M. Van Dijck a parlé d'une volonté de garder la maîtrise, « keep control ». Il est vrai qu'il y avait cette idée dans le vote pour le Brexit au Royaume-Uni. Ce sentiment a également pu être présent au Brésil, aux États-Unis, au Mexique ou en Colombie. On peut y voir une corrélation avec ce qui se passe dans l'Union européenne, mais pas une relation de cause à effet. Au final, la vraie question est de savoir dans quelle mesure les Britanniques auront repris le contrôle, après avoir quitté l'Union européenne, dans un monde où les enjeux sont transnationaux.
Je ne suis pas un expert des questions de défense, mais je voudrais souligner deux points concernant les investissements en matière de défense. Le premier est que la défense est un domaine compliqué parce qu'on doit investir avant d'en avoir besoin. Lorsqu'on en a besoin, il est trop tard pour investir. Le deuxième est que c'est une politique qui demande de la constance. Nous avons un porte-avions nucléaire, ce n'est pas une technologie que vous pouvez mettre au point en six mois si le besoin s'en fait sentir. La plus grande partie de l'industrie de défense aujourd'hui, et encore plus dans le futur, exigera encore plus d'investissements, très en amont et sur des périodes longues pour être efficaces.
Je suis d'accord qu'il existe une discussion philosophique intéressante sur qui prendra la décision, le cas échéant, mais c'est une discussion très théorique sur ce qui pourrait se passer dans un demi-siècle. Plutôt que de commencer par la discussion philosophique sur qui appuiera sur la gâchette quand il y aura une défense européenne harmonisée, la question aujourd'hui est de savoir comment nous pouvons être plus efficaces pour préserver une capacité technologique et industrielle européenne de produire nos outils de défense. Nous sommes très loin de l'étape où nous aurons une armée européenne au sens où on l'entend communément.
Dernier point sur « l'enveloppe bleue » et sur les ressources propres. Vous avez parlé de mécanismes, par exemple, sur les émissions des véhicules ou leurs effets. Vous pouvez arguer qu'il y a une « enveloppe bleue » pour les citoyens européens si le prix de la voiture augmente ; c'est une taxation d'une certaine manière, il ne reçoit pas une enveloppe bleue à sa porte, mais il paie par sa consommation. Ce qui est évoqué comme ressource propre aujourd'hui n'est pas une taxation directe des citoyens européens, mais une taxation des produits qui arrivent dans le marché unique avec des qualités environnementales inférieures à celles qui y sont exigées. Il n'est pas question de créer un pouvoir fiscal comme celui que les États peuvent avoir, c'est-à-dire un pouvoir de taxation directe sur les citoyens, mais de tirer une ressource propre d'une meilleure régulation des produits qui arrivent sur le marché européen. On peut débattre de la qualification de taxation ou non, mais je ne pense pas qu'il y ait une opposition de fond entre nos positions.