L'urgence de la situation impose de nouvelles mesures : tel est le constat établi dans l'exposé des motifs de cette proposition de loi. J'entends cet appel avec beaucoup d'intérêt, mais je regrette que l'urgence de la situation ne se soit pas imposée à nous avant, dès l'examen de la proposition de loi de M. Aurélien Pradié il y a à peine deux mois : nous aurions gagné du temps !
Bien entendu, le groupe UDI, Agir et Indépendants sera toujours au rendez-vous lorsqu'il s'agit de faire avancer la cause des victimes de violences quelles qu'elles soient, hommes ou femmes.
Je salue tout d'abord l'apparition de la notion d'emprise au sein de la loi, réel progrès qui permettra de mieux prendre en compte toutes les formes de violence et, ce faisant, de mieux défendre les victimes. À ce titre, je proposerai un amendement pour supprimer le caractère manifeste que l'emprise doit présenter pour empêcher une médiation conjugale : cette précision permet d'élargir le champ de l'interdiction. En effet, ce phénomène si insidieux qu'est l'emprise doit pouvoir bénéficier d'un champ d'action non restrictif.
Nous soutenons également la création d'une circonstance aggravante lorsque le harcèlement conduit la victime au suicide. Nous en profiterons pour proposer un dispositif supplémentaire afin que les interdictions prononcées dans le cadre du sursis avec mise à l'épreuve soient valables dès que l'auteur des violences est incarcéré, et non seulement à partir de sa libération. En effet, trop de conjoints violents peuvent maintenir leur emprise depuis la prison.
Bien évidemment, lever le secret professionnel pour les médecins en cas de violences conjugales est également une avancée.
Par ailleurs, protéger les mineurs face à l'exposition à des contenus pornographiques est selon moi essentiel. Malheureusement, le dispositif prévu à l'article 11 ne me paraît pas suffisant. Cette question avait déjà été abordée au moment de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, il y a un an et demi ; nous devons examiner de quelle manière aller plus loin. L'exposition à des contenus pornographiques est l'essentiel de la formation sexuelle de nos enfants ; nous ne pouvons nous en satisfaire et nous devons mettre en avant les moyens de l'éviter.
Un autre sujet me semble trop peu pris en compte : la prise en charge des agresseurs. Si la protection des victimes est primordiale, le suivi des agresseurs l'est presque tout autant. Dans le rapport de l'inspection générale de la justice publié en octobre dernier, le constat est terrible : dans 65 % des cas d'homicide et de violences conjugales, la justice ou la police avaient été saisies. Mieux protéger la victime en renforçant l'arsenal juridique, c'est évidemment important, mais ce n'est pas suffisant. Nous devons soutenir des politiques de prévention, de formation et de suivi psychologique des auteurs de ces violences.
Je souscris aux propos de M. Hervé Saulignac quant aux moyens dont disposent la justice, la police, la gendarmerie, le corps médical et, plus généralement, ceux qui ont à gérer le problème des violences conjugales. En effet, si vous avez mené des auditions, le manque de moyens de ces structures vous a certainement été signalé, dénoncé et même crié. Ce point est crucial et nous ne pouvons pas ne pas l'aborder tout au long de ce débat.
Pour conclure, je regrette que la nouvelle interprétation de l'article 45 de la Constitution nous limite dans notre capacité à déposer de nouvelles propositions afin d'enrichir le texte. Mais je souhaite que nos débats soient constructifs et animés par la volonté d'évincer le fléau des violences conjugales de notre société, donc qu'ils demeurent transpartisans.