Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • allemagne
  • allemand
  • franco-allemande

La réunion

Source

I. Composition de la Commission 3

II. Audition de S. Exc. Nikolaus Meyer-Landrut, Ambassadeur d'Allemagne en France 3

III. Nomination de rapporteurs 16

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution 16

Mercredi 22 janvier 2020

Présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente de la Commission

La séance est ouverte à 15 heures 05.

I. Composition de la Commission

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Mes chers collègues, je vous informe que Mme Catherine Osson a rejoint notre commission en remplacement de M. Ludovic Mendes. Nous lui souhaitons la bienvenue.

II. Audition de S. Exc. Nikolaus Meyer-Landrut, Ambassadeur d'Allemagne en France

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En cette journée franco-allemande, nous avons le plaisir de recevoir M. l'Ambassadeur d'Allemagne en France et nous le remercions de sa disponibilité. Je souhaiterais, en ce 22 janvier, jour de la signature du Traité de l'Élysée et du Traité d'Aix-la-Chapelle, que nous fassions le point sur l'état de nos relations bilatérales et sur l'avancement des projets prévus par le nouveau traité.

Cette audition est d'autant plus utile que l'Assemblée parlementaire franco-allemande se réunira les 5 et 6 février prochains à Strasbourg, au Parlement européen. Nous y entendrons les deux ministres de la défense et nous examinerons plusieurs textes sur les sujets environnementaux, économiques – avec l'harmonisation du droit des affaires – et sociétaux.

Sur tous ces sujets, M. l'Ambassadeur, vous avez la parole.

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S Exc Nikolaus Meyer-Landrut

Je vous remercie beaucoup pour l'invitation et l'opportunité de parler de la mise en place du nouveau traité et de nos relations bilatérales. Je peux commencer par dire que le traité vient d'entrer en vigueur. En effet, je viens du Quai d'Orsay où j'ai déposé, dans les mains du secrétaire général du Ministère, l'instrument de ratification de la République fédérale d'Allemagne, signé par le Président de la République. Le traité stipule que le jour de la remise du dernier instrument de ratification, le traité entre en vigueur.

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Nous avons bien fait de vous inviter aujourd'hui !

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S Exc Nikolaus Meyer-Landrut

Au-delà de cette question hautement symbolique, après les approbations par les deux parlements, accompagnées des déclarations parallèles préparées par l'Assemblée parlementaire franco-allemande, le traité est officiellement entré en vigueur.

Au cours de l'année, sur la liste des sujets prioritaires à mettre en place, je peux vous rapporter ce qui a été fait jusqu'à présent, sans ordre d'importance. Le premier point est relatif au fonds citoyen commun, prévu par l'article 12 du traité, pour lequel les gouvernements ont mis à disposition 2,4 millions d'euros. La gestion de ce fond a été mise dans les mains de l'OFAJ pour que cette année puisse commencer par une réelle utilisation de ce fonds pour de nouvelles initiatives et le renforcement des initiatives de la société civile. Même s'il s'agit de montants limités, cela permet aux différents acteurs de la société civile d'accéder à ces moyens et de renforcer leurs coopérations.

Deuxième point, aujourd'hui siège pour la première fois le comité de coopération transfrontalier, prévu par le traité, siégeant à Hambach, en Allemagne, sous la présidence des deux Ministres des Affaires européennes. Ils assureront cette présidence une fois par an. Ce comité est pour l'essentiel composé des acteurs français et allemands ayant des responsabilités au niveau national et régional pour les différents sujets de coopérations transfrontalières. Il faut disposer d'une structure qui assume les asymétries entre les deux pays pour que nous puissions disposer des acteurs compétents des deux parties. En effet, l'organisation étatique pour ces sujets est différente. Nous avons également décidé de mettre en place un secrétariat pour ce comité, siégeant à Kehl, avec des réunions qui auront lieu également à Strasbourg.

En ce qui concerne le forum pour l'avenir, nous avons décidé des acteurs qui seront le moteur de sa mise en place : en France, il s'agira de France Stratégie et en Allemagne, il s'agira de l'« Institute for advanced sustainability studies », à Potsdam. Comme il s'agit d'un institut relativement récent, le Bundestag a voté un budget de 11 millions d'euros pour être à la hauteur des défis demandés. Le travail entre les acteurs peut désormais commencer.

Nous avons, dans le même contexte, augmenté les moyens de l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) de 2 millions d'euros pour demander à l'OFAJ, conformément à l'accord trouvé à Toulouse, de prendre en charge les échanges, en particulier pour les jeunes qui se trouvent loin de la mobilité. Il est demandé à l'OFAJ qu'en 2020, 20 % de leurs échanges concernent ces types de personnes. Il s'agit d'un élément très important, car je vois la portée que ces échanges ont pour ces publics. J'espère que dans les années à venir, les 20 % ne seront pas une limite mais plutôt un seuil que l'on pourra dépasser.

Les deux ministres de la recherche ont mis en place une feuille de route pour un réseau des instituts français et allemands en matière d'intelligence artificielle et nous avons créé une « taskforce » franco-allemande en matière d'espace, qui a joué un rôle important dans le conseil ministériel de l'Agence spatiale européenne à Séville, où la France et l'Allemagne se sont fortement engagées pour le développement du spatial européen.

Nous avons également mis en place deux groupes de « sages », c'est-à-dire des personnes indépendantes, l'un pour les questions économiques et l'autre pour les questions sociales. Il s'agissait d'un mandat confié par le traité. L'objectif est de ne pas seulement parler des dernières propositions de règlements européens, mais d'avoir un dialogue dans des perspectives plus larges.

En outre, l'Allemagne et la France, quelques jours après le Conseil des ministres franco-allemand de Toulouse, ont signé un accord sur la coopération en matière d'exportations d'armes, sujet longuement débattu entre Français et Allemands. Il s'agit d'un accord important car c'est une condition pour encadrer le progrès concernant la coopération en matière d'armement sur les futurs projets.

Dans le domaine de l'éducation, ce matin à Buc, a eu lieu la pose de la première pierre de l'extension du lycée franco-allemand, qui doit voir son potentiel d'élèves passer à 1 300 à la rentrée 2021. Il s'agit d'un événement important pour la formation des futures générations de Franco-Allemands, et je suis content que les collectivités territoriales et l'État aient pris cet engagement.

