Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mercredi 8 janvier 2020 à 16h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire :

Madame Abba, la question des déchets bitumés est bien identifiée par mon ministère. Comme vous l'avez rappelé, nous avons souhaité faire appel aux meilleurs experts internationaux pour trouver la bonne façon de les traiter. Dans les conclusions qu'ils ont rendues fin juin 2019, les experts estiment que des études sur la « neutralisation » de ces déchets, si je puis dire, doivent encore être menées, et que les coûts des opérations d'enlèvement du bitume seront très élevés. De ce fait, ils préconisent que l'ANDRA affine ses scénarios de sûreté pour intégrer dans sa conception du stockage le risque lié aux déchets bitumés. Comme vous l'avez rappelé, nous attendons la réponse de l'ANDRA, étant entendu que l'hypothèse d'un classement de ces déchets dans la catégorie des déchets de faible activité à vie longue n'est pas envisagée – elle est même exclue.

Monsieur Schellenberger, la décision de fermer Fessenheim a été prise avant que je sois aux responsabilités. La fermeture du site était censée être coordonnée avec le démarrage de l'EPR de Flamanville. Compte tenu des incertitudes que cela faisait peser sur le territoire et sur les salariés, l'option retenue a finalement été d'adopter le calendrier que j'ai rappelé. L'indemnité qui sera versée à EDF s'élève à 400 millions d'euros pour ce qui est de la part fixe – nous verrons ensuite quel sera le niveau de la part variable ; il est préférable de ne pas en préjuger. Des crédits spécifiques accompagneront effectivement le projet de territoire, comme c'est le cas pour les sites accueillant des centrales à charbon. Tous les crédits de droit commun doivent, par ailleurs, être mobilisés. Je peux vous assurer que le Gouvernement prend la chose très au sérieux car, avec la fermeture de Fessenheim, il y va de notre capacité à démontrer que l'on sait accompagner des territoires en reconversion dans le cadre de la transition écologique.

Il existe bien un projet de technocentre. Vous me dites en substance : « Vous n'avez qu'à dire aux Allemands… ». Or l'Allemagne est un État souverain ; je ne peux pas dire aux Allemands qu'ils doivent avoir une autre conception du nucléaire et des conditions de gestion de leurs déchets. Toutefois, je ne doute pas que nous saurons faire émerger des projets – en tout cas, je puis vous assurer que cela est au coeur de nos préoccupations. Par exemple, nous avons lancé un appel à projets spécifique pour le solaire. Nous ferons le nécessaire pour accompagner au mieux le territoire. Il me semble que les élus en sont convaincus ; en tout cas, c'est ce qui ressort des échanges que nous avons concernant la préparation du contrat de transition du territoire.

S'agissant de la centrale de Golfech, Madame Toutut-Picard, l'ASN mène des inspections régulières et, chaque année, inspecte une centrale de façon plus approfondie. Le contrôle mené à Golfech par l'ASN est donc normal. L'agence en a conclu que la centrale de Golfech devait faire l'objet d'une surveillance rapprochée. Cela veut dire qu'EDF doit produire un plan d'action pour répondre à l'ASN. Celle-ci veillera à ce que toutes les réponses soient apportées, y compris celles concernant des process qui, selon les conclusions de l'inspection approfondie, doivent être resserrés ou confortés. L'ASN n'a pas manifesté d'inquiétude particulière, elle a lancé des alertes. Ce faisant, elle est totalement dans son rôle. La responsabilité de l'exploitant est de répondre point par point à ces alertes. C'est là le mode de fonctionnement normal entre l'Autorité de sûreté nucléaire et l'exploitant.

