Merci, monsieur le ministre, de votre présentation. Pour ma part, je souhaiterais vous interroger sur plusieurs points.
Le premier concerne le déroulement d'événements que vous qualifiez de « scandale d'État » et auxquels vous accordez donc une très grande importance. Tout d'abord, je souhaiterais revenir sur la séquence qui s'est écoulée depuis la décision de la CJUE du 17 mai 2017. Au cours du mois de juillet, notre commission a tenu diverses réunions, au titre de décrets d'avance et d'annulation, durant lesquelles vous-même et votre collègue Gérald Darmanin nous avez présenté, de façon détaillée, un certain nombre d'annulations de crédits. À aucun moment vous n'avez évoqué le problème de ce contentieux, au-delà de ces 4 milliards d'euros d'insuffisance de financement héritée de la précédente législature.
Nous savons que le Conseil d'État a transmis une question prioritaire de constitutionnalité sur ce sujet au Conseil constitutionnel dès le mois de juillet. L'État connaissait alors les différents argumentaires présentés par des avocats fiscalistes que nous connaissons bien dans cette commission – je ne citerai pas leurs noms, car nous les avons reçus à plusieurs reprises sous la précédente législature. Or, notre commission n'a pas du tout été informée au mois de juillet.
Nous voici donc fin septembre et début octobre. J'ai relu attentivement les écrits de notre rapporteur général. Dans son commentaire sur l'article qui supprime la contribution sur les dividendes, comme dans son rapport sur la loi de programmation pluriannuelle, il évoque un montant de 5,7 milliards d'euros et fait état de l'échéancier suivant : 300 millions d'euros en 2018, puis 1,8 milliard d'euros chacune des trois années suivantes.
La décision du Conseil constitutionnel date du 6 octobre. Cette décision est globale puisque le Conseil constitutionnel n'a pas souhaité faire le tri entre les résultats distribués venant des filiales et ceux émanant de la société mère. Il a estimé en outre que sa décision devait être d'application immédiate.
Pour avoir regardé les différents argumentaires, je pense que, dès le mois de juillet, on pouvait s'attendre à ce que la décision de la CJUE soit déclinée de manière assez dure en droit interne. J'estime que notre commission – en particulier le rapporteur général – n'a pas eu les informations qu'elle était en droit d'attendre. Je m'interroge sur la manière dont la facture a pu passer, en quelques jours, de 5,7 milliards à 10 milliards d'euros.
Le Gouvernement nous propose, fait tout à fait unique et exceptionnel, une loi de finances rectificative spécifique. Souvenez-vous que j'avais moi-même demandé une loi de finances rectificative en juillet. Si elle avait été présentée, peut-être aurions-nous abordé ce sujet plutôt que d'en passer par des décrets ? Le Gouvernement ne nous propose pas d'attendre le collectif de fin d'année qui pourrait parfaitement traiter cette question. En effet, s'agissant de l'IS, il est d'usage de parler de mesures à compter de l'exercice clos au 31 décembre de l'année, ce qui permet d'embrasser l'exercice en train de s'achever, en l'occurrence 2017. La seule différence, si l'on attend le collectif de fin d'année, c'est que les paiements interviendront en cours d'année 2018 et non pas au moment du dernier acompte. Or, le ministre vient nous dire que l'essentiel des remboursements aura lieu au cours de l'année 2018.
La décision du Conseil constitutionnel date du 6 octobre. Pour qu'une entreprise puisse se faire rembourser cette contribution de 3 %, elle devra présenter un dossier. Vos services, monsieur le ministre, devront s'assurer que la créance est justifiée avant de valider ce dossier. Dans ces conditions, le montant des remboursements atteindra-t-il plusieurs milliards d'euros dès 2017 ?
En comptabilité « maastrichtienne », comment les remboursements sont-ils traités ? Pour être prise en compte en comptabilité maastrichtienne, une créance doit être certaine. Pouvez-vous affirmer que nous aurons des créances certaines avant le 31 décembre prochain ?
