Intervention de Hervé Saulignac

Réunion du mercredi 15 janvier 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHervé Saulignac :

Nous sommes toutes et tous d'accord pour défendre la cause qui motive cette proposition de loi et je ne reviens pas sur les décomptes tragiques qui ont été faits : les violences conjugales sont un fléau et la pire des choses serait de renoncer à en faire diminuer le nombre. Elles ont causé la mort de plus de 120 femmes l'année dernière ; je dis « plus de 120 », car, sauf erreur de ma part, il n'existe pas de comptabilisation officielle, mais seulement celle des associations spécialisées, dont le travail doit être salué. Ce chiffre est donc indicatif et nous sommes dans l'incapacité de tout recenser.

Toutes les avancées dans la lutte contre les violences conjugales sont bonnes à prendre. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je salue les députés de la majorité qui ont travaillé à l'élaboration de ce texte. Je relève particulièrement l'intention de la rapporteure de considérer enfin les enfants comme des victimes à part entière des violences conjugales. Lorsque l'on est un enfant et que l'on assiste, parfois de manière régulière, à des actes violents, les conséquences en matière de stress post-traumatique ont des incidences la vie durant. Il est judicieux de considérer qu'un père violent ne peut être, pour l'enfant en question, un bon père.

Première remarque : cette proposition de loi vient après celle de notre collègue Aurélien Pradié. Vous avez évoqué, madame la rapporteure, la bonne volonté des membres du groupe La République en Marche qui ont travaillé dans le cadre du Grenelle contre les violences conjugales. Il y avait autant de bonne volonté de la part de M. Aurélien Pradié et de ceux qui ont travaillé avec lui. En termes de lisibilité, la méthode pose question : à l'heure d'un certain encombrement législatif, nous donnons l'impression de traiter du même sujet à deux reprises dans un temps très réduit. Je ne suis pas certain que cela soit compréhensible pour nos concitoyens. Dans le cadre du travail transpartisan que vous appelez de vos voeux, nous aurions pu faire encore mieux à partir de la proposition de loi de M. Aurélien Pradié.

Ma deuxième remarque porte sur la nécessité de renforcer la formation, qui n'est pratiquement pas abordée dans cette proposition de loi.

La troisième remarque concerne notre arsenal législatif. Même s'il est évidemment perfectible, il est particulièrement complet en matière de violences conjugales ; tous les acteurs en conviennent. Le problème réside principalement dans son application, qui n'est pas satisfaisante. En proposant d'inscrire dans la loi de nouvelles possibilités – parfois frappées au coin du bon sens –, comme vous le faites pour le juge, rien ne dit que ce dernier y aura recours. Bien sûr, un juge pénal pourra retirer l'exercice de l'autorité parentale à un parent violent, mais le fera-t-il ? Je connais les réticences, notamment de la Chancellerie, lorsqu'il s'agit de dire à un juge ce qu'il doit faire. La question est donc : devons-nous rester dans le périmètre du pouvoir des juges ou, dans certaines circonstances, aller vers celui du devoir des juges ; je dis bien, dans certaines circonstances. Ce qui nous intéresse avant tout, c'est que les dispositions que nous allons adopter soient suivies d'effet.

La question des moyens est essentielle ; elle est aussi récurrente. Améliorer des dispositifs est une bonne chose, encore faut-il qu'ils soient applicables. Tous les observateurs dénoncent le manque de moyens : on ne peut pas faire comme si ce sujet n'existait pas.

Cette proposition comporte une avancée en ce qu'elle de complète la définition du harcèlement moral dans le code pénal, en y incluant les circonstances tragiques dans lesquelles il peut pousser la victime à se donner la mort. Toutefois, là aussi la question de l'applicabilité se pose ; en effet, l'enquête menée en cas de mort violente prend fin si elle conclut à un suicide. Sans remettre en cause l'intérêt de cette disposition, comment pouvez-vous nous assurer qu'à l'avenir, les enquêtes qui concluront à un suicide ne seront pas immédiatement classées ?

Le groupe Socialistes et apparentés est favorable à ce texte et s'efforcera d'être constructif, d'être une force de proposition, comme il l'est très souvent, afin que toutes les avancées que nous pourrons voter ensemble puissent être effectives et visibles.

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