J'ai rédigé le recours auprès du Conseil constitutionnel dirigé contre la deuxième loi de finances rectificative pour 2012. Il est exact que nous n'avions pas développé d'argument sur l'article relatif à la création de cette taxe.
Vous le savez, lorsque le Conseil constitutionnel est saisi, il regarde tous les articles. En l'occurrence il n'a pas soulevé de problème. C'est d'ailleurs une réponse à l'observation de Patrick Hetzel : cette taxe de 3 % venait compenser une perte de recettes liée à l'annulation par la CJUE de la retenue à la source sur les OPCVM, François Pupponi s'en souvient.
Le Gouvernement avait pris la précaution, dans son exposé des motifs, de dire que cette taxe de 3 % sur les bénéfices n'était pas une mesure de rendement, visant à remplacer le dispositif précédent, mais d'incitation à ne pas distribuer de dividendes, à des fins d'autofinancement des entreprises. Et le Conseil constitutionnel n'a donc rien dit.
Pourquoi a-t-il annulé le 6 octobre dernier ? Parce que, en mai 2017, la CJUE a jugé cette taxe de 3 % contraire à la réglementation européenne puisqu'elle s'assimile à une double imposition des bénéfices de filiales qui, implantées dans l'Union européenne, ont déjà été taxés dans un autre pays. C'est imparable, même si nous ne l'avions pas vu.
Les entreprises françaises en ont tiré l'argument que leurs filiales en France se trouvent dans une situation d'inégalité par rapport aux filiales implantées ailleurs dans l'Union européenne, par exemple en Allemagne, et ont donc déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) au motif d'une rupture d'égalité.
Cette démarche était connue dès le mois de juin. C'est pourquoi j'ai dit hier au ministre que je n'étais pas content : il aurait pu nous informer quand il a présenté les décrets d'avance et d'annulation. De même, lorsque fin 2016, dans le projet de loi de finances rectificative, on avait étendu l'exonération de la taxe sur les dividendes aux groupes non fiscalement intégrés mais présentant les mêmes caractéristiques, Christian Eckert ne nous avait pas informé de l'évolution du contentieux. Il y a un vrai problème d'information de notre commission !
Dès lors que la QPC est lancée, en juillet, et que le Conseil d'État la transmet, le Conseil constitutionnel a alors pour seul choix de constater la rupture d'égalité et d'annuler la contribution frappant les dividendes qui viennent de filiales. En effet, même si eux-mêmes sont traçables, les dividendes sont distribués chaque année en partie à partir des réserves, pour lesquelles il n'y a pas de traçabilité. Le Conseil était donc obligé de tout annuler, ce qu'il a fait.
Mais on ne peut pas reprocher au Conseil constitutionnel d'avoir changé de position entre 2012 et 2017 : s'il a annulé en 2017, c'est à cause de la décision de la CJUE.