Du 3 septembre au 25 novembre s'est tenu le Grenelle des violences conjugales, voulu par le Gouvernement et piloté par Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Ce moment important a entraîné une réelle mobilisation dans tous les territoires et toutes les sphères de notre société. Le Grenelle était nécessaire et nous y avons pris toute notre part. La présente proposition de loi, fruit des travaux menés, en reprend les mesures d'ordre législatif.
Les députés du groupe La République en Marche, sous l'impulsion de Mme Bérangère Couillard, ont créé un groupe de travail et traversé la France pour mieux comprendre les ressorts des violences conjugales, voir ce qui ne fonctionne pas et ce que nous devons faire pour que, demain, plus aucune femme ne meure sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint, et que les violences au sein du couple et de la cellule familiale diminuent réellement dans notre pays. Nous sommes allés à Dijon, Roubaix, Wattrelos, Rouen, Tours, Marmande, Paris, Argenteuil, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Le Mans, Aix-en-Provence, Perpignan, Redon, Thionville, Metz et Lyon. Nous avons rencontré plusieurs centaines de personnes, que nous remercions pour leur accueil et pour le temps qu'elles nous ont accordé. Nous avons rencontré des femmes, victimes de violences, qui nous ont décrit ce qu'elles avaient vécu et ce qu'elles continuent de vivre. Elles nous ont parlé de leurs blessures, de leurs peurs, de leurs agresseurs, de leurs espérances, des difficultés qu'elles avaient dû surmonter, des personnes qui les ont accompagnées et aidées, des combats qu'elles mènent. Elles ont évoqué leurs enfants, qui sont également victimes et qu'il faut protéger.
Nous avons rencontré des policiers, des gendarmes, des magistrats, des avocats, des médecins, des psychologues, des accompagnateurs sociaux, des responsables de l'éducation nationale et d'associations, des élus locaux, des acteurs, tous engagés sur le terrain au quotidien. Ils nous ont parlé de leur travail, des violences conjugales et intrafamiliales, ainsi que des victimes qui sont aujourd'hui plus nombreuses à prendre la parole et à déposer plainte. Ils nous ont parlé des enfants, qui assistent à ces violences, et des agresseurs. Ils nous ont parlé de la réalité de notre société, avec ses faces sombres. Ils ont partagé les dysfonctionnements qu'ils observent et qui les contraignent dans leur action. Ils nous ont présenté les dispositifs innovants qu'ils adoptent pour accompagner les victimes le mieux possible et lutter contre ce fléau.
Nous avons pris le temps de retourner sur le terrain pour faire face à la réalité et construire des solutions. Les violences conjugales, nous le savons, sont parmi les pires agressions, tant elles sont destructrices. Après de telles violences, on peut se reconstruire mais on ne peut jamais oublier. Elles prennent des formes multiples, souvent imbriquées les unes dans les autres. Les solutions à construire doivent prendre en compte cette réalité.
Au sortir de ce Grenelle, nous avons formulé plus d'une centaine de propositions. Parmi elles : l'amélioration de l'accueil des victimes par les forces de l'ordre ; la généralisation des filières d'urgence au sein des tribunaux ; le développement des lieux de prise en charge globale de la victime ; la prise en charge par la sécurité sociale des frais d'accompagnement psychologique des victimes ; le maintien et le retour à l'emploi des victimes ; la création de parcs d'hébergement d'urgence en structures dédiées pour placer et isoler les conjoints violents dès leur éviction du logement ; la coordination des acteurs par des conventions départementales permettant de partager le secret professionnel ; la signature de conventions avec les taxis en milieu rural pour la mobilité des victimes ; le développement de la recherche sur les violences conjugales ; des dispositifs spécifiques pour nos concitoyennes et concitoyens qui vivent à l'étranger.
Nous avons mené ces travaux alors que, dans le même temps, nous adoptions d'importantes mesures législatives, souhaitées depuis longtemps et soutenues par le groupe Les Républicains à travers la proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié. Je tiens à saluer les dispositions adoptées et la qualité des échanges lors de leur discussion.
Aujourd'hui, nous entamons un débat sur de nouvelles mesures qui doivent venir renforcer notre arsenal législatif. Avec cette proposition de loi, nous ouvrons la possibilité de suspendre l'exercice de l'autorité parentale dans le cadre du contrôle judiciaire. Nous soutiendrons les amendements visant à supprimer les deux premiers articles relatifs à la suspension de l'autorité parentale, que nous avons déjà adoptée dans la loi du 28 décembre 2019.
Nous excluons la possibilité d'avoir recours à la médiation en cas de violences conjugales ou intrafamiliales pour tenir compte des situations d'emprise. Nous déchargeons les ascendants et les descendants de la victime de leur obligation alimentaire à l'égard de l'auteur en cas de meurtre, d'assassinat, d'empoisonnement, de crime ou tentative de crime. Nous reconnaissons le suicide forcé, en aggravant les peines encourues pour harcèlement au sein du couple lorsque celui-ci a conduit la victime à se suicider. Nous proposons une nouvelle dérogation au secret médical. Face au cyberharcèlement et au développement de logiciels espions, nous interdisons la géolocalisation d'une personne sans son consentement et nous ajoutons une circonstance aggravante à l'atteinte à la vie privée lorsqu'elle est commise au sein du couple. Nous renforçons la protection des mineurs à l'exposition à la violence et à la pornographie. Enfin, nous développons l'aide juridictionnelle – provisoire, du moins – dès le dépôt de la requête à fin d'ordonnance de protection.
La semaine prochaine, nous poursuivrons les travaux, avec la rapporteure, pour essayer d'aller plus loin.
Il nous faudra veiller à ce que toutes ces mesures, que nous améliorerons, j'en suis certain, soient adoptées le plus rapidement possible et touchent la société dans son ensemble. C'est une des grandes causes du quinquennat. Nous devons la mener à bien.