Intervention de S Exc Nikolaus Meyer-Landrut

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 15h00
Commission des affaires européennes

S Exc Nikolaus Meyer-Landrut :

La différence porte sur le nombre de questions. Une « kleine Anfrage » peut être composée d'une dizaine de questions, alors qu'une « grosse Anfrage » peut comprendre plus d'une cinquantaine de questions. Pour une « kleine Anfrage », le délai de réponse est de 7 jours. Le gouvernement demande parfois humblement un peu plus de temps en fonction de la complexité du sujet. Pour les autres questions, en général, il répond dans un délai d'un mois. Pour le gouvernement, c'est un travail qui mobilise beaucoup de ressources ; cet instrument est très utilisé sur les questions d'exportations d'armement, mais il peut l'être dans tous les domaines.

Sur l'union bancaire, il ne s'agit plus aujourd'hui d'un travail franco-allemand, mais d'un travail au niveau européen, au sein de l'Eurogroupe et avec la Commission. Cet automne, le ministre des finances allemand a fait un pas important – de notre point de vue – en matière de garantie des dépôts, en disant qu'il pouvait imaginer un tel instrument, moyennant des réponses à un certain nombre de questions, comme le traitement des prêts non performants dans certaines banques. Je pourrai vous transmettre le document du ministre des finances qui mentionne un certain nombre de questions techniques qui nécessitent des réponses. Jusqu'à présent, la position allemande était que ces questions devaient être réglées au préalable. Désormais, elles peuvent l'être en même temps. Il y a une différence, mais il est nécessaire d'aborder ces questions pour rétablir une confiance suffisante entre les différents systèmes bancaires pour mettre en place ce type de garanties.

Pour ce qui concerne l'assurance chômage, il s'agirait pour nous d'un système de réassurance. Les différents systèmes nationaux contribueraient quand la conjoncture est positive et pourraient obtenir des crédits quand elle devient défavorable. La nouvelle Commission a repris cette idée à son compte et annoncé qu'elle ferait des propositions. À ce stade, il n'y a pas de travail détaillé à ce sujet à l'Eurogroupe, ni entre Français et Allemands. Nous attendons la proposition de la Commission.

Pour l'apprentissage des langues, le traité parle de la perspective de mettre en place dans les deux pays, selon les niveaux, des stratégies correspondantes. La formulation est importante car il ne peut pas y avoir de stratégie nationale en Allemagne, la compétence en la matière étant celle des Länder. En France, on peut avoir une stratégie nationale, pas de stratégie régionale. La Sarre a une « stratégie France ». Le Bade-Wurtemberg travaille à sa propre stratégie France, qui portera un autre nom pour ne pas imiter un État beaucoup plus petit...

Il est important d'englober la question de l'apprentissage des langues dans une stratégie plus large qui démontre l'intérêt de cet apprentissage et dans laquelle on peut prévoir les investissements nécessaires pour développer les liaisons entre les deux pays. Aussi bien les Länder que le Bundestag pour le budget fédéral ont prévu des financements pour améliorer les liaisons ferroviaires, comme entre Colmar et Fribourg, d'une part, et Haguenau et Karlsruhe, d'autre part. Le Bundestag a inscrit une nouvelle ligne budgétaire dans le budget allemand, dotée dans un premier temps de 8,7 millions d'euros.

Tout est lié. Il faut travailler en même temps sur l'apprentissage des langues, les liaisons ferroviaires et les échanges économiques pour que l'apprentissage des langues trouve son intérêt. Cette approche de stratégie est intelligente, mais il faut veiller à ce que, à l'intérieur de cette stratégie, la formation linguistique proprement dite ne disparaisse pas.

