La séance est ouverte à 17 heures 40.
Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.
La Délégation auditionne Mme Marlène Schiappa, Secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations
Mes chers collègues, avant de procéder à l'audition de Mme Marlène Schiappa, je souhaite vous informer de la décision du bureau de notre délégation, qui s'est réuni ce matin, de mettre en place un groupe de travail pour le suivi du projet de loi instituant un système universel de retraite qui doit être présenté vendredi en conseil des ministres. Le bureau a retenu les candidatures de Mme Sophie Panonacle et de Mme Marie-Noëlle Battistel, auteures en 2019 d'un rapport sur la séniorité des femmes, pour en coordonner les travaux. Tous les membres de la délégation sont invités à participer à ce groupe de travail, qui conduira des auditions et rédigera une contribution qui sera remise aux membres de la commission spéciale.
Sur le même sujet, le bureau a également décidé de la tenue d'une table ronde mardi prochain à dix-huit heures, ainsi que d'une réunion de restitution des travaux du groupe de travail, jeudi 30 janvier à dix heures.
J'en viens maintenant à l'ordre du jour de notre réunion. À l'occasion de cette nouvelle année, je suis ravie d'accueillir Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, afin d'évoquer ensemble les sujets qui nous mobiliseront toutes et tous au cours des prochains mois.
J'en profite, madame la secrétaire d'État, pour vous présenter nos meilleurs voeux de réussite dans l'exercice de vos fonctions et dans l'accomplissement du travail que vous menez depuis deux ans et demi au sein du Gouvernement, afin d'abaisser le seuil de tolérance de la société face aux inégalités.
Nous ne manquerons pas, à vos côtés, de nous saisir de 2020 pour porter la diplomatie féministe dans les grands rendez-vous internationaux qui nous attendent, mais également pour poursuivre la lutte contre toutes les violences faites aux femmes – les violences physiques et psychiques, contre lesquelles nous avons musclé notre arsenal législatif depuis le début du quinquennat, mais aussi les violences économiques, sur lesquelles nous travaillons afin d'enrichir le projet de loi que vous préparez.
Je tiens également à vous remercier, madame la secrétaire d'État, pour l'engagement et le courage dont vous avez fait preuve dans la construction du Grenelle contre les violences conjugales. Un temps fort nécessaire, à la hauteur de l'urgence de la situation, qui a permis à l'ensemble de la société d'entendre la parole des victimes, des associations et des professionnels concernés, mais aussi de connaître enfin le 3919, dont vous allez sans doute nous dire un mot.
L'organisation de ce Grenelle a été une réussite, et il nous revient à présent de veiller à ce que les annonces du Premier ministre deviennent tangibles pour chacune des victimes. C'est d'ailleurs l'objet de la proposition de loi portée par nos collègues Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, et dont la délégation s'est saisie grâce au travail de Nicole Le Peih. Ce texte contient des mesures cruciales touchant au droit de visite et d'hébergement, à la médiation familiale, au secret médical, à la saisie des armes, aux cyberviolences ou encore à l'éducation affective et sexuelle, que la délégation soutient vivement et qu'elle enrichira certainement.
À l'instar du Gouvernement, la délégation s'est fortement mobilisée sur le sujet depuis le début de la mandature. Son engagement s'est cristallisé dans la production d'un Livre blanc exhaustif, intitulé « Briser le cycle des violences conjugales » et qui, je l'espère, servira à asseoir des politiques publiques ambitieuses à la matière, mais surtout à endiguer le fléau de ces violences. N'oublions jamais la réalité qui se joue derrière nos discours et nos textes.
Nous serions donc très intéressés, madame la secrétaire d'État, de vous entendre nous décrire les suites données au Grenelle, qu'elles soient de natures juridiques, budgétaires, ou encore éducatives.
Les violences faites aux femmes sont et demeurent l'expression d'une asymétrie de genre, qui constitue une sorte de creuset cristallisant le schéma matriciel de nos sociétés – à savoir des sociétés organisées autour de la domination masculine et patriarcale, qui nie l'intimité des femmes et, par extension, leur indépendance, leur autonomie.
C'est pourquoi, après avoir travaillé à mieux réprimer les violences, il convient de s'attaquer aux inégalités qui en découlent, qu'elles soient économiques, sociales ou culturelles. C'est ce que notre délégation veille à faire à l'occasion de l'examen de chacun des projets de loi présentés au Parlement, mais c'est plus précisément l'objet du texte sur lequel vous travaillez actuellement et dont vous avez présenté la feuille de route à l'occasion du G7 qui s'est tenu à Biarritz du 24 au 26 août 2019.
Il nous faut nous assurer que l'égalité entre les femmes et les hommes s'incarne réellement dans le quotidien de chacune et de chacun. Pour cela, les femmes doivent accéder au pouvoir économique en étant les actrices de leur propre carrière, les bâtisseuses du monde de demain, au même titre que les hommes. Je ne saurais que répéter les mots de Simone de Beauvoir à ce propos : « C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait de l'homme, c'est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète. »
Or, à ce jour, trop d'inégalités sont encore constatées dans les instances dirigeantes des entreprises, dans les filières et les formations, ou encore dans les créations d'entreprises. Partant de ce constat, vous avez annoncé les contours de votre projet, qui comporte des objectifs multiples. Pourriez-vous nous indiquer où en sont les travaux du Gouvernement à ce stade ? En tout état de cause, je tiens d'ores et déjà à saluer la réussite de la consultation que vous avez lancée avec M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances. Elle participe, sans nul doute, à sensibiliser tout à chacun à cette problématique.
Enfin, nous souhaiterions également aborder la question de la diplomatie féministe de la France. En effet, la loi de finances pour 2020 a été l'occasion d'actes forts, constituant la traduction opérationnelle des engagements pris par le Président de la République lors du sommet du G7 de Biarritz en août dernier, avec le déploiement sur plusieurs années d'une politique d'aide au développement volontariste et inédite. Pour cela, le législateur a voté une très forte hausse des autorisations d'engagement (AE) du programme 110 « Aide économique et financière au développement », qui sont passées de 138,6 millions d'euros en 2019 à 767,8 millions d'euros en 2020. Pourriez-vous nous informer sur l'exécution de ce programme ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous dire quelques mots sur l'organisation de la conférence Pékin+25 qui se tiendra à Paris en juillet prochain, et en particulier nous indiquer quels seront les messages portés par la France ?
Je vous remercie encore pour votre présence, madame la secrétaire d'État, et sans plus attendre, je vous cède la parole.
Madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, chère Marie-Pierre Rixain, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi pour commencer, comme le veut la tradition, de vous présenter mes meilleurs voeux pour la nouvelle année, pour vous et pour vos proches. Je souhaite qu'en 2020, nous puissions ensemble poursuivre la mobilisation inédite que nous avons initiée en 2019 dans le cadre du Grenelle des violences conjugales et, plus largement, pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je voudrais en profiter pour remercier les députés qui se sont mobilisés dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. Je sais que vous êtes nombreuses et nombreux à vous être engagés avec le Gouvernement, en mobilisant autour de vous les associations, les élus, les expertes et les experts avec lesquels vous avez l'habitude de travailler au quotidien. Je vous dis pour cela un grand merci, car vos retours de terrain ont été importants pour nourrir les actions des onze groupes de travail nommés par le Gouvernement.
Comme vous le savez, le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de son quinquennat et il a appelé devant les chefs d'État du monde entier, à la tribune de l'ONU, à en faire une grande cause mondiale. Cela a déjà été marqué par des engagements concrets, mais 2020 sera aussi une année particulière à cet égard, puisque la France va concrétiser l'un des engagements internationaux du Président de la République dans le cadre du partenariat de Biarritz, qui a été conclu dans le cadre de la présidence française du G7.