Ce soir, nous conclurons la journée du 22 janvier avec la signature d'une convention de coopération pour le développement de l'apprentissage dans le secteur de la chimie et de la santé, entre la chambre franco-allemande du commerce et de l'industrie et les industries du secteur, BASF, Bayer etc., essentiellement dans la grande région de Lyon où toutes ces grandes entreprises allemandes ont des activités importantes. Il s'agit de mettre en place des possibilités de formation et d'apprentissage directement avec ces entreprises allemandes en France. Voilà, en quelques mots, les différentes actions menées depuis un an, dans le contexte de ce traité. Bien entendu, je ne vais pas vous exposer l'activité entre les deux parlements, vous la connaissez mieux que moi, et je suis très heureux que cette assemblée se réunisse à nouveau, début février à Strasbourg.

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Pourriez-vous nous donner des précisions sur l'accord sur le contrôle des exportations d'armement ? J'ai l'impression que les discussions ne sont pas complètement closes, particulièrement avec le SPD, partenaire de la coalition gouvernementale.

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Beaucoup de chemin a été parcouru entre la ratification il y a un an et aujourd'hui l'entrée en vigueur du traité. En deux ans, je constate que, malgré un contexte géopolitique et international complexe, les relations franco-allemandes s'affermissent chaque jour un peu plus, avec la création de l'Assemblée parlementaire franco-allemande et la ratification du traité d'Aix-la-Chapelle. Je voudrais vous poser deux questions. La première porte sur le sujet spécifique de l'union bancaire. Il y a eu une déclaration d'intentions très forte faite à Meseberg en juin 2018, comportant des objectifs sur l'union bancaire, sur des sujets que l'on sait très complexes, et avec un agenda assez ambitieux. Je pense en particulier à deux éléments de la déclaration de Meseberg.

Le premier portait sur la garantie européenne des dépôts. L'Allemagne et la France étaient supposées arriver à un consensus qui devait être présenté au Conseil de décembre 2018. Où en est-on aujourd'hui ? Le deuxième portait sur le fonds européen de stabilisation de l'assurance chômage. C'était une idée très innovante amenée par des économistes allemands et français issus d'écoles économiques différentes, dans l'objectif de concilier solidarité européenne et politiques fiscales responsables. Où en est-on concrètement dans la mise de ce fonds de stabilisation ?

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On s'est désolé à un moment du déclin de l'apprentissage du français en Allemagne et de l'allemand en France. Où en est-on sur le sujet de l'apprentissage de la langue de l'autre dans chacun de nos pays ?

Deuxième question : pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les deux « groupes de sages » mis en place pour les questions économiques et pour les questions sociales ? Quels sont les objectifs de ces groupes de travail et les questions actuellement à l'ordre du jour ?

Dernière question : de plus en plus, les divergences de fond entre l'Allemagne et la France sont rendues publiques. Ce n'est d'ailleurs pas forcément une mauvaise chose de dire que l'on n'est pas d'accord : cela permet d'avoir des discussions franches et utiles. Dans quels domaines les divergences peuvent-elles aboutir à un consensus, à la suite d'une discussion nourrie voire d'un affrontement d'idées ?

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J'aurais trois questions. La première sur le Brexit : comment percevez-vous la discussion qui va s'engager entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, à la fois pour ce qui est des délais et pour ce qui est du fond (faut-il s'attendre à une convergence des intérêts ou à des divergences croissantes) ?

Sur l'Europe de la défense : la chancelière a bien dit que l'Europe devrait prendre davantage en main sa propre défense. Or la coopération n'a pas l'air facile en dehors du cadre de l'OTAN ; mais l'OTAN elle-même est « en état de mort cérébrale » comme l'a dit le Président de la République, et la coopération n'est pas plus facile avec les États-Unis ou la Turquie. Il faut sur cette question sortir de l'affrontement et clarifier les positions.

Enfin, les États du Sud et les États du Nord semblent emprunter deux voies distinctes : il n'y a qu'à voir la situation en Italie, en Espagne (avec une majorité politique assez étrange)… Paradoxalement, on a mieux réussi la convergence entre la zone euro et les autres États de l'Union que, au sein de la zone euro, entre les pays du Nord et ceux du Sud. Quel est le point de vue de l'Allemagne ? Faut-il faire quelque chose de plus, en matière de solidarité budgétaire par exemple ?

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Où en est-on sur le fonds européen de défense ? Est-ce que l'Allemagne s'y investit pleinement ?

Par ailleurs, au Mali, l'Allemagne et la France étaient vraiment sur la même longueur d'onde il y a trois ou quatre ans. Or j'apprends en lisant la presse qu'il y aurait à présent des divergences entre la France et l'Allemagne. Le Haut Représentant va élaborer d'ici le 26 mars une stratégie sur le Sahel, date à laquelle se tiendra également le prochain sommet entre l'Union européenne et les États du G5 Sahel. Je souhaite que la France et l'Allemagne se mettent d'accord sur une véritable stratégie européenne et j'aimerais avoir votre point de vue sur le sujet.

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Monsieur l'Ambassadeur, j'aimerais vous poser une question sur le protocole additionnel à la Charte européenne de l'autonomie locale, voté la semaine dernière par l'Assemblée nationale française. Ne pourrait-on pas conduire dans le cadre de l'assemblée franco-allemande une action concrète en faveur du droit des citoyens à participer à la vie démocratique locale ?

Deuxième question, sur le contrôle des exportations d'armes. A partir de quel pourcentage de composants un État peut-il s'opposer à une vente d'armes ? Quels sont les critères pour autoriser ou non les licences d'exportation ? Quelle est la procédure pour accorder les licences en Allemagne ? On sait, en ce domaine, qu'en Allemagne le Bundestag a un rôle bien plus important que le Parlement français.

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Une question concernant l'objectif qui figure à l'article 7, « établir un partenariat plus étroit entre l'Europe et l'Afrique ». Indépendamment de l'aspect militaire, qu'est-ce qui a pu être mis en place sur l'aspect civil : développement de l'entreprenariat privé, autonomisation des femmes, développement économique et social ?

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S Exc Nikolaus Meyer-Landrut

L'accord franco-allemand sur l'exportation d'armement est un texte public qui a force de traité international. Le gouvernement allemand a signé ce texte, ce qui montre qu'il n'y a pas de divergence interne. Ce texte traite de trois cas.