En matière économique, les sages sont tellement sages que l'on ne peut pas leur dire de quoi ils peuvent parler ! Ils choisissent eux-mêmes les sujets sur lesquels ils souhaitent faire entendre leur voix. C'est différent en matière sociale, où il s'agit d'un travail entre les deux ministères sur des perspectives à moyen terme. La Commission a par exemple dit qu'elle allait présenter des réflexions sur des salaires minimums européens, au pluriel, car il faut choisir un système permettant dans chaque pays que le salaire minimum constitue une avancée sociale sans détruire la compétitivité. On ne peut pas avoir un salaire minimum à travers toute l'Europe quand on voit le différentiel entre la Bulgarie et le Luxembourg. Le groupe franco-allemand réfléchit à des solutions pour trouver un système intelligent. Si le système européen aboutit à ce que, dans la plupart des pays, le salaire minimum soit inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, beaucoup de gens vont nous féliciter !

M. Bourlanges parlait d'affrontement et de clarification des choses. Nos deux pays ont réalisé un travail important sur la place de la Russie, qui a été rendu visible par la participation de M. Poutine au sommet en format « Normandie » du 9 décembre, puis au sommet de Berlin sur la Lybie dimanche dernier. Il y a une compréhension commune selon laquelle la Russie doit faire partie des acteurs impliqués pour essayer de faire avancer la diplomatie dans un certain nombre de conflits. Il y a également une compréhension commune entre les deux États sur le fait que la question ukrainienne et la mise en oeuvre des accords de Minsk dans leur dimension politique sont un préalable pour faire évoluer la position européenne sur les sanctions relatives au Donbass, ce qui a été accepté par le Conseil européen de décembre. Sur les perspectives de coopération avec la Russie, nous avons fait beaucoup de progrès et stabilisé une approche commune.

S'agissant du Brexit, le mandat de négociation devrait être adopté courant février et les négociations pourraient commencer en mars. Si je n'ai guère de doute sur l'adoption du mandat et l'unité des Européens, je crois que les négociations seront très compliquées avec le Royaume-Uni. En effet, compte tenu de la volonté de ce dernier de se différencier des normes et pratiques de l'Union européenne, la question se pose : quel degré de différenciation peut-on accepter et à quelle vitesse ?

Or, les négociations devront avoir lieu dans un délai très court. Si elles ne portent que sur des matières relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne, c'est possible, car seule la ratification du Parlement européen sera nécessaire. En revanche, si elles portent sur des matières de compétence partagée, c'est impossible, car il faudra alors une ratification de l'ensemble des États-membres. Certes, une extension de la durée des négociations est possible mais la décision devra être prise avant l'été.

L'Europe de la Défense ne pourra pas se faire sans une analyse des menaces et un consensus sur celles-ci. Or, le ressenti des États-membres est très différent. Le terrorisme représente une menace majeure pour la France, mais moins pour d'autres pays, comme les pays de l'Est ou même l'Allemagne. Pour ces derniers, c'est la Russie qui constitue la menace principale. La Turquie, quant à elle, est un partenaire compliqué pour l'Union européenne, mais je pense qu'il est dans notre intérêt de la conserver comme alliée dans le cadre de l'OTAN. Quant au Fonds européen de Défense, l'Allemagne partage les préoccupations de la France sur sa future dotation, après que la présidence finlandaise a proposé de la réduire substantiellement. Pour l'Allemagne, cette proposition est clairement insuffisante, mais elle ne veut pas s'engager sur un chiffre car le cadre financier pluriannuel (CFP) est une négociation globale.

Les disparités Nord-Sud sont réelles et sont prises en compte dans plusieurs des négociations clés actuellement en cours, qu'elles portent sur la réforme du mécanisme européen de stabilité ou le CFP.

En Afrique, l'Allemagne participe aux missions de la PSDC EUTM Mali et EUCAP Sahel Mali. Elle a également déployé des soldats en Afghanistan. L'évolution de l'opération française Barkhane vers une mission européenne, si elle se fait, posera la question de la participation de l'Allemagne. Pour le moment, je n'ai pas la réponse car c'est un sujet de discussion au sein de la grande coalition.

Je ne connais pas la Charte d'autonomie des collectivités locales que vous avez évoquée. Instinctivement, en tant qu'Allemand, je ne peux qu'être favorable à l'autonomie des collectivités locales.

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