Union ont convenu en décembre dernier que l'énergie nucléaire ferait partie des solutions visant à rendre son économie neutre en carbone d'ici à 2050. Cela signifie que l'énergie nucléaire sera reconnue comme un moyen de lutter contre le changement climatique.
Bien qu'une telle évolution soit favorable à EDF ainsi qu'à l'industrie énergétique française dans son ensemble, le problème des déchets non recyclables demeure. Les risques inhérents à l'exploitation de ces centrales et à leur positionnement par rapport au réseau connecté européen sont des préoccupations persistantes. Cinquante-huit réacteurs nucléaires sont en service dans notre pays, soit plus que dans tout autre pays européen. Seuls les États-Unis disposent d'un parc plus important.
Toutes les industries, comme celles du papier, du plastique et du métal, ont besoin de se recycler. Si EDF revendique publiquement la responsabilité sociale et environnementale du recyclage, la réalité est que tous ses déchets ne peuvent être recyclés. Les déchets non recyclables sont compactés dans des conteneurs métalliques scellés et enterrés. Ni l'Allemagne, ni la France n'ont trouvé de solutions ni de sites optimaux pour le stockage des déchets radioactifs.
Alors que le mix énergétique européen s'oriente de plus en plus vers le nucléaire comme source d'énergie propre, comment votre ministère compte-t-il protéger les citoyens des risques d'un stockage sous-optimal des déchets nucléaires radioactifs comme celui pratiqué sur le site de Bure, dans la Meuse ?
L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) étudie-t-elle d'autres pistes que l'enfouissement profond en matière de gestion des déchets nucléaires ? Par ailleurs, pensez-vous que la montée en puissance d'EDF soit compatible avec l'engagement de la France dans l'ambitieux Green Deal et avec le point de vue de la Commissaire européenne Mme Margrethe Vestager sur la régulation du nucléaire historique ?
Le rapport de M. Jean-Martin Folz a largement pointé du doigt la perte de compétences généralisée résultant de l'absence de projets nucléaires en France depuis plusieurs années. Il a également souligné le relatif succès de l'EPR de Taishan, en Chine, du fait notamment de l'existence d'un véritable savoir-faire acquis grâce à la construction continue de centrales depuis vingt ans dans ce pays.
Outre la perte de compétences liée à l'« hiver nucléaire », il met en exergue celle liée au départ à la retraite de spécialistes et à des savoir-faire industriels trop longtemps inutilisés. En outre, les bureaux d'études seraient coupés des réalités du monde industriel « en émettant des spécifications irréalistes ou en tombant dans les excès de l'over-engineering ».
Le rapport note également une perte de professionnalisme et de savoir-faire chez les soudeurs, même lorsqu'il ne s'agit que de réaliser des soudures classiques. Ces problèmes de soudure ont d'ailleurs été à l'origine de nombreux incidents qui ont joué un rôle certain dans l'explosion des coûts de l'EPR de Flamanville ainsi que dans de nombreux retards enregistrés dans sa mise en service. Par conséquent, même si le nouveau mix énergétique nous engage à la réduction de la part du nucléaire, il nous faut néanmoins conserver et renouveler des compétences de pointe afin d'accompagner cette transition.
Le président d'EDF M. Jean-Bernard Lévy nous a présenté, fin décembre, le projet Excell qui entend répondre aux critiques formulées par ledit rapport, notamment quant à la perte de compétences généralisée. Il prévoit notamment la création d'une université des métiers du nucléaire et l'instauration de parcours croisés, ce qui me semble être une très bonne initiative, ainsi que la mise au point d'un outil de gestion des savoirs.
Comment accueillez-vous ce projet ? Quel rôle l'État peut-il jouer pour que la France retrouve un véritable savoir-faire en matière de nucléaire civil afin d'endiguer le déclin des dernières décennies et de retrouver les compétences requises ?
EDF souhaite également internaliser davantage certaines de ses activités. Comment l'État peut-il accompagner l'entreprise afin qu'elle atteigne tous ses objectifs ?
Comme les orateurs précédents, je souhaiterais connaître votre réaction à la fois au rapport de M. Jean-Martin Folz, que nous avons entendu ici, et au plan Excell présenté par la direction d'EDF.
Vous avez, à juste titre, mentionné le groupe de travail sur l'avenir du nucléaire qui doit tracer des pistes d'avenir pour ce secteur de production d'énergie. Le Parlement sera-t-il associé à ces réflexions et, le cas échéant, de quelle façon ?
L'un des éléments importants s'agissant de l'avenir du nucléaire en dehors de la sécurité, de la compétitivité et de la prévisibilité des coûts et des calendriers est la réversibilité. Il s'agit d'un élément nouveau dans le paysage et dans l'esprit de nos concitoyens. Nous votons par ailleurs des lois sur l'économie circulaire ; le nucléaire ne pourra plus faire l'économie d'une réflexion de ce point de vue. Il lui appartiendra de faire la démonstration de sa capacité à déconstruire et à recycler un maximum de matériaux. C'est, par exemple, ce que nous attendons sur le site de Fessenheim.
Le président M. Jean-Bernard Lévy a évoqué la construction d'un centre de retraitement des métaux, dont la pertinence économique dépendrait d'une coopération franco-allemande. Avez-vous, de votre côté, noué des contacts ou ouvert des discussions avec votre homologue allemand à ce sujet ? Quelles sont les perspectives industrielles qui s'offrent à la centrale de Fessenheim qui, comme vous l'avez rappelé, est une des premières à être démantelée ?
Ma conception de la transition énergétique repose sur deux priorités : la diminution des émissions de dioxyde de carbone et la réduction de notre dépendance au nucléaire. Ce second chantier est manifestement passé au second plan. Il y a moins de cinq mois, dans la loi relative à l'énergie et au climat, la majorité a reporté de 2025 à 2035 l'objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique, sans que nous disposions d'éléments concrets, notamment sur la « neutralité carbone » que nous sommes censés atteindre en 2050.
La filière nucléaire française doit faire face à des coûts croissants pour maintenir à niveau le parc existant. La symétrie m'oblige à dire que le développement des énergies renouvelables a, lui aussi, un coût important, mais c'est, à mon sens, un horizon bien plus désirable et pérenne.
Nous sommes à la veille de choix industriels et environnementaux cruciaux, comme en témoignent, chacun à sa façon, le rapport de M. Jean-Martin Folz – qui met en lumière les nombreux dysfonctionnements de l'EPR de Flamanville, notamment en termes de gouvernance ou de compétences –, le plan Excell d'EDF ou encore la feuille de route que vous avez adressée au président d'EDF sur la possibilité de construire six nouveaux réacteurs EPR.
Vous nous avez dit, Madame la ministre, que rien n'avait encore été décidé. Au nom du groupe Libertés et territoires, je souhaiterais toutefois vous interroger sur votre calendrier et sur la manière dont vous entendez associer la Représentation nationale à ce travail. À combien estimez-vous le coût de ces nouvelles unités ? Comment peut-on, selon vous, se prémunir des dérapages survenus à Flamanville ? Comment comptez-vous construire six EPR en quinze ans, alors que le premier construit en France n'est toujours pas opérationnel ? Comment concilier la construction de six nouveaux EPR avec l'objectif de réduire à 50 % la part du nucléaire à l'horizon 2035 ? Quelles centrales comptez-vous fermer, et selon quel calendrier ? Enfin, et surtout, comment aller vers ce scénario « 100 % énergies renouvelables », dont vous avez commandé l'étude à EDF ?
Madame la ministre, souvenez-vous l'été dernier… Au mois de juillet, les températures atteignaient 40 degrés dans certaines villes françaises – un record depuis des décennies. Le 23 juillet, EDF arrêtait pour une semaine deux réacteurs du Tarn-et-Garonne et l'un des réacteurs du Tricastin, sans compter les baisses de puissance ponctuelles opérées sur plusieurs réacteurs.
Ces épisodes de canicule sont voués à se reproduire, dans la mesure où le changement climatique a déjà commencé et où aucune volonté politique, surtout pas la vôtre, ne se manifeste pour le combattre résolument. La multiplication et l'intensification des épisodes de forte chaleur exigeront la diminution de l'activité des réacteurs. Dans ce contexte, pourquoi s'obstiner aveuglément dans le nucléaire ? Pourquoi s'entêter à produire une énergie qui n'est pas adaptée aux conséquences du changement climatique ?