Le premier cas, c'est celui où une partie d'un matériel d'armement est produit dans l'autre pays. Un pays peut s'opposer à l'exportation d'armements dès lors qu'il a contribué à sa production à hauteur de 20 %. Mais on distingue les armes au sens strict (Kriegswaffen) des éléments qui sont nécessaires à la production des matériels de guerre sans constituer des armes en tant que tels (par exemple les boîtiers de vitesse dans un char). Les points litigieux qui pourront apparaître seront laissés à l'appréciation d'une commission mixte.

La deuxième dimension est la future coopération commune et les produits qui en seront issus, peut-être dans quinze ou vingt ans. Les règles de cette coopération sont établies. Il y a par ailleurs des coopérations entre industriels, que je qualifierais de « spontanées » en ce qu'elles ne sont pas nées d'une volonté gouvernementale, qui aboutissent néanmoins à des produits d'armement franco-allemands. L'ensemble de ces textes a été signé et sert de fondement aux décisions prises en commun.

Pour ce qui concerne le rôle du Bundestag dans le contrôle des exportations d'armement, le Bundestag n'a pas droit de regard ex ante, mais un pouvoir de contrôle ex post. Les décisions relatives aux exportations d'armement relèvent de la compétence du pouvoir exécutif, comme l'a confirmé la Cour constitutionnelle allemande. Le Bundestag dispose de deux instruments pour exercer son contrôle. Le premier est un rapport annuel. Je laisse à chaque lecteur le soin d'étudier les différences entre le rapport allemand et le rapport français… Le deuxième est celui de la question écrite au gouvernement. Le gouvernement doit répondre dans un délai de sept jours aux « petites questions » (kleine Anfrage). Si la question est plus importante, il dispose d'un peu plus de temps. L'an dernier, le gouvernement allemand a été amené à répondre à plus de quarante questions sur ce type de sujets. C'est un sujet sur lequel les députés allemands posent des questions très fréquentes et très détaillées, auxquelles le gouvernement répond avec toutes les précisions qu'il peut apporter.

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Ce point de procédure est intéressant, surtout si on le compare au délai avec lequel les gouvernements français successifs répondent aux parlementaires. Pour les « grossen Anfragen », quel est le délai de réponse ?

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S Exc Nikolaus Meyer-Landrut

La différence porte sur le nombre de questions. Une « kleine Anfrage » peut être composée d'une dizaine de questions, alors qu'une « grosse Anfrage » peut comprendre plus d'une cinquantaine de questions. Pour une « kleine Anfrage », le délai de réponse est de 7 jours. Le gouvernement demande parfois humblement un peu plus de temps en fonction de la complexité du sujet. Pour les autres questions, en général, il répond dans un délai d'un mois. Pour le gouvernement, c'est un travail qui mobilise beaucoup de ressources ; cet instrument est très utilisé sur les questions d'exportations d'armement, mais il peut l'être dans tous les domaines.

Sur l'union bancaire, il ne s'agit plus aujourd'hui d'un travail franco-allemand, mais d'un travail au niveau européen, au sein de l'Eurogroupe et avec la Commission. Cet automne, le ministre des finances allemand a fait un pas important – de notre point de vue – en matière de garantie des dépôts, en disant qu'il pouvait imaginer un tel instrument, moyennant des réponses à un certain nombre de questions, comme le traitement des prêts non performants dans certaines banques. Je pourrai vous transmettre le document du ministre des finances qui mentionne un certain nombre de questions techniques qui nécessitent des réponses. Jusqu'à présent, la position allemande était que ces questions devaient être réglées au préalable. Désormais, elles peuvent l'être en même temps. Il y a une différence, mais il est nécessaire d'aborder ces questions pour rétablir une confiance suffisante entre les différents systèmes bancaires pour mettre en place ce type de garanties.

Pour ce qui concerne l'assurance chômage, il s'agirait pour nous d'un système de réassurance. Les différents systèmes nationaux contribueraient quand la conjoncture est positive et pourraient obtenir des crédits quand elle devient défavorable. La nouvelle Commission a repris cette idée à son compte et annoncé qu'elle ferait des propositions. À ce stade, il n'y a pas de travail détaillé à ce sujet à l'Eurogroupe, ni entre Français et Allemands. Nous attendons la proposition de la Commission.

Pour l'apprentissage des langues, le traité parle de la perspective de mettre en place dans les deux pays, selon les niveaux, des stratégies correspondantes. La formulation est importante car il ne peut pas y avoir de stratégie nationale en Allemagne, la compétence en la matière étant celle des Länder. En France, on peut avoir une stratégie nationale, pas de stratégie régionale. La Sarre a une « stratégie France ». Le Bade-Wurtemberg travaille à sa propre stratégie France, qui portera un autre nom pour ne pas imiter un État beaucoup plus petit...

Il est important d'englober la question de l'apprentissage des langues dans une stratégie plus large qui démontre l'intérêt de cet apprentissage et dans laquelle on peut prévoir les investissements nécessaires pour développer les liaisons entre les deux pays. Aussi bien les Länder que le Bundestag pour le budget fédéral ont prévu des financements pour améliorer les liaisons ferroviaires, comme entre Colmar et Fribourg, d'une part, et Haguenau et Karlsruhe, d'autre part. Le Bundestag a inscrit une nouvelle ligne budgétaire dans le budget allemand, dotée dans un premier temps de 8,7 millions d'euros.

Tout est lié. Il faut travailler en même temps sur l'apprentissage des langues, les liaisons ferroviaires et les échanges économiques pour que l'apprentissage des langues trouve son intérêt. Cette approche de stratégie est intelligente, mais il faut veiller à ce que, à l'intérieur de cette stratégie, la formation linguistique proprement dite ne disparaisse pas.

En matière économique, les sages sont tellement sages que l'on ne peut pas leur dire de quoi ils peuvent parler ! Ils choisissent eux-mêmes les sujets sur lesquels ils souhaitent faire entendre leur voix. C'est différent en matière sociale, où il s'agit d'un travail entre les deux ministères sur des perspectives à moyen terme. La Commission a par exemple dit qu'elle allait présenter des réflexions sur des salaires minimums européens, au pluriel, car il faut choisir un système permettant dans chaque pays que le salaire minimum constitue une avancée sociale sans détruire la compétitivité. On ne peut pas avoir un salaire minimum à travers toute l'Europe quand on voit le différentiel entre la Bulgarie et le Luxembourg. Le groupe franco-allemand réfléchit à des solutions pour trouver un système intelligent. Si le système européen aboutit à ce que, dans la plupart des pays, le salaire minimum soit inférieur à ce qu'il est aujourd'hui, beaucoup de gens vont nous féliciter !

