Intervention de Préfet Alain Thirion

Réunion du mercredi 8 janvier 2020 à 15h30
Mission d'information sur l'incendie d'un site industriel à rouen

Préfet Alain Thirion, directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises :

Comme l'avait indiqué Monsieur le ministre de l'Intérieur, après des accidents, des évènements de ce type, une mission de retour d'expérience (RETEX), d'évaluation, est régulièrement mise en place. Cette mission a été lancée. Elle concerne le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) ainsi que l'Inspection générale de l'administration (IGA) et doit nous permettre de nous améliorer sur notre manière de prendre en compte tous les volets de la crise.

La direction générale de la sécurité civile ne s'occupe que de sécurité civile. Le dossier Lubrizol présente plusieurs aspects qui dépassent largement ce cadre. La direction générale a en fait une double mission : une mission de prévention et de préparation pour réduire les risques (naturels ou industriels) qui passe par la mise au point d'un certain nombre de plans et d'exercices. Nous mettons en place, par exemple, des plans triennaux d'exercices destinés à faire en sorte que nous nous mettions en position et que nous nous préparions. Cela participe au développement et à la valorisation d'une culture du risque. Pour ce site, le plan triennal concernant les différents exercices a été validé au cours de l'année 2019. Il comprend un volet qui porte sur le risque industriel, justement parce que dans les préfectures, dans les services de l'État, sous l'autorité des préfets, avoir une bonne connaissance du risque passe aussi par la mise en situation, et ce n'est pas un hasard. Le chiffre a été donné par le préfet de département : dans un département comme la Seine-Maritime, qui est très exposé, en moyenne, entre sept et huit exercices sont organisés tout au long de l'année, ce qui n'est pas rien.

Si notre première mission est de prévenir et de préparer, notre deuxième mission consiste à gérer la crise et donc le risque. Cela passe par le souci de la détermination d'un certain nombre de périmètres, la mobilisation d'un certain nombre de moyens (locaux, zonaux et nationaux) et nécessite une bonne articulation. Il faut également « traiter la crise », faire en sorte de régler le danger, l'évènement, et assurer la protection de la population. En fait, ce sont deux choses un peu différentes.

Il faut d'abord traiter cet incendie puis assurer la protection de la population, l'alerter, la sensibiliser et faire en sorte que l'information passe par une partie de la population qui parfois n'est pas exposée, mais qui se pose un certain nombre de questions. Nous sommes dans une société qui, par sa rapidité à sortir de l'information, peut générer aussi des risques, dont celui de la panique, ce qu'il faut prendre en compte. Bien entendu, la direction générale de la sécurité civile ne gère pas en direct l'ensemble de ces crises. Elle travaille en liaison très étroite avec les acteurs locaux, principalement les préfets, et avec les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) qui sont en général les premiers soldats à être confrontés aux évènements.

Sur le contenu et le mode opératoire, c'est le dispositif « organisation de la réponse de sécurité civile » (ORSEC) classique qui est mobilisé, qui fonctionne, qui a été d'ailleurs actionné, et ce sont trois outils principaux : le plan particulier d'intervention (PPI), qui renvoie d'ailleurs au plan d'opération interne (POI) de l'entreprise, et les plans communaux de sauvegarde. Il doit y avoir une articulation entre l'ensemble de ces outils. Cela renvoie au dispositif général, notamment aux dispositions de l'article L. 742-2 du Code de la sécurité civile. Objectivement, le dispositif tel qu'il est prévu fonctionne plutôt bien. Dans certaines circonstances, un chevauchement aurait peut-être pu se produire. Peut-être des interrogations auraient-elles pu intervenir. En l'occurrence, cela n'a pas été le cas. L'appréciation faite par le directeur départemental du service d'incendie et de secours, puis par le préfet, est que la coordination avec les autorités municipales s'est faite assez naturellement. Je le précise, car ce n'est pas le cas partout. Je n'ai pas senti de doutes sur qui fait quoi et à quel moment il fallait faire intervenir l'un ou l'autre. D'abord le POI est enclenché, puis nous sommes arrivés au niveau du PPI assez naturellement. Le plan ORSEC a été actionné par le préfet. Les éléments se sont finalement « emboîtés » assez facilement, ce qui prouve que les professionnels sur le terrain, auxquels je tiens ici à rendre hommage, ont une très bonne connaissance de la réalité des risques et que nous sommes dans un département où la connaissance et la pratique de ces risques sont une réalité. Ce n'est pas forcément le cas partout. Les exercices qui ont lieu régulièrement – au cours de l'année 2019, il y en avait déjà eu dans les départements – ont montré qu'ils étaient prêts à faire face à cette situation.