À vrai dire, l'histoire récente du nucléaire est une succession de désastres. Qui oserait encore défendre le fiasco de l'EPR de Flamanville ? En 2017, l'État a dû payer l'ardoise de la faillite d'Areva, cachée pendant plus de cinq ans, qui s'élevait à 4,5 milliards d'euros. C'est du gaspillage massif d'argent public qui aurait pu être mieux investi ailleurs. La débâcle économique de la filière nucléaire n'est plus à prouver. En 2018, votre prédécesseur, M. Nicolas Hulot, disait lui-même que cette filière « nous emmène dans une dérive ». Non seulement elle nous emmène dans une dérive, mais elle met en danger l'ensemble de la population. Les cinquante-huit réacteurs nucléaires, qui ont été construits pour durer trente ans, ne pourront pas être prolongés indéfiniment.
Et pourtant, vous faites payer le prix de votre irresponsabilité politique aux militants écologistes qui tentent d'éveiller les consciences sur les dangers du nucléaire. Les militants qui ont été placés en garde à vue, accusés d'être des « malfaiteurs en bande organisée » et condamnés à des interdictions de territoire pour avoir combattu l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure vous saluent !
À ce stade, les députés de La France insoumise s'interrogent sur ce qui justifie votre persévérance : serait-ce parce que le Premier ministre a peur de vexer de vieux amis ? Madame la ministre, on ne prend pas des décisions aussi cruciales pour notre avenir à l'abri des regards du plus grand nombre et pour le plaisir de quelques-uns. L'illusion du nucléaire retarde le développement des énergies renouvelables, c'est-à-dire de notre avenir.
Madame la ministre, votre gouvernement multiplie les signaux contradictoires depuis plusieurs mois, au point de déstabiliser aussi bien les salariés d'EDF que les partisans d'une sortie à moyen terme du nucléaire. Il est à peu près impossible d'y voir clair, entre votre collègue de Bercy qui a vertement critiqué les surcoûts et les nouveaux délais annoncés des chantiers EPR, vous-même qui avez récemment évoqué un scénario « 100 % énergies renouvelables » pour 2035 et le Président qui annonce carrément la mort de la filière dès qu'on aura trouvé une solution de stockage pour l'électricité.
Dans le même temps, votre majorité à l'Assemblée nationale est revenue sur l'objectif que nous avions voté en 2015 d'abaisser la part du nucléaire dans la production d'électricité à 50 % d'ici à 2025. Et je ne parle pas de la PPE, dont les ambitions sont revues à la baisse jour après jour, et dont on ne voit pas comment elle permettra d'atteindre les objectifs qui ont été fixés, même en les repoussant à 2035.
Nous aurons l'occasion de vous interroger demain sur le fiasco annoncé du projet Hercule. Dans la mesure où il est clair que la relance de la filière nucléaire n'est plus soutenue, ni par le volontarisme politique, ni par l'opinion publique, pourquoi ne sonnez-vous pas, d'ores et déjà, la fin de cette partie d'incertitude ? Le moment n'est-il pas venu d'établir une feuille de route claire et de libérer les financements nécessaires au lancement d'une véritable transition énergétique ?
Votre propos liminaire était un bon début de réponse, mais la Gauche démocrate et républicaine considère qu'il faudra aller plus loin.
J'ai entendu quelques propos un peu caricaturaux, qui prétendent faire de nous soit des partisans aveugles, soit des adversaires farouches du nucléaire. Sur des sujets aussi importants, il faut que nous prenions des décisions rationnelles et raisonnées. Parmi les différentes études qui ont été lancées, les unes ont précisément pour objectif de définir les conditions dans lesquelles des réacteurs pourraient être construits, en réfléchissant au traitement des déchets, au coût de l'électricité produite par ce nouveau nucléaire et à son mode de financement. Le scénario « 100 % énergies renouvelables », quant à lui, doit permettre de déterminer si nous pourrions effectivement, avec des énergies intermittentes, assurer la stabilité de notre production d'électricité et répondre à nos besoins d'approvisionnement. Cela suppose notamment de trouver des solutions de stockage.
Nos voisins allemands privilégient justement les solutions de stockage, notamment de l'hydrogène.
Contrairement à ce que certains ont dit de façon caricaturale, nous avons adopté la bonne démarche en nous donnant le temps d'examiner tous les scénarios, de façon rationnelle et sans a priori. Notre objectif est simple : avoir une production d'électricité décarbonée à un coût abordable pour les citoyens comme pour les entreprises. C'est le sens de la démarche qui est engagée avec EDF, avec l'AIE, qui a une vision mondiale de la question, mais aussi avec RTE, qui est chargé de la sécurité de notre approvisionnement – au sens de l'équilibre entre l'offre et la demande. Il est évident que, dans le mix énergétique de demain, les réseaux auront une place très importante.
Nous devons aller au bout de cette démarche, faire preuve de rationalité et de sérieux, afin de disposer de l'ensemble des éléments d'ici au milieu de l'année 2021. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les décisions sur ce sujet seraient prises après le démarrage de l'EPR de Flamanville.
En attendant, la trajectoire est claire, puisque nous aurons, en 2035, ramené la part du nucléaire à 50 %. Nous ne nous contentons pas d'afficher de grands objectifs, nous en exposons aussi les conséquences : nous devrons fermer quatorze réacteurs supplémentaires, ce qui n'est pas rien pour nos territoires. Notre devoir est d'accompagner de façon exemplaire les territoires concernés par ces fermetures. C'est ce que nous sommes en train de faire à Fessenheim et ce que nous devrons faire sur chacun des sites. D'une manière générale, si nous voulons que nos concitoyens adhèrent à la transition écologique, il importe de montrer que si certains emplois disparaissent, d'autres se créent aussi.
C'est dans ce cadre qu'EDF travaille à la création d'un technocentre de valorisation des métaux à Fessenheim. Ce projet viserait un marché plus large que le simple démantèlement de Fessenheim. J'ai eu des échanges avec mes homologues allemands – j'utilise le pluriel, parce que l'énergie et l'environnement ne sont pas pris en charge par le même ministre en Allemagne. Je ne peux pas vous dire qu'il y ait de grands signes d'ouverture de la part de nos voisins sur l'utilisation d'un technocentre qui supposerait, pour eux, de déplacer des déchets nucléaires au-delà de leur frontière. Très franchement, je ne crois pas vraiment à la concrétisation de cette piste.
Pour revenir au rapport de M. Jean-Martin Folz, les difficultés qu'il pointe sont de natures diverses et je ne crois pas que l'on puisse dire qu'elles s'expliquent par le seul fait que nous n'aurions pas poursuivi au même rythme la construction de nouvelles centrales nucléaires. Le parc nucléaire existant fait l'objet d'investissements considérables de façon continue, qu'il s'agisse du remplacement de composants importants ou du programme de grand carénage qui représente des sommes considérables. La filière doit aller au-delà du raisonnement selon lequel les choses iraient mieux si elle avait des commandes nombreuses : il faut qu'elle réfléchisse aux différents points précisément soulevés par M. Jean-Martin Folz.
C'est, du reste, ce qu'elle est en train de faire, avec le programme Excell présenté par EDF. Ce programme doit être complété, en mars, par un plan d'action plus global concernant l'ensemble de la filière. Je demanderai à mon ministère d'organiser une expertise indépendante des différents plans d'action pour m'assurer que les enjeux critiques y sont correctement pris en compte. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sera évidemment associée à cette démarche. Un enjeu important consistera à évaluer l'efficacité de la mise en oeuvre de ces différents plans dans la durée. EDF devra, pour ce faire, préciser les modalités de suivi et les indicateurs de performance.
S'agissant des projets de construction d'EPR à l'international, ce que l'on peut dire aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas de projet concret de nouveau réacteur en Chine, en plus des deux réacteurs qui ont été mis en service à Taishan. Des discussions sont en cours en Inde, mais le cadre juridique et les modalités de financement de ce projet ne sont pas encore précisés. Je rappelle que notre coopération avec la Chine se poursuit au Royaume-Uni, notamment pour les deux réacteurs d'Hinkley Point C, le programme de Sizewell et la certification du modèle Hualong de l'énergéticien chinois CGN.
