Cher Jean-Yves Le Drian, notre commission vous présente ses meilleurs voeux, pour vous-même et pour le monde. Votre audition a lieu à un moment où les situations de conflit s'accumulent. Certes, c'est souvent le cas, mais c'est particulièrement vrai en ce début d'année 2020.
Ces derniers temps ont ainsi vu la montée continue des tensions entre les États-Unis et l'Iran, chacune de ces deux puissances ayant sa part de responsabilité : attaques successives de part et d'autre, violences contre l'ambassade des États-Unis à Bagdad par la mobilisation populaire, élimination le 3 janvier à Bagdad, sur ordre du Président des États-Unis, de Soleimani, riposte contre des bases américaines en Irak, avion abattu par des missiles iraniens, terrible drame ayant fait 176 morts, dont 82 Iraniens et donnant lieu à de nombreuses manifestations contre le régime.
Depuis le premier jour, la France plaide avec raison pour la désescalade, tant les risques de déflagration dans cette partie du monde sont importants. Vous nous direz s'il y a un chemin pour faire baisser les tensions dans la région, pour maintenir l'engagement de la coalition à lutter contre Daech, et s'il subsiste encore un espoir de faire vivre l'accord de Vienne sur le nucléaire.
En Libye, les risques de chaos s'aggravent. Les interventions étrangères sont de plus en plus manifestes. L'accord donné le 2 janvier par le Parlement turc au déploiement de soldats est de nature à nous inquiéter. Sur le terrain, des supplétifs syriens seraient engagés auprès de Fayez el-Sarraj, tandis que des mercenaires russes le seraient auprès du maréchal Haftar. Un cessez-le-feu est entré en vigueur dimanche 12 janvier à minuit, mais les discussions à Moscou, qui devaient le consolider, n'ont pas abouti. La tenue de la conférence à Berlin, ce dimanche 19 janvier, laisse espérer une amélioration.
En tout état de cause, il n'y aura pas de solution durable sans l'implication de l'Union africaine et de la Ligue arabe.
Par ailleurs, alors que la découverte d'importants gisements de gaz naturel exacerbe les tensions en Méditerranée orientale, la Turquie a signé un accord avec le gouvernement libyen sur la délimitation des zones maritimes. Ce texte viole la zone économique exclusive grecque, et nous le condamnons. Vous nous direz si des avancées ont été constatées à la réunion qui s'est tenue il y a quelques jours au Caire, où vous étiez présent avec vos homologues grec, chypriote, italien, et égyptien.
Au Sahel, la situation sécuritaire reste très précaire et semble même s'aggraver. Au sommet de Pau, les chefs d'État du G5 Sahel ont souhaité la poursuite de l'engagement militaire de la France et la poursuite de la présence européenne incluant nos alliés dans le cadre de la coalition. Les efforts militaires seront désormais concentrés dans la région des trois frontières, sous le commandement conjoint de la force Barkhane et de la force conjointe du G5 Sahel. Mais nous savons que la réponse à la crise du Sahel devra aussi être politique, sociétale, économique et sociale.
L'avenir du Partenariat oriental mérite également toute notre attention.
Je commencerai par l'Ukraine. La France, qui joue un rôle clé au sein du format Normandie, a accueilli le 9 décembre, à Paris, le premier sommet de paix organisé depuis 2016. Des avancées ont été constatées, rendues possibles par la nouvelle donne politique en Ukraine, par un échange historique de prisonniers, dont le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, et par la signature d'un nouveau contrat pour cinq ans sur le transit du gaz russe.
Autre conflit, celui du Haut-Karabagh, qui perdure depuis 1988. Le changement de gouvernement en Arménie a créé là aussi une nouvelle donne dont il faut profiter pour tenter de sortir de ce « conflit gelé ». La France co-préside le groupe de Minsk avec les États-Unis et la Russie. Nous souhaitons que notre diplomatie continue de s'engager pour faire évoluer cette situation.
Deux sujets vont enfin appeler, ces prochaines années, une action collective de long terme. Celui du futur partenariat entre le Royaume-Uni et l'Union européenne, et des relations bilatérales, en particulier en matière de défense et de sécurité entre nos deux pays. Notre commission s'est saisie de cette question en créant une mission d'information. Et celui de la nécessaire mobilisation internationale pour la défense de l'environnement, car les incendies sans précédent qui ravagent l'Australie nous montrent une fois de plus le prix de l'inaction en matière climatique.
Face à ces crises, à ces conflits, à ces grands déséquilibres, quels sont, monsieur le ministre, nos espoirs et nos perspectives ?