À cette occasion, des pays membres du G7 ainsi que d'autres, partenaires du groupe et dits « like-minded », se sont engagés à adopter au cours de l'année qui vient une loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour ce qui est de la France, il s'agit d'une loi pour l'émancipation économique des femmes – en d'autres termes, pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie –, que je porte avec Bruno Le Maire, et sur laquelle nous avons déjà commencé à travailler, notamment en engageant une consultation citoyenne.
L'année 2020 sera aussi un moment important en termes de diplomatie féministe, puisqu'en juillet 2020, se tiendra à Paris le forum Génération Égalité, également appelé Pékin+25, organisé sous l'égide de l'ONU par la France, en partenariat avec le Mexique. Ce sera d'abord l'occasion d'avoir un rendez-vous mondial de tous les féministes, quels que soient leur statut, leur âge ou leur lieu de vie partout dans le monde, mais ce sera aussi l'occasion de former des coalitions d'État – j'y reviendrai.
Je veux remercier à nouveau l'ensemble des députés qui se sont mobilisés dans le cadre du Grenelle des violences conjugales. Je sais que vous êtes nombreux à vous être engagés pour que ce Grenelle existe et qu'il trouve une résonance dans vos circonscriptions grâce à une mobilisation importante. Depuis une dizaine d'années, plusieurs associations féministes demandaient un Grenelle des violences conjugales : ensemble, nous l'avons créé.
Pendant trois mois, onze groupes de travail ont été chargés de formuler des propositions sur des sujets aussi variés que les violences intrafamiliales, l'éducation, la santé, le monde du travail, la situation particulière des territoires ultramarins – je me suis rendue à la Réunion, notamment pour y tenir un Grenelle spécifique sur la question des outre-mer –, le handicap, l'accueil dans les commissariats et les gendarmeries – une question qui a donné lieu à de nombreuses mesures –, l'hébergement, la justice, les violences psychologiques et l'emprise, ainsi que les violences économiques. Demain, je recevrai au secrétariat d'État les responsables de tous les groupes de travail du Grenelle des violences conjugales pour échanger avec eux, leur faire part de l'avancement de nos travaux et les informer sur le suivi des mesures qui ont été décidées dans le cadre du Grenelle des violences conjugales.
Comme vous le savez, ces groupes de travail ont restitué publiquement, le 29 octobre dernier, les résultats de leurs travaux. Je sais que les parlementaires y ont été très attentifs et se sont emparés de certaines propositions, dont certaines ont été reprises dans la proposition de loi des députés Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, que je voudrais remercier chaleureusement – ainsi que tous ceux qui se sont engagés aux côtés du député Aurélien Pradié dans le cadre de la précédente proposition de loi, également issue des débats de ce Grenelle des violences conjugales. L'examen en commission du texte de Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, qui a eu lieu la semaine dernière, a montré à quel point cette proposition de loi est riche et mobilise fortement les parlementaires, grâce au caractère très concret des mesures qu'elle contient.
Outre ces mesures d'ordre législatif, dont nous aurons l'occasion de reparler ici dans quelques instants, mais aussi et surtout en séance publique la semaine prochaine, de nombreuses autres mesures ont été annoncées par le Premier ministre le 25 novembre dernier, à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, en clôture du Grenelle des violences conjugales. Ces mesures ont été déclinées en trois objectifs majeurs, qui guident notre action : prévenir les violences et les féminicides, protéger et accompagner les victimes, et enfin punir les auteurs des violences.
Le Premier ministre a ouvert ce Grenelle des violences conjugales le 3 septembre 2019, c'est-à-dire le 3919, une date qui n'a pas été choisie au hasard, puisqu'elle fait référence au 3919, le numéro d'écoute géré par l'association Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF). Je voudrais rappeler qu'avant le Grenelle des violences conjugales, seulement 8 % à 9 % de la population française connaissait le 3919, et que ce chiffre est passé à plus de 64 %. Si le reproche est parfois fait au Gouvernement de trop communiquer sur ce sujet, j'estime pour ma part qu'il ne communique jamais assez en la matière. Les chiffres que je viens de vous indiquer montrent à quel point il est important de le faire, et je souhaite qu'un jour, 90 %, voire 100 % des Français connaissent le 3919. J'en profite pour saluer la mobilisation collective que nous appelions de nos voeux et qui a permis une telle progression de la connaissance du numéro d'écoute : cela a été possible grâce aux journalistes qui ont joué le jeu, aux élus locaux qui se sont engagés, aux préfets qui ont organisé des événements. À travers vous, mesdames et messieurs les députés, qui représentez la Nation, j'adresse mes remerciements à toutes les personnes qui se sont mobilisées.
Le nombre d'appels a considérablement augmenté, puisque l'on en compte aujourd'hui 600 par jour en moyenne contre 200 auparavant – le jour du lancement du Grenelle des violences conjugales, la plateforme a connu un pic de 1 661 appels. Le 3919 existe depuis longtemps et l'État soutient la FNSF depuis des années : ainsi, le Premier ministre lui a attribué le label Grande cause nationale pour l'année 2018, un an avant le Grenelle des violences conjugales.
Lorsque j'ai été nommée au Gouvernement, j'ai appris que tous les appels au 3919 ne pouvaient pas trouver de réponse. J'ai donc, dès mon entrée en fonction, augmenté considérablement les subventions de la plateforme, qui ont bénéficié de 125 000 euros supplémentaires. Nous avons travaillé main dans la main avec le Grenelle des violences conjugales pour évaluer l'augmentation des appels et faire en sorte de continuer à garantir un accueil et une écoute de qualité, grâce à la mise en place de formations et de recrutements.
Je profite de cette audition pour rappeler que, comme vous le savez tous ici, le 3919 est, non pas un numéro d'urgence, mais un numéro d'écoute et d'accompagnement : le numéro d'urgence, c'est le 17, c'est-à-dire le numéro de la police. Si je fais ce rappel, c'est qu'il y a encore des personnes qui pensent que le 3919 est un numéro d'urgence : or, ce n'est pas le cas. Le rôle des écoutantes n'est pas de raccrocher pour localiser l'endroit où ont lieu les violences conjugales signalées, mais d'écouter, d'accompagner et d'orienter vers la police ou la gendarmerie, mais aussi vers des associations, des parcours d'accompagnement et des hébergements. Il est important d'insister sur ce point afin de préserver la qualité d'appel du 3919, mais aussi afin de ne pas susciter des attentes auxquelles les écoutantes du 3919 ne sauraient répondre.
Conformément à ce que souhaitait le Président de la République, le Premier ministre a annoncé que, dans les mois qui viennent, le 3919 serait accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept – à l'heure actuelle, ce numéro n'est pas ouvert le week-end –, afin que les victimes de violences conjugales puissent être écoutées, accompagnées et protégées en permanence. Conformément aux dispositions légales en vigueur, nous allons donc ouvrir un marché public, qui devra notamment prendre en compte les particularités de l'outre-mer et la question de l'accessibilité de ce numéro aux personnes en situation de handicap. Je le répète, notre objectif est de faire en sorte que le 3919 soit ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.
Je me suis récemment rendue dans les locaux du 3919 – c'était mon premier déplacement de l'année 2020 – pour échanger avec les équipes et les écoutantes. Le nombre d'appels est toujours très élevé, et comprend une grande proportion d'appels de proches et de témoins – beaucoup plus élevée qu'avant le Grenelle des violences conjugales. Cela aussi montre que la mobilisation, qui a été vraiment collective, a permis à des proches et à des témoins de s'interroger sur cette question, au point d'aller eux-mêmes chercher de l'information sur ce qu'ils pouvaient faire pour soutenir les femmes victimes de violences : j'y vois un signal assez positif.
La prévention des violences conjugales commence, bien sûr, par l'éducation dès le plus jeune âge. Pour faire baisser le seuil de tolérance aux violences, tous les personnels de l'éducation nationale vont désormais être formés pour mieux les repérer. Cela va commencer à la rentrée 2020 pour l'année 2020-2021. Les modules de formation sont en préparation, et un document unique de signalement est en cours de rédaction par les services de l'éducation nationale afin de faciliter le repérage et le signalement de ces violences.