M. Bourlanges parlait d'affrontement et de clarification des choses. Nos deux pays ont réalisé un travail important sur la place de la Russie, qui a été rendu visible par la participation de M. Poutine au sommet en format « Normandie » du 9 décembre, puis au sommet de Berlin sur la Lybie dimanche dernier. Il y a une compréhension commune selon laquelle la Russie doit faire partie des acteurs impliqués pour essayer de faire avancer la diplomatie dans un certain nombre de conflits. Il y a également une compréhension commune entre les deux États sur le fait que la question ukrainienne et la mise en oeuvre des accords de Minsk dans leur dimension politique sont un préalable pour faire évoluer la position européenne sur les sanctions relatives au Donbass, ce qui a été accepté par le Conseil européen de décembre. Sur les perspectives de coopération avec la Russie, nous avons fait beaucoup de progrès et stabilisé une approche commune.

S'agissant du Brexit, le mandat de négociation devrait être adopté courant février et les négociations pourraient commencer en mars. Si je n'ai guère de doute sur l'adoption du mandat et l'unité des Européens, je crois que les négociations seront très compliquées avec le Royaume-Uni. En effet, compte tenu de la volonté de ce dernier de se différencier des normes et pratiques de l'Union européenne, la question se pose : quel degré de différenciation peut-on accepter et à quelle vitesse ?

Or, les négociations devront avoir lieu dans un délai très court. Si elles ne portent que sur des matières relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne, c'est possible, car seule la ratification du Parlement européen sera nécessaire. En revanche, si elles portent sur des matières de compétence partagée, c'est impossible, car il faudra alors une ratification de l'ensemble des États-membres. Certes, une extension de la durée des négociations est possible mais la décision devra être prise avant l'été.

L'Europe de la Défense ne pourra pas se faire sans une analyse des menaces et un consensus sur celles-ci. Or, le ressenti des États-membres est très différent. Le terrorisme représente une menace majeure pour la France, mais moins pour d'autres pays, comme les pays de l'Est ou même l'Allemagne. Pour ces derniers, c'est la Russie qui constitue la menace principale. La Turquie, quant à elle, est un partenaire compliqué pour l'Union européenne, mais je pense qu'il est dans notre intérêt de la conserver comme alliée dans le cadre de l'OTAN. Quant au Fonds européen de Défense, l'Allemagne partage les préoccupations de la France sur sa future dotation, après que la présidence finlandaise a proposé de la réduire substantiellement. Pour l'Allemagne, cette proposition est clairement insuffisante, mais elle ne veut pas s'engager sur un chiffre car le cadre financier pluriannuel (CFP) est une négociation globale.

Les disparités Nord-Sud sont réelles et sont prises en compte dans plusieurs des négociations clés actuellement en cours, qu'elles portent sur la réforme du mécanisme européen de stabilité ou le CFP.

En Afrique, l'Allemagne participe aux missions de la PSDC EUTM Mali et EUCAP Sahel Mali. Elle a également déployé des soldats en Afghanistan. L'évolution de l'opération française Barkhane vers une mission européenne, si elle se fait, posera la question de la participation de l'Allemagne. Pour le moment, je n'ai pas la réponse car c'est un sujet de discussion au sein de la grande coalition.

Je ne connais pas la Charte d'autonomie des collectivités locales que vous avez évoquée. Instinctivement, en tant qu'Allemand, je ne peux qu'être favorable à l'autonomie des collectivités locales.

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Je voudrais revenir sur la fusion avortée entre Siemens et Alstom. Le rejet de celle-ci par la Commission européenne a déclenché un vaste débat en France et en Allemagne sur la politique européenne de la concurrence et son articulation avec la politique industrielle. Quelle est votre position à ce sujet ?

Par ailleurs, le marché des batteries électriques représentera à terme, dans le monde, 116 milliards de dollars. La Commission européenne a autorisé les États-membres à octroyer des aides d'État pour soutenir cette filière, dans laquelle sont très engagées la France et l'Allemagne, à hauteur de 3,2 milliards d'euros. Pensez-vous que ce soit la bonne voie ? Airbus peut-il être un modèle pour la future filière européenne de batteries électriques ?

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Je vous remercie pour votre présence en ce jour si symbolique. Je veux vous interroger en tant que rapporteur sur l'espace fiscal européen. Il est certain qu'il importe fondamentalement aujourd'hui de ne pas concentrer l'ensemble des initiatives de politiques européennes de la part des États coeurs de l'Union, et notamment de nos deux pays.

En revanche, face aux enjeux en matière de recette fiscale et de bonne gestion des finances publiques, de souveraineté européenne et d'égalité des citoyens devant l'impôt, il faut pouvoir aboutir à une fiscalité harmonisée. En effet, les distorsions de fiscalité sont aujourd'hui la conséquence directe du marché intérieur et de la libre circulation que nous initions depuis le début de la construction européenne. Ainsi nous avons, en tant que couple franco-allemand, à envisager des propositions de ce point de vue.

Pourriez-vous nous indiquer quelles sont les positions de la République Fédérale d'Allemagne sur les enjeux de fiscalité du capital, d'évasion fiscale et d'imposition des grands groupes numériques ? Je pense notamment au projet d'une définition plus claire de la notion d'établissement stable dans l'Union, et aux mécanismes de réduction des transferts de bénéfices. L'idée également d'un reporting pays par pays, comme le recommande l'OCDE, vous semble-t-elle appropriée pour une meilleure transparence et un suivi des bénéfices imposables ?