En matière de flexibilité, il est clair que le parc français est aujourd'hui manoeuvrable et qu'il contribue à la stabilisation de notre production d'électricité, en tout cas à l'adéquation entre l'offre et la demande. L'hydroélectricité joue, elle aussi, un rôle important en la matière, mais le vieillissement des installations rend le parc moins pilotable qu'il a pu l'être par le passé. Il importe évidemment, dans un mix qui comporte une part d'énergie intermittente, d'avoir aussi un parc pilotable. Les scénarios « 100 % énergies renouvelables » supposent, quant à eux, de réfléchir à la question du stockage et à celle de l'effacement.
D'un point de vue technologique, EDF examine les conditions de faisabilité d'un programme d'EPR, mais on envisage également d'utiliser des réacteurs plus petits, les SMR (Small Modular Reactors), qui font aussi l'objet de recherches dans d'autres pays. Aujourd'hui, on en est encore au stade du concept, et de telles installations ne devraient donc pas voir le jour avant 2025, voire 2030. La technologie dite des réacteurs à sels fondus, enfin, a l'intérêt de produire moins de déchets, mais elle offre aussi de moindres garanties en matière de sûreté, et la faisabilité d'un réacteur de puissance n'a pas encore été démontrée. Je ne suis pas sûre qu'il faille multiplier les technologies : concentrons-nous sur l'EPR qui a été mis en production à Taishan et qui devrait l'être à Flamanville, et poursuivons les réflexions sur les SMR.
Dans son rapport, M. Jean-Martin Folz souligne des pertes de compétences chez tous les acteurs concernés du fait du départ en retraite de spécialistes confirmés, du défaut d'entretien des expertises et de savoir-faire inutilisés. Savez-vous comment EDF entend, dans le cadre du plan Excell, pallier cette déficience de compétences ?
Il importe, par ailleurs, d'anticiper la réduction de la part du nucléaire d'ici à 2035. Disposons-nous aujourd'hui de compétences et de savoir-faire adaptés et suffisants pour les entreprises de production d'énergies renouvelables ? De quelle façon EDF compte-t-il anticiper ce besoin ?
Vous nous avez dit avoir, sur la question du nucléaire, adopté une stratégie de long terme et une approche raisonnée. On a pourtant le sentiment qu'en matière d'énergie, la stratégie du « en même temps » présente des limites et n'est pas très rationnelle.
Comment pourrons-nous réduire nos émissions de dioxyde de carbone et cesser d'utiliser des voitures thermiques en 2040, tout en réduisant la part du nucléaire dans notre électricité ? Comment pourrons-nous faire face à des pics de demande électrique pour charger 30 millions de véhicules avec moins de nucléaire ? Chacun sait que les énergies aléatoires et par alternance que sont les prétendues énergies vertes ne pourront pas répondre à ces pics de demande. Comment comptez-vous, techniquement, compenser, sans surcoût prohibitif pour l'usager, cette baisse de la part du nucléaire et faire face à une demande croissante, avec des pics de puissance considérables ? À raison de 1 800 kilowatts par véhicule électrique et par an, il nous faudra 30 térawatts de plus en 2040, soit 27 % de la puissance du parc nucléaire actuel et huit fois la puissance consommée à Paris en hiver. Tout cela paraît bien contradictoire. Techniquement, pouvez-vous nous rassurer, Madame la ministre ?
Madame la ministre, j'ai été surprise par vos propos sur le moxage des réacteurs, dans la mesure où cette hypothèse avait été écartée par le passé, pour des raisons de coût et de sûreté. Cette idée de moxer les réacteurs les moins vieux a-t-elle été chiffrée ? Pouvez-vous nous renseigner sur le calendrier de décision ?
Lors des débats sur la loi relative à l'énergie et au climat, le ministre de l'époque avait répondu aux nombreux parlementaires qui l'interrogeaient au sujet du nouveau programme nucléaire que rien n'était décidé. On a ensuite découvert la lettre de commande du 12 septembre 2019, avec laquelle vous avez d'ailleurs semblé prendre un peu vos distances, lorsque vous avez dit que ce n'était pas le président d'EDF qui devait décider, mais l'État.
J'ai quatre questions très factuelles et très simples à vous poser.
Premièrement, quel est le calendrier de décision réel ? Une décision sera-t-elle prise en 2021, ou bien sera-t-elle reportée après les échéances de 2022 ?
Deuxièmement, EDF a d'ores et déjà remis des documents au Gouvernement, en réponse à la lettre de commande du 12 septembre. Autoriseriez-vous un certain nombre de parlementaires à consulter ces documents de façon confidentielle, afin de garantir la transparence des informations ?
Troisièmement, vous avez dit que vous demandiez à EDF d'étudier un scénario « 100 % énergies renouvelables ». Comment cette demande s'est-elle matérialisée ? Lors de son audition, M. Jean-Bernard Levy nous a dit qu'en dehors de la PPE, il n'avait reçu aucune lettre de commande du Gouvernement demandant à EDF d'étudier un tel scénario.
Pour finir, je veux vous alerter sur un point. L'audition du président d'EDF nous a montré très clairement qu'EDF n'a pas de plan B, en dehors du lancement d'un nouveau programme nucléaire. Par conséquent, on est en train d'assister à la politique du fait accompli.
Ma collègue Mme Sophie Panonacle, qui est actuellement dans l'hémicycle, m'a chargée de vous poser sa question, relative à l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH).
La loi du 7 décembre 2010 relative à la nouvelle organisation du marché de l'électricité, ou « loi NOME », a créé l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique pour dynamiser la concurrence et soutenir les nouveaux entrants. Ce dispositif a ouvert la possibilité aux fournisseurs alternatifs d'accéder à l'électricité produite par les centrales nucléaires d'EDF. Ils peuvent désormais s'approvisionner auprès d'EDF à un tarif préférentiel, dans une limite qui a été fixée à 25 % de la production. Or la situation a beaucoup changé depuis 2010, puisque plusieurs fournisseurs alternatifs, notamment Direct Energie, ont été rachetés par l'entreprise Total. Le dispositif, dont l'objectif initial était de soutenir les nouveaux entrants, a, de fait, été dévoyé. Ce dispositif, censé prendre fin en 2025, pourrait-il être modifié, afin de mieux répondre aux réalités du marché français ?
Selon un sondage BVA sur la perception de la question climatique, 69 % des Français interrogés pensent que l'énergie nucléaire produit des gaz à effet de serre. Cette méconnaissance est inquiétante, à l'heure où cette énergie est préconisée par le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), précisément parce qu'elle n'émet pas de dioxyde de carbone. On peut être pour ou contre le nucléaire pour toutes sortes de raison, mais ce malentendu très répandu empêche les débats apaisés.
L'Allemagne est souvent citée en exemple, alors même que ce pays produit huit fois plus de dioxyde de carbone par kilowatt électrique que la France. L'Allemagne a fermé une centrale nucléaire le 31 décembre pour ouvrir ce mois-ci une nouvelle centrale à charbon qui fonctionnera soixante ans.
Comment la communication gouvernementale pourrait-elle aider à rétablir les faits, sans parti pris sur ce sujet ? La filière est dans le doute, car la communication gouvernementale souffle le chaud et le froid, entre « nucléaire-bashing » et maintien des capacités sur le long terme.
Le nucléaire représente trois quarts de la production d'électricité française, il est donc essentiel dans le mix énergétique français. Les centrales nucléaires assurent une production constante d'électricité qui pallie l'intermittence des énergies renouvelables, surtout en période de grand froid, où la consommation d'énergie est très forte. De plus, l'énergie nucléaire est l'une des seules énergies décarbonées aujourd'hui disponible. Elle limite donc la production de gaz à effet de serre, qui est considérée par le GIEC comme la première cause du réchauffement climatique.
Dans un tel contexte, est-il raisonnable de vouloir réduire à 50 %, d'ici à quinze ans, la part du nucléaire dans la production d'électricité ? Avez-vous bien anticipé toutes les conséquences d'une telle décision ?
Un avenir 100 % ENR (énergies renouvelables), nous en rêvons tous ! À condition toutefois de se débarrasser progressivement des combustibles fossiles et du nucléaire, sans que personne ne subisse de coupures de courant, faute d'électricité. Cet avenir 100 % ENR ne peut exister que si l'énergie est à un prix raisonnable. L'objectif est d'accueillir dès maintenant toute nouvelle installation de production et d'autoconsommation d'électricité verte, tout en garantissant la sécurité et la sûreté du système électrique actuel.