Avec Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, nous mettons en oeuvre tout ce qui est possible pour renforcer la protection et la prise en charge des enfants victimes de violences conjugales. Je rappelle, mesdames et messieurs les députés, que vous aviez voté dès l'année 2018, dans le cadre de la loi contre les violences sexistes et sexuelles, le renfort de la protection des enfants face aux violences conjugales, en considérant que le fait de commettre des violences conjugales en présence d'enfants est constitutif de circonstances aggravantes.
Par ailleurs, en présence d'un cas de violence conjugale avéré, il sera désormais systématiquement demandé à l'aide sociale à l'enfance de procéder à un état de la situation ou à une évaluation administrative de la situation familiale. Les unités d'accueil médico-judiciaires pédiatriques vont être généralisées, afin d'accueillir la parole des enfants dans les meilleures conditions possibles. Cinq unités sont en cours d'expérimentation et leur retour d'expérience, attendu pour la fin du premier trimestre, va permettre ensuite de définir les modalités de généralisation.
Pour ce qui est de la protection et de l'accompagnement des victimes, s'il a été question avec le mouvement #MeToo de « libération de la parole des femmes », je préfère quant moi parler plutôt de « libération de l'écoute des femmes », car il me semble que les femmes parlent depuis des générations – vous le savez, vous qui êtes nombreux à porter depuis des années ce combat de l'écoute des femmes. En tant que représentants des pouvoirs publics, notre responsabilité consiste maintenant à créer de meilleures conditions de dépôt et de suivi des plaintes. La parole des femmes victimes de violences ne doit plus être une parole en l'air, mais une parole permettant une judiciarisation et une protection. Nous avons donc créé, avec Christophe Castaner et Nicole Belloubet, une plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles, qui permet aux victimes de dialoguer vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept avec des policiers et des gendarmes spécialement formés, afin de préparer le cas échéant l'enregistrement d'une plainte.
Lorsque la plateforme, qui s'appelait à l'origine signalement-violences-sexistes-sexuelles.gouv.fr, a été créée, vous avez été nombreux à nous signaler que ce nom était trop difficile à retenir et à transmettre. Conformément à l'engagement que j'avais pris devant les députés, nous avons travaillé à la mise en place d'un nouveau nom pour la plateforme, qui s'appelle désormais arretonslesviolences.gouv.fr. Il s'agit d'une plateforme de signalement à la police et à la gendarmerie, accessible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Si vous entendez parler, notamment dans le cadre de votre permanence de député, de cas de violences conjugales, je vous invite très sincèrement à partager ce numéro, différent du 3919.
Je le répète une fois encore, le 3919 est un numéro d'écoute et d'accompagnement dans la durée, qui permet de diriger les femmes vers les associations et les acteurs compétents, tandis que la plateforme arretonslesviolences.gouv.fr sert à prévenir la police et la gendarmerie, et éventuellement à prendre rendez-vous avec quelqu'un qui va ouvrir un dossier en vue de la réception de la plainte proprement dite. On sait en effet qu'un grand nombre de féminicides surviennent au moment de la séparation. Or les professionnels et les associations de travailleurs sociaux nous disent que permettre aux femmes de préparer davantage leur départ permet aussi d'avoir une plainte circonstanciée et de bénéficier des conseils de la police – notamment sur ce qu'une femme peut faire ou ne pas faire pour ne pas se mettre elle-même en tort.
Le dépôt de plainte ressemble, encore aujourd'hui, trop souvent à un parcours du combattant pour les femmes : nous avons donc la volonté de simplifier autant que possible cette démarche. C'est pourquoi, fin 2019, je me suis rendue à l'école de gendarmerie de Chaumont avec Christophe Castaner, pour le lancement des formations des policiers et des gendarmes consacrées aux violences sexistes et sexuelles. La formation initiale des policiers et des gendarmes comprend désormais 120 heures de formation regroupées en différents modules, consacrés notamment à l'accueil en commissariat ou en gendarmerie des femmes ayant subi des violences sexistes et sexuelles, aux précautions particulières à prendre quand la victime est traumatisée, voire en état de sidération, ce qui peut l'empêcher de s'exprimer, et à la nécessité de faire preuve de la plus grande délicatesse possible pour ne pas ajouter un nouveau traumatisme ou des difficultés supplémentaires à ce qu'elle a déjà vécu.
Nous avons également travaillé, avec des expertes et des experts, à l'élaboration d'une grille d'évaluation du danger, qui permet aux policiers et aux gendarmes, au moyen d'une liste de questions et de réponses, de voir s'il existe un danger de mort imminent pouvant nécessiter de mettre une femme à l'abri de toute urgence, ou si on peut prendre le temps de mettre en place un accompagnement. Ce n'est évidemment pas un algorithme ayant une valeur scientifique mais, je le répète, cela permet aux policiers et aux gendarmes de disposer d'un support d'évaluation du danger. Ce nouveau dispositif, qui constitue un moyen concret d'améliorer les conditions de prise en charge des femmes victimes de violences, permet également de mieux caractériser les plaintes sur une base légale, en mettant fin aux remarques du genre : « Ce n'est pas grave, c'est une dispute » ou encore « C'est une affaire privée », et de transmettre ensuite ces plaintes au parquet. Cette grille d'évaluation du danger, qui doit permettre d'éviter un passage à l'acte violent de la part du conjoint ou du compagnon, va, comme c'est le cas pour tous les nouveaux dispositifs mis en place, faire l'objet au bout de six mois d'une évaluation, suivie si nécessaire de modifications et d'adaptations proposées par les experts.
Un autre enseignement du Grenelle des violences conjugales, c'est que quand une femme a décidé de porter plainte, elle doit pouvoir être entendue et protégée au plus vite. Sur ce point, je voudrais saluer devant vous le travail effectué par la garde des sceaux, Nicole Belloubet, qui a mis au jour un certain nombre de dysfonctionnements de façon documentée et très claire, et ainsi permis d'y apporter des réponses. Nous travaillons actuellement au déploiement des « chambres d'urgence », un dispositif expérimenté dans les parquets de Créteil, d'Angoulême et de Rouen. Un schéma de fonctionnement va être établi à partir de cette expérimentation, afin que les chambres d'urgence puissent être modélisés et surtout généralisées et que l'on puisse, grâce à elles, raccourcir le délai de traitement des violences conjugales.
Nous savons tous qu'il arrive que des féminicides soient commis entre le moment de dépôt de la plainte et le moment du jugement, ce qui est totalement inadmissible – j'ai moi-même en tête le cas d'un homme qui a été tout simplement libéré en attendant son procès en appel. Nous devons absolument éviter ce genre de situation, qui met par terre tout le travail que nous menons : si, d'un côté, les pouvoirs publics, les élus et les associations se mobilisent pour agir contre les violences conjugales et que, de l'autre côté, on entend parler de cas comme celui-ci que j'ai évoqué, toujours très médiatisés, cela équivaut à adresser des messages contradictoires aux victimes de violences conjugales, avec lesquelles il est ensuite très difficile de renouer la confiance pour les convaincre qu'un dépôt de plainte est utile et permettra de les protéger. Ce « bout de chaîne » doit être vraiment pris au sérieux, et je sais que la ministre de la justice est très vigilante sur ce point.
En complément de toutes ces mesures, 1 000 places d'hébergement vont être créées par le ministre de la cohésion des territoires et du logement, qui est en train de recenser les besoins sur tout le territoire. De notre côté, nous avons signé une charte qui améliore la coordination entre les services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO) d'une part, le 3919 d'autre part, et nous avons mis en oeuvre une plateforme de géolocalisation des places d'urgence destinée aux forces de l'ordre, mais aussi aux travailleurs sociaux.