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Il y a une semaine, Paris, Berlin et Londres ont déclenché le mécanisme de règlement des différends prévu dans le texte de l'accord de Vienne afin de contraindre Téhéran à revenir au respect de ses engagements en matière de nucléaire. Pour le Quai d'Orsay, cette décision vise à faire pression sur l'Iran pour sauver l'accord de 2015, et non pas à décréter de nouvelles sanctions comme le souhaite Donald Trump. Cette volonté européenne que la diplomatie reprenne ses droits pourrait très vite se heurter au rapprochement entre le Royaume-Uni et les États-Unis prôné par Boris Johnson, même si les déclarations du premier ministre sont, pour le moment, en contradiction avec les efforts entrepris par la diplomatie britannique, qui répète son attachement à l'accord de 2015. La question de la place de la diplomatie européenne se pose, face à Washington, Moscou, voire Pékin, mais aussi face à ses propres divisions alors que s'ouvre une délicate période de transition à la suite du Brexit.

Ma deuxième question porte sur l'avenir du multilatéralisme, dans un monde où les relations bilatérales semblent devenir le nouveau credo. Quelle est la position de l'Allemagne sur ces deux points ?

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En tant que membre de l'Assemblée parlementaire franco-allemande et du groupe d'amitié France-Allemagne, je considère qu'il est essentiel d'avoir cet échange de vues approfondi sur ces questions essentielles. À cet égard, j'aimerais vous interroger sur deux aspects portant sur l'avenir de l'Europe, à savoir le Brexit et l'élargissement.

Ma première question porte sur la place du Royaume-Uni dans la défense européenne La ministre allemande de la défense a proposé d'offrir un statut de tiers privilégié au Royaume-Uni, qui pourrait l'inclure au projet franco-allemand de système de combat aérien du futur. Selon vous, quelle forme pourrait prendre cette intégration ?

Ma deuxième question concerne la perception de l'Allemagne sur la réforme du processus d'adhésion. La France a rejeté l'ouverture des négociations avec la Macédoine du Nord et l'Albanie. Elle a proposé une réforme du processus d'adhésion, à l'instar de l'Italie. La Commission européenne devrait très prochainement présenter sa position sur cette réforme. Au regard des discussions actuelles entre États membres et institutions, quelle est la position de l'Allemagne ?

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Dans l'Assemblée parlementaire franco-allemande, nous oeuvrons avec nos collègues du Bundestag pour mettre en place des groupes de travail. Une de ces thématiques m'est particulièrement chère, celle de la défense. Ce travail commun ne pourra se faire sans une vision commune autour de l'autonomie stratégique européenne. Je précise que dans mon esprit, quand je parle d'autonomie, il s'agit de Selbstständigkeit et non de Unabhängigkeit. Nous pouvons bâtir cette autonomie stratégique européenne en complément de notre alliance au sein de l'OTAN. Nous avons su bâtir une Europe politique dans un certain nombre de secteurs ; il est temps désormais de renforcer notre intégration dans le domaine de la défense. Comment pouvons-nous, à votre avis, créer un consensus entre nos deux pays autour de cette notion d'autonomie stratégique ?

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Cette nouvelle année s'ouvre sur la négociation du budget à long terme de l'Union européenne. Le trou budgétaire provoqué par le Brexit, une perte estimée à 13 milliards d'euros par an selon la Commission, annonce une bataille importante. La Commission a présenté le 14 janvier dernier son Fonds pour la transition juste. Doté de 7,5 milliards d'euros, il vient s'ajouter à la proposition du budget pluriannuel en cours de discussion afin de soutenir les régions les plus dépendantes des énergies fossiles. Un fort investissement est en effet nécessaire pour réaliser l'objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. La France et l'Allemagne sont en accord sur ces questions, puisque nos deux pays ont immédiatement recommandé l'adoption rapide du Pacte vert. Or, le Parlement européen demande plus d'ambition et souhaite que les parlements augmentent leur contribution. Je vous demande donc quelle est la position de l'Allemagne et vous remercie.

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Le Conseil européen du 12 décembre dernier a acté le principe d'un Green Deal. La Commission a détaillé ses ambitions ; elle vise la neutralité climatique à l'horizon 2050. Néanmoins, nous savons que l'Allemagne est encore très dépendante de sa production de charbon. Je crois que vous êtes doté d'un calendrier d'arrêt d'utilisation de cette production autour des années 2035 à 2038. Pensez-vous qu'il soit possible d'atteindre l'objectif de diminution de 55 %, d'autant que nous avons appris l'ouverture d'une nouvelle centrale à charbon dans le bassin rhénan ?

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En tant qu'élue du Bas-Rhin, je mesure chaque jour la force du lien qui unit nos deux pays. En ce jour, je suis très heureuse de vous accueillir parmi nous. Je souhaite vous interroger au sujet de l'accueil des personnes en situation irrégulière. L'Allemagne a accueilli environ 1 million de migrants en l'espace de deux ans, entre 2015 et 2017. Après avoir largement ouvert ses portes au plus fort de la crise, en 2015, le gouvernement fédéral a cherché à rendre son droit d'asile moins attrayant, avant de conclure un accord avec la Turquie afin de restreindre l'afflux de migrants en provenance de Syrie et d'Afghanistan.

Sur ce sujet, je crois comme vous que la coordination avec les pays voisins doit nous permettre de répondre aux drames humains que vivent les réfugiés, tout en répartissant équitablement la solidarité entre les pays membres. Quelle est la vision de votre gouvernement ? Des réformes à l'échelle nationale sont-elles prévues et, le cas échéant, quel est l'agenda européen de votre pays ?

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Je voulais vous poser une question d'actualité. L'opération Choose France, qui a eu lieu cette semaine à Versailles, a pour objectif de séduire des investisseurs étrangers. Nombre d'entreprises allemandes sont installées en France ; leur présence est significative dans ma région des Hauts-de-France. Y a-t-il une progression de leur nombre, et dans quels domaines ? Les mesures de la loi Pacte, votées l'année dernière, ont-elles une capacité de séduction auprès des entrepreneurs allemands, notamment auprès de vos PME, qui correspondent aux ETI françaises ?

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Je vous remercie, madame la Présidente, d'avoir organisé cette rencontre avec l'ambassadeur de la République fédérale juste avant les débats que nous aurons à Strasbourg les 5 et 6 février prochains. Monsieur l'Ambassadeur, je voudrais vous demander de faire un point sur les rapprochements en cours, et notamment sur les industries de l'armement et les projets de chars du futur ou d'avion de combat du futur.

