Les attentes sont fortes, partout dans le monde. Dans certains pays, les femmes n'ont pas le droit d'ouvrir un compte bancaire à leur propre nom. Dans d'autres, elles n'ont pas le droit d'hériter. Nous nous battrons pour y faire avancer la situation des femmes en matière économique.
Les opposants aux droits des femmes savent s'allier pour faire régresser les droits acquis. Dans les pays, comme le nôtre, où une majorité de personnes est engagée pour les droits des femmes, nous avons aussi parfois du mal à obtenir des avancées sur ces sujets. Vous connaissez tous ces propos de Simone de Beauvoir : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Nous ne sommes jamais à l'abri. Face aux bouleversements politiques, climatiques et économiques qui traversent le monde, aux opportunités, aux risques, des coalitions d'action interétatiques seront utilement lancées lors de ce forum. Elles s'inspireront du modèle de la présidence française du G7, pour obtenir des résultats concrets et mesurables à l'horizon de cinq ans.
Avec ONU Femmes et le Mexique, nous avons défini six thématiques, qui, si vous le souhaitez, pourront faciliter la préparation de votre engagement dans le cadre de ce forum : les droits et la santé sexuels et reproductifs, c'est-à-dire l'accès à la contraception et à l'avortement, notamment ; l'autonomisation économique des femmes ; la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, du harcèlement de rue – la loi sur ce sujet, votée à l'unanimité en 2018, a été retenue comme étant l'une des meilleures lois mondiales pour l'égalité entre les femmes et les hommes, ce dont nous pouvons nous réjouir – aux féminicides ; le rôle des femmes dans l'innovation et les technologies ; leur rôle dans la lutte contre le changement climatique, sujet sur lequel la France souhaite particulièrement s'engager ; et le soutien aux mouvements féministes, non seulement en France mais surtout dans les pays où les femmes sont emprisonnées et risquent leur vie pour s'être engagées à défendre les droits et la liberté des femmes. Je pense ici à l'avocate iranienne, Nasrin Sotoudeh, qui se trouve en prison pour avoir défendu le droit de femmes à sortir tête nue dans la rue.
Ces six thèmes ont été décidés en étroite collaboration avec la société civile. Sous l'égide d'ONU Femmes, un groupe mondial a en effet été créé, sur lequel nous nous appuyons pour organiser ce forum. Nous annoncerons dans quelques jours que la France prendra la tête d'une des coalitions d'action grâce à laquelle elle mobilisera ses partenaires. Nous pourrons aussi nous engager, en politique étrangère et au niveau national, dans d'autres coalitions d'action que lanceront des partenaires du Nord et du Sud.
Le forum sera aussi un espace d'expression et de célébration de la société civile féministe, qui, partout dans le monde, est le fer de lance de l'égalité entre les femmes et les hommes, trop souvent, au péril de sa sécurité. Il promet certains moments émouvants puisque le forum Pékin +25 célèbre les vingt-cinq ans de la Déclaration de Pékin, adoptée par plusieurs organisations féministes pour partager un socle en matière de droits des femmes. Certaines militantes, présentes à Pékin il y a vingt-cinq ans, se trouveront à Paris, ce qui offrira un regard sur l'histoire des droits des femmes, qui est très récente. Nous pourrons donc célébrer les acquis réalisés par les femmes et les hommes qui se sont engagés quelques générations avant nous.
Je souhaite que la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale soit informée de la préparation de ce forum et qu'elle puisse y être associée autant que possible. Les représentants de la Nation ont toute leur part dans cet effort collectif. Si une action collective mondiale peut être menée, nous ferons de ce forum une grande réussite. Cela suppose que la France s'engage, indépendamment des couleurs et des groupes politiques. L'ambassadrice Delphine O, ancienne députée, nommée secrétaire générale de l'événement, pourra travailler avec vous en ce sens et préparer les participations que vous souhaiterez peut-être apporter ou les thèmes dont vous voudrez que la France s'empare plus particulièrement.
Bien sûr, l'action de la France et du Gouvernement pour l'égalité entre les femmes et les hommes ne se limite pas aux sujets évoqués précédemment. Avec ma collègue Christelle Dubos, nous travaillons sur le non-paiement des pensions alimentaires, une forme de violence économique qui doit disparaître. La mesure s'appliquera dès cet été, afin d'y mettre fin.
De même, le plan de lutte contre la précarité menstruelle sera appliqué. Je voudrais ici remercier M. Joël Giraud, dont l'amendement a doté le plan de moyens substantiels, ainsi que ceux qui l'ont voté.
Je vous confirme également que je poursuis la réflexion sur la situation et la qualité de vie au travail des femmes de chambre. Je sais que vous aurez à coeur de vous inscrire dans une démarche volontaire pour en permettre l'amélioration.
Enfin, dans quelques jours, avec la garde des sceaux et sous l'autorité du Premier ministre, je confierai une mission d'évaluation parlementaire à la députée Alexandra Louis, rapporteure de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, que vous avez votée à l'unanimité. Devant les débats suscités par cette loi, notamment son article 2, je m'étais engagée à ce qu'elle soit évaluée.
Cette mission consistera donc en la remise d'un rapport qui portera sur l'ensemble du texte, notamment sur la lutte pour la verbalisation du harcèlement de rue ; l'allongement des délais de prescription pour les crimes sexuels, en particulier ceux commis sur les mineurs ; la création du seuil de quinze ans, en deçà duquel la surprise est constitutive d'un élément de qualification du viol – la rapporteure nous dira si ce seuil a permis de qualifier davantage de viols. Il s'agira également d'évaluer la création de nouveaux délits : celui de cyberharcèlement en meute, pour lequel une jurisprudence existe dont j'ai été à l'origine, ainsi que celui visant l'utilisation de la drogue du viol, que vous avez voté. L'ensemble des amendements que les députés ont apportés pour enrichir le projet de loi seront évalués. Nous verrons alors si Alexandra Louis recommande au Gouvernement de remettre l'ouvrage sur le métier. Comme je m'y étais engagée, nous le ferons pour améliorer et renforcer encore la loi, si cela est nécessaire. Pour en décider, nous avons besoin d'une évaluation stricte et précise.
Le Gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir mais ne pourra cependant pas tout, tout seul. Je sais pouvoir compter sur votre implication, que votre présence à cette audition atteste, alors que, compte tenu de la situation du pays, vos responsabilités pourraient vous appeler ailleurs, en circonscription ou dans l'hémicycle. Je vous remercie donc, ainsi que l'ensemble de vos collègues pour tout ce que vous accomplissez afin que l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les droits des femmes puissent être la grande cause nationale du quinquennat. Je suis à votre entière disposition pour répondre à vos éventuelles questions.