Lors d'un déplacement dans le Sud-Ouest, j'ai été témoin d'une situation ubuesque : après avoir constaté qu'il y avait trois chambres disponibles dans un foyer d'hébergement de femmes victimes de violences conjugales, je me suis entendu dire, dans un foyer situé dans un département voisin, qu'une femme avait dû repartir chez elle, le foyer affichant complet : les trois places d'hébergement disponibles à vingt minutes en voiture ne pouvaient être proposées à cette femme, au motif qu'elles étaient situées dans un autre département et que les règles d'attribution ne permettaient pas la mise à disposition entre deux départements – il n'était du moins pas prévu de chercher à mettre en oeuvre de telles solutions, qui paraissaient trop compliquées…
Pour mettre fin aux situations de ce genre, la plateforme de géolocalisation des places recense toutes les places disponibles afin que les professionnels concernés et les élus puissent disposer d'informations précises. Tous les élus locaux qui tiennent des permanences ont vu un jour arriver une femme venant de quitter son domicile avec sa valise ou son petit baluchon, et à qui il a fallu dire qu'on ne savait pas où trouver une place d'hébergement. Désormais, la plateforme permettra de savoir où des places d'hébergement sont disponibles pour mettre à l'abri une femme qui en a besoin.
Cela dit, comme son nom l'indique, l'hébergement d'urgence n'est bien évidemment pas une solution pérenne, c'est pourquoi nous avons mis en place un dispositif nouveau et unique : grâce à la garantie Visale apportée par Action logement, l'État se porte garant pour les femmes victimes de violences conjugales qui veulent louer un nouveau logement. Ce dispositif est très utile, car il dispense les femmes concernées de préparer un dossier de location et de trouver pour cela un garant – ce qui les obligeait parfois à solliciter leur famille ou leur belle-famille. C'est un poids en moins pour ces femmes qui, grâce au garant qui leur est fourni, peuvent plus facilement trouver à se reloger avec leurs enfants de manière pérenne. Il est très important de faire connaître ce dispositif que vous avez voté dans le cadre de la loi ELAN, qui permet également aux femmes victimes de violences conjugales de quitter le domicile commun sans être redevables des loyers impayés. Combinées, ces deux mesures sont de nature à permettre un nouveau départ dans des conditions aussi sereines que possible.
La question de la sanction des auteurs est également très importante. En effet, le nombre de femmes tuées chaque année ne baisse pas. J'ai parfois pu lire qu'il augmentait : en réalité, depuis qu'il existe un décompte des femmes victimes de mort violente au sein d'un couple – il a été mis en place sous le président Chirac –, on reste hélas entre 120 et 150 décès par an, avec seulement quelques variations selon les années : on a ainsi connu une baisse en 2018, suivie d'une hausse en 2019. Je vous indique ces chiffres sous réserve, car certains ne sont pas encore documentés, mais une chose est certaine, c'est qu'ils ne diminuent pas, en dépit de la volonté des gouvernements successifs. Cela montre bien qu'il nous faut sans doute changer de paradigme dans notre approche, notamment juridique, de cette question.
Plusieurs acteurs ont formulé pendant le Grenelle des violences conjugales la volonté très forte que les hommes violents soient pris en charge afin d'aller au bout de la réponse pénale. Avant de continuer sur ce point, je voudrais dire un mot sur la méthodologie du décompte des féminicides en France. Si ce décompte existe depuis de nombreuses années, il est impossible au Gouvernement, pour des questions relevant du principe de séparation des pouvoirs, d'annoncer un chiffre en temps réel, car cela reviendrait à juger coupable ou non telle ou telle personne dans tel ou tel cas, ce qui est inconcevable. Même si parfois, ce n'est pas l'envie qui nous manque de faire des commentaires sur une affaire de féminicide, nous devons veiller à respecter le principe de séparation des pouvoirs, laisser la justice faire son travail et les procès se dérouler sans pression de l'exécutif. C'est pourquoi le ministère de l'intérieur publie chaque année, de façon normée, une enquête menée non par les membres du Gouvernement, mais par les administrations responsables.
Mise en oeuvre à Arras, la prise en charge des hommes auteurs de violence a permis de faire diminuer le taux de récidive de 60 %, grâce à des mesures de prévention. Nous souhaitons généraliser ce dispositif et, d'ici à la fin du quinquennat, chaque région de France disposera de deux centres de prise en charge des hommes auteurs de violences conjugales. L'État financera ces centres à hauteur de deux millions d'euros, et nous lançons un appel à cofinancement auprès des collectivités territoriales. Nous avons besoin de l'engagement de tous les acteurs, et je sais pouvoir compter sur votre mobilisation, notamment pour diffuser et promouvoir largement dans vos territoires cet appel à candidature.
Enfin, je veux dire que la mobilisation des parlementaires a permis d'adopter très rapidement le dispositif anti-rapprochement pour les auteurs de violence, et je vous en remercie. Dès cette année, 1 000 bracelets anti-rapprochement vont être mis à disposition par la justice, en complément du dispositif déjà existant, à savoir le téléphone grave danger (TGD).
J'en viens maintenant à l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie.
L'année 2020, je l'ai dit, sera capitale pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie. L'engagement pris par le Président de la République lui-même à Biarritz, dans le cadre de la présidence française du G7, permettra l'adoption d'une loi, comme l'a proposé le conseil consultatif pour l'égalité entre les femmes et les hommes du G7.
Présidé par Nadia Murad et Denis Mukwege, co-prix Nobel de la paix en 2018, ce conseil rassemble une trentaine d'experts et expertes de l'égalité entre les femmes et les hommes, tels que, pour la France, Mercedes Erra, publicitaire et entrepreneuse ; pour le Canada, Michael Kaufman, chercheur féministe ; pour l'Angleterre, la comédienne Emma Watson, et d'autres personnalités, qui se sont engagées à réaliser une veille mondiale des meilleures lois pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
Si la France dispose d'un arsenal législatif sans cesse renforcé s'agissant de la protection contre les violences, elle a considéré qu'elle pouvait sans doute aller plus loin en matière d'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie. Comme tous les pays membres du G7, États-Unis inclus, elle s'est donc engagée à adopter une nouvelle loi. Je précise ce point, car, lors de la présidence française du G7, il nous avait été dit après la présentation de la ministérielle sur l'égalité entre les femmes et les hommes qu'il n'était pas envisageable que l'ensemble des pays du G7 s'engagent. Cela a pourtant été le cas, et les États-Unis ont fait de même, notamment pour reconnaître les activistes féministes dans le monde, ou pour lutter contre l'excision et les mutilations génitales.
S'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes, il y a urgence à agir puisque, selon le Forum économique mondial, elle sera atteinte en 2234 dans le monde si rien n'est fait. Pour traduire notre engagement sans attendre, le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, et moi-même avons lancé une grande consultation citoyenne, en partenariat avec la plateforme make.org. Nous avons déjà recueilli plus de 70 000 participations et 471 000 votes, un record de participation citoyenne pour la préparation d'une loi. Si les thématiques qui se dégagent à l'heure où nous parlons sont assez variées, la question du congé paternité revient souvent. Bruno Le Maire, Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé du « parcours des 1 000 premiers jours » et moi-même partageons la conviction qu'un congé paternité de onze jours est trop court pour permettre au père de s'engager véritablement dans la vie familiale. Nous voulons donc l'allonger, et proposerons aux parlementaires d'en discuter dans le cadre de la loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie.
Les quotas seront également débattus. La loi Copé-Zimmermann reste à ce jour l'un des textes les plus efficaces dans le monde pour l'égalité entre les femmes et les hommes parce qu'elle a prouvé ses effets, mesurables très rapidement après son adoption. En 2019, les conseils d'administration et de surveillance des entreprises du SBF120 comptent en moyenne 43 % de femmes et ceux des entreprises du CAC40, 43,7 %. Grâce à cette loi, la France est devenue leader s'agissant de la place des femmes dans les conseils d'administration en Europe.
À l'inverse, en l'absence de quotas, des hommes sont majoritairement nommés et très rarement des femmes, notamment dans les comités exécutifs (COMEX) de grandes entreprises. Nous étudions comment féminiser ces comités. À la suite de la mission que je lui avais confiée sur le sujet, Brigitte Grésy, présidente du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a remis à Bruno Le Maire et moi-même, en décembre, un rapport qui contient plusieurs propositions. Nous les soumettrons également aux internautes sur femmeseco.make.org.