Deuxièmement, quelles sont les avancées obtenues grâce aux bons offices de la diplomatie allemande dans le cadre du conflit libyen, en particulier sur l'implication de la Turquie ? Enfin, et sans vouloir faire d'ingérence, que pouvez-vous nous dire sur la santé économique de l'Allemagne en matière de croissance ? On entend certains parler de récession, compte tenu des tensions actuelles dans les échanges mondiaux.

J'ai aussi une question sur la démographie en Allemagne. Les taux de fécondité nous préoccupent également. Envisagez-vous une relance de la politique familiale ?

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Je suis élu du Haut-Rhin, qui a des relations historiques et économiques très fortes avec l'Allemagne. J'ai une observation au sujet de la pratique de l'allemand. J'assiste à un réel effondrement du côté français. Aujourd'hui, l'anglais est la première langue dans les collèges où je siège au conseil d'administration. Cela était encore impensable dans ma région il y a quinze ans.

L'allemand est essentiellement pratiqué par les très bons élèves, qui n'auront jamais de problème pour s'insérer sur le marché du travail. Aussi, il y a une trentaine d'étudiants en licence d'allemand à Strasbourg, et une quinzaine en master. Avec un tel effectif, nous ne trouverons jamais les enseignants d'allemand dans notre région.

C'est la même chose de l'autre côté de la frontière, comme au Bade-Wurtemberg, où le français n'est plus obligatoire dans l'enseignement primaire. Lorsque des élus français rencontrent des élus allemands, ils commencent à parler anglais. Dans une zone frontalière, c'est tout à fait catastrophique. C'est aussi dû à la baisse de la pratique de l'alsacien, à laquelle l'État a beaucoup contribué : nous en payons aujourd'hui le prix.

J'ai une question très locale. Nous allons nous rencontrer le 5 février dans le cadre des travaux de l'Assemblée parlementaire franco-allemande. J'ai déposé une proposition de résolution. Vous savez que depuis la mise en place de la Maut, en 1995, beaucoup de poids lourds quittent l'Allemagne et traversent Alsace pour éviter cette taxe qui représente trente à quarante euros. Entre-temps, nous avons créé la collectivité européenne d'Alsace, qui est la fusion des départements. Nous avons récupéré la compétence des routes nationales. L'idée est de mettre en place un système d'écotaxe. Nous pourrions passer une convention avec le Tollsystem allemand, qui fonctionne bien. Il faudrait un accord du Bundestag, ce qui serait mission impossible. Je crois cependant que nous devons travailler au quotidien sur cette zone frontalière. Une simple convention avec l'opérateur allemand, qui assurerait le service (à l'exclusion du contrôle, que nous ferions localement) permettrait d'avoir des coûts d'exploitation très faibles. Nous pourrions nous aligner sur la législation allemande. Les travaux de notre Assemblée devraient l'évoquer.

Permalien
S Exc Nikolaus Meyer-Landrut

Je vous remercie pour vos différentes questions. En ce qui concerne le droit de la concurrence, je ne vais pas me prononcer sur une décision particulière, avec beaucoup de facettes, il faudrait entendre l'autorité de la concurrence. Mais cela a permis de réfléchir aux axes dans lesquels le droit de la concurrence doit évoluer. La nouvelle Commission européenne commence à y réfléchir et à émettre des perspectives. Selon nous, il y a quelques points importants. D'abord, avons-nous encore dans le monde d'aujourd'hui des éléments adaptés pour définir le marché pertinent ? Il faut se pencher sur la question pour moderniser le droit de la concurrence. Ensuite, les décisions se basaient dans le passé sur le statu quo. Or, les marchés aujourd'hui sont souvent très dynamiques, il faudrait donc réfléchir aux moyens d'intégrer les évolutions possibles du marché dans ce type de décision. Il y a des moyens de le faire, comme revenir sur la décision deux ans après ou ne pas nécessairement prononcer une interdiction. Il faut donc savoir comment mieux gérer la dynamique de marché dans les décisions de concurrence. Le troisième sujet est celui de l'apparition d'acteurs externes sur lesquels nous ne sommes pas certains que les mêmes règles d'aides d'État soient appliquées qu'en Europe.

Il y a des sujets sur lesquels nous devons avancer et il y a une grande communauté de vues entre la France et l'Allemagne. La nouvelle Commission européenne commence à apporter des réponses plus constructives. D'un autre côté, il y a les géants d'internet et le droit de la concurrence peut aussi être notre arme contre des positions trop dominantes de ces géants, donc ne démantelons pas, pour construire des trains, le droit de la concurrence, au risque de nous retrouver sans outil sur les marchés de demain..

En ce qui concerne le marché des batteries, il s'agit d'une première décision de la Commission européenne. Il existe un second projet porté par l'Allemagne avec d'autres États membres devant la Commission. Il faut comprendre que ces fonds publics ne peuvent être que des fonds de démarrage, il faut ensuite trouver les industriels pour en faire des projets économiquement viables. Cela ne peut pas devenir des subventions durables.

Cela peut aider dans d'autres secteurs mais lorsque je rencontre les industriels notamment de l'aéronautique, l'aviation, l'automobile, les banques, je me rends compte que les défis devant lesquels ces secteurs se trouvent, du fait de la révolution numérique, sont souvent très différents. Il faut donc peut-être regarder ce qu'il faut faire secteur par secteur et le droit européen de la concurrence n'est pas toujours la réponse. Cela peut être le soutien public, la recherche ou un autre encadrement juridique. La concurrence internationale a une influence très variable sur les différents secteurs industriels, donc il faut un travail plus détaillé, secteur par secteur, parce que ce n'est pas nécessairement une décision ou un instrument qui répondra à des situations différentes.

En ce qui concerne l'harmonisation de la fiscalité, il existe une position commune franco-allemande par rapport à la proposition de l'ancienne Commission européenne sur l'harmonisation des assiettes de l'imposition sur les sociétés. Cette proposition ne progresse pas au niveau européen, mais pas en raison de l'absence d'avancées franco-allemandes. La question qui se pose est celle de savoir si les Allemands et les Français souhaitent progresser sur cette question au niveau bilatéral. Pour le moment, cela n'a pas été fait parce que cela implique un ajustement de la fiscalité sur les entreprises dans l'un ou l'autre des États.