Aujourd'hui, le parc nucléaire français a parfois jusqu'à 10 gigawatts de volume de production, souvent en corrélation avec des prix du mégawattheure sur le marché au comptant qui tombent en dessous des coûts de production quand toutes les ENR d'Europe sont en pleine puissance et que la consommation n'est pas en phase. Ce phénomène est appelé à s'accentuer avec le développement prévu de l'éolien offshore.
Pourquoi ne pas faire entrer la variable hydrogène dans les mécanismes d'ajustement ? Pourquoi, pendant ces moments-là, ne pas déclencher une électrolyse de masse et stocker de l'hydrogène à un prix d'intervention ? Le modèle serait activé dès que le marché au comptant tomberait en dessous d'un certain seuil. Notre nucléaire, au lieu de servir de variable d'ajustement, ne pourrait-il pas servir à la transition énergétique par une production stable, laissant aux ENR et à l'électrolyse le soin de réguler et de fournir par la même occasion un hydrogène vert à coût modéré ?
L'avenir du nucléaire français s'est obscurci. C'est d'autant plus incroyable que notre pays a une tradition d'excellence dans cette filière, avec laquelle nous avons construit un leadership énergétique durant des décennies. Aujourd'hui, nous exportons cette excellence de par le monde : en Chine, où un EPR fonctionne parfaitement bien, et au Royaume-Uni.
Dans ma circonscription, je suis confronté au développement à tout-va de l'éolien. Or, comme j'ai eu l'occasion de le dire il y a trois semaines dans l'hémicycle, mes concitoyens ne supportent plus ces éoliennes qui se développent de façon anarchique. De plus en plus, le nucléaire et l'hydrogène apparaissent donc comme des filières d'avenir, et pour longtemps.
Je me contenterai de ces remarques, car vous avez déjà répondu à mes questions, Madame la ministre.
Une production d'électricité sans émission de dioxyde de carbone ni recours au nucléaire nécessite un investissement de 40 milliards d'euros par an et la création de 40 000 éoliennes de plus.
La fermeture de Fessenheim en 2020, sans raison rationnelle, mais seulement pour un indigne marchandage éléctoral, s'effectue, selon RTE, au détriment de la sécurité d'alimentation électrique du pays. Cette fermeture va différer l'arrêt de plusieurs centrales à charbon. Le coût de l'arrêt se chiffre entre 7 et 10 milliards d'euros par an, sans effet sur les émissions de dioxyde de carbone.
Tout a commencé en 1998, par la centrale de Creys-Malville, où a été sacrifié le remarquable surgénérateur qui engageait la voie de la réutilisation des déchets. Un suicide économique et technologique ! L'arrêt du nucléaire en Allemagne a amené davantage de rejets de dioxyde de carbone. En Europe, en 2018, 250 millions de tonnes de charbon ont été consommées. La Pologne ne veut pas entendre parler de la neutralité carbone, tandis que l'Inde refuse de sacrifier sa croissance, que le charbon fait son grand retour en Chine et que le président des États-Unis M. Donald Trump a décidé de sortir de l'accord de la COP21.
Respecter l'objectif zéro carbone en 2050 nécessiterait d'ouvrir une centrale nucléaire par jour. Nous ne disposons pas d'une industrie des énergies renouvelables ; ne serait-il pas judicieux de revenir sur la décision d'arrêt du projet ASTRID, qui multiplie par 500 les ressources uranifères et divise par 10 les déchets à longue durée de vie, en permettant un recyclage complet des matières ? Ce projet nous donnait une vision à long terme, d'autant plus que la COP25 n'a été que la COP des pleurs.
Tous les chercheurs qui souhaitaient une nouvelle énergie, après que Pierre et Marie Curie eurent découvert la radioactivité, auraient été bien déçus s'ils avaient su qu'un jour allaient arriver les accidents de Tchernobyl et Fukushima, accidents qu'ils n'auraient pas imaginés une seule seconde. Cela n'en fait pourtant pas des meurtriers.
Le nucléaire a permis le développement à grande échelle de l'électricité partout dans nos vies quotidiennes. Par comparaison, quelle est cette énergie verte de demain, dont on ne voit pas vraiment la concrétisation aujourd'hui ?
Après la première série d'interventions, je n'avais pas répondu aux questions portant sur les déchets. La préoccupation du traitement et du recyclage a toujours fait partie de la politique nucléaire. Elle s'inscrit dans une volonté d'économie circulaire. Aujourd'hui, nous consommons près de 10 % d'uranium en moins grâce au recyclage. Toutefois, il est clair qu'une partie des déchets nucléaires ne sont pas recyclables et nécessitent d'être stockés. Ainsi a notamment vu le jour le projet Cigéo de stockage en souterrain. Cela fait partie des sujets évoqués dans le débat public sur le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs.
Le Gouvernement exposera, au cours du mois de février, les suites qu'il veut donner à ce débat, notamment en termes d'évolution de la gouvernance du plan, de son contenu et du processus, notamment sur les problèmes de qualification des déchets matières. Ensuite, un travail sera engagé sur le plan lui-même, au cours du premier semestre 2020, l'objectif étant d'arrêter un plan au premier semestre 2021. Les conditions de mise en oeuvre du projet Cigéo pourront être définies dans ce cadre, puisqu'elles ne le sont pas encore aujourd'hui dans leur intégralité.
S'agissant des difficultés de la filière nucléaire évoquées par Mme Lardet, je ne reviendrai pas sur les éléments mis en avant par M. Jean-Martin Folz dans le rapport qu'il a rendu. EDF a apporté une première réponse dans le cadre de son projet Excell, et nous attendons une réponse plus globale de la filière au cours du mois de mars. Ces propositions seront contre-expertisées, et nous souhaitons, évidemment, suivre la mise en oeuvre des actions annoncées dans le cadre des différents plans, pour nous assurer qu'elles arrivent bien aux résultats escomptés.
Madame Batho, la question du moxage a été posée à EDF pour ses réacteurs à 1 300 mégawatts. Je ne vais pas préjuger aujourd'hui de la réponse de l'entreprise quant aux coûts aussi élevés que vous l'avez évoqué. Je souligne qu'en termes de gestion des déchets, c'est un enjeu important. Un travail est en cours chez EDF, notamment sur ce point. L'ASN aura également à se prononcer sur ce sujet.
Quant au calendrier des études qui sont menées, tant à propos du nucléaire que d'un scénario « 100 % énergies renouvelables », nous souhaitons disposer de l'ensemble des éléments, à la fois techniques et économiques, à la mi-2021. La décision n'interviendra pas, comme je l'ai déjà dit, avant la mise en service de Flamanville – le chargement du combustible n'y étant pas prévu avant fin 2022, ce sera donc au-delà.
Quant au fait qu'EDF ne travaille pas sur un scénario « 100 % énergies renouvelables », j'ai bien précisé que c'est avec l'AIE et RTE que nous travaillons sur ce scénario. Évidemment, il ne s'agit pas de ne pas associer EDF à ces réflexions. Au contraire, il est important qu'EDF, dans le cadre de sa stratégie d'entreprise, envisage toutes les hypothèses, en miroir des réflexions du Gouvernement. Cela doit comprendre aussi bien un scénario prévoyant le maintien durable d'une part de nucléaire qu'un scénario « 100 % énergies renouvelables ». Je ne doute pas que cela soit effectivement la préoccupation des dirigeants d'EDF que de réfléchir également à ces différentes alternatives.