Cette loi traitera également de la place des femmes dans les métiers scientifiques et technologiques, une question abordée, entre autres travaux parlementaires, par le très précieux rapport d'information de la députée Céline Calvez. Avec Cédric O, nous poursuivons l'objectif de faciliter l'entrepreneuriat des femmes, notamment dans les nouvelles technologies, et d'orienter ces dernières davantage vers les métiers scientifiques, ceux de l'ingénierie ou des industries du futur.
Le calendrier parlementaire étant chargé – vous êtes mieux placés que quiconque pour le savoir –, nous souhaitons poursuivre le débat et les consultations, pour présenter cette loi aux parlementaires dès que possible en 2020, et débattre ensemble de ces mesures sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'économie.
Le Forum Génération Égalité se tiendra par ailleurs en juillet à la porte de Versailles – notez la date, si vous souhaitez y prendre part. Notre constat est qu'aucun pays du monde n'a atteint l'égalité. Certains, comme le Rwanda, ont réussi à instaurer la parité en politique ; en Europe du Nord, notamment en Suède, les hommes s'engagent davantage dans les tâches familiales, domestiques et ménagères. Enfin, dans certains pays, tels les États-Unis, la part des femmes qui créent des entreprises est élevée. Mais aucun pays, y compris, naturellement, la France, n'est parvenu à une véritable égalité dans tous les domaines entre les femmes et les hommes.
Pour atteindre ce but, nous avons besoin de nous nourrir de nos avancées. La volonté du Gouvernement est donc de faire avancer la grande cause mondiale pour l'égalité entre les femmes et les hommes, avec l'engagement de la diplomatie féministe, voulue par le Président de la République, et que le ministre de l'Europe et des affaires étrangères et moi-même soutenons.
La France est très honorée d'accueillir le Forum Génération Égalité à Paris, sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU). C'est une reconnaissance de son leadership international en matière de droits humains en général, et des droits des femmes en particulier. Après un lancement au Mexique, les 7 et 8 mai, le forum se poursuivra par la rencontre de l'ensemble des participants à Paris, du 7 au 10 juillet.
Il s'agira d'un moment fort de la diplomatie féministe : nous attendons plus de 5 000 participantes et participants du monde entier, dont, je l'espère, des députés ainsi que des représentantes et des représentants non seulement de la société civile, particulièrement des jeunes et des activistes, notamment des pays du Sud, mais aussi du secteur privé. Trente à cinquante chefs d'État et de gouvernement nous feront l'honneur de leur présence. Paris sera à cette date le centre mondial du combat pour les droits des femmes, et, après le Mexique, le lieu de notre engagement.
Les attentes sont fortes, partout dans le monde. Dans certains pays, les femmes n'ont pas le droit d'ouvrir un compte bancaire à leur propre nom. Dans d'autres, elles n'ont pas le droit d'hériter. Nous nous battrons pour y faire avancer la situation des femmes en matière économique.
Les opposants aux droits des femmes savent s'allier pour faire régresser les droits acquis. Dans les pays, comme le nôtre, où une majorité de personnes est engagée pour les droits des femmes, nous avons aussi parfois du mal à obtenir des avancées sur ces sujets. Vous connaissez tous ces propos de Simone de Beauvoir : « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Nous ne sommes jamais à l'abri. Face aux bouleversements politiques, climatiques et économiques qui traversent le monde, aux opportunités, aux risques, des coalitions d'action interétatiques seront utilement lancées lors de ce forum. Elles s'inspireront du modèle de la présidence française du G7, pour obtenir des résultats concrets et mesurables à l'horizon de cinq ans.
Avec ONU Femmes et le Mexique, nous avons défini six thématiques, qui, si vous le souhaitez, pourront faciliter la préparation de votre engagement dans le cadre de ce forum : les droits et la santé sexuels et reproductifs, c'est-à-dire l'accès à la contraception et à l'avortement, notamment ; l'autonomisation économique des femmes ; la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, du harcèlement de rue – la loi sur ce sujet, votée à l'unanimité en 2018, a été retenue comme étant l'une des meilleures lois mondiales pour l'égalité entre les femmes et les hommes, ce dont nous pouvons nous réjouir – aux féminicides ; le rôle des femmes dans l'innovation et les technologies ; leur rôle dans la lutte contre le changement climatique, sujet sur lequel la France souhaite particulièrement s'engager ; et le soutien aux mouvements féministes, non seulement en France mais surtout dans les pays où les femmes sont emprisonnées et risquent leur vie pour s'être engagées à défendre les droits et la liberté des femmes. Je pense ici à l'avocate iranienne, Nasrin Sotoudeh, qui se trouve en prison pour avoir défendu le droit de femmes à sortir tête nue dans la rue.
Ces six thèmes ont été décidés en étroite collaboration avec la société civile. Sous l'égide d'ONU Femmes, un groupe mondial a en effet été créé, sur lequel nous nous appuyons pour organiser ce forum. Nous annoncerons dans quelques jours que la France prendra la tête d'une des coalitions d'action grâce à laquelle elle mobilisera ses partenaires. Nous pourrons aussi nous engager, en politique étrangère et au niveau national, dans d'autres coalitions d'action que lanceront des partenaires du Nord et du Sud.
Le forum sera aussi un espace d'expression et de célébration de la société civile féministe, qui, partout dans le monde, est le fer de lance de l'égalité entre les femmes et les hommes, trop souvent, au péril de sa sécurité. Il promet certains moments émouvants puisque le forum Pékin +25 célèbre les vingt-cinq ans de la Déclaration de Pékin, adoptée par plusieurs organisations féministes pour partager un socle en matière de droits des femmes. Certaines militantes, présentes à Pékin il y a vingt-cinq ans, se trouveront à Paris, ce qui offrira un regard sur l'histoire des droits des femmes, qui est très récente. Nous pourrons donc célébrer les acquis réalisés par les femmes et les hommes qui se sont engagés quelques générations avant nous.
Je souhaite que la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale soit informée de la préparation de ce forum et qu'elle puisse y être associée autant que possible. Les représentants de la Nation ont toute leur part dans cet effort collectif. Si une action collective mondiale peut être menée, nous ferons de ce forum une grande réussite. Cela suppose que la France s'engage, indépendamment des couleurs et des groupes politiques. L'ambassadrice Delphine O, ancienne députée, nommée secrétaire générale de l'événement, pourra travailler avec vous en ce sens et préparer les participations que vous souhaiterez peut-être apporter ou les thèmes dont vous voudrez que la France s'empare plus particulièrement.
Bien sûr, l'action de la France et du Gouvernement pour l'égalité entre les femmes et les hommes ne se limite pas aux sujets évoqués précédemment. Avec ma collègue Christelle Dubos, nous travaillons sur le non-paiement des pensions alimentaires, une forme de violence économique qui doit disparaître. La mesure s'appliquera dès cet été, afin d'y mettre fin.
De même, le plan de lutte contre la précarité menstruelle sera appliqué. Je voudrais ici remercier M. Joël Giraud, dont l'amendement a doté le plan de moyens substantiels, ainsi que ceux qui l'ont voté.
Je vous confirme également que je poursuis la réflexion sur la situation et la qualité de vie au travail des femmes de chambre. Je sais que vous aurez à coeur de vous inscrire dans une démarche volontaire pour en permettre l'amélioration.
Enfin, dans quelques jours, avec la garde des sceaux et sous l'autorité du Premier ministre, je confierai une mission d'évaluation parlementaire à la députée Alexandra Louis, rapporteure de la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, que vous avez votée à l'unanimité. Devant les débats suscités par cette loi, notamment son article 2, je m'étais engagée à ce qu'elle soit évaluée.