Monsieur Maquet, je suis un peu surprise. À vous entendre, on a l'impression que le choix de ramener la part de l'électricité d'origine nucléaire à 50 % est contesté. Or la question a été débattue à l'occasion de l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, puis de nouveau lors de l'examen du projet de loi relatif à l'énergie et au climat. Je pense que nous partageons tous la préoccupation d'assurer la sécurité de l'approvisionnement de notre pays, et la diversification du mix électrique y participe bien. Je ne vais pas vous rappeler l'historique de Fukushima, avec ses défauts génériques et les conséquences qu'ils peuvent avoir. Tous ces éléments amènent à considérer qu'une bonne politique énergétique repose sur un mix diversifié. C'est ce que nous avons prévu dans le cadre de la loi relative à l'énergie et au climat ; c'est aussi l'orientation de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Cela suppose un développement des énergies renouvelables, auquel nous consacrons effectivement des montants importants, ce qui ne nous empêche pas de faire de même pour la rénovation énergétique des logements, par exemple – à raison de 3,5 milliards d'euros par an.

Tous ces chantiers, il faut les mener de front. C'est précisément la stratégie qui est inscrite dans la programmation pluriannuelle de l'énergie et l'objectif de la stratégie nationale bas-carbone. La mise en consultation de ces documents, qui aura lieu prochainement, sera l'occasion de montrer que nous nous attaquons au problème de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, avec une politique cohérente. C'est bien de cette manière que nous atteindrons nos objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2030 et, au-delà, la neutralité carbone à l'horizon 2050. La diversification est indispensable.

Nous avons déjà évoqué la délicate question des déchets nucléaires. On ne saurait considérer que ce n'est qu'un petit sujet : il s'agit de déchets qui vont subsister pendant des centaines de milliers d'années. Voilà qui est de nature à pondérer l'intérêt du nucléaire, que vous souligniez, Monsieur Maquet, à propos des émissions de gaz à effet de serre.

Vous avez évoqué, Monsieur Potier, les déchets et la façon dont on gère ceux qui ne sont pas recyclables. C'est tout l'objet du débat qui a eu lieu dans le cadre du PNGMDR. Comme je l'ai dit, nous aurons l'occasion de donner de premières indications en février sur les suites qui seront données au rapport de la Commission nationale du débat public. Ensuite, un plan sera élaboré au cours du premier semestre 2020 et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sera saisi. Le Parlement sera donc bien associé aux suites que nous donnerons à ce débat, préalablement à l'adoption du nouveau plan, en 2021. La loi prévoit que le Parlement doit être consulté préalablement à la finalisation de notre nouveau plan de gestion des déchets nucléaires, et ce sera bien le cas.

Oui, Monsieur Fugit, la filière nucléaire peut s'inspirer de ce qui se fait dans d'autres secteurs ; je pense qu'elle en a conscience. C'est vrai notamment en ce qui concerne les relations au sein de la filière – question qui fait d'ailleurs partie des éléments soulignés dans le plan d'action Excell. Dans la filière aéronautique, par exemple, les fournisseurs ne changent pas leurs procédés sans la validation du donneur d'ordre. Une telle pratique me semble indispensable au regard des impératifs de sûreté qui s'imposent dans le domaine du nucléaire. Par ailleurs, dans la filière aéronautique – je ne veux pas en faire la panacée, mais force est de constater qu'elle est très bien organisée, alors que bien souvent, dans notre pays, on déplore un manque de coordination dans les actions –, il existe un partage de données et des outils communs. De plus, comme vous l'avez souligné, elle travaille à une gestion prévisionnelle des compétences en coordination avec l'éducation nationale, les filières d'enseignement supérieur et, plus largement, les différentes structures de formation. Cela permet de s'assurer que l'on dispose bien des compétences requises, qu'il s'agisse de compétences spécifiques ou de savoir-faire répondant à des besoins plus globaux de notre industrie, comme c'est le cas pour les métiers de la chaudronnerie et de la soudure. Un travail en ce sens a été engagé, et le Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN) sera le pendant du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS). Il est très important, effectivement, que la filière se structure de cette manière.

En ce qui concerne la liste des quatorze réacteurs à fermer, Monsieur Straumann, il s'agira de réacteurs de 900 mégawatts, et l'objectif est de ne pas fermer des sites entiers.

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