Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 16h05
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Monsieur le ministre, je n'aborderai que le dossier de l'Iran. Si, sur tout le reste, la situation est difficile, la ligne est claire, ce qui nous permet de savoir quels sont nos objectifs – que nous ne sommes cependant pas toujours certains de pouvoir atteindre. Pour ce qui est de l'Iran, je dois dire que je suis extrêmement perplexe. Nous avons jusqu'à présent réprouvé, à juste titre, les orientations fondamentales de la politique américaine depuis une vingtaine d'années. Nous pensions que l'intervention américaine en Irak produirait des résultats catastrophiques et cela a été le cas. De même, nous pensions que la renonciation aux accords de Vienne sur le contrôle nucléaire iranien aboutirait à un désastre et nous voyons bien aujourd'hui que nous sommes engagés dans un processus extrêmement dangereux. Nous avions toutes les raisons de penser cela : l'armée israélienne disait qu'il n'y avait pas d'option militaire crédible pour arrêter le processus de nucléarisation, ce qui confirmait que la non-prolifération passait par cet accord, et il paraissait évident que l'ouverture du régime sur l'économie occidentale était une bonne chose pour son assouplissement. Nous avions donc sur cette question une position aussi solide que légitime, mais le président Trump en a décidé autrement.

Cependant, on ne peut nier que les décisions récemment prises par le président Trump soient cohérentes sur le plan tactique. Il a accompli un acte de légitime défense par rapport aux menaces pesant sur l'ambassade américaine à Bagdad – des menaces qui, pour les Américains, font inévitablement penser à l'attaque subie par leur ambassade à Téhéran en 1979 –, il a fait en sorte de rétablir son autorité vis-à-vis des sunnites, alors qu'elle se trouvait affaiblie par sa passivité dans des affaires récentes, enfin il a engagé un processus de confrontation avec le régime iranien, qui trouve à l'évidence un écho dans les manifestations qu'on observe à Téhéran et ailleurs.

Si cette stratégie n'est pas la nôtre – elle est même contraire à la nôtre –, elle n'en est pas moins une véritable stratégie, face à laquelle on s'explique mal la position française tout en retenue. Il est clair que nous n'avons pas la moindre chance de conduire le président américain à renoncer à sa politique, qui ne laisse au régime iranien aucun espoir, aucune possibilité – légitime ou pas – d'agir. Pour les raisons que j'ai indiquées, nous n'avons pas condamné l'intervention américaine, mais il faut tout de même se demander quel choix s'offre encore aux Iraniens, sinon celui consistant à persévérer dans leur politique actuelle, à tenter de déstabiliser, par des actions militaires plus ou moins importantes, la situation en Irak afin d'inciter les Américains à partir, et à poursuivre leur programme de prolifération nucléaire.

Face à cette situation, il me semble que la retenue représente un non-choix : nous ne pouvons continuer à éviter de choisir notre camp – et je ne peux m'empêcher de penser à la phrase de Malraux selon laquelle le monde est devenu trop tragique pour croire aux troisièmes voies.

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