Cette mission consistera donc en la remise d'un rapport qui portera sur l'ensemble du texte, notamment sur la lutte pour la verbalisation du harcèlement de rue ; l'allongement des délais de prescription pour les crimes sexuels, en particulier ceux commis sur les mineurs ; la création du seuil de quinze ans, en deçà duquel la surprise est constitutive d'un élément de qualification du viol – la rapporteure nous dira si ce seuil a permis de qualifier davantage de viols. Il s'agira également d'évaluer la création de nouveaux délits : celui de cyberharcèlement en meute, pour lequel une jurisprudence existe dont j'ai été à l'origine, ainsi que celui visant l'utilisation de la drogue du viol, que vous avez voté. L'ensemble des amendements que les députés ont apportés pour enrichir le projet de loi seront évalués. Nous verrons alors si Alexandra Louis recommande au Gouvernement de remettre l'ouvrage sur le métier. Comme je m'y étais engagée, nous le ferons pour améliorer et renforcer encore la loi, si cela est nécessaire. Pour en décider, nous avons besoin d'une évaluation stricte et précise.
Le Gouvernement fait tout ce qui est en son pouvoir mais ne pourra cependant pas tout, tout seul. Je sais pouvoir compter sur votre implication, que votre présence à cette audition atteste, alors que, compte tenu de la situation du pays, vos responsabilités pourraient vous appeler ailleurs, en circonscription ou dans l'hémicycle. Je vous remercie donc, ainsi que l'ensemble de vos collègues pour tout ce que vous accomplissez afin que l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi que les droits des femmes puissent être la grande cause nationale du quinquennat. Je suis à votre entière disposition pour répondre à vos éventuelles questions.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, pour vos réponses précises sur ces trois axes. Ce que vous exprimez, à savoir la libération de l'écoute, a été reprise en grande partie par des associations et des journalistes. Je la partage car il importe que chacun et chacune d'entre nous soit à l'écoute des victimes.
Je vous remercie également d'avoir cité la loi Copé-Zimmermann, issue des travaux de la délégation aux droits des femmes, et salue particulièrement Marie-Jo Zimmermann, qui l'a présidée. Avant de céder la parole à nos collègues, je souhaiterais revenir sur le projet de loi que Bruno Le Maire et vous-même préparez, qui comprend deux aspects relatifs aux inégalités économiques et à la place des femmes dans l'économie en général : ce qui relève des entreprises, d'une part ; ce qui a trait au choix des femmes, d'autre part.
Pour le premier, les quotas ou, plus largement, les contraintes, comme les prévoient les objectifs de la loi Pénicaud, que les entreprises doivent à présent atteindre, sont inévitables. Seuls 20 % des COMEX des entreprises du CAC40 sont composés de femmes, ce qui est insuffisant. Les opposants aux quotas évoquent le biais selon lequel les postes attribués aux femmes dans les COMEX ne visent que les ressources humaines ou la communication alors que les finances ou la gestion sont dévolues aux hommes. Anne Boring, responsable de la chaire pour l'entrepreneuriat des femmes de Sciences Po, montre régulièrement que cette répartition n'est pas avérée. Bien que leur nombre soit insuffisant, les femmes occupent bien certains postes en lien avec la finance.
S'agissant des choix effectués par les femmes, le rapport d'information sur les femmes et les sciences de Céline Calvez et Stéphane Viry a bien montré que la persistance des stéréotypes tant pour les filles que pour les garçons, parfois contraints à se diriger vers des milieux scientifiques ou techniques alors qu'ils souhaiteraient gagner des filières plus littéraires, conduit à une inégalité d'orientation, qui renforce les inégalités économiques. Certains pays, comme l'Algérie où les filières mathématiques comprennent autant de garçons que de filles, parviennent à orienter les femmes vers les milieux scientifiques. Nous devons donc nous pencher sur la répartition et l'orientation des femmes et des hommes. Les politiques publiques doivent prendre à bras-le-corps cette question.
Un dernier point me tient à coeur, comme à beaucoup. Il s'agit du congé parental car on sait qu'il pèse dans le choix des entreprises de recruter un homme ou une femme. Certaines ont tendance à considérer qu'une salariée, non seulement s'absentera quatre mois du fait de son congé maternité, mais aussi portera davantage la charge parentale, précisément en raison de cette absence. Il ne s'agit donc pas de sanctionner les hommes en les obligeant à prendre un congé maternité mais de leur ouvrir des droits sociaux nouveaux et de signifier aux entreprises que les hommes ont à prendre leur part de cette charge parentale, ce qui pourrait contribuer à équilibrer les recrutements des femmes et des hommes.
Il serait intéressant d'avoir votre point de vue sur ces trois points.
Enfin, notre collègue Fiona Lazaar, rapporteure d'une mission d'information sur la reconnaissance du terme de féminicide, m'a chargée de vous interroger sur ce point, notamment sur la définition que vous lui donnez, et si vous jugez utile et pertinent qu'il soit inscrit dans notre droit, en particulier dans le code pénal.
S'agissant du congé paternité, ma conviction est issue des dix années que j'ai passées à la tête du réseau Maman travaille et des travaux de recherche et ouvrages lus sur le sujet. J'estime que le congé paternité n'a pas d'effet automatique sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Souvent, il est dit que le congé paternité permettra aux femmes et aux hommes d'être payés de la même manière. Cela n'est pas le cas. Dans les pays d'Europe du Nord, un congé paternité très long existe alors que les inégalités salariales entre les femmes et les hommes demeurent importantes. Cela s'explique par un biais culturel que des chercheurs anglophones ont baptisé « bonus pour le père » (daddy bonus) et « pénalité pour la mère » (mommy penalty). Un même événement au travail, l'annonce d'une grossesse, fait naître le présupposé que le futur père s'investira davantage dans l'entreprise en raison de son sentiment de responsabilité accru, alors que la future mère s'en désintéressera au profit des layettes et que, plus fragile, elle devra être mise de côté. Sans être une généralité, ce phénomène, documenté par les sociologues, se produit encore suffisamment fréquemment pour que l'on puisse en tirer des conséquences.
Comme vous l'avez dit, madame la présidente, il ne s'agit pas de recourir à une obligation car le congé maternité, lui-même, n'est pas obligatoire. Je ne suis pas non plus favorable à ce que la durée du congé paternité soit égale à celle du congé maternité, qui se justifie aussi pour des raisons biologiques. Enfin, certains demandent que le congé paternité soit pris en dehors du congé maternité afin d'obliger le père à s'occuper du bébé. Je n'y suis pas du tout favorable car cela doit relever du choix des familles. Surtout, le second parent doit pouvoir jouer son rôle. On sait à quel point il est difficile de s'occuper seule d'un enfant que l'on vient de mettre au monde, sans famille ni amis à proximité. Il est souhaitable que le second parent soit présent dans la construction de la famille. Je livre là une conviction personnelle mais les parlementaires décideront des conditions qu'ils voudront attribuer à ce congé.
L'enjeu est aussi celui de la répartition du congé parental, pour laquelle le quinquennat précédent a commis l'erreur d'obliger le second parent à prendre la fin du congé du premier parent, sans quoi il serait perdu. Je ne dis pas cela pour blâmer le quinquennat précédent, car j'ai été, à cette époque, auditionnée en tant que présidente d'association.
En fin de compte, les pères n'ont pas été plus nombreux, mais plutôt moins nombreux à prendre un congé. En matière de politique familiale, vous le savez, une sorte de réflexe de Pavlov conduit les Français à aller dans le sens contraire d'une obligation qui a été fixée. Mais des raisons économiques peuvent également expliquer ce résultat puisque le congé parental n'est indemnisé qu'à hauteur de 300 euros – 500 euros, avec l'allocation familiale. Nous pouvons donc encore travailler à améliorer le congé parental.
Pour ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, je partage les propos de Mme la présidente. Outre les décisions des entreprises et le choix individuel, les mesures des pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans ce domaine. La responsabilité est donc tripartite : l'État crée des dispositifs et permet aux citoyens de s'en saisir ; les individus choisissent ou non de les utiliser ; les entreprises décident ou non d'appliquer une politique active en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.