J'en viens à la question, posée au nom de Mme la députée Sophie Panonacle, sur l'ARENH. Lorsque le dispositif a été créé, on s'était placé dans un scénario où le besoin d'électricité était croissant et où l'ouverture des marchés supposait de donner aux fournisseurs alternatifs accès à une partie de l'énergie nucléaire produite par EDF, en attendant que ceux-ci développent leurs propres moyens de production. Aujourd'hui, on ne prévoit plus de croissance de notre consommation d'électricité ; fort heureusement, des actions d'efficacité énergétique sont conduites, qui orientent l'hypothèse de travail vers la stabilité. Multiplier les moyens de production supplémentaires pour des fournisseurs alternatifs ne se justifie donc plus. Cela dit, je suis convaincue de l'importance de la régulation du nucléaire historique, pour deux raisons. Premièrement, nous disposons ainsi d'une électricité dont le coût de production ne dépend pas des aléas géopolitiques dans les zones où on exploite des hydrocarbures. Il me paraît important que les consommateurs français puissent garder cet avantage. Deuxièmement, la fixation d'un plafond au prix de vente de la production nucléaire empêche qu'il ne s'envole au gré des éventuelles tensions pouvant apparaître sur le cours du baril de pétrole. Réciproquement, la fixation d'un plancher empêche que le prix de cette énergie ne baisse trop, mettant en difficulté l'opérateur qui doit assurer la bonne maintenance de ses installations, enjeu très important en termes de sûreté nucléaire. Voilà pourquoi nous considérons qu'il est souhaitable de maintenir une régulation du nucléaire au-delà de 2025. J'ai engagé avec la Commission européenne, en particulier avec Mme Margrethe Vestager, des discussions en ce sens ; elles vont se poursuivre dans les prochains mois.
J'en viens à la question de M. Cesarini. Aucun membre du Gouvernement ne dénigre l'énergie nucléaire, mais il est de notre responsabilité, quand nous constatons des difficultés, de l'exprimer. Ces difficultés existent ; il faut les voir et y répondre. Pour l'avenir, nous travaillons sur différents scénarios, loin de suivre un quelconque mouvement de yo-yo entre différentes positions. Nous avons dit très clairement qu'une décision responsable doit prendre en compte tous les scénarios, pour en retenir finalement le meilleur : celui qui assure le recours à une électricité décarbonée, proposée à un prix maîtrisé tenant compte de l'enjeu des déchets nucléaires Nous nous efforçons de procéder à ce choix posément. Je ne pense donc pas que nous dénigrions l'énergie nucléaire ni que nous en faisions l'éloge aveugle.
Monsieur Vigier, un scénario où l'électricité nucléaire ne représenterait que 50 % de la production ne pose pas en soi de problème de sécurité d'approvisionnement. La France doit être le seul pays au monde à tirer 72 % de son électricité de l'atome. Ramener cette part à 50 % constitue un objectif assez consensuel. Il est ressorti des débats sur la loi du 6 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte que la sécurité d'approvisionnement, c'est d'atteindre un mix énergétique équilibré, en tirant parti des qualités des différentes sources d'énergie.
Monsieur Delpon, je suis convaincue de l'importance de l'hydrogène dans notre politique énergétique. L'hydrogène est utilisé à la fois dans l'industrie et, de plus en plus, dans la mobilité. Je pense que cette énergie jouera demain un rôle important dans l'équilibre de notre système électrique. Aujourd'hui, nous ouvrons des appels à projets pour soutenir le développement de l'hydrogène dans l'industrie ou dans la mobilité. Dans le cadre de la loi « énergie-climat », il est prévu que le Gouvernement présente une ordonnance définissant un cadre de soutien à l'hydrogène. Nous travaillerons donc sur ce sujet, car le recours à l'hydrogène pourrait être l'un des moyens de stocker l'énergie. Même si RTE n'identifie pas, compte tenu des autres capacités de pilotage de notre production d'électricité, de besoin à court terme en ce domaine, je suis vraiment convaincue de la nécessité de développer l'hydrogène à l'avenir.
Monsieur Bricout, je pense que l'éolien est une énergie qui présente beaucoup d'atouts, surtout si l'on veut diversifier notre mix énergétique. Mais les parcs éoliens sont aujourd'hui très mal répartis sur notre territoire. Plus de 50 %, je crois, sont concentrés dans deux régions, le Grand Est et les Hauts-de-France. J'ai donc constitué, en décembre, un groupe de travail pour réfléchir aux mécanismes pouvant faciliter l'acceptabilité de l'éolien, notamment en ce qui concerne les nuisances visuelles liées au dispositif de signalement des éoliennes. Il s'agit également d'examiner comment apporter des garanties sur le démantèlement des parcs éoliens, en particulier s'agissant de la remise en état du terrain après l'arrêt des appareils.
Des mécanismes doivent inciter les porteurs de projet à se diriger désormais vers des zones où la concentration d'éoliennes est moins forte. Les collectivités doivent également jouer le rôle d'acteurs dans la répartition des champs éoliens. Avec l'appui de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), le préfet des Hauts-de-France a mené des études très intéressantes. Elles ont mis en évidence, dans certains territoires, une saturation visuelle dont on comprend bien qu'elle remette en cause l'acceptabilité de cette énergie. Dans certains villages, des phénomènes d'encerclement apparaissent aussi. Nous devons y répondre, pour conforter l'acceptabilité de l'éolien.
J'en viens au projet ASTRID. Il pourrait présenter un intérêt en cas de pénurie d'approvisionnement en uranium, mais ce n'est pas la situation que nous connaissons actuellement. Même si la réflexion n'a pas été arrêtée, c'est une phase de recherche et développement qui est à l'ordre du jour, plutôt que la phase opérationnelle. Compte tenu de l'horizon auquel ces technologies pourraient être à la fois disponibles et nécessaires, nous ne perdons pas de temps sur ce sujet, car nous continuons à y travailler sur le moyen terme.
Quant aux véhicules électriques, il faut, là aussi, relativiser les besoins liés au développement d'un tel parc. Nos études tablent sur un besoin de 30 térawattheures, ce qui n'est pas énorme comparé aux 500 térawattheures de notre consommation électrique totale. En outre, si l'on veut développer ces parcs, tous les véhicules ne sont pas obligés de se recharger au même moment. Dans une vie antérieure, en tant que PDG d'une entreprise exploitant 4 500 bus, j'avais pris la décision de passer pour 80 % d'entre eux à la propulsion électrique. Certes, cela peut produire un fort impact sur le réseau si vous ne travaillez pas à un mode de charge intelligent. Mais, si vous y travaillez, l'impact sera très faible. Je suis convaincue que répondre à ces nouveaux besoins n'affecterait pas les volumes de notre consommation électrique ni n'en aggraverait les difficultés. Par contre, cela suppose de développer les capacités de pilotage et de réversibilité des futurs véhicules électriques, comme l'a prévu la récente loi d'orientation des mobilités. Pour que les véhicules nouveaux s'insèrent correctement dans notre consommation électrique, il faut qu'on fasse appel à des recharges intelligentes ; toutes les technologies sont disponibles pour cela.
Quant à la transparence, Madame Batho, puisque vous m'avez demandé si on pouvait transmettre aux parlementaires les premiers éléments qui nous ont été rendus par EDF, je tiens à vous dire que cela ne me semble pas poser de difficultés.
L'avenir de la filière nucléaire se heurte à la gestion de ses déchets. Je souhaiterais aborder plus particulièrement le cas des 50 000 colis de déchets de moyenne activité à vie longue qui ont été conditionnés par le passé par bitumage.
Ces bitumes sont issus du pétrole, donc potentiellement inflammables. La composition variable de ces colis est susceptible de provoquer des réactions chimiques entraînant un départ de feu. L'Autorité de sûreté nucléaire a formulé, en janvier 2018, une réserve concernant le stockage de ces déchets bitumés, dans le cadre du projet Cigéo, en couches géologiques profondes.
Dans son rapport de juin dernier, la revue externe internationale sur la gestion des déchets bitumés commandée par le ministère et par l'ASN a rappelé, non seulement qu'il n'existe pas de procédés industriels capables de permettre le traitement de ces déchets, mais aussi qu'il est improbable de disposer d'une telle installation en 2040. Ainsi, par courrier en date du 28 mai 2019, l'ASN demandait à l'ANDRA de présenter sous six mois un calendrier sur la disponibilité et l'intégration de ces nouveaux éléments.
Qu'en est-il des réponses apportées par l'ANDRA ? Quelles sont aujourd'hui les options envisagées pour gérer ces déchets ? Est-il effectivement question de les déclasser en déchets de faible activité, comme l'a envisagé, en juin 2019, la commission nationale d'évaluation des recherches et études relatives à la gestion des matières et des déchets radioactifs (CNE2) ?