S'agit-il de prendre une décision tout à fait nécessaire ou bien de récupérer de façon un peu artificielle 4 à 5 milliards d'euros de recettes sur le dernier acompte d'IS dès 2017, alors que les remboursements, eux, se feront essentiellement en 2018 ? Autrement dit, ce collectif ne joue-t-il pas surtout un rôle d'ajustement des comptes de l'année 2017 ? Ce n'est pas une critique, monsieur le ministre : je le comprendrais parfaitement, compte tenu de l'objectif de limiter le déficit public à 2,9 % du PIB.
La contribution ne porte donc que sur un exercice. Or, sur un exercice, l'entreprise peut bien plus facilement, par le jeu des dotations aux provisions, « gérer » son résultat. Peut-être une contribution sur plusieurs exercices serait-elle préférable. Je comprends qu'elle soit limitée dans le temps, mais comment éviterez-vous les inévitables démarches d'optimisation ? Vous connaissez bien le sujet, madame la présidente ; je n'ai pas besoin de vous faire un dessin.
Se pose par ailleurs la question des gagnants et des perdants. Je souhaite que la ventilation par décile des 320 entreprises soit communiquée à notre commission. Qui gagne ? Qui perd ? Comment se fait le partage ?
Je souhaite aussi que notre commission soit mieux informée de l'ensemble des contentieux. Il en est plusieurs autres : le contentieux Steria, le contentieux De Ruyter ou encore le contentieux, en droit interne, relatif à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) traité par le projet de loi de finances pour 2018. Je demande la constitution, au sein de notre commission, d'une mission d'information sur ces questions qui coûtent des milliards d'euros.
Un court rappel pour terminer. Intenter des procès en responsabilité ne m'intéresse pas ; ce qu'il faut, c'est essayer de faire du bon travail. Or, à la fin de l'année 2011 et au début de l'année 2012 – vous-même étiez membre du Gouvernement, monsieur le ministre –, je n'ai pas reçu, en ma qualité de rapporteur général d'alors, d'informations sur le contentieux relatif aux OPCVM, sinon la nouvelle de l'inscription en projet de loi de finances pour 2012 de crédits – uniquement en autorisations d'engagement, pas en crédits de paiement. La CJUE a rendu son arrêt au mois de mai 2012. Le gouvernement de l'époque – vous avez eu raison, monsieur le ministre, de le rappeler – a eu deux préoccupations, qui ressortent très clairement des comptes rendus : remplacer la retenue à la source supprimée, qui s'appliquait aux OPCVM ; appliquer le programme du président Hollande, qui voulait favoriser l'autofinancement et l'investissement des entreprises et défavoriser la distribution de dividendes.
Je m'interroge sur la précipitation actuelle, car seuls deux députés se sont interrogés en 2012 sur l'opportunité de cette contribution sur les dividendes : Charles de Courson et moi-même. Ayons l'honnêteté de le dire : nous n'avions pas soulevé le problème européen. En revanche, nous avions émis l'idée qu'il conviendrait peut-être de mieux expertiser le sujet et d'attendre le collectif de fin d'année, et que d'autres solutions étaient envisageables – Charles de Courson proposait une surtaxe à l'impôt sur les sociétés ; j'en proposais une qui, à mon avis, aurait été meilleure. Si je me permets de rappeler tout cela, c'est pour montrer que l'information de notre commission en matière de contentieux est défaillante. Nous ne sommes pas correctement informés ni suffisamment écoutés, et nous agissons dans la précipitation.
J'ai beaucoup apprécié, monsieur le ministre, votre intervention, dictée par le souci de l'intérêt général et de l'intérêt de l'État, mais je souhaite que vous répondiez précisément, car je ne voudrais pas que nous cédions, une fois de plus, à la précipitation.