Dans les dernières années, cette question a pris de l'importance. Les entreprises qui ont organisé des formations, des évaluations de collaborateurs ou « people review », des actions de ressources humaines permettant d'identifier le potentiel des femmes et de les faire progresser, obtiennent des résultats, à la différence de celles qui ne font rien. Il n'y a donc pas de mystère : une entreprise qui veut agir peut le faire. C'est la raison pour laquelle, il y a deux ans, nous avions mené une action selon le principe du « name and shame » (désigner et blâmer) pour montrer du doigt les entreprises qui ne respectaient pas assez l'égalité entre les femmes et les hommes, selon les critères non pas du Gouvernement mais de l'observatoire Ethics and Boards.
Nous avons proposé à ces entreprises de participer à une formation, financée par l'État, pour qu'elles s'engagent sur ces sujets. On constate en effet une ignorance des dispositifs légaux par toutes les parties. Ainsi, de nombreux employeurs et salariés ignorent qu'une femme qui rentre de congé maternité peut demander une augmentation égale à la moyenne des augmentations dans son service, à poste égal. Il faut donc mener un important travail d'information sur ce sujet.
Concernant les féminicides, je suis très favorable à l'utilisation du mot, et fière qu'Emmanuel Macron ait été le premier Président de la République à l'utiliser dans un discours. En outre, le terme a été inséré dans l'ensemble des documents de communication institutionnelle de l'État. Il figure désormais dans le Petit Robert : c'était le mot de l'année 2019 ; je ne sais pas si l'on peut s'en réjouir, mais l'évolution est nette.
Vous êtes les législateurs, mais il me semble que le féminicide recouvre une violence spécifique basée sur le genre de la personne qui est tuée – une femme – mais différents cas de figure : dans certains pays, on tue les petites filles à la naissance parce qu'elles sont des filles ; en Amérique latine, par exemple, on tue les femmes dans la rue ou au sein des cartels parce qu'elles sont des femmes ; plus généralement, les hommes tuent leur femme parce qu'elle est une femme.
La commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) préconise d'intégrer l'expression « à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre de la victime » dans le code pénal. Dans ce nouveau cadre, on ne qualifierait pas la personne qui est victime, mais la motivation sexiste de l'auteur des faits, qui considère que la femme peut être tuée parce qu'elle lui appartient, comme un objet. Une telle modification permettrait de mieux appréhender et sanctionner les meurtres de femmes « parce qu'elles sont des femmes », comme le dit la CNCDH.
Pour autant, cette inscription du féminicide dans le code pénal fait l'objet de nombreux débats sémantiques, philosophiques, juridiques absolument passionnants. Je suis prête à en discuter avec vous, si d'aventure vous souhaitiez l'inscrire dans le débat parlementaire.
Cette année, le Parlement des enfants a pour thème l'égalité hommes-femmes. J'ai récemment rendu visite à une classe de CM2 de ma circonscription et j'ai demandé aux enfants s'ils avaient remarqué ou connaissaient des inégalités ou différences de traitement entre les filles et les garçons. Les trois quarts de la classe ont levé la main, confirmant mes propos.
Les stéréotypes de genre ont donc toujours d'importantes conséquences sur notre société, car ils sont intériorisés, voire intégrés. Ainsi, ils défavorisent les femmes dans le monde du travail, en ne les incitant pas forcément à poursuivre de longues études ou des carrières dites masculines. De même, le fait qu'un homme exerce un métier dit féminin peut être mal perçu. Dans la sphère privée, certains hommes trouvent dans ces stéréotypes une justification, voire un encouragement, à commettre des actes violents sur leur conjoint ou leurs enfants.
Un autre exemple : l'expression « comme une fille » est souvent employée comme une insulte. Ainsi peut-on entendre les enfants dire « tu cours comme une fille ». Ce n'est pas seulement dégradant et insultant, cela n'encourage surtout pas les individus à se dépasser.
Bien que des mesures aient déjà été prises par le Gouvernement pour prévenir ces situations, il est parfois difficile de les mettre en oeuvre – ainsi de l'ABCD de l'égalité. Le processus de renforcement de l'égalité entre les femmes et les hommes est trop long : dans son rapport 2020, le Forum économique mondial (ou World economic forum) estime qu'au rythme actuel, l'égalité sera atteinte après 2277 ! Comment accélérer ce processus ? Les enfants étant conscients de ces inégalités, quels dispositifs de lutte contre les stéréotypes pourraient être rapidement mis en oeuvre par les acteurs de la petite enfance et de l'école ?
Les femmes s'inquiètent légitimement de la réforme des retraites que nous allons examiner prochainement. En effet, pour les mères de famille, la perte de la bonification de trimestres est une grave régression. Dans le système actuel, la mère a droit à huit trimestres de cotisation par enfant pour les salariés, et deux trimestres pour les fonctionnaires. Cela permet à celles qui faisaient une pause professionnelle d'avoir une retraite complète, à d'autres de partir plus tôt à la retraite.
Madame la secrétaire d'État, la majoration de pension que vous proposez n'autorisera plus ce départ anticipé. Certes, les pensions augmenteront, mais vous allez pénaliser des femmes épuisées – parfois déjà grands-mères – et qui préféreraient avoir enfin du temps pour elles. Serait-il envisageable de laisser aux femmes le choix entre bonification de trimestres et majoration de la pension ?
Je vous remercie pour cette présentation complète et très détaillée de l'action de votre secrétariat d'État. Malheureusement, il reste encore beaucoup à faire : 2277, ce n'est pas demain ! Il faut faire évoluer la condition féminine et l'égalité femmes-hommes.
Qui sont les écoutants du 3919 ? Combien de personnes ont obtenu satisfaction auprès du 3919 depuis sa création ?
Vous avez évoqué le fait que les parlementaires peuvent signaler les femmes en danger. J'ai rencontré un cas dans ma circonscription : lorsqu'on sait qu'une femme est en danger, mais qu'elle ne veut pas porter plainte, comment faire ?
Vous avez parlé d'un cofinancement collectivités-État pour gérer les hommes violents : quelle serait la part des collectivités ?
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie pour ce tour d'horizon extrêmement complet. Vous nous avez parlé de la voix de la France dans la diplomatie féministe. La résolution Femmes, Paix et Sécurité fête son vingtième anniversaire en 2020. Depuis 2000, le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) a adopté une série de neuf résolutions sur ce thème, mettant l'accent sur la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits et le renforcement de la participation des femmes dans la consolidation de la paix. Depuis cette date, la reconnaissance s'est également traduite par l'attribution de huit prix Nobel : en 2004, à Mme Wangari Muta Maathai pour sa contribution au développement durable, démocratique et pour la paix ; en 2011, à Mmes Ellen Johnson Sirleaf et Leymah Gbowee du Liberia, ainsi que Mme Tawakkul Karman du Yémen, pour la lutte non violente pour la sécurité des femmes et pour les droits des femmes à la pleine participation dans le travail de consolidation de la paix ; en 2014, à M. Kailash Satyarthi, de l'Inde, et Mlle Malala Yousafzaï, du Pakistan – qu'on ne présente plus –, pour leur lutte pour la cause des enfants ; enfin, en 2018, à M. Denis Mukwege et Mme Nadia Murad, pour leurs efforts visant à mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'armes de guerre.
La France s'est mobilisée pour élaborer deux plans d'action triennaux (2010-2013 puis 2015-2018). Elle a érigé l'égalité femmes-hommes comme grande cause du quinquennat. En 2019, elle a aussi porté l'agenda Femmes, Paix et Sécurité lors du G7 de Biarritz, avec le soutien du docteur Denis Mukwege et de Mme Nadia Murad.
Le troisième plan national d'action, très attendu, devrait être dévoilé lors du Forum génération égalité en juillet. Où en sommes-nous ? Quelles seront ses priorités ?