Madame la ministre, j'ai attentivement écouté votre propos introductif et j'en conclus que la première décision incohérente avec la logique que vous suivez est la fermeture de Fessenheim. Celle-ci ne relève pas d'une stratégie dans le temps, mais bien d'une stratégie électorale, adoptée en 2012 et confirmée en 2017. Alors que vous vous engagez, pour l'avenir, à n'arrêter que des réacteurs et non des sites, vous faites l'inverse à Fessenheim puisque c'est bien un arrêt de site qui y a lieu. Cela fait naître une incertitude colossale pour le territoire qui ne connaîtra les conséquences de la fermeture que dans quelques mois, le premier réacteur s'arrêtant en février et le second en mars.
Alors qu'EDF sera indemnisé à hauteur d'un milliard d'euros pour la fermeture de cette centrale, le territoire doit, quant à lui, se contenter de 10 millions d'euros censés lui permettre de rebondir après la suppression de ses 2 000 emplois. Par la même occasion, vous venez d'annoncer que le projet de technocentre est finalement quasiment abandonné, parce qu'on est incapable de poser à nos amis allemands un minimum d'exigences sur leur façon de démanteler leurs centrales. Le marché des matières recyclées va pourtant être européen.
Ainsi, nous allons nous obliger à des seuils de libération des déchets qui n'existent pas aujourd'hui, ou encore à la nécessité d'enfouir des déchets liés au démantèlement, là où les Allemands auront beaucoup plus de facilité à réintégrer ces déchets dans le circuit. Comment allez-vous faire en sorte qu'on s'occupe de ce sujet au niveau européen et qu'on se batte pour installer en France – et à Fessenheim – cette filière de retraitement ?
Le 14 octobre dernier, treize inspecteurs de l'Autorité de sûreté nucléaire et onze experts de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire se sont rendus dans l'enceinte de la centrale nucléaire de Golfech, dans le Tarn-et-Garonne. Cette centrale, située à une centaine de kilomètres de Toulouse, est composée de deux réacteurs nucléaires de 1 300 mégawatts. Depuis leur mise en service en 1991 et 1994, c'est la première fois qu'une visite d'une telle envergure a lieu.
Cette inspection portait sur le thème des facteurs organisationnels et humains, abordés à travers plusieurs prismes techniques, à l'occasion de sous-inspections thématiques qui portaient notamment sur la conduite et la gestion de la centrale, l'intégration du référentiel, la maintenance, les retours d'expérience, les modifications… Le résultat, récemment dévoilé par Mediacités, prend la forme d'un rapport accablant de 59 pages. Publié le 17 décembre par l'Autorité de sûreté nucléaire, il est intitulé « Lettre de suivi d'inspection de revue - Facteurs organisationnels et humains ». Dans ce document, l'ASN met en lumière un nombre important de dysfonctionnements. Madame la ministre, comment allez-vous donner suite à ce rapport d'inspection et quelles mesures allez-vous prendre pour renforcer la sûreté de nos installations nucléaires, et particulièrement celle de Golfech ?
Puisque l'on parle de l'avenir du nucléaire, il est nécessaire de rappeler que c'est une énergie décarbonée. Au moment où la planète brûle, elle fait plutôt partie des solutions que des problèmes. En reprenant à votre compte l'objectif, poursuivi par M. François Hollande, de diminuer le nucléaire en France, vous n'avez donc pas poursuivi un objectif environnemental. Comment le justifiez-vous, eu égard à la situation actuelle de la planète ? L'intérêt écologique ne saurait certainement pas être invoqué.
Chaque année, vous dépensez plus de 5 milliards d'euros pour soutenir le renouvelable, notamment l'éolien, en remplacement du nucléaire. Combien de millions de tonnes de dioxyde de carbone la France économiserait-elle si vous affectiez cette somme à la lutte contre les émissions, en soutenant, par exemple, la rénovation énergétique ?
Madame la ministre, je salue votre souci de la vérité. Je voudrais vous interpeller sur l'amont et l'aval de la filière nucléaire, deux points qui me semblent sous-estimés.
La question de l'amont est fondamentale. Même si la dépendance à l'uranium n'est pas équivalente à la dépendance aux ressources pétrolières, elle pose néanmoins à la France des problèmes diplomatiques importants, et parfois environnementaux. Pouvez-vous nous dire deux mots de la gestion de cette dépendance, même décroissante, à l'uranium, dans le cadre de la filière nucléaire ?
En aval, c'est la question des déchets et de leur retraitement qui se pose. Rappelons que la « loi Bataille » de 1991 prévoyait d'étudier trois scénarios de traitement des déchets, dont celui de la séparation et transmutation et celui du stockage subsurfacique. Pouvez-vous nous donner le montant des moyens financiers engagés pour étudier l'enfouissement profond – le projet Cigéo – et ceux qui ont été consacrés à l'étude des deux autres hypothèses ? Il ne peut pas y avoir de débat démocratique sur cet enjeu de civilisation sans que nous puissions répondre de l'avenir de nos arrière-petits-enfants au regard de la transmission des risques, de la sécurité et de la connaissance physique de l'évolution de la planète. Avons-nous des garanties suffisantes pour engager le débat ? Dans le processus que vous avez décrit, quelle sera, d'ailleurs, la place du Parlement ?
Dans son rapport d'octobre dernier, M. Jean-Martin Folz a mis l'accent sur la perte de compétences et la carence de savoir-faire qui touche l'ensemble de la chaîne nucléaire et qui peut conduire à la mauvaise exécution de certaines tâches. À la lecture de ce rapport, le sentiment s'impose que la filière du nucléaire ne se coordonne pas suffisamment sur le sujet de la formation et pâtit, en quelque sorte, d'un manque de visibilité, voire de perspectives.
Ne faut-il pas que la filière du nucléaire, à l'instar de ce qu'a fait la filière aéronautique il y a quelques années, se rapproche du secteur de la formation et de l'enseignement supérieur, en travaillant avec lui sur les sujets de maintenance d'ampleur des réacteurs actuels, sur les métiers du démantèlement, mais aussi, et surtout, sur la gestion des déchets ? Bref, n'a-t-on pas besoin d'une ambition politique en matière d'attractivité des métiers du nucléaire ?
Notre collègue M. Jean-Charles Colas-Roy a évoqué les baisses de recettes fiscales à Fessenheim, mais il y a un sujet bien plus grave : la communauté de communes, alors qu'elle n'a plus les recettes correspondantes, est toujours obligée de verser 2,8 millions d'euros au Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), au titre de la solidarité. C'est quand même absolument hallucinant ! Non seulement elle perd des recettes, mais, considérée comme riche, elle doit continuer à contribuer au pot commun ! À ce jour, l'État ne nous a apporté aucune réponse sérieuse.
À quelle date la liste des quatorze tranches qui vont être fermées sera-t-elle communiquée ? Il ne faudrait pas que les élus locaux apprennent les noms par la presse, au dernier moment.
J'aimerais évoquer la production d'électricité en France après 2035. L'entreprise EDF milite en faveur d'un scénario comportant six nouveaux EPR ; vous avez demandé de travailler sur un scénario « 100 % énergies renouvelables ». Avec l'EPR, EDF fixe un objectif de 65 à 70 euros le mégawattheure, mais ce n'est atteignable qu'avec l'effet série de six EPR. Dans le même temps, les énergies renouvelables voient leurs coûts par mégawattheure baisser fortement.
Disposez-vous d'analyses fiables sur l'évolution du coût du mégawattheure des différentes énergies, dit LCOE, notamment pour les énergies renouvelables dans les trente prochaines années ? Des scénarios intermédiaires entre six EPR et « 100 % énergies renouvelables » sont-ils prévus, par exemple avec quatre EPR ou deux ? Lors de son audition en décembre dernier, M. Jean-Bernard Lévy a été très clair sur le fait que, selon lui, le seul scénario plausible était six EPR, balayant la possibilité de celui à 100 % d'énergies renouvelables et indiquant même que la seule alternative aux EPR était le gaz, ce qui n'est pas souhaitable en termes d'émissions de dioxyde de carbone. Que pensez-vous de sa position ?
Avec d'autres collègues ici présents, j'ai eu l'occasion de me pencher, dans le cadre d'une commission d'enquête, sur les coûts complets des ENR, et de les comparer à ceux du nucléaire, tirés de précédents travaux : tout conduit à penser que l'avenir est plutôt aux ENR.