L'évènement est à la fois classique et exceptionnel : classique, parce que c'est un feu d'hydrocarbures ; il peut s'en produire un peu partout. Nous en avons eu d'ailleurs il y a trois semaines, au cours du mois de décembre. On ne peut pas dire que la nature de l'évènement est exceptionnelle. En revanche, c'est un feu d'hydrocarbure de grande ampleur sur un site Seveso en milieu urbain. Ces éléments sont extrêmement importants parce que la proximité de la ville de Rouen et le fait que nous aurions pu avoir un certain nombre de dérapages importants (des explosions, des extensions, des phénomènes de souffle) montrent que globalement, les actions qui ont été conduites sur le terrain ont été de nature à répondre à ce qui s'est passé, même si l'origine de l'incendie n'a pas encore été déterminée. L'enquête judiciaire le déterminera.

L'action qui a été conduite, décidée par le préfet sur la base d'une analyse qui a été faite par le directeur du SDIS, a été finalement assez claire. Il fallait contenir, maîtriser, traiter. Il s'agit de la gestion de l'évènement. Lorsque l'on dit « contenir », cela signifie ni extension (cinq installations classées pour la protection de l'environnement ICPE) sont implantées juste à côté du site de Lubrizol) ni explosion (la population n'est pas loin) ni souffle (qui aurait pu poser un certain nombre de difficultés). Contenir ce phénomène hors normes – nous avons eu des chaleurs extrêmement élevées et des flammes très importantes – les acteurs locaux y sont arrivés dans un temps court. Cela démarre entre 2 heures et 3 heures. À 10 h 30, le phénomène est contenu. À 13 heures, il est maîtrisé et ne s'étend plus. À partir de 15 heures, nous pouvons considérer qu'il est traité, c'est-à-dire que les trois risques principaux liés à la nature de l'évènement (risque d'explosion, risque thermique et risque toxique) sont pris en compte, même si concernant le risque toxique, un certain nombre de questions a été posé sur la nature du nuage, son importance, son contenu et les dangers par rapport à la population.

Ce risque est, en partie, nourri par une réalité qui a duré plusieurs jours : les odeurs. Celles-ci ont été persistantes. La population a été inquiète et forcément, elle s'est demandé si les informations qui lui étaient données correspondaient bien à la réalité du risque. Les analyses effectuées par la cellule mobile d'intervention chimique (CMIC), puis par le véhicule de détection, d'identification et de prélèvement (VDIP), ont permis de répondre au préfet dans la journée et de lui indiquer qu'il n'y avait pas de toxicité aiguë sur la base de ce fameux nuage, que se trouvait à peu près à 200 mètres d'altitude et s'étendait sur près d'une vingtaine de kilomètres.

Concernant ce VDIP, trois outils ont été utilisés pour analyser la nature des produits, vérifier leur conformité avec la nature de l'établissement et ce qui a été déclaré dans le cadre de l'installation classée, et les éléments de toxicité. La CMIC est un instrument local utilisé par le SDIS et qui a commencé à faire un certain nombre d'analyses. Il est apparu rapidement qu'il était nécessaire d'apporter des moyens supplémentaires et un outil permettant d'amener une analyse complémentaire. C'est la raison pour laquelle nous avons fait appel à un VDIP, complété ensuite par un outil du laboratoire central de la préfecture de police qui a été apporté par hélicoptère pour confirmer les analyses qui ont été faites. Nous avions procédé rapidement à un certain nombre d'analyses et, pour en confirmer le contenu, nous avons jugé qu'il était mieux de ne pas prendre de risque et d'avoir un complément par l'intermédiaire des analyses du laboratoire central. Les VDIP, vous en avez dans toutes les formations militaires de la sécurité civile (FORMISC), qui sont sur trois sites : Brignoles, Nogent-le-Rotrou et le site corse. Dans ce cadre-là, chacun a un VDIP. Les trois outils sont les mêmes. Nous avons pensé qu'il était plus judicieux d'utiliser celui de Nogent-le-Rotrou et de le faire venir le plus vite possible. Il est arrivé d'ailleurs dans un délai assez court, vers 10 heures 30.

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