Pour conclure, je me permets de rappeler l'organisation demain à seize heures d'un colloque sur le sujet en salle de la commission de la défense, en présence des ambassades de Suède, du Canada et de l'Espagne, qui nous permettra d'échanger sur les bonnes pratiques.
Monsieur Le Bohec, vous avez raison, la culture de l'égalité femmes-hommes se transmet dès le plus jeune âge. L'appréhension que les hommes ont des femmes, et inversement, est vraiment liée à l'éducation. Nous nous projetons tous dans des stéréotypes de genre, dès notre plus jeune âge. C'est d'ailleurs pourquoi les députés ont proposé un amendement encadrant plus strictement l'accès des enfants aux sites pornographiques dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de Mme Bérangère Couillard et de M. Guillaume Gouffier-Cha. À juste titre, vous avez considéré que cela contribue à la formation de représentations de domination violente des hommes sur les femmes dès le plus jeune âge.
À l'heure actuelle, un module de formation initiale et continue sur l'égalité femmes-hommes et la prévention des violences sexistes et sexuelles est obligatoirement suivi par tous les personnels de l'éducation nationale – enseignants, personnels d'éducation, cadres etc. Nous diffusons également à tous les établissements scolaires un document unique de signalement, accompagné d'un guide d'utilisation, afin que les personnels soient dotés d'outils leur permettant de mieux repérer et signaler les violences intrafamiliales, et de mieux protéger les élèves victimes.
Dans le cadre du service national universel (SNU) et des cités éducatives, afin de toucher toute une classe d'âge, le Premier ministre l'a annoncé, les jeunes devront aussi suivre un module sur l'égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences conjugales.
En outre, des experts reconnus – comme Ernestine Ronai ou le Haut conseil à l'égalité (HCE) – ont créé à notre demande une « roue des violences ». Elle n'a pas vocation à régler tous les problèmes – je le dis pour les gens qui nous suivent sur les réseaux sociaux : non, le Grenelle n'est pas devenu une roue ! Mais elle constitue un support pédagogique et permettra aux personnes révoltées par les violences sexistes et sexuelles, qui ne sont pour autant pas experts et n'ont pas été formées, de se repérer. Ainsi, si vous êtes surveillant et qu'un élève vient vous dire « on m'a touché contre mon gré » ou si vous êtes un élu local chargé de l'attractivité économique du territoire ou de l'urbanisme et qu'une femme vous avoue « j'ai été confrontée à la volonté d'exciser ma petite-fille », il n'est pas toujours facile de savoir comment répondre. Cette roue constitue un support de dialogue et, avec des mots très simples, permet de comprendre comment réagir si, par exemple, « il contrôle ma tenue ou les gens que je fréquente ». Elle liste les violences psychologiques, économiques, physiques, ainsi que les violences sexistes et sexuelles. Je remercie les experts qui ont effectué ce travail. Au dos de la roue figurent le numéro d'appel 3919 et les informations concernant le module de signalement.
Dès le plus jeune âge, elle permettra de prendre conscience de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas. Lors de mes interventions dans les écoles, collèges ou lycées, je m'aperçois en effet que les jeunes filles pensent qu'il est normal qu'un jeune homme énervé les gifle, qu'il est normal qu'il les méprise ou les humilie devant leurs amis, qu'il est normal qu'il les coupe de leur entourage – « ils sont tous comme ça ». Non, ce n'est pas normal ! Il est important de le rappeler, sans rentrer dans la vie privée des uns des autres. Il s'agit de principes sains de respect mutuel. À cet égard, les dispositifs adoptés dans le cadre de l'examen de la proposition de loi susmentionnée sont très importants.
Monsieur Cinieri, concernant la retraite des femmes, nous prenons cette question très au sérieux et elle fait partie des sujets de préoccupation. J'ai rencontré des syndicats et des manifestantes, mobilisées. Nous devons être plus lisibles car nos explications sont encore considérées comme trop floues. Pourtant, je rappelle que le congé maternité sera toujours pris en compte à 100 % dans le calcul – auparavant par trimestre, désormais par points. Pour les parents au foyer, le dispositif reste également le même.
Point positif pour les femmes : le seuil à 1 000 euros. Actuellement, 38 % des femmes touchent moins de 1 000 euros par mois à la retraite. Avec la réforme, ce ne sera plus possible. Elles sont beaucoup plus touchées que les hommes – quel que soit leur niveau de vie au cours de leur vie active – car beaucoup d'entre elles s'arrêtent pour élever leurs enfants ou travaillent pour leur conjoint dans l'ombre, sans être déclarées ou rémunérées.
Nous devons laisser le choix aux femmes, vous avez raison. Cela peut faire partie des éléments de discussion lors du débat parlementaire qui suivra l'examen du projet de loi en conseil des ministres le 24 janvier.
Madame Bazin-Malgras, les écoutants du 3919 sont des professionnels de l'accompagnement formés à l'écoute. Ils travaillent en groupe – les appels les plus difficiles à gérer pouvant faire l'objet d'une double écoute. Comme pour les autres associations, un bilan annuel très détaillé nous est remis – nature des appels, proportions, répartition géographique, etc. Certaines associations se plaignent dans la presse que nous leur demandions des comptes, mais les subventions qu'elles reçoivent sont de l'argent public ; il est normal qu'elles justifient leur utilisation.
Vous évoquez la « satisfaction ». Le 3919 n'est pas une baguette magique – il n'arrête pas les violences… C'est un numéro d'écoute, d'accompagnement, qui permet de connaître ses droits, de mettre des mots sur les violences subies, le cas échéant, de trouver un hébergement d'urgence et de savoir comment déposer plainte. En cas d'urgence, il faut appeler le 17. La communication gouvernementale doit peut-être être plus claire.
Sur le refus des femmes de porter plainte, vous avez tout à fait raison. Même si ce n'est pas notre rôle, mon cabinet et moi-même menons aussi ce travail de conviction. C'est extraordinairement difficile, mais il faut aboutir. Vous le savez, nous allons proposer que les médecins puissent procéder à des signalements. Plus largement, chaque personne qui a connaissance de violences conjugales peut les signaler à la police ou à la gendarmerie. La justice peut également décider de se saisir, mais les signalements sont un préalable.
L'essentiel est de lever les craintes : souvent, on ne veut pas déposer plainte car on est encore sous emprise, on ne peut pas faire de mal à l'homme – pourtant bourreau –, on ne connaît pas les circonstances, etc. En outre, les écoutants du 3919 ne recommandent pas à une femme qui habite encore sous le même toit que son mari de porter plainte car les conséquences peuvent être dramatiques.
Un quart du financement des centres d'accueil et d'accompagnement des auteurs de violences conjugales devrait être pris en charge par les collectivités. Plusieurs collectivités pourront participer conjointement, ainsi que d'autres partenaires, comme c'est le cas à Arras. L'État mettra énormément de fonds.
Madame Chapelier, vous avez raison, en matière de diplomatie féministe, la France joue un rôle très important à l'ONU. J'ai d'ailleurs présidé un conseil de sécurité Femmes, Paix et Sécurité de l'ONU. Nous prenons la résolution très au sérieux et nous travaillons sur le plan triennal, comme vous l'avez indiqué.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées. Vous pouvez compter sur l'appui de la délégation. Mes chers collègues, nous nous retrouvons demain mercredi à seize heures en salle de la commission de la défense, pour une table ronde internationale.
La réunion s'achève à 18 heures 55.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Valérie Boyer, Mme Céline Calvez, Mme Annie Chapelier, Mme Bérangère Couillard, Mme Laurence Gayte, M. Gaël Le Bohec, Mme Nicole Le Peih, Mme Geneviève Levy, Mme Isabelle Rauch, Mme Marie-Pierre Rixain, Mme Laurence Trastour-Isnart
Excusés. - Mme Sophie Auconie, M. Philippe Dunoyer, Mme Sonia Krimi, Mme Cécile Muschotti
Assistaient également à la réunion. - Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Moetai Brotherson, M. Dino Cinieri, Mme Frédérique Meunier