Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mercredi 8 janvier 2020 à 16h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

Nos voisins allemands privilégient justement les solutions de stockage, notamment de l'hydrogène.

Contrairement à ce que certains ont dit de façon caricaturale, nous avons adopté la bonne démarche en nous donnant le temps d'examiner tous les scénarios, de façon rationnelle et sans a priori. Notre objectif est simple : avoir une production d'électricité décarbonée à un coût abordable pour les citoyens comme pour les entreprises. C'est le sens de la démarche qui est engagée avec EDF, avec l'AIE, qui a une vision mondiale de la question, mais aussi avec RTE, qui est chargé de la sécurité de notre approvisionnement – au sens de l'équilibre entre l'offre et la demande. Il est évident que, dans le mix énergétique de demain, les réseaux auront une place très importante.

Nous devons aller au bout de cette démarche, faire preuve de rationalité et de sérieux, afin de disposer de l'ensemble des éléments d'ici au milieu de l'année 2021. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les décisions sur ce sujet seraient prises après le démarrage de l'EPR de Flamanville.

En attendant, la trajectoire est claire, puisque nous aurons, en 2035, ramené la part du nucléaire à 50 %. Nous ne nous contentons pas d'afficher de grands objectifs, nous en exposons aussi les conséquences : nous devrons fermer quatorze réacteurs supplémentaires, ce qui n'est pas rien pour nos territoires. Notre devoir est d'accompagner de façon exemplaire les territoires concernés par ces fermetures. C'est ce que nous sommes en train de faire à Fessenheim et ce que nous devrons faire sur chacun des sites. D'une manière générale, si nous voulons que nos concitoyens adhèrent à la transition écologique, il importe de montrer que si certains emplois disparaissent, d'autres se créent aussi.

C'est dans ce cadre qu'EDF travaille à la création d'un technocentre de valorisation des métaux à Fessenheim. Ce projet viserait un marché plus large que le simple démantèlement de Fessenheim. J'ai eu des échanges avec mes homologues allemands – j'utilise le pluriel, parce que l'énergie et l'environnement ne sont pas pris en charge par le même ministre en Allemagne. Je ne peux pas vous dire qu'il y ait de grands signes d'ouverture de la part de nos voisins sur l'utilisation d'un technocentre qui supposerait, pour eux, de déplacer des déchets nucléaires au-delà de leur frontière. Très franchement, je ne crois pas vraiment à la concrétisation de cette piste.

Pour revenir au rapport de M. Jean-Martin Folz, les difficultés qu'il pointe sont de natures diverses et je ne crois pas que l'on puisse dire qu'elles s'expliquent par le seul fait que nous n'aurions pas poursuivi au même rythme la construction de nouvelles centrales nucléaires. Le parc nucléaire existant fait l'objet d'investissements considérables de façon continue, qu'il s'agisse du remplacement de composants importants ou du programme de grand carénage qui représente des sommes considérables. La filière doit aller au-delà du raisonnement selon lequel les choses iraient mieux si elle avait des commandes nombreuses : il faut qu'elle réfléchisse aux différents points précisément soulevés par M. Jean-Martin Folz.

C'est, du reste, ce qu'elle est en train de faire, avec le programme Excell présenté par EDF. Ce programme doit être complété, en mars, par un plan d'action plus global concernant l'ensemble de la filière. Je demanderai à mon ministère d'organiser une expertise indépendante des différents plans d'action pour m'assurer que les enjeux critiques y sont correctement pris en compte. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sera évidemment associée à cette démarche. Un enjeu important consistera à évaluer l'efficacité de la mise en oeuvre de ces différents plans dans la durée. EDF devra, pour ce faire, préciser les modalités de suivi et les indicateurs de performance.

S'agissant des projets de construction d'EPR à l'international, ce que l'on peut dire aujourd'hui, c'est qu'il n'y a pas de projet concret de nouveau réacteur en Chine, en plus des deux réacteurs qui ont été mis en service à Taishan. Des discussions sont en cours en Inde, mais le cadre juridique et les modalités de financement de ce projet ne sont pas encore précisés. Je rappelle que notre coopération avec la Chine se poursuit au Royaume-Uni, notamment pour les deux réacteurs d'Hinkley Point C, le programme de Sizewell et la certification du modèle Hualong de l'énergéticien chinois CGN.

En matière de flexibilité, il est clair que le parc français est aujourd'hui manoeuvrable et qu'il contribue à la stabilisation de notre production d'électricité, en tout cas à l'adéquation entre l'offre et la demande. L'hydroélectricité joue, elle aussi, un rôle important en la matière, mais le vieillissement des installations rend le parc moins pilotable qu'il a pu l'être par le passé. Il importe évidemment, dans un mix qui comporte une part d'énergie intermittente, d'avoir aussi un parc pilotable. Les scénarios « 100 % énergies renouvelables » supposent, quant à eux, de réfléchir à la question du stockage et à celle de l'effacement.

D'un point de vue technologique, EDF examine les conditions de faisabilité d'un programme d'EPR, mais on envisage également d'utiliser des réacteurs plus petits, les SMR (Small Modular Reactors), qui font aussi l'objet de recherches dans d'autres pays. Aujourd'hui, on en est encore au stade du concept, et de telles installations ne devraient donc pas voir le jour avant 2025, voire 2030. La technologie dite des réacteurs à sels fondus, enfin, a l'intérêt de produire moins de déchets, mais elle offre aussi de moindres garanties en matière de sûreté, et la faisabilité d'un réacteur de puissance n'a pas encore été démontrée. Je ne suis pas sûre qu'il faille multiplier les technologies : concentrons-nous sur l'EPR qui a été mis en production à Taishan et qui devrait l'être à Flamanville, et poursuivons les réflexions sur les SMR.

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