Sur la taxation du numérique, la position allemande est de faire tous les efforts nécessaires pour un accord international au sein de l'OCDE avant la fin de l'année. Toutefois, si cela n'est pas possible, en 2021 nous nous trouverons face à la question de mettre en place une législation européenne. Aujourd'hui, le travail prioritaire est d'essayer d'arriver à un règlement international de cette question.

En ce qui concerne l'Iran, il y a un parfait accord entre la France et l'Allemagne sur ce qu'il est nécessaire de faire dans la perspective de maintenir l'accord de 2015 et cette position est partagée par les acteurs européens. Une fois le règlement des différends déclenché, l'acteur principal est le haut-représentant pour la politique étrangère de l'Union européenne, M. Borrell, qui est celui par lequel ces consultations se font avec les Iraniens.

En ce qui concerne les négociations commerciales menées par le Royaume-Uni, je ne sais pas ce que le Premier ministre va faire. Mais je me demande si Boris Johnson va être tenté par une négociation commerciale avec les États-Unis en parallèle ou en amont de la négociation commerciale avec l'Union européenne. Le jour où le Royaume-Uni parviendra à un accord avec les États-Unis, la probabilité d'un accord avec l'Union en sera fortement diminuée. Pour la défense, le Royaume-Uni est un pays important, mais dans la relation avec le Royaume-Uni à partir du 1er février 2020, la différence est qu'il devient un pays tiers, dans tous les sens du terme. Avec ce pays tiers, on peut construire des coopérations. Il faut donc regarder les types de coopérations dans chaque domaine. Mais nous devons faire attention à ce que l'on ne se retrouve pas, à la fin, avec des coopérations individuelles, c'est-à-dire le « cherry picking » que le Royaume-Uni a toujours souhaité.

Sur l'élargissement, nous souhaiterions que le Conseil européen de mars puisse rouvrir la perspective pour l'adhésion de la Macédoine du Nord et l'Albanie. Les propositions pour améliorer le processus d'élargissement sont intéressantes. Toutefois, aujourd'hui, chaque État membre détient un veto sur chaque décision individuelle d'élargissement. Chaque ouverture et fermeture d'un chapitre se décident donc à l'unanimité au Conseil. À ce titre, l'argument selon lequel il s'agit d'un processus automatique dès lors que les négociations sont ouvertes ne correspond ni à la réalité ni aux règles en vigueur. Néanmoins, si on peut améliorer ces règles, cela peut être envisagé, mais l'objectif selon nous est d'arriver à un cadre permettant d'avancer sur cette question en mars.

Pour arriver à un consensus en matière de défense, je pense qu'il faut un échange beaucoup plus intense entre les différents acteurs, entre les deux assemblées et développer une culture stratégique commune, qui pourra déboucher sur un plus grand consensus. Cela ne va pas se réaliser en une seule réunion. Les parlementaires allemands, qui doivent voter pour l'envoi de troupes allemandes, doivent en être conscients et échanger avec vous sur vos analyses, vos perspectives, vos préoccupations, et cela aura inexorablement un effet sur une culture plus proche qui pourra se développer.

Sur les perspectives financières, nous ne voulons pas de négociations sur ce sujet en mars et négocier sur un fonds de transition juste en juin : il s'agit d'un « paquet ». Le montant de 1 %, que beaucoup de personnes considèrent comme insuffisant, est un chiffre dynamique, avec des montants élevés. C'est le seul budget qui s'autorise une augmentation automatique d'année en année. Selon les calculs effectués, on constate la perte de 13 milliards d'euros par an sur les sept ans, et pour l'Allemagne cela représente une augmentation en moyenne de 10 milliards d'euros par an. Donc il n'est pas étonnant que le ministre des finances allemand trouve qu'il s'agit d'un montant élevé. Une vraie négociation doit donc être menée sur le montant, sur les mécanismes de correction et sur les modalités de répartition de ces crédits entre les différents objectifs.

Pour la réduction des gaz à effet de serre à horizon 2030 et le charbon, il y a quatre grands secteurs qu'il faut regarder dans ce domaine, et pas seulement la production d'énergie, car les mix énergétiques français et allemand sont différents. L'Allemagne a pris des décisions sur le charbon et, à côté, il y a la production de CO2 par l'industrie, les bâtiments et les transports. Si on veut atteindre les objectifs de réduction voulus en 2030 et la neutralité carbone à horizon 2050 sans faire des efforts sur les trois autres secteurs, on n'y arrivera pas. Mon souhait, en matière de coopération franco-allemande, c'est que malgré nos différences dans le mix énergétique, nous prenions le temps d'échanger sur les sujets pour lesquels nous avons les mêmes difficultés et les mêmes objectifs.

En ce qui concerne les personnes en situation irrégulière, je rappelle que l'accord avec la Turquie en 2016 était un accord avec l'Union européenne et non avec l'Allemagne, même si l'Allemagne a beaucoup poussé dans ce sens. Le ministre de l'intérieur allemand est en train de discuter avec son homologue français, examinant des solutions beaucoup plus européennes et souhaite, si la Commission européenne fait des propositions en ce sens, durant le second semestre 2020, sous présidence allemande, arriver à des conclusions. Du point de point de vue national, les évolutions de la législation allemande ont eu lieu dans les années 2015, 2016 et 2017, donc le travail aujourd'hui a trait au cadre européen.

La « redistribution » des demandeurs d'asile n'est pas une idée qui fonctionne. Nous souhaiterions qu'il y ait d'abord un pré-examen à la frontière des États européens. Ce « pré-examen » permettrait d'éliminer des listes de demandes d'asile celles qui ne sont manifestement pas justifiées au titre de l'asile ; puis un examen plus approfondi aurait lieu sur la base des droits d'asile nationaux et de règles de solidarité à définir. II ne faut pas qu'une personne déboutée en Allemagne puisse faire une nouvelle demande en France sur le même fondement juridique. Il s'agira donc de faire évoluer les principes de Dublin pour aboutir à un nouveau système d'asile européen.

Les industriels allemands investissent en France dans beaucoup de secteurs, surtout les grands groupes. Pour l'industrie de défense, il y a eu avant Noël un accord important entre les fabricants de turbines Safran et MTU pour « l'avion de combat du futur ». Il y a aussi une base d'échanges entre constructeurs de chars. Ces projets sont structurants pour notre industrie de défense, pour les décennies à venir.