Au-delà de ce choix de long terme, il apparaît que l'électricité, en France, est très largement subventionnée, notamment au détriment des ENR thermiques. Quelle que soit son origine – qu'elle provienne du nucléaire ou des énergies renouvelables –, on n'est plus en mesure de promettre une électricité à moins de 60 ou 65 euros le mégawattheure, dans le meilleur des cas, alors que nos concitoyens paient 42 euros dans le cadre des tarifs régulés. Quel que soit le mode de production, ces 42 euros ne couvrent pas les coûts actuels. Ce prix trompeusement bas est contrebalancé par de nombreuses taxes, dont une partie sert à subventionner ce prix bas par différents mécanismes d'aide et de soutien, tant au nucléaire qu'aux ENR électriques.
À une époque où nos concitoyens demandent de la transparence, pourquoi ne sommes-nous pas plus transparents s'agissant du coût moyen de production de l'électricité ? C'est d'autant plus important que le manque d'adéquation entre la réalité du coût de production et le prix payé par le consommateur a pour effet pervers de dissuader l'efficacité énergétique, en envoyant le signal que l'électricité ne coûte pas cher. Qu'en pensez-vous ?
Madame la ministre, vous avez répondu partiellement à ma question, mais pourriez-vous nous dire plus en détail quelle visibilité la France souhaite donner aux acteurs du nucléaire, à moyen et long termes, en ce qui concerne le développement des réacteurs à neutrons rapides (RNR) ?
Vous avez évoqué le report du développement du réacteur ASTRID. J'ai été interpellée à ce propos par l'ancien Président de l'Assemblée nationale M. Bernard Accoyer, qui est maire délégué dans ma circonscription. Cette décision s'accorde avec la priorité donnée par le Gouvernement à l'évaluation et à la réussite des réacteurs de troisième génération avant d'envisager la mise en chantier d'un démonstrateur de taille industrielle. Cela dit, ce réacteur de quatrième génération peut apporter des réponses concernant le recyclage des matières radioactives, qui constitue à vos yeux, je le sais, une question primordiale. Vous avez demandé aux filières industrielles et au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de réfléchir au multirecyclage du combustible dans les réacteurs de troisième génération. Quelles sont les pistes proposées par les industriels ?
L'avenir de la filière nucléaire, c'est effectivement la quatrième génération de réacteurs, mais c'est aussi la perspective – bel et bien pragmatique et non pas utopique – de la fusion, en particulier avec le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER), qui est développé dans le département des Bouches-du-Rhône. Bien qu'il s'agisse d'une perspective de moyen voire de très long terme, quel regard portez-vous sur ce projet international qui permet de fédérer toutes les technologies en la matière dans un seul et même territoire ?
Madame Abba, la question des déchets bitumés est bien identifiée par mon ministère. Comme vous l'avez rappelé, nous avons souhaité faire appel aux meilleurs experts internationaux pour trouver la bonne façon de les traiter. Dans les conclusions qu'ils ont rendues fin juin 2019, les experts estiment que des études sur la « neutralisation » de ces déchets, si je puis dire, doivent encore être menées, et que les coûts des opérations d'enlèvement du bitume seront très élevés. De ce fait, ils préconisent que l'ANDRA affine ses scénarios de sûreté pour intégrer dans sa conception du stockage le risque lié aux déchets bitumés. Comme vous l'avez rappelé, nous attendons la réponse de l'ANDRA, étant entendu que l'hypothèse d'un classement de ces déchets dans la catégorie des déchets de faible activité à vie longue n'est pas envisagée – elle est même exclue.
Monsieur Schellenberger, la décision de fermer Fessenheim a été prise avant que je sois aux responsabilités. La fermeture du site était censée être coordonnée avec le démarrage de l'EPR de Flamanville. Compte tenu des incertitudes que cela faisait peser sur le territoire et sur les salariés, l'option retenue a finalement été d'adopter le calendrier que j'ai rappelé. L'indemnité qui sera versée à EDF s'élève à 400 millions d'euros pour ce qui est de la part fixe – nous verrons ensuite quel sera le niveau de la part variable ; il est préférable de ne pas en préjuger. Des crédits spécifiques accompagneront effectivement le projet de territoire, comme c'est le cas pour les sites accueillant des centrales à charbon. Tous les crédits de droit commun doivent, par ailleurs, être mobilisés. Je peux vous assurer que le Gouvernement prend la chose très au sérieux car, avec la fermeture de Fessenheim, il y va de notre capacité à démontrer que l'on sait accompagner des territoires en reconversion dans le cadre de la transition écologique.
Il existe bien un projet de technocentre. Vous me dites en substance : « Vous n'avez qu'à dire aux Allemands… ». Or l'Allemagne est un État souverain ; je ne peux pas dire aux Allemands qu'ils doivent avoir une autre conception du nucléaire et des conditions de gestion de leurs déchets. Toutefois, je ne doute pas que nous saurons faire émerger des projets – en tout cas, je puis vous assurer que cela est au coeur de nos préoccupations. Par exemple, nous avons lancé un appel à projets spécifique pour le solaire. Nous ferons le nécessaire pour accompagner au mieux le territoire. Il me semble que les élus en sont convaincus ; en tout cas, c'est ce qui ressort des échanges que nous avons concernant la préparation du contrat de transition du territoire.
S'agissant de la centrale de Golfech, Madame Toutut-Picard, l'ASN mène des inspections régulières et, chaque année, inspecte une centrale de façon plus approfondie. Le contrôle mené à Golfech par l'ASN est donc normal. L'agence en a conclu que la centrale de Golfech devait faire l'objet d'une surveillance rapprochée. Cela veut dire qu'EDF doit produire un plan d'action pour répondre à l'ASN. Celle-ci veillera à ce que toutes les réponses soient apportées, y compris celles concernant des process qui, selon les conclusions de l'inspection approfondie, doivent être resserrés ou confortés. L'ASN n'a pas manifesté d'inquiétude particulière, elle a lancé des alertes. Ce faisant, elle est totalement dans son rôle. La responsabilité de l'exploitant est de répondre point par point à ces alertes. C'est là le mode de fonctionnement normal entre l'Autorité de sûreté nucléaire et l'exploitant.
Monsieur Maquet, je suis un peu surprise. À vous entendre, on a l'impression que le choix de ramener la part de l'électricité d'origine nucléaire à 50 % est contesté. Or la question a été débattue à l'occasion de l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, puis de nouveau lors de l'examen du projet de loi relatif à l'énergie et au climat. Je pense que nous partageons tous la préoccupation d'assurer la sécurité de l'approvisionnement de notre pays, et la diversification du mix électrique y participe bien. Je ne vais pas vous rappeler l'historique de Fukushima, avec ses défauts génériques et les conséquences qu'ils peuvent avoir. Tous ces éléments amènent à considérer qu'une bonne politique énergétique repose sur un mix diversifié. C'est ce que nous avons prévu dans le cadre de la loi relative à l'énergie et au climat ; c'est aussi l'orientation de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Cela suppose un développement des énergies renouvelables, auquel nous consacrons effectivement des montants importants, ce qui ne nous empêche pas de faire de même pour la rénovation énergétique des logements, par exemple – à raison de 3,5 milliards d'euros par an.
Tous ces chantiers, il faut les mener de front. C'est précisément la stratégie qui est inscrite dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et l'objectif de la stratégie nationale bas-carbone. La mise en consultation de ces documents, qui aura lieu prochainement, sera l'occasion de montrer que nous nous attaquons au problème de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, avec une politique cohérente. C'est bien de cette manière que nous atteindrons nos objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 et, au-delà, la neutralité carbone à l'horizon 2050. La diversification est indispensable.
Nous avons déjà évoqué la délicate question des déchets nucléaires. On ne saurait considérer que ce n'est qu'un petit sujet : il s'agit de déchets qui vont subsister pendant des centaines de milliers d'années. Voilà qui est de nature à pondérer l'intérêt du nucléaire, que vous souligniez, Monsieur Maquet, à propos des émissions de gaz à effet de serre.
