J'étais tenté d'intervenir, moi aussi, sur une question à laquelle a fait allusion notre collègue El Guerrab, celle du soutien de la France à certains chefs d'État africains, qualifiés de dictateurs par leurs opposants – je pense aux élections au Togo et aux questions qui se posent au Cameroun ou au Mali, mais aussi aux accords de défense que la France peut avoir avec certains États. De tels accords se transforment parfois en autre chose, comme on a pu le voir au Tchad et surtout en Tunisie, où Michèle Alliot-Marie, alors ministre des affaires étrangères, avait proposé l'aide de la France aux policiers tunisiens afin de maintenir l'ordre et de ramener la paix. Pour les populations locales, de telles pratiques peuvent s'assimiler à une ingérence politique de la France, favorisant le maintien au pouvoir de dictateurs. Ce n'est pas le sujet de notre réunion, mais la France ne peut que se sentir interpellée par le contexte des élections qui vont avoir lieu prochainement dans certains États d'Afrique. Les conditions dans lesquelles les élections vont se dérouler, la reconnaissance de leurs résultats, les tensions occasionnées par cet événement politique, déjà à l'origine de centaines, voire de milliers de morts dans certains pays – ce qui ne semble pas émouvoir grand monde –, ce sont là autant de sujets qui devraient intéresser la France.
J'apprécie, monsieur le ministre, que vous fassiez la démonstration que la déstabilisation dans certaines régions conduise souvent à des situations compliquées, voire sans issue. Quand j'ai fait mes débuts en politique, on voyait à la télévision Tarek Aziz, ministre irakien des affaires étrangères, expliquer que son pays ne détenait pas d'armes de destruction massive. Cela n'a pas empêché les États-Unis de lancer une intervention militaire qui a mis l'Irak dans l'état que l'on connaît aujourd'hui, et dont on n'est pas près de sortir.
Devenu député, j'ai vu le ministre Kouchner, l'un de vos prédécesseurs, nous expliquer qu'il était urgent de faire de l'ingérence humanitaire en Libye, ce qui fut fait et eut pour résultat de déstabiliser complètement ce pays, qui se trouve aujourd'hui dans une situation tellement grave qu'on ne sait plus comment s'en sortir, comme vous venez de l'expliquer. Cela conduit à envisager des accords bizarres entre la Turquie et la Libye, faisant fi des droits des États souverains situés dans la région.
Comme on le voit, l'intervention militaire n'est pas, n'a jamais été la solution : au contraire, elle aggrave la situation plutôt qu'elle ne la résout. Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous êtes à la tête de la diplomatie française, qui doit avoir le courage de prendre position – je suis d'accord sur ce point avec Jean-Louis Bourlanges.
La diplomatie, ce n'est pas la neutralité : c'est le courage politique de dire, sur telle ou telle question, quelle est la position de notre pays. Dans le rapport sur l'arme nucléaire que Michel Fanget et moi-même avons écrit en 2107, nous alertions déjà sur la situation et disions qu'il fallait défendre nos positions avec force, ce qui n'est pas le cas. Quels sont en effet les résultats des réunions de l'Assemblées générale des Nations unies et des conférences sur le désarmement ? Il n'en sort rien.