Quant à la Libye, c'était important pour nous que M. Poutine et M. Erdogan viennent à Berlin. Notre objectif premier était de réunir tous les acteurs concernés, car nous pensons qu'il n'y aura pas de véritable cessez-le-feu sur le terrain si les alliés des différentes factions ne parviennent pas à s'entendre. Cette première étape fut un succès, ce n'est bien sûr qu'une première étape.

La santé de l'économie allemande n'est pas si mauvaise que cela. Nous attendons 0,9 % de croissance cette année, ce qui est certes plus bas que les années précédentes. L'économie allemande étant particulièrement dépendante des échanges internationaux, le vrai risque serait que M. Trump instrumentalise les relations commerciales entre les États-Unis et l'Allemagne pour en tirer un profit électoral.

Il ne faut pas établir une concurrence entre l'allemand et l'anglais, la lutte serait perdue d'avance. L'anglais c'est un peu comme les mathématiques : c'est une connaissance de base, nécessaire mais sans grande valeur ajoutée. À l'inverse, l'allemand doit être présenté comme une compétence en plus qui permet de faire la différence.

III. Nomination de rapporteurs

Sur proposition de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a nommé :

– Mme Catherine Osson, en remplacement de M. Alexandre Holroyd, rapporteure pour information sur la sécurité alimentaire dans l'Union européenne ;

– M. Jean-Pierre Pont et Pierre-Henri Dumont, rapporteurs pour information sur la pêche dans le contexte post-Brexit.

IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution

Sur le rapport de la Présidente Sabine Thillaye, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.

l Textes actés

À défaut d'observations formulées par ses membres, il est proposé à la Commission de prendre acte des textes suivants :

Ø Institutions

- Décision du Conseil prise d'un commun accord avec le président élu de la Commission, portant adoption de la liste des autres personnalités qu'il propose de nommer membres de la Commission, et abrogeant et remplaçant la décision (UE) 20191393 (1276319 LIMITE - E 14463).

- Décision du conseil portant nomination de deux membres du comité de personnalités éminentes indépendantes conformément à l'article 11, paragraphe 1, du règlement (UE, Euratom) n° 11412014 du Parlement européen et du Conseil relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (1380319 LIMITE - E 14474).

- Décision du conseil portant nomination des membres et suppléants du Comité des régions pour la période allant du 26 janvier 2020 au 25 janvier 2025 (1423319 - E 14481).

Ø Politique agricole commune

- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) nº 1422011 en ce qui concerne les normes microbiologiques applicables aux aliments crus pour animaux familiers, les exigences concernant les établissements agréés, les paramètres techniques applicables à la méthode dénommée «procédé de gazéification Brookes» et à l'hydrolyse des graisses fondues, et l'exportation du lisier transformé, de certains sangs, produits sanguins et produits intermédiaires (D06126904 - E 14453).

- Règlement de la Commission modifiant le règlement (UE) n° 1422011 en ce qui concerne les exigences applicables aux sous-produits animaux et aux produits dérivés qui sont originaires de l'Union et y sont réexpédiés après avoir été interdits d'entrée par un pays tiers (D06451602 - E 14454).

- Proposition de règlement du conseil modifiant le règlement (UE) n° 13882013 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires autonomes de l'Union pour certains produits agricoles et industriels (COM(2019) 596 final - E 14459).

- Règlement (UE) de la Commission rectifiant certaines versions linguistiques du règlement (CE) nº 1242009 établissant des valeurs maximales pour la présence dans les denrées alimentaires de coccidiostatiques ou d'histomonostatiques résultant du transfert inévitable de ces substances vers des aliments pour animaux non cibles (D6392603 - E 14462).

- Règlement (UE) de la Commission modifiant les annexes II et III du règlement (CE) n° 3962005 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les limites maximales applicables aux résidus de prochloraz présents dans ou sur certains produits (D06386203 - E 14503).

Ø Pêche

- Proposition de règlement du parlement européen et du conseil établissant un plan pluriannuel de gestion du thon rouge dans l'Atlantique Est et la mer Méditerranée, modifiant les règlements (CE) nº 19362001, (UE) 20172107 et (UE) 2019833 et abrogeant le règlement (UE) 20161627 (COM(2019) 619 final - E 14486).

l Textes actés de manière tacite

Il est enfin proposé à la Commission de prendre acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :

Ø Politique agricole commune

- Règlement de la commission modifiant le règlement (CE) 18812006 en ce qui concerne les teneurs maximales en perchlorate dans certaines denrées alimentaires (D06390303 - E 14506).

- Règlement UE de la Commission du modifiant l'annexe II du règlement (CE) n° 13332008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'utilisation des polysorbates (E 432-436) dans les boissons gazeuses (D06390703 - E 14512).

- Règlement de la commission modifiant l'annexe II du règlement (CE) n° 13332008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'utilisation de l'acide citrique dans le cacao et les produits de chocolat (D06390803 - E 14513).

- Règlement de la commission modifiant l'annexe II du règlement (CE) nº 13332008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'utilisation de l'hémicellulose de soja (E 426) (D06392303 - E 14514).

- Règlement UE de la Commission XXX modifiant l'annexe III du règlement (CE) nº 13332008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'utilisation de l'acide sorbique (E 200) dans les préparations de colorants liquides pour la coloration décorative des coquilles d'oeufs (D06392403 - E 14515).

- Règlement UE de la Commission du xxx modifiant l'annexe II du règlement (CE) nº 13332008 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l'utilisation du polyricinoléate de polyglycérol (E 476) dans les émulsions liquides d'huiles végétales (D06392503 - E 14516).

La séance est levée à 16 heures 50.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Patrice Anato, Mme Aude Bono-Vandorme, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Vincent Bru, M. André Chassaigne, Mme Marguerite Deprez-Audebert, Mme Frédérique Dumas, M. Michel Herbillon, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. Jérôme Lambert, Mme Nicole Le Peih, Mme Catherine Osson, M. Xavier Paluszkiewicz, M. Jean-Pierre Pont, M. Joaquim Pueyo, M. Didier Quentin, M. Éric Straumann, Mme Liliana Tanguy, Mme Sabine Thillaye

Excusés. - Mme Yolaine de Courson, M. Bernard Deflesselles, M. Pierre-Henri Dumont

Assistaient également à la réunion. - M. Jacques Marilossian, Mme Martine Wonner