Vous avez évoqué, Monsieur Potier, les déchets et la façon dont on gère ceux qui ne sont pas recyclables. C'est tout l'objet du débat qui a eu lieu dans le cadre du PNGMDR. Comme je l'ai dit, nous aurons l'occasion de donner de premières indications en février sur les suites qui seront données au rapport de la Commission nationale du débat public. Ensuite, un plan sera élaboré au cours du premier semestre 2020 et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sera saisi. Le Parlement sera donc bien associé aux suites que nous donnerons à ce débat, préalablement à l'adoption du nouveau plan, en 2021. La loi prévoit que le Parlement doit être consulté préalablement à la finalisation de notre nouveau plan de gestion des déchets nucléaires, et ce sera bien le cas.
Oui, Monsieur Fugit, la filière nucléaire peut s'inspirer de ce qui se fait dans d'autres secteurs ; je pense qu'elle en a conscience. C'est vrai notamment en ce qui concerne les relations au sein de la filière – question qui fait d'ailleurs partie des éléments soulignés dans le plan d'action Excell. Dans la filière aéronautique, par exemple, les fournisseurs ne changent pas leurs procédés sans la validation du donneur d'ordre. Une telle pratique me semble indispensable au regard des impératifs de sûreté qui s'imposent dans le domaine du nucléaire. Par ailleurs, dans la filière aéronautique – je ne veux pas en faire la panacée, mais force est de constater qu'elle est très bien organisée, alors que bien souvent, dans notre pays, on déplore un manque de coordination dans les actions –, il existe un partage de données et des outils communs. De plus, comme vous l'avez souligné, elle travaille à une gestion prévisionnelle des compétences en coordination avec l'éducation nationale, les filières d'enseignement supérieur et, plus largement, les différentes structures de formation. Cela permet de s'assurer que l'on dispose bien des compétences requises, qu'il s'agisse de compétences spécifiques ou de savoir-faire répondant à des besoins plus globaux de notre industrie, comme c'est le cas pour les métiers de la chaudronnerie et de la soudure. Un travail en ce sens a été engagé, et le Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) sera le pendant du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). Il est très important, effectivement, que la filière se structure de cette manière.
En ce qui concerne la liste des quatorze réacteurs à fermer, Monsieur Straumann, il s'agira de réacteurs de 900 mégawatts, et l'objectif est de ne pas fermer des sites entiers.
On peut dire, en effet, que Fessenheim ne répond pas au cahier des charges qui sera celui des futurs sites.
EDF a mené une réflexion sur la liste des sites. Je partage tout à fait ce que vous avez dit, Monsieur Straumann, quant à la nécessité que les décisions soient annoncées suffisamment à l'avance pour que l'on puisse mieux anticiper les conséquences des fermetures. C'est une préoccupation que nous avons bien en tête.
S'agissant du Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), c'est effectivement un sujet sur lequel nous échangeons avec le ministère de la cohésion des territoires et le ministère de l'action et des comptes publics. Le travail doit se poursuivre en 2020 et des dispositions devraient être inscrites dans le projet de loi de finances pour 2021. Là encore, il s'agit d'un problème qui est bien identifié.
Monsieur Adam, je vous confirme que nous aurons à prendre des décisions en tenant compte de différents critères, en particulier celui du coût des différentes énergies. Comme je l'ai dit, nous consacrons 5 milliards d'euros au soutien aux énergies renouvelables. Ce montant est largement lié à des décisions datant d'une époque où les coûts étaient beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont maintenant. C'est ce qui a conduit à renégocier les prix pour les premiers parcs offshore. À Dunkerque, dans le cadre du dernier parc offshore dont la création a été décidée, le coût est de 44 euros le mégawattheure, ce qui est extrêmement compétitif. Le coût de l'éolien terrestre, quant à lui, est appelé à baisser, pour s'établir aux alentours de 60 euros le mégawattheure. Il faut avoir ces chiffres en tête, et il conviendra de les comparer à celui des nouveaux modes de production d'électricité d'origine nucléaire, de manière à faire un choix parfaitement éclairé.
À cet égard, le choix du meilleur scénario énergétique pour notre pays n'a rien à voir avec les croyances des uns et des autres dans ce domaine. Ce n'est pas ainsi qu'on mène une bonne politique publique. Moins on a de préjugés, moins on raisonne en termes de croyance, et, au contraire, plus on se fonde sur des faits, plus on prend des décisions qui vont dans le sens de l'intérêt général.
C'est bien dans ce sens que nous allons travailler : nous mettrons tous les éléments sur la table, les avantages mais aussi les inconvénients des différents scénarios. Ainsi, nous serons en mesure de prendre les meilleures décisions possibles.
En ce qui concerne les coûts de l'électricité, Madame Meynier-Millefert, le soutien est effectivement important : 5 milliards d'euros par an, je le disais. En définitive, c'est l'écart entre le prix de vente et le prix de revient de ces énergies. Il est certain que si les prix de vente couvraient tous les coûts, ce serait extrêmement incitatif en termes d'économies d'énergie. Toutefois, nos concitoyens ont eu l'occasion de nous rappeler, l'an dernier, qu'ils étaient aussi très attachés à ce que l'on maîtrise le prix des énergies, notamment de celles dont ils ne peuvent pas se passer. Nous devons donc trouver un équilibre : il faut à la fois faire en sorte de ne pas vendre l'énergie à un prix tellement bas qu'il n'y a pas d'intérêt à faire des économies d'énergie et être très attentif à son poids sur le pouvoir d'achat de nos concitoyens. En effet, certains sont dépendants des énergies fossiles et ne peuvent pas absorber le choc provoqué par une diminution de l'efficacité des dispositifs de soutien.
Oui, Madame Kerbarh, la filière nucléaire aura de la visibilité. Je suis bien consciente de cette attente, mais nous ne la lui donnerons qu'une fois que nous aurons examiné tous les scénarios et que nous saurons quel est celui qui correspond le mieux à l'intérêt général.
En ce qui concerne les études sur les futurs réacteurs, qu'il s'agisse des réacteurs à neutrons rapides ou du projet ITER, ce sont effectivement des pistes qu'il faut absolument continuer à creuser. Quand on raisonne sur des projets tels que les réacteurs à neutrons rapides, il faut s'interroger non seulement sur le réacteur en lui-même, mais aussi sur l'alimentation en combustible – comment on le produit et comment on le recycle. C'est précisément ce que nous avons fait avec le CEA. Or on constate que les coûts de développement sont très importants, pour un gain qui n'apparaît pas avéré, compte tenu notamment des besoins en uranium et de l'état du marché de ce combustible. Ce sont évidemment des technologies sur lesquelles il faut continuer travailler – ce qui est bien le cas –, mais cela ne justifie pas que l'on passe dans l'immédiat à la phase des démonstrateurs en grandeur réelle.
La France accueille effectivement le projet ITER, dans lequel elle a toujours été très impliquée. L'objet du programme est bien de démontrer la faisabilité technologique de la fusion. Une première étape importante sera atteinte en 2025, avec la mise en oeuvre du premier plasma. La pleine exploitation du réacteur est, quant à elle, prévue en 2035. Nous sommes pleinement engagés dans ce projet. Des décisions devront être prises au niveau européen cette année concernant la poursuite de son accompagnement, et je pense que nous continuerons à nous impliquer dans son développement, comme nous l'avons fait jusqu'à maintenant.
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Informations relatives à la commission
La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a nommé :
– Mme Yolaine de Courson et M. Hubert Wulfranc, rapporteurs sur la mise en application de la loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires ;
– Mme Barbara Pompili et M. Jean-Marie Sermier, rapporteurs sur la mise en application de la loi n° 2019-773 du 24 juillet 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité, modifiant les missions des fédérations des chasseurs et renforçant la police de l'environnement.
Membres présents ou excusés
Réunion du mercredi 8 janvier 2020 à 16 h 35
Présents. - Mme Bérangère Abba, Mme Valérie Beauvais, Mme Danielle Brulebois, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Yolaine de Courson, Mme Nadia Essayan, M. Jean-Luc Fugit, Mme Stéphanie Kerbarh, M. François-Michel Lambert, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. Patrick Loiseau, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Jimmy Pahun, Mme Mathilde Panot, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, Mme Barbara Pompili, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, M. Vincent Thiébaut, Mme Élisabeth Toutut-Picard, M. Pierre Vatin, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Christophe Bouillon, M. Yannick Haury, M. Jacques Krabal, Mme Célia de Lavergne, Mme Sandra Marsaud, M. Martial Saddier, M. Hubert Wulfranc
Assistaient également à la réunion. - M. Guy Bricout, M. Raphaël Schellenberger